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Les conséquences sociales du privilège d'intimité

Lundi 14.11.2022
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« Que me dit-on quand on me dit que je suis privilégié·e ? » Cet article grand angle invite à la réflexion sur la notion de « privilège d’intimité », ses conséquences et ses défis, tant pour ceux et celles qui en disposent que pour les autres.

Par Quentin Delval, docteur en philosophie, spécialiste des questions de diversité et d’inclusion, ancien Secrétaire général de Vogay, Lausanne

 Pour qui, pourquoi ?

Ce texte s’adresse aux personnes qui, dans leur pratique professionnelle ou militante, se retrouvent au contact d’autres personnes discriminées ou marginalisées, et qui se demandent comment comprendre leur position dans une société où les messages et injonctions d’égalité (féministes, antiracistes, intersectionnels, etc.) leur parviennent. La plupart du temps, lorsque la socialisation a été pratiquée « de manière conventionnelle », ces personnes comprennent qu’un des messages principaux porté par les féministes et plus largement par les militant·e·s pour l’égalité, c’est qu’elles sont des privilégié·e·s, sans s’en rendre compte, et que, dès lors, elles oppressent, discriminent ou violentent autrui, même sans le vouloir. Ce message et les sensations d’accusation portée à tort qui l’accompagnent touchent bien entendu davantage les hommes, dont les privilèges sociaux sont plus importants et relevés dans les discours sur l’égalité.

Ainsi, dans la pratique professionnelle, ces personnes peuvent être amenées à éprouver des sentiments d’incompréhension, de culpabilité, de colère ou d’agacement face à l’image de privilégié·e que renvoient les bénéficiaires, tout en étant convaincu·e de la nécessité d’agir pour l’égalité et la justice sociale. Il devient alors difficile d’envisager son action sereinement. Cet article propose un nouveau regard sur la question du privilège, destiné à éclaircir en quoi celui-ci consiste et, par conséquent, à mieux comprendre les conséquences de son absence dans la vie d’autrui.

Bien que la discussion sur les privilèges date déjà de trente ans (en tout cas dans le monde anglo-saxon), il reste pourtant rare de trouver des sources claires sur sa signification. Le plus souvent, on assiste à des oppositions entre les personnes qui dénoncent les privilèges des un·e·s, et les réactions défensives de ceux et celles qui se sentent accusé·e·s à tort. Au mieux, on trouvera des militantes expliquant que le but est de faire prendre conscience des privilèges à ceux qui les possèdent, pour leur donner la possibilité de les utiliser en faveur de l’égalité. Mais selon la période de la vie dans laquelle l’interlocuteur·trice se trouve, il ou elle n’a pas forcément les relations ou le temps nécessaire pour creuser la question : « au fond, que me dit-on quand on me dit que je suis privilégié·e ? »

Malgré ces antagonismes, l’utilité du concept demeure, particulièrement pour les hommes qui aimeraient se situer comme alliés des combats et évolutions sociales contemporaines. Il est ici proposé de se détacher du poids psychologique du terme, pour analyser les perspectives qu’il ouvre quant au développement de la compréhension des rapports sociaux et de la possibilité de se mobiliser socialement.

La méthode et les résultats escomptés

Il est procédé ci-après en plusieurs étapes : définir le terme de privilège, donner plusieurs exemples, tirer des conclusions. L’ambition est ici de proposer l’idée qu’il existe un type de privilège qui surplombe tous les autres, le privilège d’intimité.

Les discussions autour des privilèges se scindent la plupart du temps autour de quatre catégories majeures : genre ou orientation sexuelle, race, classe, et validité (c’est-à-dire de non-handicap). Évidemment, lorsque notre identité est « homme cisgenre hétérosexuel blanc valide », de telles conversations tendent à se faire sentir comme mitraillé d’autant d’accusations. On ne serait pas juste « privilégié », mais privilégié cinq fois ! Bref, difficile d’entamer un échange et de se « déconstruire » sur tous les fronts en même temps. Pourtant, il est possible de parler de toutes ces réalités par le recours au concept unique de privilège d’intimité, qui semble être au cœur du vécu social de chacun·e.

Quels sont, au niveau personnel, les résultats escomptés d’une telle exploration ? Il s’agit d’accéder à un savoir utile, contribuant à exercer son jugement sur soi-même et sur les autres avec plus de discernement, et une capacité accrue à tendre vers des conditions d’égalité et de justice. Comprendre et accepter cette notion aide également à réussir à passer au-dessus des réactions émotionnelles défensives qui entravent l’esprit critique et l’initiative.

Traiter du « privilège d’intimité » devrait donc permettre de saisir de façon unifiée une variété de situations vécues, de façon à faciliter l’exercice du jugement. Le privilège d’intimité est ici postulé comme étant celui qui est le privilège fondamental détenu par le fameux homme blanc hétéro cisgenre, ainsi que les autres individus bénéficiant de privilèges par rapport aux personnes avec qui elles sont en contact (par exemple une femme cisgenre hétérosexuelle blanche face à une femme trans racisée).

La position de l’auteur

Toute production de texte sur le sujet est teintée et tire une part de sa légitimité de la position sociale de l’auteur ou autrice sur le sujet : il ne ferait que peu de sens de lire ces réflexions sans savoir d’où nous parlons, pourquoi, et avec quelles limites. Ainsi, l’auteur de cet article est un homme cisgenre, hétérosexuel, blanc, diplômé d’études supérieures, non précaire économiquement. Mais il l’a été : son parcours de vie a été marqué par les difficultés financières, la maladie psychique, et un certain transfuge de classe.

L’auteur est aussi père et marié. Ces dix dernières années, il s’est retrouvé en situation de privilégié du point de vue du genre, de la race, de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre. Professionnellement, il a été tour à tour collaborateur scientifique pour l’égalité et la diversité — un domaine presque exclusivement féminin —, puis secrétaire général d’une association LGBTQIA+. Parallèlement, sa participation durant cinq années à un club de lecture d’œuvres écrites par des personnes afrodescendantes l’a aussi placé dans une situation de décentrement, grâce aux textes et aux sessions de discussion, réunissant la plupart du temps des personnes perçues comme non blanches, et principalement des femmes. Dans un passé plus lointain, il a été travailleur en milieu carcéral, au contact de détenus fragilisés notamment sur le plan socio-économique. Ces expériences ont dévoilé la réalité des privilèges qui sont les siens, et en dépit d’une certaine étanchéité des différents groupes, la certitude que ces privilèges ont tous une origine commune.

Définitions (privilège ; intimité)

Privilège

Le terme de privilège, même dans les milieux où son usage est assez fréquent, soulève toujours des réserves et incompréhensions quant à sa portée et au message qu’il est censé transmettre.

Le sens suivant est ici utilisé : un privilège est la possibilité d’échapper à une situation, soit parce que l’on décide de l’ignorer et que les normes sociales en place y autorisent, soit parce que cette situation ne se présente généralement pas dans le vécu. Une autre façon de le dire est aussi que l’on peut échapper à des assignations (de rôle, de race, de genre...). Ainsi, le privilège est relatif aux situations considérées, et aux groupes d’individus (disons les catégories sociales) concernés par ces situations. Une personne perçue comme blanche est privilégiée par rapport à une personne perçue comme non blanche dans les situations où s’exprime une discrimination raciale (entretien d’embauche, violence sur la voie publique, humiliations dans certaines productions culturelles, conséquences de la colonisation sur l’héritage familial, etc.).

Nous ne l’utilisons pas dans le sens suivant : exprimer l’idée que posséder un privilège signifie ne connaître aucune difficulté dans la vie, économique, sociale ou psychologique. Il ne s’agit pas, en mettant en évidence l’existence d’un privilège, d’affirmer en même temps que celles et ceux qui en bénéficient sont, dans l’absolu, des nantis ne connaissant pas la crise et ne fournissant aucun effort dans la vie. Il ne s’agit pas de détenir un avantage évident sur tout. Par extension, parler le privilège ne signifie pas non plus enlever tout mérite dans le parcours de quelqu’un·e, même s’il est évident que l’idéologie du mérite est problématique en ceci qu’elle empêche de parler de privilège.

Un privilège est donc défini comme « une permission de se soustraire ou d’éviter certaines situations ou problèmes qui nous est conférée passivement en fonction de notre appartenance à certains groupes ou catégories sociales » [1]. Il résulte dès lors une forme de domination de la part des personnes possédant un tel privilège sur celles qui ne peuvent pas se soustraire à ces situations, et doivent y faire face.

Problèmes et limitations

Le terme de privilège pose plusieurs problèmes conceptuels ou psychologiques qu’il faut prendre en compte lors de son utilisation ou de sa réception :

  • Il revêt une dimension « binaire », comme si une personne était soit totalement privilégiée, soit pas du tout. Cela peut conduire à une structuration des discussions opposant des antagonistes situés — supposément — à l’extrémité d’un même axe, soit « celui qui a tout et ne mérite rien », soit « celui qui n’a rien et mérite tout ». On entre alors dans une instrumentalisation du terme à de fins de victoire narrative, voire à la création de concurrence victimaire (qui sera le moins privilégié d’entre tou·te·s et aura de facto le plus de légitimité à faire valoir son point de vue). Ainsi, dire à quelqu’un·e qu’elle ou il possède des privilèges passe souvent mal, parce que cet individu identifie instantanément une foule de difficultés rencontrées dans sa vie et peut se sentir visé par une accusation, comme si l’interlocuteur ou interlocutrice voulait gagner une position morale supérieure.

  • Le terme de privilège renvoie souvent à des éléments invisibles, ce qui rend difficile d’en saisir la réalité pour les personnes privilégiées. Ainsi, lorsqu’être priviégié·e signifie ne pas devoir se soucier de tel ou tel risque, de telle ou telle situation, de ne pas être exposé·e à telle ou telle réalité sociale, tout se passe « en creux » et complexifie la possibilité de s’emparer du dit-privilège, et de sentir qu’une agentivité est possible sur le sujet. Il existe bien sûr des privilèges « évidents » et « visibles », comme le capital financier (mesurable), mais les privilèges qui occasionnent le plus de rigidité sociale (et donc de difficultés à faire progresser l’égalité) ne sont pas toujours de cette nature.

  • Un autre aspect à intégrer est la nature contextuelle et donc mouvante du privilège : nul n’est privilégié partout et de tout temps de façon absolue. Parler du privilège d’un groupe de personnes ou d’une personne en particulier demande d’invoquer beaucoup de connaissance contextuelle, culturelle et donc sociologique afin de pouvoir procéder à une éventuelle déconstruction dudit privilège. Ainsi, puisque le privilège n’est pas un attribut identitaire à proprement parler (rappelons que ce privilège peut varier au cours de l’existence, des contextes, se comprendre différemment si on analyse les interactions sur le temps long, etc.), il exige en tant que concept d’intégrer son caractère provisionnel à toute analyse. Cela peut rendre difficile de « mettre le doigt » sur ce qui se joue exactement dans une situation donnée.

S’assurer d’une compréhension du concept de privilège qui fonctionne dans un périmètre donné en évitant, lorsque cela est possible, certaines de ces difficultés peut passer par une reformulation du terme, pas tout à fait équivalente mais permettant d’en comprendre l’intention normative.

Ainsi, la formule suivante vient donner un sens psychologique à la définition proposée plus haut : détenir un privilège peut se comprendre comme une forte adéquation entre notre identité et l’identité normative locale. Chaque contexte (scolaire, professionnel, politique, culturel, etc.) mobilise une vision de l’identité-type acceptable, et la situation de privilège réside alors dans le fait de se savoir soi-même en adéquation suffisante avec cette norme, et dans le fait que les autres partagent cette vision de sa personne. Les déviations éventuelles de la norme n’occasionnent que des désagréments gérables, mineurs, ou en tout cas sans nature à remettre l’existence sociale fondamentalement en cause.

Indiquer à quelqu’un·e qu’il, elle, ou son groupe social détient des privilèges revient donc à peu près à lui expliquer qu’il existe une telle adéquation qui signifie que l’expérience de vie des personnes ou groupes de personnes n’étant pas dans cette adéquation est source de problèmes (auxquels ces personnes ne peuvent se soustraire) qui sont pour la plupart (la majorité, puisque dans la norme locale) invisibles.

Intimité

Fait intéressant dans la recherche d’une définition de l’intimité : il est très difficile d’en trouver une qui soit substantielle, claire et distincte. Il semble que l’intimité soit un concept qui s’autoaffectionne ; il demeure une partie d’intuitif et d’appropriation personnelle dans ce que cette notion recouvre. Une perspective semi-intuitive dans la définition de l’intimité est ici adoptée : un rapide tour d’horizon étymologique et de la littérature [2] à ce sujet, apprend que le terme renvoie à l’idée de confiance profonde, de secret, d’intérieur et de familier (la famille étant régulièrement assimilée à l’intime). Interviennent aussi des notions lui donnant une coloration positive : ce qui relève de l’agrément, du confort, du bien-être. L’intimité est par extension une forme de séparation entre un intérieur et un extérieur, qui agit comme une fondation pour le sujet, l’aidant à délimiter un périmètre interne lui procurant une forme d’autonomie.

Il est choisi ici d’ajouter à ces considérations une dimension supplémentaire, celle de l’authenticité. En effet, en plus de pouvoir se délimiter comme étant « soi-même », le sujet doit pouvoir aussi se convaincre qu’il n’est pas « un·e autre », c’est-à-dire que ce qui constitue son intimité n’est pas une copie d’une autre intimité, mais bien un original, auquel il a accès spontanément — autrui n’est pas nécessaire pour accéder à sa propre intimité, elle est ce qui est au plus proche de nous et nous définit en ultime recours.

Ainsi, l’intimité se comprend ici par le moyen de ces deux éléments : une part intérieure et positive d’accès à soi-même, permettant la différenciation entre privé et public ; et une certitude que cette part est la nôtre et non une imitation — elle est authentique [3].

Par voie de négation, une absence d’intimité ou une intimité endommagée équivaudrait à se sentir indifférencié·e, inauthentique, c’est-à-dire à douter de sa propre existence et/ou de sa valeur. Cela entraîne la perte du moyen de se sentir en sécurité, protégé·e, de sentir ses ressources intérieures pour faire face au monde extérieur, de pouvoir par exemple faire confiance à autrui et compter sur le fait d’être reconnu·e·s.

Exemples, contextes, assignations

Par contrainte d’espace et de temps, quelques aspects par type de privilège classiquement identifié aujourd’hui sont abordés dans les prochains paragraphes, en laissant ensuite aux lecteurs et lectrices le soin d’aller approfondir avec une logique identique d’autres situations relevant du même privilège [4].

Le privilège de genre — le cas du corps

En 2022, la Cour suprême des États-Unis d’Amérique a suspendu la garantie fédérale du droit à l’avortement, renvoyant cette compétence aux États. Difficile de faire plus évident en termes de privilège de genre : les hommes ne sont pas contraints de se soumettre à un contrôle sur leur corps de la même façon que les femmes. Bien que les droits de chacun·e puissent varier dans le temps, ce cas illustre le fait qu’une femme peut voir ses conditions de vie bouleversées du jour au lendemain en raison du simple fait qu’elle possède des organes reproducteurs féminins. (En particulier, on sait que ce sont majoritairement les femmes pauvres et marginalisées qui souffrent le plus de ce type d’interdiction, dans la mesure où elles doivent recourir à des interventions dangereuses pour leur santé afin d’avorter, ce qui induit déjà l’idée que les privilèges se croisent, se recouvrent, et ne sont pas séparables dans les vécus concrets.)

Ainsi, ce type d’interdiction touche directement les femmes dans leur intimité au sens de la définition exposée préalablement : elle les prive d’une part de leur intériorité, de leur potentiel bien-être et capacité d’autonomie, brouille la distinction entre le privé et le public, et ôte cet accès instantané à leur intimité. L’interdiction de l’avortement comporte un impact direct sur la relation au désir et à la sexualité, cette dernière devenant a minima médiée par une pensée sur ses conséquences et ses risques. Certes, ne pas avoir accès à l’avortement impactera des hommes également, puisque, en couple, ils devront eux aussi subir l’impact d’une naissance non désirée. Toutefois, les risques demeurent beaucoup plus nombreux pour les femmes, que ce soit au niveau des punitions légales, des risques pour la santé, et de l’opprobre social. En outre, les hommes demeurent globalement libres d’échapper au rôle de père, abandonnant fréquemment leur partenaire avant ou après la naissance. À ce sujet, il est devenu un lieu commun de souligner la complexité d’obtenir, pour ces mères, le paiement des pensions alimentaires pourtant obligatoires. Lorsque l’auteur est devenu père et a participé aux soirées pour les nouveaux papas au CHUV, il a été frappé d’apprendre que ces dernières avaient pour objectif de diminuer le nombre de séparations lors de la première année de vie de l’enfant… L’impact inévitable sur l’intimité des femmes est donc sans commune mesure avec celui des pères.

Une façon de rassembler tout cela dans une idée centrale, c’est précisément de parler de la problématique de l’intimité féminine. Dans Le corps des femmes, la bataille de l’intime, l’autrice française Camille Froidevaux-Mettrie développe cette idée que les femmes ne peuvent pas faire comme si elles n’avaient pas de corps, tandis que les hommes, comparativement et généralement parlant, le peuvent.

En termes de description de privilège, on pourrait donc dire que les hommes peuvent la plupart du temps se soustraire au fait d’avoir un corps, échappent aux conséquences d’en avoir un, ou encore que le fait d’avoir un corps les place davantage en adéquation avec les normes sociales locales.

En dépit de toutes les avancées obtenues par les combats féministes, le lieu de l’intime, du corps, restait celui d’une domination des femmes, et d’un privilège des hommes. Cela signifie que le vécu d’une femme est toujours déjà nécessairement un vécu incarné, et cette incarnation se vit de façon problématique sur le plan de l’intime, de la sexualité, de la domesticité, des situations où on ne peut se constituer collectivement (et donc au sein du couple hétérosexuel).

Les implications sont profondes : les femmes sont conduites à vivre le fait d’avoir un corps sur le mode de la dissociation. C’est comme s’il s’agissait d’une chose distincte d’elles, dont il faut soigner l’apparence et utiliser comme outil dans les relations et pour la maternité, ou comme un facteur de risque sur le plan de la santé (quand un droit fondamental à son accès est révoqué ou simplement non présent), mais pas comme le lieu d’une puissance ou d’une capacité de réalisation. Exister spatialement signifie, dès lors, exister en anticipant l’appropriation de soi en tant que corps par le monde extérieur (physique, politique), et se retrouver mise dans une position de représentation et de stratégisation — peu importe les termes, on se retrouve dans une médiation, dans une distance par rapport au vécu et par rapport à soi-même.

Autrement dit, les femmes ont, relativement aux hommes et en raison des normes sociales qui pèsent sur elles, davantage de difficulté à effectuer cette séparation constitutive de l’intimité, et sont catégorisées comme appartenant à un même ensemble social (« mère », « épouse », ...) prenant le pas sur les autres perceptions de leur personne — ce qui les indifférencie, leur enlève une part de leur individualité.

Les traitements différenciés selon le genre sont tellement nombreux qu’en dresser la liste serait (malheureusement) une tâche infinie. Mentionnons simplement qu’il n’existe aucune sphère de la vie sociale qui échappe à cette réalité d’une inégalité de pouvoir entre les genres : professionnellement avec les inégalités salariales, plafond de verre, injonctions ; familialement avec la charge mentale, le travail domestique gratuit, la dépendance économique, les violences domestiques ; dans l’espace public (et les autres) avec le harcèlement ou la culture du viol.

Le privilège lié à la diversité sexuelle et d’identité de genre

Un « fait divers » récent illustre la dimension radicalement intime du privilège que les personnes se trouvant dans la norme sur le plan de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre possèdent. En France, un maire a refusé que le prénom choisi par une personne trans* soit utilisé sur sa tombe, imposant à la famille le « dead name » (prénom de naissance) de la défunte. Difficile de faire plus clair comme violation de l’intimité et de l’identité d’une personne : les personnes cisgenres [5] n’ont pas à craindre une telle situation. Cet exemple ouvre la question du privilège d’intimité des personnes LGBTQIA+ sur deux plans : la reconnaissance institutionnelle et les traumatismes sociétaux.

Dans le cas des hommes cisgenres blancs et hétérosexuels, l’intimité fait l’objet d’une reconnaissance institutionnelle claire : le mariage est possible et simple, l’accès à la conception facile (aucune institution n’empêche de faire famille), et, pour l’auteur comme pour la majorité des hommes dans la même situation, devenir le père de ses enfants a été aisé (la filiation a été établie soit par simple déclaration pour la naissance du premier enfant hors mariage, soit automatiquement pour le second né après le mariage).

En 2021, la campagne pour la votation sur le mariage pour toutes et tous battait son plein en Suisse. Le travail dans une association communautaire fut l’occasion de discuter avec de nombreuses personnes concernées par la question, ce qui a naturellement renvoyé au propre privilège de l’auteur sur le sujet. Le « mariage pour tous » n’a été voté qu’en septembre 2021 en Suisse. Voir tant de couples qui n’avaient pas accès à cette reconnaissance institutionnelle d’une part fondamentale de leur intimité créait véritablement un vertige.

Dans le même ordre d’idées, il faut lire le vécu des familles arc-en-ciel, qui racontent leur parcours pour obtenir la filiation de leur enfant. La filiation pour les couples de même sexe, bien que facilitée dans certains cas par l’accès au mariage [6], reste plus difficile à établir. Si un couple de femmes mariées recourt au don de sperme, la double filiation est automatique. Mais dans tout autre cas, la femme qui n’a pas accouché de l’enfant doit recourir à l’adoption de ce dernier, une procédure longue et coûteuse (et donc oui : il faut adopter son propre enfant).

Pour les personnes trans*, le fait de faire famille peut s’avérer encore plus compliqué, comme l’explique Tal Madesta [7]: en France, la loi de procréation médicalement assistée pour toutes impose le recours à un donneur extérieur aux couples de femmes. Cela signifie que les femmes trans* en couple lesbien ne peuvent pas utiliser leur propre matériel génétique, qui est pourtant disponible et conservé dans un centre dédié. Une femme trans* ne peut donc pas disposer de son propre corps, de sa propre génétique, pour faire famille.

Les traumas sociétaux sont aussi omniprésents dans le vécu des personnes LGBTQIA+ et ont un impact direct sur leur intimité, à l’image de l’épidémie du sida. Certaines personnes en vie aujourd’hui sont des rescapées qui ont perdu une importante part de leurs ami·e·s alors qu’ils et elles étaient jeunes adultes. Cet impact sur l’identité et l’intimité, les hommes blancs cisgenres hétérosexuels n’ont que peu eu à vivre et penser à cela. Et lorsqu’une nouvelle pandémie (de coronavirus) est arrivée, cela n’a ravivé aucun souvenir traumatique, tandis que cela pesait un poids tout particulier pour bien d’autres personnes.

Un autre trauma important et, pourrait-on dire, chronique, omniprésent dans le vécu LGBTQIA+ (que ce soit sur le plan privé ou professionnel) est celui du coming out (action de révéler à autrui son orientation sexuelle ou son identité de genre). Contrairement à ce que l’imaginaire collectif hétérosexuel se représente, il s’agit d’un acte qui doit être inlassablement répété ou volontairement évité, dans de multiples contextes, et qui là aussi opère de fait une sorte de médiation à sa propre intériorité, intimité. Les personnes LGBTQIA+ vivent sans cesse dans l’anticipation d’une possible nécessité de révéler ou de cacher une part de leur intimité, sans pouvoir anticiper toutes ses conséquences, qui restent aujourd’hui encore très négatives — la pléthore de témoignages reçus en deux ans d’activité professionnelle dans ce milieu ne laisse aucun doute à ce sujet. De fait, une personne hétérosexuelle et/ou cisgenre peut entièrement se soustraire à ce type de situation, dans la mesure où son orientation sexuelle ou son identité de genre ne sont pratiquement jamais un enjeu dans sa capacité à se vivre comme une personne autonome et authentique, disposant d’une identité qu’elle peut mobiliser de façon positive et lui permettant de se réaliser.

Un autre aspect du privilège d’intimité dont ne disposent pas les personnes LGBTQIA+, en particulier les personnes trans*, concerne l’expérience de mise en relation avec autrui (et aussi avec soi-même). Une anecdote personnelle servira d’entrée en matière : nous avons été mis en face de notre privilège d’intimité par une femme trans* lorsque celle-ci demanda « et toi Quentin, qu’aurais-tu fait si tu étais tombé sur une fille comme moi ? » Notre incapacité à répondre sur le moment traduisait le fait de posséder un privilège d’intimité dans la manière d’entrer en relation avec autrui : dans le fond, nous avions beau entendre et comprendre à quel point avoir une identité sociale trans* peut être compliqué, nous avions beau pouvoir et vouloir être une personne n’exerçant pas de discrimination ni d’oppression à son égard, notre mode d’intimité, issu de notre socialisation d’homme hétérosexuel cisgenre, était en soi une posture d’invisibilisation de son vécu. Dans notre intimité, la personne trans* n’existait pas en tant que possible. Par contre, à l’évidence, dans la sienne, la question des conditions de possibilité d’une intimité, incidence de son identité de genre, se posait toujours déjà avant toute mise en relation. On peut dire, de ce point de vue, que l’accès à sa propre intimité était pour cette personne trans* toujours quelque chose de (rendu) problématique, de mis en question.

Enfin, la lourde médicalisation du vécu trans* engendre une relation avec soi-même parfois extrêmement difficile, plaçant la personne dans un paradoxe : un suivi médical lui est imposé pour s’assurer que la transition se déroule bien, mais ce contexte lui-même peut conduire à une incapacité à se vivre comme authentique, puisqu’impose une médiation, parfois matérialisée par la médication et l’imposition de consultations.

Un simple effort d’imagination permet de réaliser qu’en comparaison avec un vécu « masculin hétérosexuel cisgenre » standard, un vécu féminin et/ou LGBTQIA+ rassemble une série de conditions de vie qui portent atteinte de façon systématique (et systémique, mais c’est une autre question encore) à l’intimité. Ces personnes ne peuvent faire abstraction de ces conditions qui ne concernent pas les hommes (et autres personnes en situation de privilège) de façon aussi saillante et concrète.

Privilège racial

On peut brièvement tirer le même constat au sujet de la race. Le privilège racial a été le premier à avoir été mis en évidence en Amérique du Nord : il s’agissait alors de faire ressortir toutes les étapes, micromoments de la vie quotidienne dans lesquels une personne blanche n’avait pas à se soucier de discrimination, d’invisibilisation de son vécu ou de répression. De fait, il s’agissait de briser le discours méritocratique selon lequel le sort des personnes noires, davantage pauvres, exploitées, emprisonnées, sous-qualifiées, serait le résultat de leur propre incapacité à s’en sortir, à réussir. C’est ce qu’on appelle simplement un discours de naturalisation de la domination sociale : si un groupe d’individus se trouve dans sa position actuelle, c’est parce que c’est sa nature d’y être. C’est notamment un discours qui est souvent adossé à un discours anti-communautaire : « ces gens-là » ne veulent pas s’intégrer, il ne faut pas s’étonner ensuite qu’ils et elles soient à la marge de la société sur tous les plans.

Justement, une récente interview de Louisa Yousfi [8], autrice de Rester Barbare, revient sur ce piège de l’intégration comme réponse à la question des discriminations, un piège qu’elle qualifie d’existentiel, et que l’on doit donc comprendre comme touchant directement à l’intime :

Rokhaya Diallo : Louisa, tu parles d’une longue histoire de la domestication des barbares, que tu lis dans la sphère publique française actuelle, comment est-ce qu’elle s’exprime par rapport à ces personnes, qui se départissent de cet héritage, dont tu parles ?

Louisa Yousfi : Elle s’exprime à plusieurs égards. D’abord, quand je parle de l’intégration, ce que je veux dire c’est que c’est une histoire tragique. C’est une histoire qui nous piège dans une impasse existentielle. L’intégrationnisme est l’idéologie (et la réalité) selon laquelle, en fait, pour se tailler une place dans ce monde, pour exister dans cette société, il faut se nier, il faut nier tout ce qui constitue notre être élémentaire. Nos origines, nos valeurs, nos langues, notre culture, notre religion. Et donc il y a ce paradoxe : pour exister, il faut cesser d’exister. C’est ça que je veux montrer, qu’il y a cette impasse, cette aporie, qui peut rendre fou.

Et cela s’opère, quelle que soit la situation de la personne racisée. Sa couleur de peau, son prénom, ses croyances sont une intimité exposée, qui révèle un fragment d’elle-même... ou suscite des projections à son égard de la part des autres. Dans tous les cas, une forme de négation d’une portion intime de soi devient requise pour exister socialement. Les personnes racisées sont prises dans de doubles liens impossibles à ignorer, et qui renvoient directement à l’intimité, à la possibilité de se vivre soi de façon authentique, spontanée, et positive.

Conclusion

Deux observations serviront de conclusion.

Il est indéniable que l’homme hétérosexuel cisgenre blanc (etc.) dispose d’un accès spontané et non problématique à son intimité, ce qui n’est pas le cas pour les autres personnes. Cette catégorie sociale possède un privilège en ceci que l’acte de séparation constitutif de la création de son intimité, ainsi que la possibilité de la vivre comme étant authentique, est possible, reconnu et validé socialement. En outre, ces hommes ont la liberté de ne pas se préoccuper du fait que pour d’autres catégories d’individus, ce ne soit pas le cas.

Pour les personnes qui ne sont pas des hommes, non hétérosexuelles ou non cisgenres ni perçues comme blanches, la réalité est toute autre. Elles n’ont pas le choix et doivent se préoccuper de cette question, de la possibilité pour elles de parvenir à effectuer l’acte de séparation constitutif de l’intimité, et des ressources nécessaires à vivre celle-ci de façon authentique, sans médiation autre que celle de leur propre subjectivité.

Se vivre dans son intimité devient alors synonyme d’une confrontation aux institutions et d’une exposition de cette intimité sur la place publique, allant jusqu’à la voir discutée dans les médias par toute une série de quidams estimant qu’elles et ils ont quelque chose à énoncer sur le sujet, y compris pour défendre l’idée que cette partie de l’intimité ne devrait pas être reconnue. C’est par exemple aussi synonyme de devoir révéler des aspects de son intimité à de nombreuses reprises, en subissant des conséquences parfois dangereuses, d’avoir besoin de lieux spécifiques pour se sentir en sécurité, ou de se voir donner un accès « par médiation » médicale à sa propre intimité.

Pour ces raisons, il semble plus constructif de parler des différentes sortes de privilèges comme relevant d’un seul et même privilège fondamental, un privilège d’intimité.

En tant que personne active sur le plan social ou médical, reconnaître et comprendre cette réalité liée à l’intimité permet de s’emparer du décalage qui peut être perçu et paralysant lorsque l’on aborde la question des privilèges. L’enjeu et l’horizon du dialogue autour du privilège devient alors de comprendre où l’intimité d’autrui est blessée, impossible, et de construire la réparation, d’ouvrir la possibilité.

Enfin, sur un plan plus théorique, la notion de privilège d’intimité semble pouvoir rejoindre, en l’éclairant, le travail sur la notion d’intersectionnalité. En effet, l’intimité est un concept qui peut s’entendre comme la source (ou le lieu) primaire et indifférenciée de tous les privilèges, et par laquelle se vivent les discriminations. On postule de ce fait que les discriminations touchent ultimement directement à l’intime.

Reconnaître son privilège se veut donc une posture dont la conséquence n’est pas une injonction à la culpabilité ni une défaite argumentative concédée à un hypothétique adversaire idéologique. Au contraire, cette attitude aide à percevoir ce qui est d’ordinaire invisible, dont nous n’avons pas à nous soucier. Ce gain de connaissance permet à son tour un exercice du jugement transformé, une potentielle révision de ses propres croyances.

Reconnaître qu’il s’agit d’un privilège d’intimité, c’est ensuite reconnaître la profondeur et l’intensité des conséquences d’un tel manque de privilège pour les personnes concernées. La gravité d’une atteinte à l’intimité est immense et conditionne tout le vécu marqué par celle-ci, pouvant confiner à une forme de folie. En comprenant que la discussion sur les privilèges porte sur la possibilité d’exister en tant que soi-même, on comprend aussi qu’il ne s’agit pas d’inconfort ou de personnes non méritantes qui demanderaient un assistanat particulier.

Bibliographie

  • Diallo, Rokhaya & Ly, Grace, Kiffe ta race, Binge Audio Editions, 2022.
  • Froidevaux-Mettrie, Camille, Le corps des femmes, la bataille de l’intime, Philosophie Magazine Editeur, 2018.
  • Madesta, Tal, Désirer à tout prix, Binge Audio Editions, 2022.
  • McIntosh, Peggy, "White Privilege: Unpacking the Invisible Knapsack", in Peace and Freedom Magazine, July/August, 1989, pp. 10-12, a publication of the Women’s International League for Peace and Freedom, Philadelphia, PA.
  • Yousfi, Louisa, Rester barbare, La Fabrique, 2022.

Remerciements

L’écriture est un acte collectif, aussi j’aimerais sincèrement remercier :

  • Camille Béziane pour ses réflexions et encouragements
  • Thierry Scherer et Alexandre Herkommer pour leur retour et leurs partages
  • André Meunier pour sa relecture attentive
  • Anne-Sophie Delval pour ses apports à la réflexion sur le privilège
  • La rédaction de REISO pour sa proposition et son précieux travail d’édition du texte

[1] Dans un article séminal sur la notion de privilège blanc, Peggy McIntosh développait la chose de la façon suivante : "For this reason, the word “privilege” now seems to me misleading. We usually think of privilege as being a favored state, whether earned or conferred by birth or luck. Yes some of the conditions I have described here work to systematically over empower certain groups. Such privilege simply confers dominance because of one’s race or sex. I want, then, to distinguish between earned strength and unearned power conferred systemically. Power from unearned privilege can look like strength when it is in fact permission to escape or to dominate. But not all of the privileges on my list are inevitably damaging. Some, like the expectation that neighbors will be decent to you, or that your race will not count against you in court, should be the norm in a just society. Others, like the privilege to ignore less powerful people, distort the humanity of the holders as well as the ignored groups." McIntosh, Peggy, "White Privilege: Unpacking the Invisible Knapsack", in Peace and Freedom Magazine, July/August, 1989, pp. 10-12, a publication of the Women’s International League for Peace and Freedom, Philadelphia, PA.

[2] Principalement sociologique, médicale et psychologique.

[3] Elle est donc vulnérable à l'assimilation à du public et à l'indifférenciation. Particulièrement dans le cas des personnes LGBTQIA+, on verra que ce sont précisément les deux mouvements les plus fréquents qui leur sont imposés.

[4] Il a notamment été choisi de ne pas parler des violences faites aux femmes — non pour les invisibiliser ou en minorer l'importance en termes de privilège masculin, mais pour la raison que ce sont les informations auxquelles les hommes qui s'intéressent à leur posture d'allié sont le plus exposés, et qui peuvent être les plus clivantes. L’angle choisit se veut une porte d'entrée sur cette problématique du privilège.

[5] Dont l’identité de genre correspond à leur sexe assigné à la naissance.

[6] Le mariage permet l’adoption conjointe, jusque là réservée aux couples hétérosexuels. Par contre, il ne donne toujours pas l’accès à la gestation pour autrui pour les couples homosexuels.

[7] https://www.youtube.com/watch?v=Oqj1o9oITJI

[8] https://www.binge.audio/podcast/kiffetarace/rester-barbare-une-utopie-decoloniale

Cet article appartient au dossier Intimité(S)

Comment citer cet article ?

Quentin Delval, «Les conséquences sociales du privilège d'intimité», REISO, Revue d'information sociale, publié le 14 novembre 2022, https://www.reiso.org/document/9880

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