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Le non-recours aux prestations sociales, ce mystère

Lundi 30.05.2016
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De nombreuses personnes ne reçoivent pas les prestations sociales auxquelles elles auraient pourtant droit. Retour sur une zone grise de l’Etat social.

Par Jean-Pierre Tabin, Frédérique Leresche, professeur et anthropologue, Haute Ecole spécialisée de la Suisse occidentale et Programme national de recherche LIVES

Depuis quelques années, le non-recours aux prestations sociales fait l’objet de recherches en Europe, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en France ou en Suisse [1]. De manière générale, ces recherches y voient un « révélateur des dysfonctionnements d’une politique, en ce sens qu’il indique que la mise en œuvre d’un dispositif est inefficace » (Oorschot & Math, 1996). A quoi bon déployer des prestations sociales si les personnes à qui elles sont destinées ne les demandent pas ?

DE MULTIPLES FACETTES. Dans cette perspective, l’Observatoire des non-recours aux droits et services (Odenore) relève par exemple qu’en France en 2011, la moitié des ayants droit au Revenu de Solidarité Active (RSA) ne demandaient pas à le percevoir, ce qui signifie que 5,3 milliards d’euros n’ont pas été redistribués à des personnes qui y avaient droit. Du point de vue des sommes en jeu, le problème du non-recours est sans commune mesure avec celui de la fraude aux prestations sociales si souvent mis en avant par les médias et le politique, puisque les montants sont, dans le cas du RSA français toujours, 90 fois plus élevés pour le non-recours que pour la fraude (Odenore, 2012). Certains sociologues affirment que les économies liées au non-recours n’en sont pas, « car les problématiques qui ne sont pas prises en charge de façon précoce ont de grandes probabilités de s’aggraver et de complexifier leur prise en charge » (Knüsel & Colombo, 2014, p. 6).

Plus fondamentalement, ce non-recours n’est, selon l’Odenore, pas une économie mais l’échec d’une politique développée, comme l’écrit le gouvernement français, en vue d’assurer « le droit fondamental de tous les citoyens à disposer de ressources suffisantes pour vivre conformément à la dignité humaine » [2] : si la moitié des personnes qui pourraient prétendre au RSA ne le demandent pas, ce droit fondamental n’est pas respecté.

Les quatre raisons principales du non-recours

A QUI LA FAUTE ? Les recherches mettent en exergue quatre raisons principales qui expliquent le non-recours (Eurofound, 2015).

Première raison, l’organisation des politiques sociales. L’exercice des droits sociaux n’est pas une priorité pour le politique, ce qui fait que la très grande majorité des prestations sociales ne sont pas proposées spontanément aux bénéficiaires potentiel-le-s. En Suisse, dans la plupart des cantons, il faut par exemple faire une démarche pour demander un subside à l’assurance maladie. Les lois concernant la protection des données peuvent également compliquer le partage des informations entre administrations, ce qui limite les possibilités de proposer des prestations à une personne. Le mode même de calcul du droit, souvent différent d’un dispositif à l’autre, ne facilite rien. Tous ces facteurs ont un impact sur le non-recours.

Deuxième raison, la complexité des procédures. La plupart du temps, comme on l’a vu, les prestations sociales doivent être demandées. Il faut remplir, parfois dans un délai limité, des formulaires rébarbatifs, utilisant des termes abscons et rarement traduits. Il faut dans certains dispositifs s’engager à signer des documents stigmatisants, comme ceux qui demandent aux bénéficiaires potentiel-le-s de tout mettre en œuvre pour limiter le dommage pour l’Etat, comme si le fait de recevoir une prestation n’était pas un droit social, mais une faveur. Les heures d’ouverture des bureaux et leur emplacement géographique limitent parfois drastiquement l’accès de personnes aux services sociaux. Enfin, le manque de soutien des fonctionnaires dans des situations spécifiques (maladie, faible degré d’alphabétisation, etc.) est souligné par les études sur le non-recours. Ce n’est pas de la mauvaise volonté, mais la conséquence de politiques délibérées de pénurie de personnel.

DIFFICILE DE S’Y RETROUVER. Troisième raison, les individus susceptibles d’y recourir eux-mêmes. Ces personnes doivent d’abord, tout simplement, connaître l’existence de ces prestations, savoir à qui s’adresser ou quel formulaire remplir. Par exemple, des personnes peuvent penser qu’elles ne sont pas admissibles à telle ou telle prestation parce qu’elles n’en ont pas compris les critères d’accès. Ensuite, elles doivent être capables de rassembler les documents administratifs requis, ce qui n’est pas forcément simple, par exemple en cas de séparation. Pour certaines personnes, le processus de demande de prestations sociales est non seulement opaque, mais encore incompréhensible. Nous connaissons bien ce problème en Suisse : les frais liés à la maladie, par exemple, sont parfois remboursés par l’assurance maladie obligatoire, parfois par une assurance complémentaire, parfois par l’assurance accident (en cas de maladie professionnelle, par exemple) ou par l’assurance invalidité, et il arrive encore que l’aide sociale intervienne. Difficile pour un-e non-spécialiste de s’y retrouver… Enfin, certaines personnes se désintéressent simplement de certaines prestations sociales, par exemple parce que l’avantage matériel de la démarche leur paraît insuffisant (Warin, 2008).

Quatrième raison, le stigmate social attaché au fait de recourir aux prestations sociales, clairement lié aux discours sur les « abus » de prestations qui font naître le soupçon sur les bénéficiaires (Neuenschwander, Hümbelin, Kalbematter, & Ruder, 2012). Il faut, dans le contexte actuel de valorisation de l’indépendance financière par rapport à l’Etat, oser faire le pas d’aller demander de l’aide, de se montrer dans une salle d’attente des services sociaux, de se soumettre au questionnement de l’administration. « Etre au social » n’est pas un statut social valorisé, tant s’en faut (Tabin, Frauenfelder, Togni, & Keller, 2010).

Quelles pistes administratives et politiques ?

Sur la base de ces analyses, différent-e-s auteur-e-s se penchent sur les solutions administratives et politiques pour limiter, voire supprimer le non-recours, par exemple en développant des baromètres pour détecter et analyser les situations rencontrées (Warin, 2014). Ces évaluations du non-recours devraient concerner des services financiers ou non (comme les services de garde d’enfants), s’intéresser aux populations qui perdent leur éligibilité, tenir compte du fait que le « non-recours existe de partout, simplement parce qu’aucune offre n’a de public contraint et captif » (Warin, 2010, p. 3).

UNE PRATIQUE POLITIQUE. Ces analyses renvoient d’abord à ce que signifie dans les faits un droit subjectif à des prestations sociales. Comme ce droit appartient aux sujets, personne n’est obligé de se saisir de toutes les offres de l’Etat social, ni de s’en saisir toujours. C’est la question de l’effectivité du droit qui est posée dans cette perspective : la non-utilisation d’un droit par la moitié des bénéficiaires potentiel-le-s dans le cas du RSA que nous avons évoqué au début de cet article questionne l’ensemble du dispositif. Mais avec cette manière de poser le problème, le questionnement se fait du haut vers le bas. Il peut être résumé dans la question de savoir si une politique sociale joue bien le rôle que les élites politiques ont voulu pour elle.

En inversant la perspective, c’est-à-dire en partant d’en bas, des personnes qui ne font pas de demande de prestations sociales, autrement dit en prenant au sérieux ce que leurs pratiques disent de la société et de ses normes, on en arrive à d’autres types de questionnements. Le non-recours amène en effet des personnes à utiliser des formes alternatives de soutien, qu’elles participent souvent à développer. Pensons aux offres sociales parapubliques ou privées, comme les soupes populaires, aux ressources d’entraide qui permettent à ces personnes de vivre, aux réseaux d’échanges alternatifs, comme les trocs d’objets et de services, ou encore aux pratiques explicites de contestation des modes dominants d’accaparement des biens, comme le squat de logements inoccupés ou vides (parce que, par exemple, sur le marché de la spéculation immobilière), à l’occupation de terrains abandonnés ou publics pour y planter une yourte ou une tente, ou encore à la récupération des invendus des centres commerciaux jetés à la poubelle. Ne pas recourir aux prestations sociales permet d’autres expérimentations sociales.

Ces pratiques réalisées par des personnes exclues du pouvoir de contrôler le travail, la production et la richesse (Sarker, 2015) peuvent être comprises comme un mode de contestation de l’ordre social. Il s’agit de formes subalternes, le plus souvent inaudibles politiquement et scientifiquement, parce que « disqualifiées comme savoirs non conceptuels, comme savoirs insuffisamment élaborés : savoirs naïfs, savoirs hiérarchiquement inférieurs, savoirs en dessous du niveau de la connaissance ou de la scientificité requises » (Foucault, 2001, p. 10).

Le non-recours aux prestations sociales, qu’il soit total ou partiel, temporaire ou définitif, est donc également une critique sociale qui ne se limite pas à un simple calcul coûts/bénéfices. C’est une pratique politique qui remet en question les représentations dominantes de l’Etat, fût-il social, comme une institution toujours positive [3].

Références

  • Eurofound. (2015). Access to social benefits : Reducing non-take-up. 21 septembre 2015.
  • Foucault, Michel. (2001). Il faut défendre la société. Cours au Collège de France (1975-1976). Paris : Le Foucault Électronique.
  • Knüsel, René, & Colombo, Annamaria (éd.). (2014). Accessibilité et non-recours aux services publics. Les Politiques sociales (3&4). Lire aussi leur article : « Non-recours : les raisons du mutisme actuel », REISO, Revue d’information sociale, 19 mars 2015.
  • Neuenschwander, Peter, Hümbelin, Olivier, Kalbematter, Marc, & Ruder, Rosemarie. (2012). Der schwere Gang zum Sozialdienst. Wie Betroffene das Aufnahmeverfahren der Sozialhilfe erleben. Zürich : Seismo Verlag.
  • Odenore. (2012). L’envers de la "fraude sociale". Paris : La Découverte.
  • Oorschot, Wim van, & Math, Antoine. (1996). La question du non-recours aux prestations sociales. Recherches et prévisions, 43(1), 5-17. doi
  • Sarker, Sonita. (2015). Subalternity In and Out of Time, In and Out of History. In David Kreps (Ed.), Gramsci and Foucault : A Reassessment (pp. 91-110). Farnham & Burlington : Ashgate.
  • Tabin, Jean-Pierre, Frauenfelder, Arnaud, Togni, Carola, & Keller, Véréna. (2010). Temps d’assistance. Le gouvernement des pauvres en Suisse romande depuis la fin du XIXe siècle (nouvelle édition revue). Lausanne : Antipodes.
  • Warin, Philippe. (2008). Le non-recours par désintérêt : la possibilité d’un « vivre hors droits ». Vie sociale, 1, 9-19.
  • Warin, Philippe. (2010). Le non-recours : définition et typologies. Odenore, document de travail.
  • Warin, Philippe. (2014). L’action sur le non-recours devant les résistances du travail social. Revue française des affaires sociales, n°1-2 (1).

[1] Voir par exemple cette page internet de la HETS Genève.

[2] Site officiel du Revenu de solidarité active, consulté le 16.4.2016.

[3] C’est cette dimension politique qui nous intéresse dans la recherche que nous menons dans le cadre du programme de recherche LIVES, Surmonter la vulnérabilité, perspective du parcours de vie.

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