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Un ouvrage collectif s’interroge sur les normes morales qui guident l’intervention sociale contemporaine, en se basant sur des recherches sociologiques menées dans différents domaines et contextes nationaux.
(REISO) Jean-Pierre Tabin, l’ouvrage que vous avez contribué à diriger porte sur « la nouvelle morale de l’intervention sociale ». Sur quoi se base cette « nouvelle morale » ?
(Jean-Pierre Tabin) À l’origine, la politique sociale reposait sur la charité et la compassion. Elle s’appuie aujourd’hui sur de nouvelles normes morales qui se réfèrent parfois au bien commun, parfois à la justice sociale, ou encore à la réduction des inégalités, à la dignité, etc. À partir de ce constat, la question que nous nous posons dans ce livre est de savoir comment ces nouvelles normes morales sont appropriées ou réinterprétées par le personnel du travail social et de l’intervention sociale.
Au terme des recherches contenues dans ce recueil, quels sont les nouveaux défis auxquels l’intervention sociale doit faire face ?
Les analyses proposées dans les quatorze chapitres de ce livre montrent que les personnes en charge de l’intervention sociale ne sont pas toujours en accord avec les normes morales imposées, ni entre elles, ni sur le plan de la légalité, ni avec les institutions pour lesquelles elles travaillent. Les chapitres documentent plusieurs défis : l’impossibilité d’effectuer un travail en adéquation avec les normes morales de l’institution qui les mandate, l’existence de normes contradictoires, ou de normes en opposition avec les valeurs du travail social, etc.
Les politiques sociales à éviter sont celles qui remettent en question le sens du travail effectué, obligent à des bricolages individuels ou collectifs.
Les textes compilés dans ce livre sont issus de recherches menées dans des contextes nationaux très diversifiés. S’il fallait retenir les points forts de l’une ou l’autre politique pour créer une « politique sociale idéale », quels éléments prendriez-vous où ?
Les contextes sont variés, puisque les recherches non seulement se déroulent dans des contextes nationaux différents (France, Suisse, Canada, Maroc), mais encore dans des domaines très différents de l’intervention sociale (vieillesse, enfance, sans-abrisme, services scolaires, chômage, etc.). Les politiques sociales à éviter sont celles qui remettent en question le sens du travail effectué, obligent à des bricolages individuels ou collectifs, parfois en marge de la légalité, et conduisent à l’épuisement professionnel faute de pouvoir penser l’action de manière cohérente.
Vous concluez la présentation de cet ouvrage par l’affirmation : « ce livre invite à ne pas conclure trop vite sur l’émergence d’une nouvelle morale de l’intervention sociale, mais à prendre en compte les tensions normatives et les dilemmes pratiques qu’elle rencontre aujourd’hui. » Quels sont les éléments à lever pour qu’émerge cette nouvelle morale de l’intervention sociale ?
Il paraît plus précis de s’interroger sur les normes morales en tension et leurs métamorphoses, ainsi que sur les rapports de domination qui font que certaines s’imposent au détriment d’autres. Lorsque ces normes entrent en contradiction avec la pratique, il y a des tensions. La non-prise en compte des normes morales des publics concernés est un autre problème qu’il faudrait reconnaître, car c’est une dépossession de la capacité individuelle à décider quel est son propre intérêt.
(Propos recueillis par Céline Rochat)
« La nouvelle morale de l’intervention sociale et ses apories ». Maryse Bresson, Yvette Molina, Jean-Pierre Tabin (dir). L’Harmattan, 2024, 252 pages
Créé en France par plusieurs associations engagées dans la prévention et les addictions, un guide vise à compléter la «boîte à outils» des professionnel·les qui travaillent avec des personnes âgées consommant de l’alcool.
Démystifier les préjugés sur la consommation d'alcool et informer sur les réactions à éviter ; Repérer les risques prioritaires ; Adopter les bons réflexes pour sécuriser une situation ; Identifier les ressources et les dispositifs en addictologie sur lesquels s'appuyer : ces quatre objectifs sont ceux visés par la publication du manuel « Intervention auprès des personnes âgées consommatrices d'alcool dans une perspective de Réduction Des Risques (RDR) ». Si le quatrième but ne s’avère que peu utile au lectorat suisse (les ressources figurant dans le guide sont logiquement situées en France), le reste du contenu représente des informations pertinentes également pour les professionnel·les suisses romand·es.
Non voué à se « substituer » aux spécialistes en addictologie, ce document vise à permettre aux professionnel·les qui interagissent quotidiennement avec les personnes âgées et/ou leurs proches aidant·es de se familiariser avec les outils suggérés, dans le cadre d'une approche de réduction des risques liés à l'alcool et d'amélioration de la qualité de vie des personnes âgées.
Créé en collaboration entre diverses associations actives dans le domaine de la vieillesse et de la prévention, ce manuel se base sur les nouvelles recommandations de la Haute autorité santé « Prévention des addictions et Réduction des Risques et des Dommages (RdRD) dans les ESSMS », publiées en novembre 2022.
En complément au manuel, une « fiche repère pour l'intervention auprès des personnes consommatrices d'alcool dans une logique de réduction des risques » est également disponible, offrant une sensibilisation à l'approche générale de réduction des risques liés à l'absorption excessive de boissons alcoolisées.
(CROC)
Voir le manuel « Intervention auprès des personnes âgées consommatrices d'alcool dans une perspective de Réduction Des Risques (RDR) ». France, 2023,19 pages
Voir la fiche repère pour l'intervention auprès des personnes consommatrices d'alcool dans une logique de réduction des risques
Dans un rapport paru aujourd'hui, Unisanté met en évidence une vision fragmentée de la santé dans le système de gouvernance actuelle. Forte de ces conclusions, l'ASSM plaide pour l'élaboration d'une loi fédérale sur la santé.
L’Académie suisse des sciences médicales (ASSM), qui a élaboré plusieurs prises de position en faveur d’un système de santé suisse plus durable, a mandaté Unisanté pour conduire des travaux d’analyse de la gouvernance du système de santé suisse, évaluer la pertinence d’une loi fédérale sur la santé et faire des propositions de contenu. Unisanté s’est appuyé sur un modèle d’analyse de la performance des systèmes de santé proposé par l’Observatoire européen des systèmes et politiques de santé, ainsi que sur un avis de droit de l’Institut de droit de la santé de l’Université de Neuchâtel. Un soutien complémentaire de la Fondation Leenaards a permis de réaliser deux ateliers de travail, dans le but d’enrichir le contenu du mandat par des interactions avec des scientifiques et des acteurs du système de santé de toute la Suisse.
Globalement performant, le système de santé helvétique fait face à de nombreux défis. Des actions concrètes sont déjà nécessaires et deviendront de plus en plus urgentes dans les années à venir pour répondre à ces challenges : citons le vieillissement démographique, la digitalisation, la pénurie de professionnel·les, la garantie de l’accès aux soins, la maîtrise des coûts ou encore les enjeux de durabilité.
Les travaux montrent que la gouvernance actuelle du système de santé suisse dilue les responsabilités auprès de nombreux acteurs. Elle n’offre pas le cadre nécessaire pour garantir que les parties prenantes s’accordent sur des objectifs communs répondant aux besoins en santé de la population et œuvrent à leur réalisation. Le pilotage du système de santé est ainsi de plus en plus questionné, laissant la place à un sentiment de perte de maîtrise et d’un système devenu difficilement gouvernable.
Autres constats, la Constitution fédérale aborde la santé de manière fragmentée et le plus souvent sous l’angle des soins et de la maladie. Témoin des évolutions sociétales et de l’évolution de la médecine, elle a été enrichie au fil du temps par de nouveaux articles, parfois issus d’initiatives populaires. Ce morcellement se traduit actuellement dans un cadre légal en silos thématiques, qui ne permet pas d’appréhender globalement les grands enjeux de santé à venir. Notre système de santé continue d’être principalement régulé par une loi fédérale sur l’assurance-maladie, aucun autre texte légal ne permettant d’ancrer une vision plus large de la santé. Les conséquences directes sont un manque de considération des enjeux majeurs de promotion de la santé et de prévention, et un système qui investit en majorité dans la maladie.
Si la santé est constitutionnellement de compétence cantonale, l’analyse montre en réalité un important enchevêtrement des attributions fédérales et cantonales. La question de la bonne articulation des compétences entre les différents niveaux décisionnels se pose et l’organisation actuelle ne permet pas de nommer clairement les responsabilités de pilotage. Les travaux dévoilent d’autres limites, notamment des mécanismes de participation à la gouvernance déséquilibrés : certains groupes d’intérêts disposent de beaucoup plus de pouvoir que d’autres et des associations de patient·es ou de consommateur·trices ne pèsent qu’un faible poids. Enfin, le rapport pointe l’insuffisance du système d’information qui ne permet pas suffisamment de produire des données utiles à la prise de décisions éclairées.
Dans le contexte actuel, le pilotage du système de santé parait bloqué et dans l’incapacité d’entamer les travaux de fond nécessaires à son adaptation. La gouvernance devrait être revue afin de la rendre plus cohérente et permettre la mise en œuvre d’un système de santé plus durable, capable de répondre aux besoins croissants de santé de la population. La santé devrait être appréhendée de manière globale, en considérant tant la promotion de la santé et la prévention, que les soins.
Selon les résultats du rapport, la proposition faite par l’ASSM, à savoir l’élaboration d’une loi fédérale sur la santé, prend tout son sens et offrirait un cadre adéquat pour établir les futures politiques de santé. Pour être mise en œuvre, l’option d’une modification de la Constitution fédérale parait la plus pertinente. Désormais, l’étude réalisée offre un cadre de réflexion précis sur la gouvernance du système de santé suisse, avec l’espoir de susciter une réflexion politique dans le cadre des réformes de fond indispensables à mener.
(Source : communiqué de presse)
Lire le rapport «Analyse de la gouvernance du système de santé suisse et proposition d’une loi fédérale sur la santé »
En comparaison internationale, la durée de l’allaitement est courte en Suisse. Quelles conditions le favorisent et quels sont ses bienfaits pour le nourrisson, la mère, ainsi que l’ensemble de la société ? Un rapport fédéral fait le point.
Nombre de mères et de spécialistes en médecine sont conscient·es des bienfaits de l’allaitement sur différents plans. Dans la réalité quotidienne toutefois, il n’est pas rare que l’allaitement ne soit pas possible ou (trop) rapidement plus possible pour des raisons extérieures au noyau familial. C’est le cas notamment si une mère qui a repris une activité rémunérée n’est pas soutenue par son employeur ou s’il n’est financièrement pas supportable de consacrer de nombreuses heures à l’allaitement maternel au détriment d’une autre activité.
Convaincues que les avantages de l’allaitement dépassent le seul cadre de la famille, les autrices du policy brief récemment paru, L’allaitement concerne toute la société, formulent plusieurs recommandations. Sonja Merten, membre de la Commission fédérale pour les questions familiales (COFF), et Jordyn Wallenborn, toutes deux de l’Institut tropical et de santé publique suisse, préconisent de faciliter l’allaitement au travail et dans les lieux publics, ainsi que le développement d’une stratégie de communication nationale pour informer les parents, les employeurs et la société en matière d’allaitement maternel et en améliorer l’acceptation. Dans l’objectif de disposer de données exhaustives, elles invitent également à collecter des données auprès de la population au moins tous les cinq ans.
Afin qu’il soit possible de suivre les recommandations en faveur de l’allaitement exclusif, elles invitent à introduire un congé parental de plusieurs mois avec prolongation du congé de maternité.
La COFF est une commission indépendante consultative qui s’engage pour des conditions favorables aux familles. En tant que commission spécialisée, elle fournit aux autorités politiques et administratives des connaissances spécifiques sur la politique familiale. Elle publie régulièrement des policy briefs sur des sujets d’actualité importants pour la vie des familles.
(Source : communiqué de presse)
Portée par des associations engagées pour l’enfance, Kidimo est une application ludique conçue en collaboration avec les principaux et principales concernées. Un outil utile pour mieux les sensibiliser à des thèmes parfois complexes.
Les enfants connaissent-ils et elles la Convention internationale des droits de l’enfant, ratifiée en 1989 à New York, ainsi que les lois qui les protègent ? Pour donner accès aux plus jeunes au contenu de ces textes qui les concernent, une soixantaine de chercheur·euses et des représentant·es de différentes associations suisses [1] ont élaboré l’application Kidimo.
Ce jeu interactif, codéveloppé avec la participation de 170 enfants âgés de 7 à 13 ans durant un projet de trente mois, passe en revue trois mondes graphiquement différents : celui de la protection, celui de l’encouragement et celui de la participation. Dans chacun de ces univers, le·la joueur·euse crée un avatar personnalisé et résout des quiz, répond à des questions, ou cherche des situations qui vont à l’encontre de ses droits, entre autres. Il ou elle gagne ainsi des points et progresse dans le monde choisit.
Par exemple, un questionnaire à choix multiples demande quels sont les droits fondamentaux des mineur·es. « Avoir le dernier iphone ou ne pas être exclu·e » ? « Manger des kebabs tous les jours ou dormir dans un lit » ? L’ensemble des phases du jeu est disponible en français, en italien et en allemand.
Certaines étapes proposées par l’application sont assez simples, mais d’autres nécessitent une réflexion, voire une discussion avec un adulte pour approfondir le sujet.
Kidimo est aussi prévu pour les écoles et pour les professionnel·les de l’enfance. L’équipe de projet interdisciplinaire a en effet publié en complément des indications sur la manière dont l’application peut être utilisée dans le contexte scolaire, dans le travail en milieu ouvert avec les enfants ou par les professionnel·les de la protection de l’enfance. Par ailleurs, un guide pratique destiné à aider d’autres organisation à imaginer des offres pour et avec les enfants a été conçu.
(Yseult Théraulaz)
Voir le matériel d’accompagnement
[1] Kidimo a été initié par la Haute école spécialisée de Suisse orientale, par la Haute école pédagogique de Lucerne, par UNICEF Suisse et Liechtenstein. De nombreux·ses partenaires y ont contribué, parmi lesquel·les Pro Juventute, l’Office de l’Ombudsman des droits de l’enfant Suisse, Terre des Hommes Suisse, Integras, éducation21, PACH Pflege- und Adoptivkinder Schweiz, Procap et Pro Infirmis.
Les aléas liés au cycle menstruel restent peu pris en considération dans les milieux professionnels. Trois questions à Aline Boeuf, autrice et doctorante à l’Institut de recherches sociologiques de l’Université de Genève.
[1]. Vous êtes donc partie du principe que de nos jours, ce thème est encore peu ou pas abordé en public ?
(REISO) Aline Bœuf, votre livre s’intitule « Briser le tabou des règles »(Aline Boeuf) Lorsque j’ai commencé mes recherches, en 2019, j’avais en effet cet a priori, du moins en ce qui concerne le monde du travail. Mon livre s’intéresse aux menstruations comme un fait social et à la façon dont il est perçu dans le milieu professionnel. J’ai alors constaté que l’on peut parler des règles au travail soit sous forme de blague entre collègues, soit avec son ou sa responsable si la femme connaît un problème de santé lié à cette période du mois. En revanche, les menstruations ne sont jamais abordées comme un fait qui doit être pris en considération par les dirigeant·es et pour lequel des mesures devraient être mises en place.
Des mesures comme le congé menstruel que l’Espagne a adopté en 2023, ou, plus récemment, les villes de Fribourg et d’Yverdon-les-Bains ?
Pas uniquement. Le congé menstruel ne devrait être qu’une solution parmi d’autres. Avant même de penser au monde professionnel, il faudrait améliorer l’éducation dans les écoles et dans les milieux de la formation. Ensuite, il est important également d’effectuer des démarches de sensibilisation auprès des entreprises et de la société. Lorsqu’un directeur ne sait pas ce qu’est l’endométriose et ses conséquences sur la santé d’une employée touchée, comment peut-il comprendre ses difficultés et mettre en place des mesures adaptées ? La répartition des informations sur le cycle menstruel est encore trop genrée. Les hommes devraient aussi être informés et ainsi mieux comprendre ce que vivent les femmes autour d’eux.
En proposant des congés spéciaux ou des assouplissements aux employées dont les règles sont particulièrement handicapantes, existe-t-il un risque supplémentaire de stigmatisation des femmes actives ?
Les effets négatifs pour le corps et l’esprit des variations hormonales auxquelles les femmes sont sujettes, et donc également la période des règles, sont clairement influencés par l’environnement. En permettant à celles qui en ont besoin de réduire leur stress, de leur allouer des moments de repos, voire une salle pour pouvoir s’allonger un moment, les entreprises auraient des employées en meilleure santé. D’un point de vue strictement économique, cela augmenterait leur productivité.
(Propos recueillis par Yseult Théraulaz)
Six pistes d'actions pour faire évoluer les mentalités
Issu d’une enquête menée durant trois ans, Briser le tabou des règles explore de manière étendue la question des menstruations, que chaque femme « connaît en moyenne pendant plus de six années, en temps cumulé », comme le rappellent Zoé Marsaly et Gisou van der Goot dans la préface de l’ouvrage.
Explorant les règles comme un « fait social », puis s’interrogeant plus particulièrement sur la relation entre règles et monde professionnel, Aline Bœuf enrichit son analyse de nombreux témoignages. Avant de plonger dans le chapitre « Vivre ses règles au travail », l’autrice lit le « corps féminin » à travers le prisme des menstruations, puis consacre quelques pages aux premières années du cycle menstruel, de l’avant des ménarches au vécu d’une adolescence rythmée par l’écoulement mensuel de sang.
La question du congé menstruel est notamment discutée dans le chapitre sur les règles dans le milieu professionnel, puis réabordée dans une optique de déconstruction d’un tabou. Dans ses entretiens, Aline Bœuf a interrogé ses témoins sur les remarques ou « blagues » sexistes qu’elles auraient pu rencontrer, à l’image de la fameuse et tristement sexiste question « Qu’est-ce que t’as ? t’as tes règles ? ». Et à ce sujet, l’autrice indique que, de manière générale, les menstruations, douleurs et syndromes prémenstruels « ne sont plus la cible de moqueries, mais des événements pouvant être vécus, si ce n’est sans, en tout cas avec moins d’appréhension. Les remarques ou blagues sexistes ont donc tendance à se faire plus rare dans l’espace professionnel » (p. 112). Cependant, dans les paragraphes intitulés « Un tabou qui persiste », la doctorante relève que : « Il est encore admis aujourd’hui que les menstruations ne devraient pas être évoquées ouvertement, notamment avec des hommes. » (p.104)
L’autrice consacre un chapitre entier à cette nécessité de « Déconstruire le tabou », qui passe selon elle et comme elle le mentionne dans l’interview donnée à REISO, par une meilleure éducation à la santé sexuelle. Elle cite aussi la lutte contre la précarité menstruelle, la libération de la parole en ligne et dans les librairies, ainsi qu’une nécessaire posture bienveillante des professionnel·les de la santé aux mesures visant à ouvrir les esprits. Elle insiste encore sur le fait que casser ce tabou passe également par une autre implication des hommes, qui doivent être inclus dans les conversations portant sur les règles « et plus largement sur la santé sexuelle et la contraception. (...) Ces représentations (notamment dans les films et les séries où les hommes ne sont jamais impliqués dans ces sujets, ndlr) ont des effets néfastes : elles perpétuent l’idée qu’il est normal de considérer que la santé des femmes ne concerne pas les hommes et que ces derniers n’ont donc pas à s’impliquer dans ces questions » (p. 157) Et Aline Bœuf d’interpeler directement les hommes, pour les inviter à se questionner et s’informer sur les enjeux liés au cycle menstruel.
En conclusion du résultat de son enquête, la chercheuse énonce six actions à relever « pour briser le tabou des règles », dont le congé menstruel, qui « est bien plus qu’une mesure socialement et médicalement efficace. Il est également symbolique et politique (...) ». Des mesures qui, en réalité, portent sur de plus larges enjeux liés à la place des femmes, aujourd’hui, dans la société occidentale.
(Céline Rochat)
[1] « Briser le tabou des règles », Aline Bœuf, Lausanne, EPFL press, septembre 2023, 192 pages
Mieux préparer la sortie des personnes détenues, accentuer la lutte contre la récidive: développée de manière participative, la stratégie vaudoise réinsertion 2030 mise sur de nouvelles prestations d’accompagnement et de formation.
Le Canton de Vaud renforce son action dans le domaine de la réinsertion des personnes détenues, un pilier essentiel de la politique pénitentiaire. Ainsi, la nouvelle stratégie 2030 vise à la fois le maintien du lien vers l’extérieur durant la détention et une meilleure préparation à la sortie. Cette politique de réinsertion en milieu carcéral se développe sur trois volets : le développement des outils et des prestations d’accompagnement et de formation, la création d’infrastructures pénitentiaires pensées pour la réinsertion, ainsi que le renforcement de la coordination interne.
Convaincu qu’une réinsertion qui porte ses fruits doit être ancrée dans les réalités du terrain, le Service pénitentiaire (SPEN) a impliqué à la fois les collaborateurs·trices et les personnes détenues dans l’évaluation des besoins. Une vaste enquête a ainsi confirmé la nécessité de renforcer cet axe essentiel de la politique carcérale afin que chaque individu en détention puisse (re)trouver une place dans la société.
Il est ainsi prévu de travailler sur les compétences sociales — notamment via des cours de gestion des émotions et de communication non-violente, ainsi que l’organisation de groupes de parole —, le travail sur le délit, la formation et la préparation à la sortie. Le Canton continue par ailleurs de développer la justice restaurative en partenariat avec le Swiss RJ Forum et l’Association pour la justice restaurative en Suisse (AJURES).
Parmi les principales nouveautés mises en place, le « Programme individuel » doit accompagner la personne détenue tout au long de son parcours carcéral. Il est ainsi visé d’offrir une meilleure continuité entre les établissements, et ce dès les premiers jours, que ce soit en exécution de peine ou en détention avant jugement.
En parallèle, le SPEN développe ses ateliers de production autour d’activités utiles et formatrices, à l’image de la fabrication des plaques d’immatriculation vaudoises, lancé à la fin de l’année 2023 et opérationnel dès le 1er mars prochain. De nouveaux cours sur les compétences transversales ainsi que des formations visant à réduire la fracture numérique sont également déployés depuis l’automne 2023.
La stratégie réinsertion s’appuie également sur des infrastructures pensées pour la formation, la socialisation et le maintien du lien avec l’extérieur. La stratégie réinsertion 2030 prévoit des adaptations de l’existant, comme la future cellule numérique qui a pour objectif d’autonomiser la personne détenue dans ses démarches, maintenir les contacts avec l’extérieur et permettre la formation à distance. Les futures constructions dotées d’espaces dédiés à la réinsertion, comme c’est le cas des projets de la Nouvelle Colonie et de la prison des Grands-Marais, s’inscrivent également dans cette stratégie prioritaire du Conseil d’État, inscrite au programme de législature 2022-2027.
Dans le souci de mettre en œuvre cette politique de manière harmonisée et sur l’ensemble des établissements, le SPEN a renforcé la coordination dans ce domaine avec la création de postes dédiés dans chaque établissement pénitentiaire et, en novembre 2023, la nomination d’une cheffe de service adjointe chargée de la réinsertion.
(Source : communiqué de presse)
Voir la brochure « Favoriser une existence sans délinquance ; Comment améliorer la réinsertion des personnes en détention ? », SPEN, novembre 2023, 4 pages
Un podcast proposé par la RTS s’intéresse aux séquelles psychiques qui affectent celles et ceux qui œuvrent, à l'international, auprès de populations précarisées.
Être exposé·e à la souffrance d’autres personnes (voire subir soi-même un traumatisme), être privé·e de voir sa famille pendant de longues semaines, et travailler dans des conditions sécuritaires tendues font malheureusement souvent partie de la vie des travailleur·euses humanitaires, dont la santé mentale se trouve fragilisée par tous ces éléments. Un des épisodes du podcast Dingue de la RTS s’intéresse à ces fonctions si éprouvantes.
Séb*, un Genevois parti plusieurs fois en mission sur le terrain, livre son expérience. Il évoque un traumatisme qui l’a poursuivi pendant plus de dix-huit ans, après avoir été témoin forcé d’un viol. Il reconnaît n’être pas parvenu à surmonter cette épreuve qui lui a inculqué un fort sentiment de culpabilité, n’ayant pas pu empêcher les abus, ni porter secours aux jeunes victimes. Après ce traumatisme, ce père de famille a pris énormément de poids. Il s’est muré chez lui, en proie à des angoisses à répétition, jusqu’à ce qu’il parvienne à demander de l’aide auprès d’un spécialiste.
Pierre Bastin, psychiatre à Genève et ancien consultant à l’OMS et au CICR, explique que les travailleur·euses humanitaires « ont une santé mentale moins bonne ». Ces personnes sont particulièrement sujets aux dépressions, à l’anxiété, et au stress. Ils et elles peuvent plus facilement adopter des conduites à risque, abuser de substances ou développer un trouble du comportement alimentaire, comme ce fut le cas pour Séb. Leur prise en charge est cependant semblable à celle des non-humanitaires.
Pour les personnes travaillant sur le terrain, un stress post-traumatique existant peut être traité avec des thérapies adaptées, comme l’hypnose, l’EMDR (une technique qui s’appuie sur le mouvement des yeux) ou encore la thérapie de reconsolidation. Cette dernière approche, qui a été très efficace pour Séb, s’appuie sur le souvenir du traumatisme et vise à dissocier les symptômes physiques des réminiscences stressantes.
Cet épisode de Dingue explique en détail la renaissance de l’ancien travailleur humanitaire. Un épisode intéressant et qui redonne de l’espoir aux personnes confrontées à des troubles mentaux liés aux traumatismes et à leur entourage.
(Yseult Théraulaz)
Un podcast dédié à la santé mentale
Dingue est un podcast de la RTS dédié à la santé mentale. A travers ses entretiens avec des personnes atteintes de troubles mentaux et des spécialistes, le journaliste Adrien Zerbini fait entendre des récits de vies singulières et aide à mieux comprendre les vulnérabilités mentales. Dans les derniers épisodes publiés, le TDAH, la thérapie cognitivo-comportementale ou encore la rechute dépressive ont été abordées.
Ecouter l'épisode « Humanitaire, un métier de dingue » (35 minutes)
L’UNICEF publie un mode d’emploi pour aborder la question des conflits armés avec les plus jeunes. Des outils utiles pour ne pas éluder la question, tout en évitant de leur faire peur.
Les enfants posent des questions sur tout. Si certaines de leurs interrogations font sourire, comme de savoir pourquoi les chiens ne parlent pas, d’autres traduisent une réelle inquiétude, à l’image de toutes les questions en lien avec la guerre. Et à l’heure où des bombes explosent aux quatre coins du monde, l’actualité est propice à ce que les plus jeunes soient confronté·es, volontairement ou pas, à des informations sur les conflits en cours. Afin de donner des clés pour répondre aux questions liées à cette thématique, l’UNICEF publie une brochure gratuite explicative très concrète et succincte.
Destiné aux parents et à toutes celles et ceux qui sont en relation avec des enfants, cette fiche d’informations « Parler de la guerre » fournit neuf conseils faciles à suivre. Parmi ceux-ci figurent les recommandations de ne pas anticiper les éventuelles peurs. L’organisation encourage les adultes à commencer par se renseigner sur ce que l’enfant sait déjà, et ce qu’il ou elle a réellement envie de comprendre ou de savoir. Chaque petit·e étant différent·e, il est inutile de trop en dire s’il·elle n’en ressent pas le besoin.
L’UNICEF conseille également de prendre au sérieux les sentiments de l’enfant. Même si le conflit se déroule loin de son domicile, la jeune personne peut se sentir réellement menacée. L’adulte se doit de l’écouter et de lui expliquer la situation en choisissant des propos qui diffèrent d’un âge à un autre.
La brochure met par ailleurs en garde contre l’énonciation de généralités, qui pourraient pousser un adulte à choisir un camp et à un discriminer un autre. Selon l’organisation, l’enfant n’a que faire de ce type de jugement et il n’apporte rien au débat. Dans cette même perspective, elle déconseille aussi de mettre aussi en avant ce que la guerre a permis de positif, comme un élan d’entraide international, ou encore l’histoire épatante d’un sauvetage réussi, entre autres.
Intitulé « Faites attention à la manière dont vous terminez la discussion », le septième conseil précise qu’il importe de conclure en s’assurant que l’enfant est apaisé·e et en lui rappelant qu’il·elle peut rouvrir le dialogue si le besoin se fait ressentir.
(Yseult Théraulaz)
Voir la fiche d’information « Parler de la guerre », UNICEF Suisse et Liechtenstein, 2023, 6 pages
Pour la Journée mondiale de la trisomie, le 21 mars, PART21 et la HETSL publient une étude participative sur les besoins de soutien des personnes concernées et leurs proches en Romandie.