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Au mois de mai, le peuple suisse devra se prononcer sur la loi révisée sur la transplantation. Pour aider chacun·e à se forger une opinion, l’Académie suisse des sciences médicales propose une fiche factuelle sur cette question.
Le 15 mai 2022, le peuple sera amené à voter sur la révision de la loi sur la transplantation d’organes. En bref, en cas d'acceptation, il serait introduit le principe du consentement présumé au lieu du consentement explicite pour le don d’organes. Les personnes qui ne souhaitent pas faire don de leurs organes doivent le mentionner de leur vivant. Les proches conservent toutefois la possibilité de refuser le don d’organes, mais doivent respecter la volonté présumée de la personne décédée.
Au-delà du débat idéologique, l’Académie suisse des sciences médicales a rédigé une fiche explicative détaillée sur les questions tant médicales, que juridiques ou encore éthiques.
Qu’est-ce que la médecine de transplantation, quelles sont les exigences actuelles pour prélever les organes d’une personne décédée, qui peut recevoir un organe prélevé, que dit la Constitution, quels sont les besoins des proches, quelles sont les conséquences directes d’une révision de la loi : toutes ces questions et d’autres encore sont abordées dans le document de l’ASSM.
Au-delà d’aider à se forger une opinion sur sa volonté d’autoriser ou de refuser le don d’organes après son décès, cet outil à portée de tous et toutes revêt aussi l’avantage de lever un tabou sur une médecine souvent peu connue du public.
(ASSM/YT)
Trois questions à Corinne Le Bars, autrice de Réussir son burn-out ; Récits de résistantes, paru aux éditions érès.
[1], vous avez recueilli les témoignages de sept femmes, dont vous, qui ont traversé un burn-out. Comment vous êtes-vous rencontrées ?
(Reiso) Dans votre dernier livre(Corinne Le Bars) Nous participions au même groupe d’entraide, proposé par le service social de l’assurance-maladie aux personnes qui étaient en arrêt de travail pour burn-out. Nous avons chacune des parcours différents et pourtant beaucoup de choses en commun. Nous étions méticuleuses, bosseuses et n’étions pas à l’écoute de nous-mêmes. Lors d’un burn-out, le cerveau continue à vouloir travailler à tout prix, mais le corps lâche de façon assez violente. Il y a clairement un moment précis où tout bascule.
Comment cela s’est produit pour vous ?
Je travaillais dans le domaine de la formation pour adultes, puis l’institution qui m’employait m’avait demandé de diriger un service de recherche. Lors d’un processus de fusion de mon entreprise, le climat de travail s’est détérioré. Je me suis accrochée, mais un jour, alors que je conduisais ma voiture, j’ai eu le sentiment de traverser un trou noir à plusieurs reprises. J’ai failli avoir un accident de la route. J’avais les symptômes d’un AVC. J’ai été hospitalisée au service de neurologie de l’hôpital. L’IRM était normale. C’est là que j’ai compris que je faisais un burn-out.
Vous vous en êtes sortie, quels conseils donneriez-vous aux personnes qui traversent une telle épreuve ? Peut-on prévenir le burn-out ?
Pour m’en sortir, après ce point de rupture, j’y suis allée par étapes. J’aime beaucoup nager, mais j’étais incapable de me rendre à la piscine. Mon psychiatre m’a conseillé de mettre mon sac de natation dans mon coffre et de commencer par me rendre devant la piscine, puis d’essayer d’aller jusqu’à la porte, puis de rentrer dans le bâtiment… De fil en aiguille, j’ai pu recommencer à nager. Pour prévenir le burn-out, il faut impérativement écouter les signes avant-coureurs. Pour ma part, alors que je suis très méticuleuse, je me suis mise à perdre mes clefs ou ma carte d’identité. J’avais également de fortes douleurs à la mâchoire et beaucoup d’autres symptômes. Je conseille aux personnes qui commencent à se sentir épuisées de surtout ne pas se dire : « il suffit que je me donne un bon coup de pied aux fesses » ! Au contraire, il faut s’arrêter, relativiser. Depuis mon burn-out, j’ai appris à mettre le travail à sa juste place, à profiter davantage de la vie et à écouter les signaux que mon corps m’envoie. Parmi les femmes qui ont témoigné dans le livre, nous sommes plusieurs à penser que cette épreuve est un mal pour un bien.
(Propos recueillis par Yseult Théraulaz)
[1] « Réussir son burn-out », récits de résistantes, Ed. Eres, 2022, 192 pages
Dormir suffisamment est indispensable à l’apprentissage des petit·e·s. Des chercheur·euse·s français·e·s ont établi une brochure qui rappelle l’importance de dormir suffisamment.
Mieux dormir pour mieux apprendre, tel est l’intitulé de la brochure d’information réalisée par le Conseil scientifique de l’éducation nationale française. « Les travaux scientifiques en psychologie et neurosciences mettent en avant le rôle clé du sommeil, de l’activité physique ou encore des compétences psychosociales sur les performances cognitives et scolaires », peut-on lire dans l’introduction.
Un groupe de travail « Bien-être à l’école » s’est penché sur la question du manque de sommeil chez les élèves et des répercussions que cela engendre sur l’apprentissage. Il précise que le sommeil, de nuit ou pendant la sieste, ne doit pas être uniquement considéré comme un mécanisme de récupération de la fatigue. Son rôle est bien plus important. Dormir est essentiel pour un grand nombre de fonctions biologiques : maturation du cerveau, croissance, système immunitaire, capacités cognitives.
Une cohorte canadienne qui a suivi 2’120 enfants depuis la naissance a mis en évidence que « les enfants qui dormaient le moins à 2 ans et demi présentaient, à 6 ans, des capacités cognitives plus faibles que les bons dormeurs. Comparativement aux autres enfants, leurs performances étaient plus faibles dans les épreuves standardisées mesurant le niveau de vocabulaire et les performances non-verbales (...) », lit-on dans la brochure.
Cette dernière passe en revue les différents troubles qu’un manque de sommeil peut entraîner chez les enfants, mais elle fournit surtout des recommandations à l’encontre du personnel éducatif. Elle suggère que la sieste soit maintenue pour les plus jeunes (en France, les petit·e·s commencent l’école à 3 ans) et que l’horaire de début des cours soit retardé pour les adolescent·e·s. Elle explique également que le sommeil devrait être mentionné et valorisé dans les programmes scolaires, au même titre que l’activité physique ou l’alimentation.
Malheureusement, 30% des enfants et 70% des adolescent·e·s ne dorment pas suffisamment. Raison pour laquelle, le sommeil doit être un thème abordé à l’école afin de lui redonner l’importance qui est la sienne.
(Yseult Théraulaz)
Les institutions d’accueil de jour des enfants du canton de Vaud vont recevoir un guide créé pour les encourager à lutter contre ces substances. Celles-ci représentent un danger pour la santé humaine.
Ils sont partout, dans les vêtements, les meubles, les emballages, les jouets, ou encore les produits d’hygiène ou de nettoyage. Les perturbateurs endocriniens sont des substances, naturelles ou synthétiques, susceptibles d’avoir un impact sur notre santé en agissant dans le sens d’un dérèglement des systèmes hormonaux, avec des impacts potentiels sur différents fonctions et systèmes, tels que la circulation sanguine, les systèmes nerveux, respiratoire et reproducteur, la croissance, le comportement ainsi que le sommeil. Ils peuvent représenter un danger, en particulier pour les enfants.
Même s’il est difficile d’échapper aux perturbateurs endocriniens, omniprésents dans les objets du quotidien, il est possible d’agir à différents niveaux en vue de diminuer notre exposition à ces substances. L’État de Vaud et la Ville de Lausanne ont ainsi uni leurs efforts pour concevoir un guide à l’échelon cantonal, sur la base du projet mené par la Ville de Lausanne en 2019. Cette documentation sera transmise à l’ensemble des institutions d’accueil de jour des enfants du canton. L’objectif est de les encourager à mettre en pratique, sur une base volontaire, des conseils concrets, en tenant compte des réalités des différents lieux d’accueil.
L’ouvrage contient des informations sur ces substances, ce qu’elles sont, où elles se trouvent, et les enjeux de santé associés. Il propose des astuces pratiques pour limiter l’exposition des enfants, allant de la simple aération des pièces à la réduction des plastiques, avec des orientations ciblées pour faire les bons choix lors d’achats de fourniture, qu’il s’agisse de jouets, de produits d’entretien et d’hygiène, de matelas, ou de contenants alimentaires.
Le guide présente également des bonnes pratiques ciblées par espaces de vie des lieux d’accueil de jour (cuisine, salle de jeux, salle de repos, lieux d’hygiène, extérieur) et comprend une partie finale qui permet à toutes les personnes intéressées de se renseigner sur la façon de réduire l’exposition aux perturbateurs endocriniens également à domicile. Le guide s’accompagne d’affiches récapitulant les principales astuces à appliquer en présence des enfants, que les lieux d’accueil pourront afficher dans les espaces de vie.
Ce projet contribue ainsi à la qualité de l’accueil voulue par la loi vaudoise sur l’accueil de jour des enfants. La mise en œuvre des conseils de ce guide ne constitue toutefois pas un critère du régime d’autorisation et de surveillance des institutions, qui continue à se fonder sur le cadre légal connu.
(Source : communiqué de presse)
Dans Le sexe de la santé, Alyson McGregor invite les soignant·e·s à reconsidérer en partie leurs acquis et les patientes à changer leur rapport à leur santé et aux professionnel·le·s de soin. Une lecture passionnante et indispensable.
Par Jean Martin
Informer et « capaciter » (empowerment) les femmes en matière de santé : voilà l’un des objectifs de l’ouvrage Le sexe de la santé. Son autrice, Alyson McGregor, pionnière de la santé féminine aux Etats-Unis, ambitionne de rendre les femmes plus actives et plus partenaires dans leurs rapports avec les médecins et autres soignant·e·s.
La cofondatrice et directrice de la Division du sexe et du genre en médecine d’urgence commence par questionner : « Le modèle androcentré est tellement ancré dans nos systèmes de santé et notre conception de la médecine que nous n’avons souvent même pas consciences de son existence » (p. 10). Elle rappelle ensuite que : « Les maladies des femmes ne sont pas étudiées comme celles des hommes » (p. 65). Si l'ouvrage s'adresse directement aux femmes, il se fait également outil de réflexion pour les soignant·e·s, les invitant à reconsidérer des acquis basés uniquement sur des connaissances androcentrées.
L’ouvrage précise qu’au cours des années récentes, les données se sont accumulées pour démontrer que les femmes sont moins bien écoutées par les thérapeutes et reçoivent en moyenne des soins de pertinence moins bonne que les hommes. La cause ? De multiples stéréotypes. Un exemple ? « Nos protocoles ignorent la façon dont les cardiopathies se présentent chez les femmes » (p. 21). Est discuté aussi le fait que les femmes sont rarement impliquées dans l'évaluation des médicaments (pour des raisons bien-pensantes mais sont-elles bonnes ?). Le sous-titre du présent ouvrage ne cache d’ailleurs pas son drapeau : « Notre médecine centrée sur les hommes met en danger la santé des femmes ».
Quand j'ai évoqué devant mes directeurs de recherche mon désir d'explorer des domaines touchant à la santé féminine, ils m'ont tout de suite répondu: « Ah, vous voulez faire de la gynécologie-obstétrique. Non, ai-je répliqué. Je veux étudier la santé des femmes de manière holistique. M'intéresser à leur santé globale, en somme. »
Loin d’un ouvrage purement théorique, McGregor propose un constant dialogue virtuel avec ses lectrices et lecteurs, basé sur son expérience de terrain. Tout en soignant, enseignant et menant ses recherches, cette urgentiste à la Brown University (Rhode Island) a été conduite à se pencher particulièrement sur les inadéquations, voire erreurs, dans les réponses que le système de santé donne aux situations pathologiques des femmes.
Que ce soit en urgence ou sur un mode chronique, en milieu hospitalier ou ambulatoire, on trouve dans chaque section du livre la description de cas précis de patientes rencontrées. On le sait bien, la communication se situe au centre de la relation soigné-soignant. Ainsi, dit l’autrice, « dans mon travail, le plus difficile — et le plus gratifiant — n'est pas de faire des recherches sur les différences de sexe, c'est d'avoir des conversations fructueuses avec mes patientes et leurs proches » (p. 189).
L’ouvrage se divise en trois grandes parties. McGregor propose d'abord un tableau d'ensemble de la médecine « masculine » prédominante, comment elle fonctionne en pratique et comment elle méconnaît les différences physiologiques des femmes.
La deuxième partie examine ensuite les particularités et différences dans six grands domaines : les affections cardio-vasculaires, la prise et les effets des médicaments, ce que les soignants pensent, souvent sans raison adéquate, de la psychologie voire de l'intuition féminine (« l’anxiété devrait être le diagnostic d’exclusion, et non le diagnostic par défaut »), la douleur, les aspects hormonaux, et enfin les dimensions culturelles et identitaires, y compris raciales. Le « syndrome de Yentl » (pp. 136-141), nom donné par la cardiologue Bernardine Healy aux biais entraînant des inégalités de prise en charge, de traitement et de suivi entre les hommes et les femmes, y est abordé.
Dans la troisième section, l'autrice formule des recommandations aux patientes (« il existe des ressources dans lesquelles vous pouvez puiser pour prendre en main votre santé »). Elle propose aux femmes une série de questions en vue « d'obtenir des soignants les réponses dont vous avez besoin ».
Cet ouvrage bénéficie d'une préface de l'historienne française Muriel Salle, qui présente l'évolution dans laquelle se place le travail de McGregor. Elle rappelle le mouvement féministe étatsunien des années 1960, avec le grand précurseur qu'est « Our Bodies Ourselves », issu du Boston Women's Health Collective (1970, traduit en français en 1977). Et Muriel Salle ne manque pas de relever que, comme toujours, les facteurs influençant une situation donnée sont multiples et qu'il s’agit donc de se garder de tout ramener à une seule cause : « Il convient d'être attentif aux différences, pas seulement à celles entre les sexes, et ne pas les imputer de manière systématique à la biologie et au sexe. (Il faut) s’interroger sur leurs origines et leurs conséquences et penser leur dimension culturelle et construite ». Judicieux.
Les différences objectives, entre les sexes, des problèmes de santé et des soins reçus n'ont pas du tout retenu suffisamment l'attention pendant longtemps. Il importe de faire plus et mieux, notamment dans le contexte large des abus et violences faites aux femmes, grand sujet sociétal et civilisationnel au début du XXIe siècle.
Pro Enfance publie un fascicule qui réunit des témoignages et des pistes d’action pour améliorer un secteur d’activité aussi délicat d’indispensable.
Dans sa publication « Préoccupations des acteurs de l’accueil de l’enfance: témoignages, besoins et pistes d'action », la plateforme romande pour l’accueil de l’enfance Pro Enfance cherche à rendre davantage visibles les problèmes auxquels sont confronté·e·s celles et ceux qui travaillent dans ce secteur d’activité.
Le fascicule relate les disparités cantonales, parfois communales, qui existent dans ce domaine. Ces grandes différences, tant sur le plan de la formation des personnes en charge de s’occuper des enfants, que sur les subventions allouées pour la garde ou encore des places d’accueil disponibles, freinent le développement du secteur et empêchent les instances publiques d’avoir une vision globale des besoins.
La publication aborde également les enjeux de la valorisation des métiers de l’accueil de l’enfance et insiste sur la nécessité d’avoir une politique nationale en la matière afin d’offrir des prestations garantissant un accueil de qualité et l’égalité des chances. Elle est enrichie de témoignages de professionnel·le·s recueillis en 2020 lors de différentes actions menées par Pro enfance, auxquelles une centaine de personnes ont participé.
(YT)
Youri Messen-Jaschin, artiste d’Op art, a mené une étude avec le laboratoire de neurosciences du CHUV pour savoir si ses toiles pouvaient réellement apaiser les personnes qui les contemplent. Rencontre dans son appartement-atelier.
L’art optique peut-il soulager, voire guérir certaines maladies psychiques ? Cette question attise la curiosité de l’artiste suisse Youri Messen-Jaschin depuis qu’il a constaté les symptômes plus ou moins violents — tels que vertiges, migraines ou mal de mer — produits par ses œuvres chez certains individus.
Né aux Grisons, l’artiste signe L’Op art rencontre les neurosciences, un ouvrage paru aux Éditions Favre, dans lequel il présente ses œuvres et raconte l’aventure d’une recherche scientifique hors du commun.
(REISO) Cela fait plus de soixante ans que vous créez des œuvres d’Op art, à savoir l’art optique. Vos toiles dissimulent des illusions d’optique qui ne laissent pas indifférent·e·s les spectateur·trice·s. Comment vous est venue l’idée de frapper à la porte du CHUV pour proposer une recherche sur les effets neurologiques de vos créations ?
(Youri Messen-Jaschin) L’Op art est un mouvement qui se base sur les mathématiques. C’est donc un art particulier. Je dois calculer chaque épaisseur de ligne pour parvenir à créer des illusions d’optique. J’ai naturellement toujours collaboré avec des scientifiques, surtout aux États-Unis où la frontière entre le monde de l’art et celui des sciences n’existe pas de façon aussi nette qu’en Suisse. Plusieurs personnes m’ont fait part, au fil des ans, d’un bien-être ressenti après avoir contemplé l’une de mes toiles. Certaines d’entre elles, très stressées, repartaient apaisées après avoir passé une heure devant un tableau. Je me suis donc demandé si mon travail pouvait concrètement être bénéfique pour la santé et j’ai tenté ma chance au CHUV. Cela n’a pas été simple de convaincre les scientifiques, mais le Professeur Bogdan Draganski, directeur du laboratoire en neuro-imagerie, s’est intéressé à mes observations. C’est ainsi qu’a débuté le Brain Project en 2014.
Qu’est-ce que les chercheur·euse·s ont découvert ?
En faisant passer des IRM fonctionnelles [1] à des personnes d’âges différents et ayant ou pas des problèmes neurologiques, l’équipe du Prof. Draganski a tout d’abord repéré les zones du cerveau qui s’activent lors de l’observation d’une illusion d’optique. C’était le premier objectif du projet. Les scientifiques ont alors découvert que les zones activées ne sont pas uniquement les aires visuelles, mais aussi celle fronto-pariétale qui module notre attention. C’est un début de piste qui pourrait expliquer pourquoi des personnes ressentent un certain bien-être en regardant mes toiles alors que d’autres, les hypersensibles, peuvent être gênées. En complément aux IRM, j’ai proposé aux cobayes de répondre à un questionnaire pour connaître leur ressenti.
Qu’avez-vous obtenu comme réponses ?
Parmi les symptômes décrits par les participant·e·s à l’étude, il y a des migraines, des vertiges, des palpitations, voire la chair de poule. Cependant, ces effets secondaires touchent très peu d’individus. Lors d’une de mes expositions réalisées dans un musée, par exemple, seuls environ 2% des 3’400 visiteur·euse·s ont admis avoir été gêné·e·s.
Au-delà de ces quelques personnes qui réagissent avec des maux divers, qu’avez-vous constaté chez la grande majorité de celles et ceux qui observent vos créations ?
Un sentiment de calme, d’apaisement, de bien-être que je décris dans mon dernier livre [2]. J’ai eu tellement de retours positifs de personnes du monde entier que j’aimerais que l’Op art puisse devenir une thérapie naturelle pour aider notamment les personnes qui souffrent de la maladie d’Alzheimer, de Parkinson ou de dépression à retrouver un certain équilibre sans prendre de neuroleptiques.
Avez-vous d’autres projets en cours en lien avec les neurosciences ?
Oui, je suis en train de chercher des fonds pour faire développer un logiciel pour smartphone ou tablette qui proposerait des œuvres de Op art déstructurées, vectorisées en des milliers d’images. Chacune d’elle aura un algorithme précis. Un important mécène soutient déjà cette recherche financièrement, mais le montant alloué ne suffit pour un projet de deux ans.
Quelle est la finalité de ce logiciel ?
Grâce aux milliers d’images déstructurées, l’utilisateur·trice pourrait composer l’œuvre idéale lui permettant de se sentir bien. La caméra du téléphone portable mesurerait la dilatation des pupilles, alors que le bouton d’allumage prendrait les pulsations. Par la pupille et les pulsations, l’image pourrait aussi se transformer. On saurait, par cette image transformée, comment se sent la personne qui regarde cette toile digitale idéale. Ce serait merveilleux de pouvoir proposer un outil de bien-être via un téléphone. On pourrait aussi intégrer ce logiciel aux affiches vidéo que l’on trouve dans les gares de métro et dans la rue.
Mais comment faire avec celles et ceux qui réagissent négativement et fortement à la visualisation d’illusions d’optique ?
Les effets secondaires qu’ils et elles ressentent sont positifs malgré tout, car ils les aident à faire connaissance avec leur corps et ainsi de chercher à retrouver leur équilibre. Il est vrai que les scientifiques sont troublé·e·s de constater qu’une même toile peut susciter du bien-être chez certain·e·s et des maux chez d’autres. D’où l’intérêt de poursuivre des recherches dans ce domaine passionnant.
(Propos recueillis par Yseult Théraulaz)
[1] Les IRM fonctionnelles sont sensibles à la consommation d’oxygène du cerveau. Cela permet de savoir quelles régions cérébrales sont actives pendant une tâche qui sollicite le cerveau, ici la visualisation d’une œuvre d’Op art.
[2] L’Op art rencontre les neurosciences, Youri Messen-Jaschin, Lausanne : Ed. Favre, 2021, 176 pages
Dix capsules, sous-titrées en sept langues, proposent un outil pédagogique ou clinique au sujet des parties intimes, de la sexualité, et du genre. But avoué : lutter contre les « croyances, les tabous et les méconnaissances ».
Une série de dix capsules vidéo pédagogiques aborde l’anatomie et la physiologie des organes génitaux externes, les croyances, mythes et méconnaissances les concernant, ainsi que les impacts de ces derniers sur les pratiques chirurgicales de modifications génitales, consenties ou non. Quatre de ces capsules sont des vidéos d’animation, et six sont des témoignages.
Ces petits films ont pour but « de montrer la diversité des organes génitaux, les similitudes et les différences entre les pratiques de modification génitale et de donner accès à toutes et à tous à des informations correctes sur ces parties du corps si cachées et pourtant à la base du fonctionnement de nos sociétés », écrivait la sociologue de l'IUniversité de Neuchâtel Dina Bader lors de la présentation du projet, en 2021. Il s’agit ainsi de lutter contre les « croyances, les tabous et les méconnaissances » qui entourent les organes sexuels.
Sous-titrées en allemand, anglais, italien, somali, arabe, tigrinya, amharique, ces vidéos gratuites peuvent être utilisées dans un contexte pédagogique (cours, ateliers, formations), clinique (consultations), ou simplement pour obtenir des informations factuelles.
Le développement des vidéos s'est fait de manière collaborative, transculturelle et transgénérationelle. Des personnes intersexuées, transgenres et du grand public, ainsi que des communautés migrantes concernées par l’excision y ont contribué, avec l’appui d’une équipe académique interdisciplinaire.
(CROC avec Santé sexuelle suisse et UNIGE)
Trois questions à René Knüsel, professeur honoraire à la Faculté des sciences sociales et politiques de l’Université de Lausanne et auteur de Qui châtie bien…
(REISO) Votre livre [1] est un ensemble de textes écrits par des chercheur·euse·s et des praticien·ne·s sur la maltraitance des enfants et le contexte culturel qui détermine parfois le comportement des adultes. Pourquoi un tel recueil ?
(René Knüsel) Cet ouvrage répond à un besoin récurrent, identifié auprès des étudiant·e·s en formation continue, confronté·e·s à des déclarations de mauvais traitements relevant de contextes spécifiques. Ils et elles sont parfois démuni·e·s face à certaines façons d’éduquer.
Faites-vous référence aux différences culturelles ?
Oui, notamment. Une famille issue de la migration n’a pas les mêmes références en termes d’éducation qu’une autre qui a toujours vécu en Suisse. Le·la professionnel·le de l’enfance doit connaître le contexte culturel et chercher à comprendre les intentions des parents avant d’agir. Un parent qui dysfonctionne, mais qui est d’accord de se faire aider et de corriger sa façon d’agir, devrait pouvoir continuer à s’occuper de ses enfants. A contrario, un·e mineur·e dont la mère ou le père a une attitude intentionnellement préjudiciable et n’entend pas changer de comportement doit être éloigné du foyer familial. Les valeurs que la société attribue à l’éducation ont beaucoup évolué, tout comme la conception de la famille. Aujourd’hui, la prise de conscience est collective et la société comme les professionnel·le·s savent à quel point l’éducation joue un rôle crucial dans le développement de l’enfant.
Si certaines différences culturelles permettent d’expliquer les comportements maltraitants de parents, quelles réponses les services de protection de la jeunesse doivent-ils apporter ?
(René Knüsel) C’est effectivement un grand dilemme face auquel se trouvent confrontées les personnes en charge de protéger les mineurs. Il n’y a pas de solution toute faite et chaque situation doit faire l’objet d’une attention particulière. Il n’y a pas non plus de définition largement partagée de la maltraitance et une grande hétérogénéité imprègne en conséquence les réponses apportées. Les seuls mauvais traitements reconnus par tout le monde sont les abus sexuels. Mais comment évaluer l’aspect délétère de la violence conjugale sur les enfants qui en sont les témoins, comment reconnaître la violence psychologique, quelle réponse apporter aux multiples mauvais traitements possibles ? Dans tous ces cas de figure, le·la professionnel·le doit s’assurer que le développement du mineur n’est pas en péril. Ensuite, il lui faut statuer sur l’intentionnalité des parents : veulent-ils nuire à l’enfant, sont-ils capables de corriger leur comportement, entre autres questionnements. Aujourd’hui encore, nous avons une connaissance incomplète de la situation et les chiffres publiés sur les cas de maltraitance ne sont que la pointe de l’iceberg. Parfois plusieurs années s’écoulent entre le début d’un mauvais traitement et son signalement.
(YT)
[1] Qui châtie bien…mauvais traitements envers les enfants et contexte culturel, sous la direction de René Knüsel et Fabrice Brodard, Ed. Antipodes, 2021, 224 p.
Promotion Santé Suisse a élaboré un guide destiné à aider les professionnel·le·s à mieux accompagner l’entrée dans la parentalité des couples.
Chez plus de la moitié des parents, le bien-être psychique diminue significativement après la naissance. Les troubles psychiques comptent d’ailleurs parmi les complications de santé les plus courantes dans la transition vers la parentalité.
Fort de ce constat, Promotion Santé Suisse a publié un guide à l’intention des professionnel·le·s qui accompagnent les couples sur le point de devenir parents. Le but de ce document est de donner des pistes pour soutenir au mieux les futurs pères et mères dans leur santé psychique et la renforcer.
Comme tout un chacun, les jeunes parents ont besoin d’une bonne santé psychique pour prendre soin d’eux-mêmes et des autres. Lors de la transition vers la parentalité, celle-ci revêt d’ailleurs une importance particulière car elle constitue une base essentielle pour le développement sain du nouveau-né. Inversement, les troubles de la santé psychique pendant la grossesse et juste après la naissance peuvent avoir un impact négatif sur le développement du bébé et de toute la famille.
Quels sont les facteurs de protection et comment les promouvoir ? A l’inverse, quels sont les facteurs de risque et comment les contourner ? Comment aborder la thématique de la santé psychique avec les nouveaux parents ? Toutes ces questions et bien d’autres sont abordées dans cette brochure disponible gratuitement en ligne.
(YT)
Le philosophe français Laurent Ravez signe l’un des premiers livres en français dans un domaine particulièrement questionné par la pandémie. A mettre entre les mains de tou·te·s les professionnel·le·s de santé et des politiques.
Recension par Jean Martin
Laurent Ravez est un philosophe de l'Université de Namur, très actif en (bio)éthique. Il publie Introduction à l’éthique de la santé publique, un des premiers ouvrages en français dans le domaine traité, d'intérêt très actuel par temps de pandémie Covid.
Après avoir brossé un tableau de ce qu'est la santé publique, il consacre des pages nécessaires au thème fondamental des déterminants sociaux de la santé (p.79 ss.). Dans la foulée, il s’intéresse au scandale multidimensionnel de l’aggravation des inégalités dans le monde entier, au sein des pays et entre les pays (voir aussi « Maladies de la pauvreté » - dès p. 221).
Ravez discute les grandes théories éthiques : utilitarisme, déontologisme, éthique des droits humains, éthique minimaliste, communautariste, des vertus. Sa dernière partie traite de l'éthique dans le domaine des maladies infectieuses, sujet classique depuis des siècles. Si, dès les années 1980, tous les enjeux liés au VIH/sida ont été particulièrement marquants, c'est maintenant le Covid-19 qui est au cœur des réflexions en la matière. Il importe toutefois de se ne pas oublier d'autres défis contemporains de grande importance, tels que l’usage de substances, le tabac et l’alcool ou les dérèglements écologiques.
Au plus proche des événements actuels, le philosophe relève que : « La santé publique requière souvent des efforts collectifs qui risquent d'être perçus comme les avatars d'un paternalisme sanitaire » (p.75). Ou quand l’éthique sociale fait face à l’éthique individuelle… Le fait est que la légitimité du paternalisme (entendu ici en termes objectifs) reste un élément essentiel, qui soulève de nombreuses questions, telle que : quel droit d'interdire aux fumeurs de fumer dans certaines circonstances ? A cet égard, la démonstration des effets nuisibles du tabagisme passif a apporté un fort soutien à la prévention. Ravez poursuit : « Pourquoi interdit-on de rouler à moto sans casque ? Pour protéger des inconscients ? Pour éviter des frais à la communauté en cas d'accident ? Probablement. Mais ce genre de mesures coercitives pourraient également être le reflet d'une responsabilité morale collective d'éviter des souffrances et des décès » (p. 15). Et de relever que, bien entendu, si des moyens coercitifs doivent être envisagés, il s'agit de choisir les moins contraignants.
L'auteur souligne encore que, à côté de ses dimensions descriptives et de recherche à large échelle, la santé publique et son éthique ont vocation à défendre la cause d'une meilleure santé, de plaidoyer.
Cette Introduction à l’éthique de la santé publique est un livre bien informé, structuré, de lecture aisée. Il aborde l'essentiel de ce que les professionnel·le·s de santé, ainsi que leurs supérieur·e·s institutionnel·le·s et politiques, devraient savoir et comprendre. Tant il est vrai que, malgré le regain d'actualité que lui donne la pandémie, la santé publique et ses potentialités n'ont pas la place qu'elles requièrent.
« Introduction à l'éthique de la santé publique », Laurent Ravez, Montpellier : Ed. Sauramps Médical, 2020, 262 pages.
Les reports de traitements liés à la pandémie soulèvent des questions éthiques. L’Académie suisse des sciences médicales souhaite sensibiliser les professionnel·le·s de la santé et les autorités à cette problématique.
Dans des situations de pénurie exceptionnelle des ressources, il importe d’utiliser les ressources humaines et matérielles à disposition de manière à éviter le triage des patient·e·s pour les traitements indispensables à la survie, tels que les opérations urgentes ou les soins intensifs. Pour ce faire, les traitements planifiables sont reportés. Toutefois, comme le précisent les directives de l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM), la postériorisation des traitements constitue, elle aussi, une forme de triage.
Plus cette situation se prolonge, plus il est difficile d’évaluer si les ressources disponibles doivent être affectées à des traitements de soins intensifs ou à des traitements planifiables mais urgents. La décision de reporter des traitements indiqués requiert une justification médico-éthique, car elle peut avoir de lourdes répercussions sur la santé des personnes concernées.
Indépendamment de la pandémie, la planification des traitements fait partie du quotidien des hôpitaux et des processus bien établis existent. En cas de pénurie exceptionnelle des ressources, il est particulièrement important que ces processus soient redéfinis de manière à ce que les principes de protection de la vie, en particulier ceux portant sur la qualité de vie acceptable, l’équité et la protection contre la discrimination, soient respectés, même dans une situation tendue.
Une postériorisation non coordonnée et non réfléchie risque d’aller à l’encontre du principe fondamental de l’équité. Des procédures équitables et transparentes sont nécessaires pour garantir que les traitements, dont le report réduit considérablement l'espérance de vie et/ou est lié à un risque d'atteinte grave à la santé, soient effectués en priorité.
Dans sa prise de position, la Commission centrale d’éthique (CCE) formule des principes éthiques et rappelle des critères procéduraux pour le report des traitements. Elle souhaite contribuer à une prise de conscience éthique et lancer un large débat sur cette thématique. La CCE est prête à apporter son expertise médico-éthique si les processus de postériorisation font l'objet d'une discussion approfondie dans les milieux spécialisés.
(Source : ASSM)
L’ouvrage « Finalités et usages de la formation professionnelle ? » propose un décryptage des enjeux politiques et économiques de la formation professionnelle, ainsi que de son rapport à l’emploi.
Quelles sont les attentes et les finalités d’une formation professionnelle de type CFC ? Quels sont ses écueils, quelles lignes de tension subsistent dans cette filière ? Ces questions, et bien d’autres, sont abordées dans l’ouvrage paru aux éditions Antipodes, Finalités et usages de la formation professionnelle.
S’inscrivant dans des contextes historiques et variés, les différents chapitres proposent des regards croisés et interdisciplinaires sur cette filière de formation. Ils passent en revue non seulement le modèle de CFC suisse, mais aussi le CAP (certificat d’aptitude professionnelle) et le BEP (brevet d’études professionnelles) français et encore le modèle espagnol.
Destiné aux chercheur·euse·s tout comme aux acteur·trice·s de terrain, le livre porte une attention particulière aux parcours de formation ainsi qu’aux rapports à l’emploi et à l’insertion.
(Source : éditions Antipodes)
« Finalités et usages de la formation professionnelle ; Apprendre un métier, trouver un emploi, poursuivre ses études ? », Nadia Lamamra, Morgane Kuehni et Séverine Rey (dir.), éditions Antipodes, 2021, 295 pages
A l’occasion de la Fête nationale indienne, la directrice de la HETS Genève, Joëlle Libois, a été récompensée pour son travail et ses publications en lien avec le pays d’Asie du Sud.
Le 26 janvier, à l'occasion de la célébration de la fête nationale indienne et du 75ème anniversaire de l'Indépendance de l'Inde, Joëlle Libois, directrice de la HETS Genève, a été honorée pour sa contribution et ses travaux en lien avec ce pays.
Au cours de la cérémonie, qui s'est déroulée à la India House à Chambésy en présence de représentants de la communauté indienne de Genève, Madame Libois a reçu un châle traditionnel des mains du représentant permanent de l'Inde auprès des Nations Unies à Genève, Indra Mani Pandey.
Passionnée par ce pays depuis de longues années, Joëlle Libois a notamment fondé en 1999 l'association Surya-Geneva, qui promeut des projets sociaux-éducatifs en Inde et encourage les échanges culturels entre l’Inde et la Suisse. En particulier, la structure Shantosha Nanban à Pondichéry accueille plus de soixante enfants orphelins ou abandonnés par leurs familles. Sans cette association reconnue par les autorités locales, ils ne pourraient que difficilement survivre aux très rudes conditions de vie de la rue.
Cette distinction coïncide avec la parution aux Editions ies du livre Présences de Tagore. Eveil au monde et action communautaire, dont Joëlle Libois est l'autrice. A l’aube de l’indépendance de l’Inde, Rabindranath Tagore, poète indien, s’est engagé à travers sa prose, l’éducation et l’action communautaire à soutenir les populations rurales les plus défavorisées.
Dépassant les frontières, refusant toutes les formes de discriminations, Tagore est un précurseur du travail social en Inde. Son approche à la fois poétique et virulente, locale et globale, artistique et socioéconomique nous entraîne dans des contrées peu connues, voire originales du travail social, qui s’articulent étonnamment aux enjeux actuels de la précarité, des discriminations, du repli sur soi, de la consommation effrénée.
(Source : HETS Genève)
Dans le livre Après moi..., l’autrice Daniela Ciccarone-Bianchi parle sans tabou de son cancer et de son combat de vingt ans contre cette maladie. Bouleversant, mais sans pathos.
Elle s’appelle Daniela Ciccarone-Bianchi et son premier cancer, logé dans son sein droit, lui a été diagnostiqué alors qu’elle n’avait que 37 ans. C’était en 2001. Cette épreuve a poussé cette infirmière à prendre la plume pour raconter son combat, ses moments de désarroi et de bonheur, sa vie bouleversée par ce diagnostic funeste.
Après moi... [1] est donc le témoignage de toutes ces années passées à lutter contre une maladie qui deviendra chronique. « …par nécessité, par besoin, j’ai pris la plume et j’ai entamé ce fameux carnet de route. Il a été pour moi une forme de psychanalyse, un baume contre les blessures du corps et de l’esprit », écrit Daniela Ciccarone-Bianchi.
Loin de plonger le·la lecteur·trice dans une récit funeste et empreint de pathos, l’ouvrage relate les états d’âme d’une femme à l’esprit vif et au moral d’acier. Il évoque les examens subis, les diagnostics annoncés, mais aussi tous ces moments qui rendent la vie belle et précieuse. L’autrice parle des repas de famille, des fous rires, mais aussi des traitements aux effet secondaires lourds, des antidépresseurs indispensables pour surmonter l’insurmontable. La présence d’un mari aimant et d’une famille unie ont permis à Daniela Ciccarone-Bianchi de garder optimiste et joie de vivre, même si certains moments de grands désarroi sont également racontés sans ambages.
Touchant, bouleversant et écrit sans chichi, Après-moi... reste un hymne à la vie, bien que son autrice soit décédée en octobre 2021, juste avant sa parution et un mois après la naissance de sa petite-fille.
(YT)
[1] « Après moi... », Daniela Ciccarone-Bianchi, Editions Favre, 232 pages
Un groupe d’expert·e·s français s’est penché sur l’impact négatif des images véhiculées sur internet. Il met en garde contre certaines dérives.
Un corps mince et musclé, tout le temps et à tout âge. Voilà ce que l’on trouve sur les réseaux sociaux, où le narcissisme des un·e·s et les connaissances de Photoshop des autres permettent de ne montrer que des images de silhouettes parfaites. Une sorte de norme à atteindre à tout prix, alors même qu’un grand nombre de photos sont trafiquées, retouchées, améliorées. Sur le net, rares sont en effet les star à publier des clichés d’elles au réveil (certaines l’ont fait toutefois, pour déjouer ce phénomène) et encore plus rares sont les quidam à afficher leurs pectoraux chancelants ou leurs fessiers mous.
Pourtant, le mythe au corps parfait adulé par Instagram et les autres médias ne reste pas sans conséquences. Un groupe d’expert·e·s français, parmi lesquel·le·s des professeur·e·s d’université en psychologie ou en comportement des consommations, s’est penché sur ce phénomène dangereux.[1] L’article qu’il a publié sur le site The Conversion explique : « De nombreux travaux ont montré que les médias traditionnels (…) véhiculent de fortes pressions incitant à essayer d’atteindre des idéaux corporels idéalisés et parfois irréalistes (…). Les images du corps qu’ils diffusent, inatteignables (…), mènent à l’internalisation de l’idéal mince et musclé (…). »
De ces idéaux découle une insatisfaction qui poussent certaines personnes à développer des troubles alimentaires ou des comportements excessifs. Cesser de manger, se nourrir de manière compulsive puis se faire vomir, se lancer sans préparation dans une activité physique soutenue sont autant de comportements néfastes pour la santé.
Et ce n’est pas tout, selon les expert·e·s : « L’insatisfaction corporelle peut aussi mener à des comportements à risques visant à modifier d’autres dimensions de l’apparence, en ayant recours par exemple à la chirurgie esthétique (peu soumise à la surveillance médicale), ou à des produits dangereux. »
Pour éviter de se laisser envahir par des images irréalistes, les experts recommandent de limiter l’exposition aux réseaux sociaux ou d’y chercher des contenus en lien avec des valeurs positives, telles que l’écologie ou la culture. Contourner les contenus affublés du fameux #summerbody, qui a fleuri au printemps passé, est aussi une façon simple de ne pas sombrer dans l’insatisfaction. Enfin, exercer sa pensée critique et surtout s’accepter tel que l’on est. Chaque individu a un corps qui lui est propre et qui, contrairement aux photos retouchées, est bien réel.
[1] Flaudias, Valentin et al. « Anorexie, boulimie… Comment les médias sociaux participent au développement de troubles alimentaires », The Conversation, publié le 14 octobre 2021
Trois questions à Francis Loser, enseignant-chercheur émérite à la Haute école en travail social à Genève et auteur de La médiation artistique en travail social. Enjeux et pratiques en atelier d'expression et de création
(REISO) Votre livre [1] est le fruit d’une recherche sur le terrain lors de trois types d’ateliers, un auprès de personnes aux prises avec des problèmes d’addiction à l’alcool, un avec des seniors et un dernier dans un centre de rencontre et d’expression créatrice. Il explique que la médiation n’est pas tant un outil thérapeutique, mais davantage une expérience esthétique. Qu’entendez-vous par là ?
(Francis Loser) De nos jours, on a tendance à penser qu’il faut guérir les personnes en souffrance et l’aspect thérapeutique de la médiation artistique prend le dessus. Lors de mes recherches, j’ai pu constater à quel point nous avons tous tendance à voir le monde de façon binaire : d’un côté le corps, de l’autre l’esprit ; d’un côté la nature, de l’autre la culture. Il faut cesser d’opposer le corps et l’esprit et revenir au sensible de la vie. La médiation artistique relève d’une expérience esthétique qui permet de concilier corps, émotions et cognition. Esthésie veut dire sentir. Les personnes qui souffrent, mais aussi les seniors se coupent souvent de leurs émotions et de leur sensibilité.
Selon vous, la maladie ne serait finalement qu’un blocage des émotions et sensations ?
Oui, en quelque sorte. Les personnes malades sont bloquées dans un processus de vie. Il faut alors leur permettre de se remettre en mouvement : déplier le corps, pour déplier l’esprit. La médiation artistique leur offre ainsi un chemin vers leur sensibilité. Il n’est pas utile de faire plein de projets pour se sentir vivant, il suffit de réintensifier la part de vivant qui sommeille en chacun de nous.
Comment des ateliers de création artistiques peuvent-ils aider à se reconnecter avec cette part de vivant ?
En créant quelque chose, la personne n’est pas uniquement spectatrice. Elle se laisse ainsi émerveiller par le produit qu’elle a fabriqué et découvre qu’elle possède des ressources dont elle n’avait pas forcément conscience. Par ailleurs, les participant·e·s de ces ateliers, bien que concentré·e·s sur ce qu’ils·elles font, partagent un moment agréable qui brise leur solitude. S’instaure alors un dialogue. La parole vient naturellement sans que cela tourne en interrogatoire comme cela peut arriver lors des entretiens. Ils·elles vivent une expérience globale, artistique, mais aussi thérapeutique, dans le sens de prendre soin de soi.
(YT)
[1] La médiation artistique en travail social, Enjeux et pratiques en atelier d’expression et de création, Francis Loser, Ed. Ies, 2021, 288 pages.
Cette dépendance touche de plus en plus de femmes, souvent davantage stigmatisées que les hommes. Un documentaire retrace le parcours de cinq personnes qui sont parvenues à s’en sortir.
Elles s’appellent Ariane, Stacy, Sylvie, Michèle, Isabelle et parlent à visage découvert de leur maladie, l’alcoolisme, dans un documentaire français diffusé sur la RTS. En Suisse, cette dépendance touche 15,9% de la population [1], dont 11,1% de femmes. Si les dommages pour la santé sont semblables que l’on soit un homme ou une femme, l’abus d’alcool ne se vit pas de la même façon pour les deux sexes.
Les témoignages recueillis dans le film « Alcool au féminin » [2] parlent de honte, de solitude, de consommation en cachette, de déni. Là où les hommes auront tendance à se laisser aller à trop boire avec leurs amis, lors de sorties ; les femmes se cachent, dissimulent.
L’alcool au féminin est encore tabou et le film cherche à le briser en donnant la parole à celles qui ont réussi à vaincre leur maladie. Ariane admet qu’elle planquait les bouteilles dans le landau de son enfant. Isabelle tricotait des pulls aux larges manches pour y dissimuler des flacons. Michèle, elle, évoque sa consommation de bière en pleine nuit, seule dans sa cuisine.
Le documentaire est entrecoupé d’échanges avec Fatma Bouvet de la Maisonneuve, psychiatre et addictologue. Les abus sexuels, les violences, les troubles alimentaires font partie des épreuves qui poussent souvent les femmes à tomber dans la dépendance à l’alcool. La médecin explique : « Le risque de devenir alcoolique est multiplié par 36 en cas d’agression sexuelle. » Le perfectionnisme, le sens du sacrifice sont des traits de caractères qui poussent également certaines à vider les bouteilles pour fuir le poids du quotidien. Comme l’explique Ariane : « Prendre de l’alcool me permettait de me mettre dans la ouate. »
Ces cinq femmes aux parcours très différents s’en sont sorties en prenant conscience du mal qu’elles s’infligeaient. Michèle s’est mise à bricoler plutôt que de picoler. Stacy a commencé le pole dance et a mis fin à une relation amoureuse toxique, Sylvie s’est engagée dans des associations d’aide et a renoué des liens solides avec son fils adoptif ; Isabelle « retricote sa vie, maille par maille »… Chacune a trouvé la force et le courage d’affronter la maladie et de retrouver le goût de la vie, bien loin de celui de l’éthanol.
(YT)
[1] https://www.bag.admin.ch/bag/fr/home/zahlen-und-statistiken/zahlen-fakten-zu-sucht/zahlen-fakten-zu-alkohol.html
L’ouvrage du psychiatre lausannois Nicolas de Coulon propose des stratégies d’interventions thérapeutiques lors de situations urgentes. La nouvelle édition est désormais disponible.
Comment intervenir lorsqu’un individu se trouve dans une situation de crise, un moment difficile qui rompt son équilibre psychique ? Quelle est la définition d’une telle crise ? Comment les équipes soignantes doivent-elles l’appréhender pour venir en aide aux patient·e·s ? Ce sont là quelques-unes des questions qui trouvent leurs réponses dans l’ouvrage du psychiatre lausannois Nicolas de Coulon : La crise, stratégies d’intervention thérapeutique en psychiatrie [1].
Cette nouvelle édition, revue et augmentée, s’adresse aux psychiatres, psychothérapeutes, infirmier·e·s en psychiatrie et aux différent·e·s soignant·s susceptibles d’intervenir en situations urgentes et lors de cas difficiles.
Ces moments de vie difficiles ne sont pas à considérer comme une fatalité. « Toute crise peut provoquer ou révéler un trouble psychique ; en même temps, elle indique des chemins de guérison. La crise psychologique offre ainsi une véritable opportunité de changement », peut-on lire dans l’ouvrage du psychiatre lausannois.
A travers des cas concrets, l’auteur explique les différentes étapes de prise en charge : de la prise de contact, au début de l’intervention, puis à l’organisation du traitement et à la fin de ce dernier. Il passe en revue différentes stratégies thérapeutiques : les approches corporelles, tels que les massages, la relaxation, les enveloppements humides ; le travail en équipe des soignant·e·s ; celui avec l’entourage ; entre autres.
Le livre de Nicolas de Coulon constitue un véritable manuel pour les soins psychiques aigus, proches de l’urgence.
(CP/YT)
[1] «La crise, stratégies d’intervention thérapeutique en psychiatrie», Nicolas de Coulon, Ed. Antipodes, 2021, 309 pages
Un livre publié aux Editions loisirs et pédagogie aborde la thématique du genre dans un album jeunesse richement illustré, Camille aux papillons.
Camille est né avec un sexe de garçon, mais c’est une fille. Et ce n’est pas facile tous les jours pour la fillette de faire face aux questions de son entourage sur son identité de genre.
Ecrit par la pédagogue Mary Wenker, Camille aux papillons aborde la question de la dysphorie de genre avec les plus jeunes. Les illustrations colorées d’Amélie Buri permettent aux petit·e·s de se familiariser avec ce concept qui n’est pas si facile à comprendre lorsque l’on n’est pas directement confronté·e à cette situation.
Parler de différence telle est la volonté de la collection « Comprendre la différence » des Editions LEP, qui compte déjà trois ouvrages abordant des thématiques similaires. Camille aux papillons est écrit en langage inclusif et est accompagné d’un livret pédagogique, téléchargeable gratuitement.
(YT)
Trois questions avec Caroline Jacot-Descombes chargée de la promotion et membre du comité scientifique de Mon sexe & moi disponible sur le site de Santé Sexuelle Suisse.
(REISO) « Mon sexe & Moi » [1] est une brochure informative très complète sur la sexualité des adolescent∙es. Il existe toutefois de nombreux livres sur le sujet, en quoi celui que vous promouvez est-il différent ?
(Caroline Jacot-Descombes) Tout d’abord, ce n’est pas un livre que l’on doit aller acheter en magasin, mais une brochure que tout le monde peut télécharger gratuitement sur notre site. C’est un détail important qui rend ce texte accessible à toutes et tous. Ensuite, la brochure se veut la plus inclusive possible. Elle aborde des thèmes aussi variés que l’anatomie des organes génitaux, la différence entre sexe et genre, la transidentité, l’intersexuation, les mutilations génitales féminines, entre autres. Elle est aussi scientifique, basée sur des savoirs biologiques et médicaux et interdisciplinaire.
La brochure présente également quelques questions-réponses. Qui a posé ces questions?
Maéva Badré, biologiste au Bioscope de Genève est l’une des autrices. Elle a répertorié les questions les plus fréquemment posées par des jeunes de manière anonyme sur le site ciao.ch [2] et la brochure y répond le plus clairement possible. Les questions abordent les règles, la masturbation, le désir, l’orgasme, entre autres. Le tout est richement illustré par des dessins descriptifs, mais également par quelques gags spécialement conçus pour Mon sexe & moi, par Zep.
Il y a un chapitre sur le consentement. Pouvez-vous en dire plus?
Avec la vague #metoo, le consentement est un thème dont on a beaucoup parlé dans les médias. En théorie, c’est facile de comprendre qu’un rapport sexuel doit être consenti, mais dans la pratique comment faut-il se comporter ? Pour Santé Sexuelle Suisse, c’est très important de donner des pistes claires aux jeunes afin qu’ils∙elles puissent – le moment venu – dire oui ou non, s’exprimer, demander d’arrêter et se respecter.
(YT)
[1] « Mon sexe & moi », édité par le Bioscope de l’Université de Genève est téléchargeable gratuitement via ce lien.
[2] ciao.ch est un site d’information destiné aux jeunes de 11 à 20 ans.
Ancien médecin cantonal vaudois, Jean Martin a publié Rétroprospective ; Idées pour un monde qui change. Un recueil de billets, éditoriaux ou analyses publiés ces dernières années qui « se laissent encore lire ».
« J’ai pensé que certains billets, éditoriaux ou analyses publiés au cours des dernières années se laissent encore voir — ou plutôt lire — et l’idée est venue de les rassembler. » C’est ainsi qu’est née la publication Rétroprospective ; Idées pour un monde qui change. Signé de Jean Martin, ce recueil compile des textes majoritairement parus dans le Bulletin des médecins suisses et dans la Revue médicale suisse ces dernières années.
En une quarantaine d’articles, l’ouvrage aborde un large éventail de sujets : de la santé à la maladie, du bien vivre au bien mourir, en passant par les vertus du récit de vie, une réflexion sur le statut de la femme ou la découverte de l’écopsychologie.
Les articles sont répartis autour de sept thèmes, chers à l’auteur : égalité, vérité, société ; climat et militance ; la biosphère, l’humain, les autres ; quand l’âge est là ; soins palliatifs, fin de vie, mort ; santé publique, conflits d’intérêt ; des questions ébouriffantes.
Au final, ce document forme un ensemble cohérent, riche de sa diversité. Ainsi que le relève Jean Martin dans une exergue, l’essentiel est de « tenir compte des interdépendances, les entretenir et en prendre soin ». Entre constats, réflexions et inspirations, l’objectif est assurément atteint.
Auteur de dizaines de recensions dans REISO et de plusieurs livres, Jean Martin a choisi de publier sa rétrospective à compte d’auteur. Il en offre gratuitement le téléchargement aux lecteurs et lectrices de REISO. Celles et ceux qui aimeraient disposer de l'objet, peuvent le commander directement auprès de Jean Martin, qui le vend à prix coûtant (25 fr.)
(NIB/CROC)
A propos de l'auteur
Jean Martin est médecin de santé publique. Sa formation achevée, il a travaillé huit ans Outre-mer (Pérou, Inde et Afrique tropicale), puis a mené sa carrière au Service vaudois de la santé publique. Médecin cantonal vaudois de 1986 à 2003, il a contribué à divers enseignements. En plus de la médecine sociale et préventive, il s’est attaché aux défis bioéthiques et aux questions médico-légales et de droits humains. Il a été membre de la Commission nationale suisse d’éthique depuis sa création en 2001 et jusqu’en 2013, et du Comité international de bioéthique de l’UNESCO. Retraité actif, il propose régulièrement des contributions aux lectrices et lecteurs de REISO.
Dans son roman Born a Crime — Stories from a South African childhood, Trevor Noah transmets une découverte bousculante, dépaysante, d’un autre monde… Difficile à saisir depuis ici.
Recension par Jean Martin
Afrique du Sud, 1984. Trevor Noah naît d’une mère Xhosa, Patricia, et d’un père suisse-allemand, avec lequel il ne peut vivre. L’apartheid est en vigueur depuis 1948, Nelson Mandela n’est pas encore élu président du pays (il le sera en 1994). C’est sa vie d’enfant dans ce contexte difficile, que Noah raconte dans Born a Crime – Stories from a South African childhood.
Le titre du roman s’explique dans ce passage : « Le 20 février 1984, ma mère entra à l'hôpital pour une césarienne programmée. En froid avec sa famille, enceinte d'un homme qui ne pouvait être vu en sa compagnie, elle était seule. Les médecins l'emmenèrent à la salle d'opération, lui ouvrirent le ventre et en tirèrent un nouveau-né moitié-blanc moitié-noir qui naissait en violation d'un grand nombre de lois, ordonnances et régulations. En naissant, j'étais un « crime ».
Trevor Noah détaille ensuite son enfance, passée dans différents quartiers de Johannesbourg. Il narre l’omniprésence des femmes dans son entourage, en raison de « l'apartheid [qui] me maintenait loin de mon père parce qu'il était blanc ». Et d’expliquer que pour « presque tous les enfants que j’ai connus dans le quartier de ma grand-mère à Soweto, l'apartheid avait aussi éloigné leur père, juste pour différentes raisons. »
A propos de l’apartheid, qui durera jusqu’en 1991, l’auteur écrit que : « Le génie de l'apartheid a été de convaincre les gens qui étaient la très grande majorité de la population de se battre les uns contre les autres. C’était l' « apart-hate ». Vous partagez la population en groupes, faites en sorte qu'ils se haïssent et vous pouvez tous les gérer. »
Un des éléments qui étonne (il y en a beaucoup d’autres), dans ce récit est lié à sa couleur de peau. Le jeune homme se rend compte que, à part sa mère, tout son entourage le considère comme blanc. Ainsi, alors que Patricia l'élève « à la dure », châtiments physiques y compris, sa grand-mère et d’autres agissent de manière toute différente, ne lui demandent pas même de rendre des services, parce qu'on ne saurait le faire avec un Blanc (pp. 51-53). A l’inverse et bien qu’il ait le teint clair, il n'est pas considéré comme des leurs par les Blancs. Physiquement, il ressemble aux « colored » (métis entre Afrikaners et certains Noirs) mais leur est totalement étranger.
Grâce à l'indomptable énergie de sa mère, Trevor suit des écoles d'un niveau convenable pour un Noir. Si, par la suite, il joue des tours au bord de la délinquance, passe des jours en prison (une expérience fréquente des Noirs, avec ou sans raison), puis devient spécialiste de la réalisation artisanale clandestine de CD, avec quoi il gagne quelque argent – mais sans économiser. Il fera par la suite une carrière de comédien, rencontrant un succès croissant en Afrique du Sud puis au-delà. En 2014, Noah rejoint aux États-Unis l'équipe de l'émission humoristique The Daily Show.
Noah détaille sa vie dans le quartier à l’adolescence (qu’il appelle « hood » alors que le sens habituel de hood est capuche, cagoule). « Dans le hood, même si vous n'êtes pas un criminel endurci, d'une manière ou de l'autre le crime est dans votre vie. (...) Le quartier m'a fait réaliser que le crime a du succès parce qu'il fait une chose que le gouvernement ne fait pas : le crime s'occupe de vous, prend soin (cares). Le crime s'occupe des jeunes enfants qui ont besoin de soutien, donne des possibilités d'avancer. Le crime est impliqué dans la communauté. Le crime ne fait pas de discrimination. » Il y a là une illustration forte de ce qu'on sait des mafias, de la drogue ou dans d'autres domaines, en Italie du Sud et Sicile, en Amérique latine... La pègre gagne beaucoup d'argent et en consacre une partie à « arroser » les communautés, qui restent sans doute perdantes mais sont aidées au plan matériel.
L’auteur ne manque pas de souligner la vocation sociale de cette sphère : « Le quartier a un magnifique sens communautaire. Chacun connaît tout le monde, depuis la tête brûlée jusqu'au policier. Les gens prennent soin les uns des autres. Ce qui fait que quand une maman quelle qu'elle soit vous demande de faire quelque chose, vous devez dire oui. C'est comme si chacune d'entre elles est votre maman et vous êtes l'enfant de tous. »
Ce roman est un de ceux qu’on découvre trop rarement. Si le plus lourd, pour celles et ceux qui ne sont pas familier de l'apartheid, reste la description de tous les mécanismes mis en place pour empêcher les non-Blancs de déployer leur potentiel — description d’un système pervers dans une multiplicité des sens possibles —, cet écrit est à recommander chaudement pour ses qualités littéraires, historiques, socio-anthropologiques et humaines. Comme Noah l’écrit, « plus que tout, j'ai vu que les relations ne sont pas entretenues par la violence mais par l'amour. L'amour est un acte créateur. Quand vous aimez les gens, vous créez un nouveau monde pour eux. »
Noah, Trevor, Trop Noir, trop Blanc : Une enfance sud-africaine dans la peau d'un métis. Marseille : Editions Hors d’atteinte, 2021, 342 pages
Paru en version orginiale en 2016, Born a Crime : Stories from a South African Childhood
Trois questions à Olivier Graf, éducateur spécialisé à la Fondation Le Relais, à Morges et auteur d’un livre sur ses échanges épistolaires avec des personnes en souffrance.
(REISO) « Du bleu dans la vie » [1] est un recueil de lettres inspirées par les échanges que vous avez eus avec des personnes que vous suiviez dans le cadre du Relais [2], à Morges. En quoi l’écrit est-il utile dans la relation d’aide ?
(Olivier Graf) Les échanges épistolaires peuvent être un outil complémentaire aux entretiens individuels. J’ai eu l’opportunité de le mettre en œuvre avec quelques personnes que j’aide au Relais, en tant qu’éducateur. Cette nouvelle pratique s’est imposée à moi lors du suivi socio-éducatif d’une femme enceinte régulièrement alcoolisée et toxico-dépendante. Cette personne s’était barricadée à l’hôtel. Je me rendais tous les jours devant sa chambre, mais elle ne m’ouvrait pas. J’ai alors eu l’idée de glisser une lettre sous sa porte. Quelques jours plus tard, elle m’a ouvert et j’ai découvert mon courrier scotché sur l’armoire de sa chambre. Il avait visiblement eu de l’importance à ses yeux. «Personne n’avait jamais pris le temps de m’écrire pour prendre de mes nouvelles », m’a-t-elle confié. J’ai alors réalisé que les lettres pourraient être un support de travail intéressant et qu’elles permettraient certainement d’aider d’autres individus.
Dans votre ouvrage, vous présentez vos échanges épistolaires avec sept personnes aux parcours différents et néanmoins difficiles. Ces situations sont-elles réelles ou romancées ?
Mon livre est basé sur des situations réelles et les lettres sont une retranscription, non exhaustive, des conversations que nous avons eues, parfois sur des mois voire des années. Les échanges que les lecteurs et lectrices découvriront sont inspirés de la vie de personnes rencontrées tout au long de ma carrière. Le but de mon ouvrage n’est pas de reporter mot pour mot ce qui m’a été confié, mais d’illustrer l’intérêt que revêt la pratique de l’écrit dans la relation d’aide. Ce qui est écrit ne peut pas, par exemple, être atténué par la suite, comme cela pourrait se faire dans le cadre d’une conversation. L’écrit offre la possibilité de se distancier, puis de revenir sur certains propos, de les rediscuter, de les approfondir même lorsqu’ils sont difficiles. De plus, échanger des lettres, par courrier postal, impose également une petite contrainte qui souligne tant mon engagement que celui du·de la destinataire.
Les échanges de lettres pourraient-ils remplacer les entretiens en personne?
Je pense que les deux manières de faire sont complémentaires et je trouverais dommage qu’un outil supplante l’autre. Cela dit, franchir la porte d’une structure d’aide est très compliqué et toutes les personnes en souffrance ne font pas forcément une telle démarche. J’aimerais proposer un suivi par écrit à un plus large public que celui qui fréquente les institutions. Cela permettrait d’atteindre celles et ceux qui ont besoin d’aide, mais qui n’oseront peut-être jamais franchir le bon seuil. L’écriture, en tant que médium, pourrait alors se révéler efficace.
[1] Du bleu dans la vie, Olivier Graf, Ed. Socialinfo, 2021, 348 pages
[2] La Fondation Le Relais œuvre pour l’insertion professionnelle et sociale d’adultes en difficulté
Près de 80'000 personnes sont atteintes d’épilepsie en Suisse. Dix courtes vidéos animées expliquent en dix langues, de manière simple et claire, cette maladie fréquente.
Tout le monde devrait savoir que faire en cas de crise épileptique, à commencer par l’essentiel : protéger des blessures. Toutefois, les personnes qui ont des antécédents familiaux d’épilepsie ou connaissent quelqu’un qui en est atteint ont peut-être d'autres questions : comment se présentent les crises ? Qu’est-ce qui peut provoquer une épilepsie ? Comment peut-on la soigner ? Les personnes atteintes d’épilepsie peuvent-elles avoir des enfants, boire de l’alcool ou conduire une voiture ? Font-elles partie des groupes vulnérables au Covid-19 ? La vaccination est-elle recommandée ?
« Les vidéos explicatives sont un complément clair et ludique à nos autres informations », indique Julia Franke, directrice de la Ligue suisse contre l’épilepsie, dont l'institution est à l'origine de ces films. « Elles doivent nous permettre de toucher un autre public, pour lequel nos renseignements antérieurs étaient trop complexes. » Les vidéos durent environ une minute chacune et présentent l’essentiel de ce qu’il faut savoir sur l’épilepsie dans un style dessin animé.
Ces productions expliquent la maladie en dix langues. « Pays de migration, la Suisse compte de nombreux individus présentant des difficultés à comprendre ou à lire les langues nationales », indique Julia Franke. C’est pourquoi la bande-son des vidéos existe non seulement en français, allemand, italien ou anglais, mais aussi en albanais, bosniaque/croate/serbe, portugais, tamoul, tigrigna et turc. Il est en outre possible d’afficher des sous-titres dans toutes les versions linguistiques, par exemple pour les personnes malentendantes ou pour regarder le film dans un espace public sans écouteurs.
L’objectif du projet est de renforcer les compétences en matière de santé des personnes atteintes d’épilepsie et de leur entourage, car les informations sont mieux retenues lorsqu’elles sont communiquées dans un petit film clair que si elles sont « seulement » lues ou entendues.
(Source : Ligue suisse contre l'épilepsie)
Voir les vidéos explicatives sur l’épilepsie. Le changement de langue est disponible en haut à gauche de la page, les sous-titres peuvent être affichés ou désactivés.