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Cette publication présente les éléments importants de la qualité du logement et des quartiers d’habitation du point de vue des familles. Elle résume les conditions pour assurer la qualité du logement et des quartiers d’habitation en sept thèses. Elle livre également des propositions d’intervention concrètes, étayées par des exemples de "bonnes pratiques".
1. La découverte autonome d’espaces libres est déterminante pour le développement des enfants et des jeunes, ainsi que pour la vie quotidienne des familles.
2. Les lois sur les constructions comme l’architecture favorisent l’édification d’espaces standardisés sans possibilités d’aménagement. Il manque des zones non surveillées dans lesquelles les enfants puissent jouer et établir des contacts sociaux.
3. Les logements doivent se prêter à une certaine souplesse dans l’utilisation et l’aménagement. Ils doivent offrir des secteurs communs destinés au jeu et à la détente pour toute la famille, des endroits de repli et suffisamment d’espaces de rangement.
4. Les lieux de passage entre l’intérieur et l’extérieur doivent être dégagés et libres d’obstacles, tant pour les enfants et les personnes âgées que pour les personnes atteintes d’un handicap. Les escaliers et les entrées doivent être aménagés de manière à pouvoir être utilisés comme zones de jeu et de rencontre.
5. Les espaces de jeu et de rencontre doivent être aménagés de manière variée et adaptée à tous les âges, dans un esprit de proximité avec la nature, et offrir la sécurité requise.
6. Une structure d’habitat et d’utilisation différenciée facilite l’orientation et le quotidien des familles.
7. Il est très important d’associer des délégués des familles et des jeunes à la planification et à l’aménagement des espaces sociaux, en particulier dans les quartiers défavorisés.
La progression des maladies chroniques et des situations de handicap engendre des problèmes de santé et des priorités sanitaires nouvelles. Soigner et accompagner de manière efficiente les personnes souffrant de ces maladies, sans pouvoir leur offrir la guérison, constitue un défi actuel pour les professionnels de la santé.
Ce précis propose :
- des connaissances théoriques actualisées nécessaires à la compréhension de la complexité de la situation de chronicité et de handicap,
- des pistes et des outils concrets pour l’accompagnement de la personne malade et de ses proches issus de recherches actuelles,
- des perspectives pour assurer le travail en interdisciplinarité et la continuité des soins.
Les auteures : Catherine Gasser, Jessica Graber, Jacqueline Gross, Nicole Nadot Ghanem, Evelyne Progin, Christine Sager Tinguely, Eliane Schenevey Perroulaz et Catherine Weber sont des infirmières spécialistes de la chronicité et des soins de longue durée. Elles exercent aujourd’hui en tant que professeures à la Haute Ecole de Santé de Fribourg (HEdS-FR) et ont développé leurs compétences professionnelles autour de l’accompagnement de personnes atteintes de maladie chronique et en situation de handicap.
La deuxième édition de "Thema" de l’année 2011 est consacrée aux droits de l’enfant.
Dans l’éditorial, Olivier Baud, vice-président d’Integras, demande que la participation au sein des institutions d’éducation sociale soit renforcée. Sandra Stössel, responsable du Service Droits de l’enfant chez Integras, plaide en faveur d’une démarche orientée sur les droits de l’enfant et présente des chiffres et faits concernant la Convention de l’ONU relative aux droits de l’enfant.
Les responsables d’institutions et les jeunes racontent comment les droits de l’enfant sont mis en œuvre et vécus dans leur institution et ce qui leur importe dans ce processus.
Thema en format pdf
12 pages de graphiques pour mieux cerner les 17’200 étudiantes et étudiants des 27 écoles dans les cantons de l’Arc jurassien (Berne francophone, Jura, Neuchâtel), de Genève, de Fribourg, du Valais et de Vaud.
- Evolution du nombre d’étudiant-e-s
- Répartition des étudiant-e-s par domaines et par école
- Répartition par formation de base ou continue
- Répartition par genre
- Système financier
- Les dates-clés
Vademecum en format pdf
Donner une voix aux enfants, les écouter et tenir compte de leur opinion lors de décisions qui les concernent : telle est la substance de l’art. 12 de la Convention de l’ONU. Où en est l’application pratique de ce droit et, surtout, que peut-on faire pour l’améliorer en Suisse ?
Des expertes et des experts de différents milieux développent la façon de redéfinir la relation enfant / adulte afin de parler avec les enfants et les jeunes au lieu de parler sur eux. Ils demandent aussi de mettre systématiquement en œuvre les droits de participation des enfants et des jeunes dans les procédures juridiques. Des propositions visant à améliorer l’application du droit de l’enfant d’être entendu sont également présentées. Elles sont le fruit des discussions nourries menées en groupes par les quelque 180 participants au séminaire de Bienne de 2010 qui avait étudié ce thème. La Commission fédérale a également recueilli l’opinion d’enfants et de jeunes. Leurs témoignages permettent de se faire une idée de la façon dont ils se sentent perçus par les adultes et de la manière dont ils souhaitent être entendus.
Se fondant sur ces diverses voix et sur les recommandations du Comité des droits de l’enfant de l’ONU, la CFEJ adresse ses recommandations au monde politique, aux institutions et aux professionnels concernés. L’une d’entre elles est que les enfants et les jeunes soient mieux informés de leurs droits, car seul celui qui connaît ses droits peut les faire valoir.
Avec des articles ou interviews de Christina Weber Khan, Jean Zermatten, Michelle Cottier, Heidi Simoni et Maria Teresa Diez Grieser.
Présentation par Jean-Michel Bonvin, Pierre Gobet, Stéphane Rossini, Jean-Pierre Tabin, professeurs à la Haute école de travail social et de la santé – EESP – Lausanne, Université de Lausanne et Université de Genève
La politique sociale a de multiples raisons d’être. Ses objectifs sont modifiés au gré des problèmes qu’une collectivité identifie comme tels, parce qu’ils sont au centre de conflits, de revendications et de débats portés par des groupes de pression, des organismes politiques et économiques ou des mouvements sociaux suffisamment puissants pour se faire entendre. Loin d’aller de soi, la politique sociale est le reflet de la conception du bien public à une époque donnée. Il faut, pour la comprendre, la mettre en perspective, c’est-à-dire en faire la genèse, afin de dégager les raisons de son développement, les bases de son organisation et d’en mesurer l’impact.
C’est ce que propose ce Manuel de politique sociale. Il montre dans quel contexte la politique sociale est apparue et s’est développée, quels en étaient les fondements, quelles formes elle a pris, qui en bénéficie, comment et pourquoi en mesurer les coûts ou les effets et quels sont les enjeux sociaux qui la traversent. Ce Manuel de politique sociale n’est toutefois pas un simple recueil de faits et de dates plus ou moins marquants, ni la clef de lecture d’une architecture organisationnelle excessivement lourde et tortueuse : il est pensé comme un instrument permettant de mieux comprendre ce que l’on appelle communément le « système » de protection sociale. Il reprend et prolonge la réflexion de deux pionniers de l’analyse de la politique sociale, les professeurs Pierre Gilliand et Jean-Pierre Fragnière.
En 1988, Pierre Gilliand signait Politique sociale en Suisse. Introduction, alors que Sécurité sociale en Suisse. Introduction paraissait sous la plume de Jean-Pierre Fragnière et Gioia Christen. Ces deux ouvrages édités chez Réalités sociales avaient pour originalité de présenter non seulement le développement historique, l’organisation et les enjeux de la protection sociale en Suisse, mais également les normes et les valeurs qui la constituent, les institutions qui la portent et les personnes qui l’ont marquée. Depuis, la recherche a pu confirmer certaines tendances que déjà ils relevaient. Elle a également permis de souligner nombre de changements sociaux, politiques et législatifs, dont elle a analysé le sens et la portée. Ces développements appellent ce nouvel ouvrage de synthèse sur la politique sociale en Suisse. Il est le fruit du travail d’une équipe de professeurs de politique sociale à la Haute école de travail social et de la santé – EESP – Lausanne (HES-SO) et aux universités de Genève et Lausanne, Jean-Michel Bonvin, Pierre Gobet, Stéphane Rossini et Jean-Pierre Tabin.
Quatre parties composent ce Manuel de politique sociale. La première pose le cadre général d’analyse des politiques sociales. Elle présente les visions et les conceptions qui les sous-tendent, en cerne les champs d’application particuliers, décrit leurs modèles de financement et examine les formes de protection – charité, mutuelles, assurances privées, etc. – qui ont historiquement précédé les politiques sociales et avec lesquelles celles-ci ont dû souvent composer. Cette partie s’attache également à situer la politique sociale suisse dans le contexte international : des idées de Keynes sur l’intervention anticyclique de l’État légitimant le rôle économique de la protection sociale aux propositions actuelles d’Esping-Andersen de considérer la politique sociale comme un investissement.
La deuxième partie présente les origines et la mise en œuvre de la politique sociale en Suisse. L’analyse accorde une attention particulière aux luttes sociales et aux politiques liées à la définition des risques que le système de la sécurité sociale est appelé à couvrir. Elle souligne que l’évolution de la politique sociale helvétique n’est pas linéaire, pas plus qu’elle n’est progressive. Les différents régimes d’assurance et les prestations sous condition de ressources sont présentés dans leur spécificité, ce qui permet de relever les enjeux sociaux qui les sous-tendent. L’influence du cadre national et de ses particularismes est relevée, notamment la manière de concevoir la citoyenneté, le fédéralisme ou la subsidiarité. Cette partie permet également de saisir l’importance pour la politique sociale de l’organisation capitaliste et sexuée du travail.
La troisième partie porte sur l’étude des enjeux fondamentaux de la politique sociale. À quoi sert-elle, quelle en est la finalité ? Le sens qui lui est attribué change au gré des phases qu’elle traverse. La dernière en date s’ouvre symboliquement avec la crise des subprimes qui a surpris la majorité des observateurs politiques et des expert-e-s économiques à l’automne 2008. Aux risques sociaux liés aux transformations récentes des conditions de travail et de rémunération, aux mutations des rôles sociaux de sexe ou encore aux réformes mêmes dont la sécurité sociale fait l’objet, s’ajoute le risque, que l’on sait maintenant très réel, de défaillance des marchés. Devant cette nouvelle situation, il paraît judicieux d’envisager les prestations de la sécurité sociale comme des biens publics qui, précisément parce qu’ils sont soustraits aux lois du marché, sont à même de soutenir adéquatement ses missions. Dans cette perspective, la politique sociale n’est pas une affaire de l’État seul. Elle engage aussi la société civile et l’économie privée, et, partant, l’ensemble de la société.
La quatrième partie s’intéresse à la manière propre à la statistique de conférer une réalité objective à la politique sociale qui devient ainsi susceptible d’être gérée et administrée. Cette partie explicite les enjeux de l’objectivation de la politique sociale et ses répercussions sur les institutions qui la définissent et la dirigent. C’est sur la mesure, en effet, que reposent non seulement la surveillance politique et administrative de l’État social, mais aussi l’appréciation des besoins sociaux et l’orientation des réformes nécessaires. Autrement dit, la mesure de la politique sociale produit la réalité sur laquelle elle agit.
La postface de ce manuel est signée par un économiste, Martino Rossi, qui fut également directeur de la Division de l’action sociale et des familles du canton du Tessin. Il y rappelle, en proposant diverses solutions, la nécessité de réformes de la politique sociale helvétique.
Sans prétention à l’exhaustivité, ce Manuel de politique sociale est un ouvrage introductif qui sera utile à toutes celles et tous ceux qui désirent connaître les origines, les principes et les mécanismes de la politique sociale helvétique et s’attachent à comprendre ses mutations actuelles. De nombreuses références permettent en outre l’élargissement ou l’approfondissement des thèmes et des questions qui y sont abordés. Une lecture féconde pour comprendre les enjeux actuels de la politique sociale.
Le terme recovery pourrait être traduit par guérison, rétablissement ou recouvrement de la santé. Un mouvement y est associé. Il a vu le jour aux États-Unis dans les années 1990 et réunissait des malades psychiques considérés comme inguérissables ou pour lesquels il n’existait plus de ressources psychothérapeutiques et qui s’étaient rétablis malgré ces pronostics défavorables. Rapidement, des professionnels engagés et des proches se joignirent à ce mouvement.
Depuis, les tenants du recovery attirent l’attention sur le fait qu’il est aussi possible de se rétablir de maladies psychiques graves et que le préjugé selon lequel une personne malade est condamnée à le rester toute sa vie est infondé. Ils informent les autres personnes concernées et les proches sur les possibilités de rétablissement et aident les professionnels à orienter leur traitement plutôt sur le rétablissement qu’exclusivement sur l’évitement des crises ou le contrôle des symptômes.
Cette nouvelle brochure de Pro Mente Sana contient de précieuses informations et indique concrètement comment il est possible de devenir acteur de son propre rétablissement, chemin passionnant et parfois difficile.
Pro Mente Sana édite cette brochure que vous pouvez vous procurer gratuitement au 0840 00 00 60 (tarif local) ou à l’adresse . Pro Mente Sana, 40 rue des Vollandes, 1207 Genève
Le Rapport social suisse n’est pas un ramassis de statistiques indigestes qui prouvent tout et n’importe quoi, ce n’est pas une complainte sur le triste sort des marginaux helvétiques, ce n’est pas un ouvrage scientifique insaisissable ni une offre d’évasion « fun ». C’est une tentative de radiographier périodiquement la société suisse dans tous ses états, d’en tracer les changements et les permanences en mobilisant, pour en parler, des connaisseurs compétents dans les sciences sociales.
Le format de base du Rapport est formé par cinq grands axes qui traversent l’organisation sociale et qui s’entrecroisent :
Chacun de ces axes est traité d’une part par un chapitre d’approfondissement écrit par un-e spécialiste de la question, et d’autre part par une quinzaine d’indicateurs. Ces indicateurs sont déclinés autour de différents critères (sexe, âge, niveau de formation, etc.) et souvent suivis dans le temps, voire comparés à d’autres pays ; chaque indicateur est présenté sur une double page par des graphiques et un commentaire ; dans l’ensemble, le livre présente ainsi 75 indicateurs.
Exemple d’un chapitre d’approfondissement pour l’axe des inégalités, pris dans le dernier Rapport : « On ne prête qu’aux riches : L’inégalité des chances devant le système de formation en Suisse » écrit par Thomas Meyer, responsable de l’enquête TREE qui suit les écoliers de l’échantillon interrogé pour l’enquête PISA depuis maintenant dix ans pour tracer leurs trajectoires après l’école obligatoire.
Exemple d’un indicateur pour le même axe : « Héritage et homogamie de formation en 2006 ». Cet indicateur est présenté en trois graphiques. Le premier montre la fréquence des trois situations de mobilité entre parents et enfants (ascension, stabilité ou descente), séparément pour les hommes et les femmes, pour la Suisse et cinq autre pays européens. Le deuxième a la même structure, mais en substituant la distinction par trois groupes d’âge à celle par le sexe. Le troisième montre, pour les mêmes six pays, l’homogamie ou l’hétérogamie dans les couples (la femme a une formation plus élevée, égale ou moins élevée que son partenaire).
Ce n’est, certes, pas un polar pour les vacances d’été à lire du début à la fin, mais plutôt un livre de référence, à feuilleter et, surtout, à reprendre chaque fois que l’on se pose une question sur la société suisse qui va au delà de l’expérience personnelle.
René Levy, professeur honoraire, Institut des sciences sociales, Université de Lausanne
Présentation, résumés, graphiques et adresse de commande en ligne
Recension par Jean Martin, médecin de santé publique et bioéthicien
Le Dr La Rosa est médecin et docteur en anthropologie et écologie humaine ; il est aussi membre du Comité international de bioéthique de l’UNESCO. Il aborde dans cet ouvrage, de manière aisément compréhensible, plusieurs des défis actuels liés aux rapports entre l’industrie pharmaceutique, les autres secteurs du système de santé, notamment les professionnels et académiques, et la santé des personnes. On peut rappeler à ce propos le fait singulier, et problématique, que dans la plupart des pays occidentaux cette industrie, privée et à but lucratif, est le seul grand partenaire du domaine de la santé où il n’y a pas de représentant de l’intérêt général/public dans les instances qui déterminent les stratégies et prennent les décisions d’investir – ou pas. Précisons que d’autres secteurs – établissements sanitaires par exemple – incluent des éléments à but lucratif mais ces derniers restent minoritaires et les pouvoirs publics y jouent un rôle important [1].
Le disease mongering (ou invention de maladies avec colportage des prétendues raisons de juger les gens malades et de leur prescrire des médicaments [2] est l’objet d’analyses et de fortes prises de position sur le plan éthique depuis une vingtaine d’années. On se souvient en particulier de l’article de Marcia Angell sur la vénalité dans la médecine universitaire [3]. Des mesures correctrices et préventives ont été prises mais tout n’est certainement pas résolu.
La promotion des médicaments : massive et coûteuse
Dans la première partie de son ouvrage, La Rosa discute ainsi la « création corporative de la maladie » et donne des exemples de redéfinition des affections ou facteurs de risques, promouvant l’augmentation des prescriptions médicamenteuses. Il relaie le Nuffield Council on Bioethics britannique qui dénonce par exemple « l’étiquetage diagnostique inutile voire nuisible pour le patient ». L’auteur décortique la question délicate de l’élaboration et de l’adoption de recommandations de bonne pratique qui peuvent conduire à des gains majeurs pour l’industrie par l’élargissement du marché du médicament. Les épopées très lucratives de la dysfonction érectile, et maintenant de la dysfonction sexuelle féminine, sont de notoriété publique. L’auteur note pertinemment que cette promotion des médicaments passe même, et entre autres, par les associations de malades, soutenues par les firmes.
Dans la deuxième partie de son ouvrage, il décrit les mécanismes à l’œuvre dans la recherche, la mise sur le marché et le commerce des médicaments. Selon une source officielle, l’industrie consacre en France une somme de 25’000 euros par an et par médecin à la publicité et à l’activité des visiteurs médicaux ! L’auteur analyse l’évolution de plusieurs groupes de médicaments (hypolipémiants, psychotropes, antidépresseurs et anxiolytiques, en particulier) ainsi que les histoires instructives du rofécoxib (Vioxx R) et du benfluorex (Mediator R). Et il ne se montre guère optimiste : « Malgré ces difficultés, tout semble indiquer que l’industrie continuera dans la même voie, surtout dans les pays en développement. Le pouvoir et la surdité vont visiblement de pair ».
Démocratie sanitaire et conflits d’intérêts
La dernière partie traite d’abord de démocratie sanitaire, expression introduite et débattue en France à l’occasion de la loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades (dite Loi Kouchner). Puis elle aborde les règles liées à la bioéthique, mentionnant notamment la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme adoptée en 2005 par l’UNESCO, instrument international de valeur. La Rosa consacre utilement une vingtaine de pages aux conflits d’intérêts – question très actuelle à juste titre, à laquelle la corporation médicale a mis du temps à être adéquatement sensibilisée.
En résumé, une publication très pertinente qui réussit à présenter, sous une forme concise et agréable à lire, une information essentielle. Qui montre l’importance de la transparence dans un domaine où, si on a le droit d’y gagner de l’argent, d’importants défis éthiques (y compris d’éthique sociale) sont lancés à l’industrie. Est-il encore acceptable qu’y règne le principe que des efforts de recherche sont développés pour l’essentiel seulement là où il y a un marché solvable ? Alors que sont mis sur le marché de nombreux médicaments « me-too » (à savoir : moi aussi j’en propose un de plus) pour des affections largement couvertes par ce qui est déjà disponible, de grands fléaux infectieux (paludisme et tuberculose spécialement) restent, par le peu d’attractivité du marché potentiel, sans moyens de lutte ou prévention suffisamment efficaces et accessibles. L’OMS et d’autres déploient à cet égard des efforts qu’on peut saluer et l’industrie dit vouloir faire sa part, mais les progrès ne sont guère rapides. Autant de raisons de recommander la lecture du livre du Dr La Rosa.
Recension par Jean Martin, médecin de santé publique et bio-éthicien
Parmi les éclairages variés et de styles différents de ce livre, je choisis, subjectivement, quelques extraits des auteurs théologiens. Ainsi, Claude Schwab, le pasteur, titre « Nous me suicidons », pensant à la problématique de la personne dans la société. « Toute réflexion sur le suicide assisté ne peut échapper aux questions fondamentales : l’être humain, entité autonome ou partie d’un tout ? Entre l’affirmation claironnée d’une autonomie sans bornes et le dogme d’un droit imposé par la société, il y a un chemin à trouver ; [notamment] en actualisant le personnalisme, inspiré par Kant et Péguy. A l’individu, il oppose la personne, qui se sait reliée à une communauté (…) L’être humain est relationnel ou il n’est pas. »
Faisant référence à certaines assistances à la survie : « Quand on met fin à une vie, est-ce à cette vie individuelle ou à la prothèse de cette vie ? On a renoncé à l’absurdité de l’acharnement thérapeutique mais il restera toujours des situations-limites où la question se pose dans la douleur et la perplexité ». Pratiquement, relevant les analogies entre plusieurs interrogations éthiques : « Sur l’avortement, les Eglises protestantes ont adopté une position d’équilibre entre la banalisation et l’interdiction. Elles ont plaidé pour une ‘décision responsable’, elles acceptent d’entrer sur le terrain du moindre mal, se méfiant des absolus et du piège des idéaux de perfection ». Plus loin : « Le débat est ouvert mais il y a un argument contre le suicide assisté qui est irrecevable : celui de la souffrance rédemptrice ».
Le prêtre Philippe Baud évoque une vraie difficulté : « Personne ne peut réellement traiter de la mort qu’il n’a pas connue ; de la souffrance, oui. » Il pose la question, à toujours garder à l’esprit, de possibles pressions sociétales : « Une société qui commerce le ‘jeunisme’ s’accommode mal de la maladie et du déclin. La rapide disparition des rites funéraires en témoigne. Dans un tel contexte, demander à s’en aller pour échapper à la dépendance est vite salué comme un acte de courage ; si l’on n’y prête garde, cela deviendrait bientôt un devoir moral (…) L’argumentaire pointera la perte des capacités psychiques et corporelles, l’humiliante dépendance et l’inutilité de la souffrance. Autant le dire que toutes les souffrances seraient stériles. [Pourtant] la sagesse populaire ne marche pas unanimement dans cette direction, celle des soignants non plus. La souffrance ne fait pas que détruire. » Le lecteur intéressé approfondira ce point sur lequel les deux personnalités sont en désaccord, ou semblent l’être.
Philippe Baud ajoute : « Mais il y a des souffrances qui sont telles que l’on ne peut plus rien désirer d’autre que de mourir : l’envie de ‘n’être plus’ existe (…) Au corps médical, au personnel accompagnant, revient la tâche délicate et difficile de faire tout le possible pour que ce désir intense d’un ‘ailleurs’ n’engloutisse pas le malade ». Et il précise : « Qui, dans nos maisons de long séjour, rappelle aux pensionnaires cette voie où puiser un peu de courage pour avancer jusqu’au bout de cette vie ? [Par exemple] l’aide-soignante marocaine qui se retourne et glisse brièvement, avec un sourire, ‘ Je prierai pour vous’ ».
« Mourir dans la dignité, c’est demander de renoncer à vouloir prolonger artificiellement une vie qui s’en va. [Quid de] la grossissante cohorte de ceux qui, les yeux encore grand ouverts mais de plus en plus hagards vont comme perdus dans le brouillard. Ils ont connu le sentiment accablant d’être à charge, et la perte d’estime de soi. Bientôt sans force, sans mots, ils trébuchent, errent, à la dérive ». Les défis liés aux états démentiels ne sauraient être abordés par le suicide assisté (la loi interdit de telles directives anticipées), mais ils sont présents à l’esprit de beaucoup.
A l’évidence, nous n’avons pas fini de parler de la légitimité – ou non, et dans quelle mesure – humaine, éthique, juridique, culturelle, médico-soignante, de l’assistance au suicide.
Cet ouvrage est signé par un collectif de sept personnes : Claude Schwab, théologien ; Jean Martin, ancien médecin cantonal ; Philippe Vuillemin, médecin généraliste ; Philippe Baud, théologien ; Christian Danthe, médecin généraliste ; Christine Maquin-Gleiyse, direction d’EMS ; Filip Uffer, Pro Senectute. Avec plusieurs témoignages de proches ayant été impliqués dans un suicide assisté : Geneviève Heller, Stéphane Lévy, Pascale Lévy-Dalain, Marie-Claude Stricker-Juillard, Sophie Mermod-Gilliéron.
Recension par Jean Martin, médecin de santé publique et bio-éthicien
Enseignant secondaire vaudois, Yves Delay offre un témoignage hors du commun, à la fois personnel, social et pédagogique. L’auteur évoque enfance, jeunesse, études, puis le début de sa carrière pédagogique. En 1974, professeur d’histoire de 30 ans, il publie un livre sur le rôle du Général Guisan en 1939-45. Dans son enseignement, il s’intéresse particulièrement au XXe siècle et sensibilise ses jeunes audiences aux origines et conséquences des deux Guerres mondiales, à la montée du nazisme en Allemagne, à la Shoah. Son récent ouvrage illustre comment il l’a fait de manière particulièrement pertinente et innovante - mettant mon chapeau de président de la section vaudoise de la Ligue internationale contre la racisme et l’antisémitisme, je souhaiterais que cette période sombre continue à être présentée de telle manière aux jeunes générations.
Yves Delay a été actif dans la démarche des médiateurs scolaires : une initiative qui a fait ses preuves depuis trente ans dans plusieurs cantons, par la formation d’enseignants qui, pour une part modeste de leur temps de travail, sont en première ligne à disposition d’élèves en difficultés (problèmes personnels et familiaux, abus, usage de drogues, soucis à l’école). Une histoire d’amour fourmille d’exemples tirés de l’instructive expérience de l’auteur ; ce qui m’a particulièrement intéressé dans la mesure où, comme médecin cantonal, j’ai été partie prenante à l’époque du programme de médiation et au contact de problèmes de nature médico-sociale dans les établissements scolaires.
Témoignage d’une personnalité hors du commun. Yves Delay est réellement atypique. Entretenant des rapports cordiaux et étroits, y compris par une nombreuse correspondance, avec ses élèves. Il a gardé le contact avec leurs intérêts, notamment en ce qui concerne leur musique - devient un bon connaisseur des scènes rock et rap, depuis Woodstock et par la suite. Il ne craint pas de réveiller par des pitreries ceux qui sommeillent ou s’ennuient en classe. En résumé, un parcours de vie substantiel, plein d’humour, bien écrit, que j’ai lu avec grand plaisir et avec émotion parfois.
Ce livre intéressera et distraira celles et ceux que préoccupe la formation, le bien-être - et les mal-être - des jeunes d’aujourd’hui, et la manière d’interagir empathiquement et constructivement avec eux. Ainsi, Une histoire d’amour retiendra l’attention des enseignants, parents, responsables scolaires et civiques, mais aussi celle des travailleurs sociaux comme des médecins et autres professionnels. Non pas parce que le contenu serait révolutionnaire mais comme illustration d’une action innovante et à l’écoute de la jeunesse.
Devant 150 étudiants en médecine, le conseiller d’Etat socialiste Pierre-Yves Maillard a plaidé pour un contrôle démocratique des prestations de soin.
L’offre et la demande
En forme de préambule, le conseiller d’Etat explique pour quelles raisons la loi de l’offre et de la demande ne suffit pas à réguler le marché sanitaire.
1. Parce que, historiquement, la Suisse a déjà essayé de se fier à cette seule loi du marché il y a un peu plus d’un siècle. Les résultats ont été particulièrement mauvais.
2. Parce que le marché de la santé est paradoxal. La preuve : quand il augmente, c’est l’indignation nationale alors que les applaudissements crépitent lorsque le marché automobile augmente. Il faut donc en déduire que les soins ne sont pas assimilables aux autres biens de consommation.
3. Parce que les prestations de soin sont un besoin existentiel de l’être humain. Ce que la Ferrari n’est pas ! Ainsi, un patient non-solvable a le droit de recevoir des soins qui seront payés par d’autres personnes. Corollaire : il faut mutualiser la santé. Mais cette mutualisation est elle-même limitée et des assurances sociales publiques doivent la compléter.
Le troisième acteur
La régulation du marché de la santé étant considérée comme bel et bien nécessaire, encore faut-il savoir qui doit assumer cette régulation. Quel est l’acteur en charge de vérifier l’adéquation des prestations sanitaires ? Les assurances maladie ? Les patients ? Le personnel médical ? Pour le ministre vaudois de la santé, seul un acteur sur lequel est exercé un contrôle démocratique peut et doit jouer ce rôle. Et parmi les nombreux acteurs de la santé, le seul sur lequel est exercé ce contrôle, par les élections, c’est le politique.
Marylou Rey
Conférence en format mp3
Dans son dictionnaire « 83 mots pour penser l’intervention en travail social », Claude de Jonckheere donne l’envie et les moyens d’agir plus sereinement. Il convie ses lecteurs et lectrices à une éthique de l’action.
C’est effectivement dans l’action que nous emmène cet ouvrage qui s’adresse aux travailleurs sociaux en priorité mais qui sera découvert avec grand profit par les enseignants, les soignants et, en fait, par toute personne travaillant avec d’autres personnes.
Dans ce dictionnaire singulier, l’auteur se réfère à de nombreux philosophes pas toujours accessibles au grand public. Sous sa plume pourtant, les concepts, le percept et l’affect deviennent des notions familières ; l’identité, l’expérience ou l’existence retrouvent un sens précis ; la puissance, le pouvoir ou le jugement prennent des contours clairs. Claude de Jonckheere ironise aimablement sur la mode de la « pratique réflexive ». Et il se méfie de l’usage politique de certains termes : « efficacité », « contrat » ou « projet ». Mais surprise : éclairés sous de nouveaux angles, ces mots polysémiques perdent un peu de leur autoritarisme administratif et prennent des couleurs moins antipathiques.
D’autres mots du dictionnaire sont franchement sympathiques. Nos trois préférés : « Bégaiement », « Bricolage » et « Rhizome ».
- Bégaiement, extrait, page 69 : « Que seraient les savoirs d’un travailleur social sans cette compétence [de bégaiement], sans hésitation, sans doute. Des certitudes massives et grandiloquentes qui ne pourraient s’accorder avec l’incertitude des personnes vulnérables dont ils ont la charge, ou des certitudes universelles qui ne pourraient s’accorder avec la singularité des situations dans lesquelles ils ont quelque chose à faire. »
- Bricolage, extrait, page 74 : « Dans le travail social, bricoler un mode d’intervention représente une garantie pour les bénéficiaires contre les tentatives de capture de leur existence, des modes d’intervention “tout faits”, prêts à l’emploi et exigeant d’être appliqués tels quels. Cependant, le bricolage a mauvaise réputation et parfois, tout en bricolant, il est nécessaire de montrer que l’on applique rigoureusement une méthode. Les systèmes d’évaluation n’intègrent que difficilement le bricolage. »
- Rhizome, extraits, page 389 : « Le concept de “rhizome” attire l’attention vers la multiplicité des liens qui se tissent entre un individu et son environnement. (…) Le rhizome connecte des éléments apparemment disparates et multiples. Il ne contient ni sujet ni objet, mais “des déterminations, des grandeurs, des dimensions qui ne peuvent croître sans qu’elles changent de nature.” »
Ce dictionnaire de 83 mots est aussi singulier parce que tout y est mouvant, tout change, évolue, se transforme au fil des rencontres, des lieux, du temps. Et chaque lecteur va reconnaître ses doutes d’aujourd’hui, ses contradictions d’hier, ses paradoxes de demain. Le comble ? Claude de Jonckheere ne donne aucune solution. Son livre nous oblige tout simplement à essayer de construire posément et sensément les problèmes. Un livre de chevet dans lequel chaque lecteur peut puiser au hasard et, quelle que soit son humeur, trouver des ingrédients pour mieux penser sa présence au monde et aux humains et agir plus sereinement.
Marylou Rey
Tant au niveau européen qu’au niveau mondial, la pauvreté n’a cessé d’augmenter ou de se présenter sous de nouvelles formes, en particulier au cours des vingt dernières années. Pourtant, nous n’en sommes ni à la première déclaration d’intention, ni à la première année marquée par les bonnes résolutions. Petit parcours dans les deux dernières décennies.
Jean-Pierre Fragnière
Ecouter aussi : Babylone, RSR, Espace 2, 27 janvier 2010 : Bel avenir pour la pauvreté ? Avec :
Babylone en format mp3
Les résultats de l’enquête menée auprès de 1’700 institutions qui occupent environ 20’000 personnes dans des postes relevant du travail social sont sortis. Parmi les établissements interrogés : des institutions accueillant des enfants, des personnes en situation de handicap ou de dépendances ou souffrant de troubles divers, des centres de loisirs et d’animation, des services sociaux, des lieux d’insertion professionnelle, d’accueil de la petite enfance ainsi que des structures parascolaires. Les points forts de l’enquête.
- L’éducation préscolaire constitue toujours un bastion féminin à 96% où domine le temps partiel et où l’on compte 72% de personnes disposant d’un diplôme professionnel.
- Dans le service social, les femmes forment également une large majorité stable de 73%, les personnes avec un diplôme professionnel sont 62%.
- L’animation socioculturelle a vu ces dernières années la présence féminine s’accroître à 62 %. Le taux de personnes avec un diplôme professionnel s’élève à 80 %.
- Les éducateurs en institutions spécialisées accroissent leur présence alors que les éducatrices, qui rentrent plus tôt et plus nombreuses dans la profession, diminuent de 59 % à 57 % sur neuf ans. Les personnes avec un diplôme professionnel représentent 72% dont 2% disposent du CFC d’assistantes et assistants socio-éducatifs, part qui devrait augmenter au cours des prochaines années.
- La profession de maître socioprofessionnel reste très masculine. Les femmes, qui occupent essentiellement les temps partiels, diminuent de 36 à 35 % sur la durée prise en compte par l’enquête. La part des personnes avec un diplôme professionnel est de 66%.
A noter que, pour accomplir leurs missions, les institutions du travail social engagent généralement des collaboratrices et des collaborateurs diplômés et contribuent à leur formation ; mais le besoin de personnes qualifiées dépasse le nombre de diplômes professionnels délivrés, quel que soit le niveau de formation. La croissance du nombre d’emplois, prévue dans une précédente enquête début 2000, s’est poursuivie ces dernières années et les employeurs interrogés prévoient qu’elle va se prolonger en 2010.
Présentée lors du Colloque FORs (Organisation romande pour la formation professionnelle dans le domaine social) le 17 novembre 2009, cette enquête a été menée par des chercheuses et des chercheurs de la Haute Ecole Spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO) sous la responsabilité de Pascal-Eric Gaberel de la Haute école de travail social et de la santé (EESP Vaud). Elle intervient au moment où les premiers titulaires du CFC d’assistant socio-éducatif entrent sur le marché de l’emploi.
Le système de santé suisse est aux urgences… Le professeur Stéphane Rossini passe en revue les problèmes structurels qui ont généré cette gabegie. D’abord, les responsabilités sont diluées et très mal coordonnées entre la Confédération, les cantons et les communes. Ensuite, les lois se sont confusément empilées les unes sur les autres au fil des décennies. De plus, les primes sont déterminées sans prendre en considération la situation économique de l’assuré et chaque canton adopte sa propre pratique de réduction pour les personnes à faible revenu. N’en jetez plus ! Tous ces dysfonctionnements aboutissent à des inégalités de traitement, à des injustices dans l’accès aux soins, à des comportements irrationnels coûteux. Un exemple parmi tant d’autres : il est plus avantageux pour une personne de rester à l’hôpital que de séjourner dans un home.
Dans sa synthèse de dix pages (disponible ci-dessous), Stéphane Rossini décrit cinq grands axes de réforme. Ils s’articulent autour de plusieurs principes de base, notamment la justice sociale, l’égalité de traitement, la régulation du service public plutôt que le renforcement de la libéralisation qui instaure des concurrences parfois néfastes. L’auteur met les médecins au cœur de toute la stratégie. Ils ont un rôle déterminant « dans la lutte contre la surconsommation, contre les interventions inappropriées, contre le gaspillage. »
Un Secrétaire d’Etat et un pool des hauts risques
En plus des mesures pour harmoniser les lois, les modalités de financement et d’assurance, l’auteur propose la création d’un poste de Secrétaire d’Etat à la santé et la protection sociale qui aurait un rôle de rassembleur. Des mesures intéressantes et novatrices sont également suggérées pour la médecine de pointe, le secteur hospitalier ou la régulation des progrès technologiques.
Stéphane Rossini souligne l’importance d’une parfaite coordination des soins pour une prise en charge rigoureuse et optimale des patients. Il imagine aussi un « pool des hauts risques » qui serait financé par tous les assureurs en fonction du nombre de leurs assurés. Ce pool serait un élément-clé contre la déplorable chasse aux bons risques à laquelle se livrent les assureurs. Il répondrait également à cette donnée méconnue : « Environ 10% des patients, souffrant notamment de maladies graves ou chroniques, induisent plus du trois-quarts des coûts des assurances maladie. »
Le professeur et conseiller national souligne la dimension sociale de tout l’édifice et donne des pistes pour renforcer la solidarité, lutter contre le dumping des caisses ou contre les effets pervers des franchises élevées. Et il propose un objectif : « Aucun ménage ne devrait allouer plus de 8% de son revenu pour s’assurer contre la maladie. »
Retrouver l’envie d’agir
Contrairement aux déclarations tonitruantes de certains qui ne pensent qu’à réduire les coûts de la santé, Stéphane Rossini vise un objectif autrement plus ambitieux : « des soins de qualité, en quantité et à des coûts adéquats ». C’est probablement ce noble but qui rend les réformes proposées plus cohérentes et stimulantes pour tous les acteurs concernés : autorités, institutions hospitalières ou de soins, assureurs, assurés, médecins, vous, moi… Au lieu de dénoncer les coupables de la hausse des coûts de la santé, cette vision stratégique et sociale nous met tous, à égalité, devant les vrais défis. Bref, elle donne envie d’agir ensemble et non plus les uns contre les autres.
Marylou Rey
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Les lois sur l’assurance chômage ne se contentent pas de discriminer les femmes, elles renforcent les inégalités devant le travail.
Les normes juridiques appliquées dans l’assurance chômage renforcent les inégalités de genre de deux façons et à deux moments distincts. D’abord, la loi considère globalement que seul le travail salarié, par opposition au travail domestique et/ou éducatif, est digne d’être vraiment indemnisé. Ensuite, elle se méfie de toutes les variétés de temps partiel qui sont le lot presque exclusif des femmes et des mères en particulier. Sophistiqués, les mécanismes de discrimination agissent dès l’affiliation à l’assurance, puis une nouvelle fois lors de l’indemnisation de l’assurée qui doit remplir des conditions plus strictes que celles imposées aux assurés. Dans le dernier numéro de « Nouvelles Questions féministes »*, la chercheuse Carola Togni pose cinq jalons historiques de cette discrimination si persistante.
1. 1924-1933 : la norme du travail masculin
Introduite en 1924, la première loi fédérale sur l’assurance chômage se borne à octroyer des subventions aux caisses privées et publiques existantes. Ces caisses sont principalement organisées par les syndicats et les membres s’y affilient sur une base volontaire. Or les syndicats de l’époque considéraient souvent les femmes comme des concurrentes déloyales (notamment à cause des bas salaires qu’elles recevaient !) et elles sont donc peu nombreuses à s’affilier. Cette première loi précise que, pour avoir droit aux indemnités, la personne doit pouvoir prouver un travail régulier et subir une perte sur le gain « normal »… Malgré ces restrictions, la disposition légale a un effet positif : la part des femmes dans les effectifs des caisses passe de 17% en 1924 à 25% en 1933. Chiffre encourageant qu’il faut pourtant immédiatement nuancer puisque, dans le même intervalle, la proportion de femmes parmi les personnes indemnisées diminue de 30% à 20%.
2. 1934-1950 : l’exclusion des femmes mariées
Une ordonnance de 1934 vient remettre l’église au milieu du village… Désormais, seule une personne par famille a le droit de toucher des indemnités de chômage. Et le texte précise : « Cette personne est celle qui pourvoit en majeure partie aux dépenses du ménage ». Les choses se gâtent encore plus en 1942 : les femmes mariées ne sont plus assurables que si le revenu de leur mari se révèle insuffisant pour l’entretien de la famille. La majorité des cantons fixent alors le barème au niveau ridicule de 350 francs par mois, alors que le salaire d’un ouvrier auxiliaire sans formation s’élève au minimum à 362 francs. Autant dire que les femmes mariées sont exclues de l’assurance.
3. 1951-1974 : l’exclusion de professions féminines et du temps partiel
La loi de 1951 supprime les discriminations envers les femmes mariées… mais exclut les employés d’hôtel et de restaurant, les infirmiers privés et les employés de maison, toutes professions évidemment occupées par des femmes.
4. 1975-1996 : les inégalités survivent aux réformes
Ce n’est qu’en 1976 que l’assurance chômage devient obligatoire pour toutes les personnes salariées. Mais là encore, le Conseil fédéral s’empresse de mettre les points sur les « i » et d’exclure les personnes qui n’ont pas une activité professionnelle régulière. En 1982, légère ouverture pour les femmes séparées, divorcées, mariées à un homme devenu invalide et pour les veuves. Si elles sont « contraintes » de reprendre une activité lucrative et ne trouvent pas de travail, elles n’ont pas besoin d’avoir cotisé pendant le délai ordinaire pour obtenir les indemnités. L’auteure précise toutefois : « Le travail salarié des femmes mariées reste, dans la vision du législateur, une "contrainte" et non un droit. » Ce n’est finalement qu’en 1995 que la loi reconnaît la période éducative comme période de cotisation. Une générosité à nouveau relative puisque les femmes doivent prouver une « nécessité économique » à leur travail, nécessité évaluée sur la base des revenus du conjoint.
5. 1999-2008 : persistance et renforcement des discriminations
Avec la période d’austérité budgétaire, en 1999, le Parlement rogne de moitié les indemnités aux personnes qui font valoir la période éducative de leurs enfants. Deux ans plus tard, cette « période éducative » est carrément rayée des textes. Cette révision renforce aussi l’exigence de régularité de cotisation pour ouvrir un droit aux prestations. Quant aux conditions d’accès aux indemnités, elles sont toujours, voire de plus en plus, restrictives à l’égard des mères qui ont des enfants en bas âge. Leur « aptitude au placement » est refusée si elles n’ont pas de place de garde ou si elles ne sont pas disponibles toute la journée… En général, aucune preuve n’est exigée des pères. D’ailleurs, on ne les soupçonne pas d’être inaptes au placement.
Ignorant superbement ces arguties législatives, l’Enquête suisse sur la population active considère « sans emploi » les personnes entre 15 et 74 ans qui sont activement à la recherche d’un emploi et sont disponibles pour travailler. Elle ne tient pas compte des conditions d’accès aux indemnités introduites par les dernières révisions légales. Et que découvre-t-elle en 2008 ? La Suisse compte davantage de femmes que d’hommes sans emploi, mais davantage d’hommes que de femmes indemnisés par l’assurance chômage ! Une situation absurde et discriminatoire qui, pour l’instant, ne semble pas émouvoir la majorité du Parlement…
Marylou Rey
Les normes sociales ont besoin de transparence mais également d’une part d’ombre. Ainsi, lorsqu’il s’agit d’éclaircir un délit, le perfectionnisme peut parfois affaiblir la validité des normes légales.
Une personne qui touche l’aide sociale de manière indue commet une fraude. La norme légale du Code pénal suisse (paragraphe 146) est appliquée dans ce type de cas. La fraude est un délit poursuivi d’office ; la Conférence suisse des institutions d’action sociale (CSIAS) en fait mention dans ses mesures visant à garantir la qualité et à empêcher l’abus de l’aide sociale. A côté de l’appareil policier des autorités officielles en matière de poursuite pénale, quelques communes suisses ont recours depuis peu à des détectives sociaux chargés de constater et dénoncer les fraudes.
La manière de gérer sa vie en Suisse, de façon générale, a un effet très normatif sur la société : les gens pourvoient eux-mêmes à leurs besoins grâce à leur revenu. Ce revenu provient soit du salaire d’un travail fixe, soit d’un gain en capital – ou des deux. Une personne sans revenu propre bénéficie d’une couverture du minimum vital grâce au revenu de l’Etat, aux impôts. C’est pourquoi, les couches les plus basses de la société sont souvent suspectées de fraude. Il y a peu de tolérance pour les chiffres obscurs en cas d’abus de l’aide sociale. Tout doit être mis en lumière et éclairci. A cet égard, le comportement social normatif, qui comprend l’acquisition d’un revenu, fait référence.
Société en verre
Dans son article intitulé "Über die Präventivwirkung des Nichtwissens / Dunkelziffer, Norm und Strafe (Sur l’effet préventif de l’ignorance / chiffres obscurs, norme et sanction)", le sociologue Heinrich Popitz (1925-2002) part de la représentation utopique, très désagréable, d’une société dans laquelle les hommes et les femmes découvrent tout les uns des autres. Des canaux hiérarchisés comprenant un système d’espionnage conjugué à une méthode permettant d’obtenir des aveux forcés sont censés satisfaire le besoin d’information des hautes sphères politiques.
Popitz constate cependant : "La tentative de parvenir à la transparence du comportement dans une unité sociale définie finira immanquablement par se heurter à des limites ; subjectives – malaise psychique des personnes concernées, indocilité, contre-réactions - et objectives, les limites du possible sur le plan organisationnel et technique ainsi que les coûts sociaux."Une société en verre, semblable à une prison, une horrible société reste impossible, il s’agit d’une utopie négative. Pourquoi est-ce ainsi ?
Chiffres obscurs
La sanction des délits, tout comme l’ignorance des délits, participent à la cohésion de la société. Popitz commente ces tendances opposées à l’aide des chiffres obscurs – très désagréables lorsque l’on veut être perfectionniste. Selon Popitz, la vie sociale a besoin de flou, "qui sert finalement aussi à la bonne opinion que nous nous formons les uns au sujet des autres tout comme au sujet de notre système de normes." En effet, les normes ont besoin d’un peu d’ombre. Popitz constate que les sanctions n’ont que peu d’impact sur la validité de la norme. Le nier peut occulter le débat relatif à un changement de norme. La discussion sur les abus en matière d’aide sociale pourrait ainsi donner lieu à un discours sur une utopie positive, sur un revenu de base inconditionnel pour tous, par exemple. Car la liberté sociale est également conditionnée par le revenu.
Parler du respect entre hommes et femmes revient à brosser le tableau des conditions qui empêchent les uns et les autres de s’apprécier mutuellement et de se vouer le respect qu’ils se doivent. Ainsi, face à la perte du sentiment communautaire et de l’appartenance sociale, de l’isolement face aux dérives entraînées par l’industrie et le commerce mondialisés, les relations interpersonnelles se détériorent. C’est en tout cas l’avis de Jaques Depallens, municipal chargé des affaires sociales à Renens, qui s’exprimait à l’occasion de l’ouverture de la campagne « Entre hommes et femmes, on se respecte ».
Pour Pascale Manzini, chargée du social à Ecublens, le mot respect fait d’abord penser au respect du prochain et finalement "à tout le monde qui vit autour de vous et qui n’est pas vous". Dans le mot "prochain", il y a aussi "proche". C’est donc aussi envers nos proches que nous devons du respect. « Une telle attitude suppose une catégorie de règles qui dépendent des us et coutumes des différents groupes de la société ». La députée insiste particulièrement sur le respect de l’aîné, de l’ancien, de celui qui a construit notre présent en vivant dans le passé. Pour la Vaudoise, il faut donc un respect particulier pour le passé, l’expérience et la sagesse. « Si la société veut continuer d’exister dans sa diversité, elle doit aussi respecter ses enfants et ses jeunes », a recommandé la municipale des affaires sociales à Ecublens, qui prône la notion de durabilité du respect.
Concilier modernité et tradition
Jacques Depallens, municipal social de la commune de Renens, pense qu’il faut avoir le courage de concilier modernité et tradition. « Personne, Suisse ou étranger, ne peut vivre exactement comme vivaient les grands-parents, souvent dans un cadre villageois et une famille élargie très encadrante », fait remarquer le popiste. Et de rappeler que dans les années 1950-60, les filles ne sortaient que peu de la maison avant le mariage. « La vie sociale des jeunes filles était très réduite, à la différence de celle des garçons qui sortaient pour faire du sport, participer aux sociétés de jeunesse, faire l’armée, etc. Peu de filles suivaient une formation poussée. Elles n’avaient même pas le droit de vote ! »
« Mais la modernité n’est pas non plus rose », observe le municipal qui dénonce les nombreux dérapages par exemple dans les moyens de communication de masse. Pour lui, internet et téléphonie mobile véhiculent impunément des images dégradantes pour les femmes et de nature à égarer les hommes. Quant aux affiches publicitaires, elles associent toujours le corps féminin dénudé avec la vente d’objets de consommation.
Promouvoir le « vivre ensemble »
De nombreuses personnalités issues des milieux scientifiques se sont également exprimées sur ce thème du respect mutuel entre hommes et femmes. Ainsi, pour Ilario Rossi, professeur d’anthropologie à l’Université de Lausanne, la société moderne est devenue très métissée. « Mais ce métissage du présent ne doit pas être trop encombrant pour le passé. Il doit plutôt l’enrichir », indique ce scientifique pour qui l’homme d’aujourd’hui est un héritier d’un ensemble de mémoires. C’est à cet homme même à qui il est demandé de s’adapter à l’affirmation des différences pour ne pas mettre en cause le « vivre ensemble ».
Même son de cloche chez Véronique Mottier, professeure associée à l’Université de Lausanne et spécialiste des questions de genre. D’après elle, il y a encore de nombreuses discriminations à l’égard de certaines catégories de populations, ce qui empêche les gens de construire leur propre identité. Elle donne comme exemple le cas des homosexuels qui restent encore stigmatisés, ici comme ailleurs. Même chose pour les immigrés musulmans, accusés de ne pas respecter un certain nombre de valeurs occidentales. Si les gens veulent avoir une meilleure qualité de vie sociale, et même économique, il faut du respect entre hommes et femmes. Voilà le chantier qui attend les habitants des communes de l’Ouest lausannois.
Déo Negamiyimana
Le dossier que l’on appelle désormais « liberté de contracter » est un vrai serpent de mer… Rappelez-vous ! En 2002, le Conseil fédéral décide, à titre provisoire, de geler toute nouvelle installation de médecins en cabinets privés. On craint alors qu’avec la libre circulation des personnes, de nombreux médecins en provenance de l’Union européenne ne s’installent en Suisse et n’exercent à la charge de l’assurance maladie, faisant augmenter sensiblement des coûts qui ont déjà une nette tendance à l’escalade.
Cette mesure « provisoire » est reconduite régulièrement depuis lors et est toujours en vigueur, mais, « croix de bois, croix de fer », le Parlement ne se laissera plus faire et refusera toute prolongation au-delà de 2009. Il faut donc trouver un autre moyen de gérer les installations de nouveaux médecins et de maîtriser les coûts.
En 2004 déjà, le Conseil fédéral fait une proposition fondée sur la « liberté de contracter ». Il prévoit de laisser aux assureurs la possibilité d’établir des contrats avec les médecins qui leur conviennent et donc de leur donner le pouvoir de choisir les praticiens qui peuvent ou ne peuvent pas exercer à la charge de la Loi sur l’assurance maladie (LAMal).
Ce modèle fait la joie des assureurs, à qui il attribue le pilotage du système de santé. Les patients en revanche n’ont plus le choix du médecin et doivent se renseigner sur les contrats conclus avec leur assureur. Les médecins n’ont qu’à bien se tenir s’ils veulent être reconnus.
Tergiversations du Parlement
Le Parlement, quant à lui, tergiverse, sachant bien que ce modèle n’a pas l’heur de plaire aux citoyens. On palabre, mais on ne décide rien… avant les élections de 2007. 2008 est l’année de la créativité : émergent alors les modèles dits Helsana, Oggier, des cantons, FMH, liberté de contracter seulement pour les médecins spécialistes, managed care, etc. On parle encore et encore et on n’avance pas. Le Conseil national met alors le Conseil des Etats sous pression et le somme de trouver une solution, sans quoi le gel des admissions tombera sans autre forme de procès.
Le 1er juin 2008, le peuple vote sur l’assurance maladie et exprime clairement sa volonté : il ne veut pas du pouvoir absolu des caisses… Fin juin, la commission des Etats procède à des auditions, reçoit les représentants des cantons et de la Fédération des médecins suisses (FMH), constate que leurs deux modèles sont compatibles, moyennant quelques aménagements et propose aux deux organisations de se rencontrer et de présenter un projet commun.
Le missile de santésuisse
Fin août, c’est chose faite, la Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS) et la FMH envoient le résultat de leurs réflexions : une obligation de contracter et une intervention des cantons à titre subsidiaire, au cas où il y aurait trop ou trop peu de médecins. C’est compter sans le missile de santésuisse : juste avant la réunion de la commission, la faîtière publie un modèle dit « de coopération ». On y trouve, d’une part, une assurance de base comme actuellement, mais sans gel des admissions ; et d’autre part, un système « de coopération », où les assureurs et les fournisseurs de prestations définissent librement et contractuellement leur collaboration. La liberté de contracter est donc de retour…
Et que croyez-vous que décide la commission ? Elle entre en matière sur le message du Conseil fédéral sur la liberté de contracter de 2004 et renvoie le projet au Département de l’intérieur avec mission de reprendre le travail sur la base des propositions des assureurs ! Le dossier est prudemment renvoyé au Département et non au Conseil fédéral, ce qui évite une publicité inutile autour d’un sujet qui pourrait fâcher…
Pour le document CDS-FMH, c’est un enterrement sans fanfare. Les cantons et la FMH ne pèsent pas lourd face aux assureurs à la commission des « Etats ».
Gisèle Ory, conseillère aux Etats socialiste et directrice de Pro Infirmis Neuchâtel
Commentaire
reçu le mardi 19 mai 2009 à 00h47
La suppression de l’obligation de contracter n’est qu’une mesure parmi d’autres visant à réduire les coûts de la santé. Dans un pays aussi riche que la Suisse, le fait de consacrer 11% du PIB à la santé n’est pas excessif. Le vrai débat devrait tourner autour du financement de la santé et non pas autour de ses coûts. De tous les pays de l’OCDE, la Suisse a le financement de la santé le moins social. 67% des frais sont payés par les ménages, et la part de l’Etat au financement a chuté de 40% à 25% ces dernières années. Le système des primes par tête, de quote-part et de franchises à option défavorisent de façon intolérable les bas revenus.
En attaquant les coûts de la santé, M. Couchepin se trompe non seulement de cible, mais aussi de sujet : la base de tout acte thérapeutique est la confiance qui doit s’établir entre le médecin et son patient. Or, en permettant aux assureurs de se mêler de cette relation, M. Couchepin en empêche la réalisation. Comme d’autre part il favorise une médecine à deux vitesses en réduisant le catalogue des prestations de l’assurance de base en faveur des complémentaires, il peut se vanter d’avoir saboté en un temps record un système de santé qui comptait parmi le meilleurs au monde.
Dr Georges Muheim, Fribourg
Davantage encore que tout autre dispositif de la sécurité sociale, l’assistance publique symbolise la solidarité nationale. Cette solidarité, objectivée dans des lois, se conjugue à un contrôle des populations les plus démunies : c’est le gouvernement des pauvres.
Loin de rester statique, ce gouvernement évolue. C’est ce que montre l’ouvrage Temps d’assistance issu d’une recherche menée dans le cadre du Programme national de recherche « Intégration et exclusion ». Selon ce livre, quatre manières différentes de concevoir le gouvernement des pauvres se succèdent en Suisse romande depuis la fin du XIXe siècle.
Le temps des principes (1888-1889) correspond la période de mise en place de la législation d’assistance publique. Le problème politique majeur semble être celui de la définition des destinataires de l’assistance. Faut-il aider toutes les personnes qui habitent la commune ou uniquement celles qui en sont originaires ? Suivant les cantons, c’est l’une ou l’autre solution qui est choisie.
Mais aucune des solutions choisies ne permet de résoudre complètement les problèmes liés aux mouvements de population. Il faut dès lors, et rapidement, penser à réformer l’assistance. L’arrivée de la crise, à la fin de la Première Guerre mondiale, accélère encore le mouvement. Cantons et communes prennent des mesures complémentaires à l’assistance publique : travaux de chômage, réfectoires et dortoirs pour chômeurs, assurance chômage. Le temps de l’adaptation (1908-1940) amène donc les cantons à repenser du tout au tout le gouvernement des pauvres et, notamment, à différencier le chômage de l’assistance.
Durant la période de haute conjoncture qui suit la fin de la guerre, l’assistance n’est guère nécessaire, car le développement des assurances sociales a diminué le besoin d’assistance. C’est le temps de la contingence (1944-1973) et certains parlent de supprimer l’assistance. Elle est maintenue comme dernier « filet » du système de sécurité sociale, pour résoudre les problèmes de ce qu’on appelle à l’époque « l’inadaptation sociale ».
L’émergence de l’exclusion
La crise du milieu des années 70 change tout. De multiples enquêtes établissent la persistance de la pauvreté en Suisse. S’installe alors dans l’imaginaire collectif l’idée que des processus d’exclusion traversent la société. Dès 1995, le droit à l’assistance publique, est reconnu au nom de la dignité humaine. Ce droit oblige à formaliser l’assistance, c’est le temps de la gestion (dès 1974).
La réforme de l’assistance se fait souvent en temps de crise. Le consensus sur la nécessité de fournir assistance aux pauvres est fort à ces périodes. Mais les limites de la solidarité sont également évidentes… Durant la période de développement des années d’après guerre, ces limites s’estompent, mais la question même de maintenir l’assistance est posée. Le gouvernement de l’assistance est donc comme on le voit tributaire de l’évolution économique.
Basé sur l’analyse d’un vaste corpus fait de débats parlementaires sur l’assistance publique, de décisions de justice, d’articles de presse et d’ouvrages d’époque ainsi que sur des interviews, Temps d’assistance révèle le travail social de définition et de délimitation qui a permis l’émergence de la législation sur l’assistance publique en Suisse romande et a motivé ses réformes. Il se termine en donnant la parole aux bénéficiaires, qui disent ce que signifie vivre de l’assistance publique aujourd’hui.
Jean-Pierre Tabin
L’addiction sexuelle est rare, mais elle se révèle déstructurante pour celui qui en est atteint. Cette thématique a été débattue en septembre passé à Genève par le Forum addictions, qui réunit plusieurs fois par an des professionnels du social et de la santé, sous l’égide de l’association Première ligne (réduction des risques), d’ARGOS (toxicomanie), des Hôpitaux universitaires et de l’Hospice général. Les actes de cette rencontre viennent d’être publiés.
Il apparaît que la définition de l’addiction au sexe est des plus floues. Il n’existe pas de critères spécifiques pour la délimiter. « Le déroulement du forum ne s’est toutefois pas révélé moins complexe que sa préparation », écrivent ses organisateurs. En effet, il n’est pas facile d’évoquer – même pour des thérapeutes et des travailleurs sociaux – la sexualité en tant que telle, sans réserves personnelles ou allusions plus ou moins ludiques.
Se droguer pour oublier son corps
Gaëlle Martinez, collaboratrice socio-sanitaire à Première ligne a fait apparaître que le recours aux drogues diverses par les prostituées est avant tout un moyen de conjurer leurs angoisses et de favoriser leur désinhibition. La consommation de drogue fonctionne comme un « outil de travail » qui leur permet de dissocier la tête et le corps. « Les femmes vont consommer de l’alcool pour pouvoir travailler, de la cocaïne avec le client et ensuite elles vont prendre des médicaments (somnifères, antidépresseurs) pour pouvoir se reposer ou supporter cette situation ». Pour ces femmes, parler de consommation de drogues est difficile. « Elles ne veulent pas être associées aux femmes toxicomanes et vivent déjà difficilement le fait de pratiquer la prostitution ». Par ailleurs, il existe des « échanges de services sexuels » entre prostituées et dealers. Enfin, une rivalité oppose les consommatrices de drogues qui se prostituent aux prostituées qui consomment des psychotropes.
L’abus sexuel et l’abus d’abstinence
Le psychiatre Georges Abraham a mis en évidence le fait que les comportements addictifs en matière de sexualité ne sont souvent que des réponses à divers besoins. Considérant les abus de comportements sexuels, il souligne que l’abstinence peut être tout aussi tyrannique que l’addiction ! Quant aux sources de cette addiction, elles peuvent être diverses. L’angoisse de la perte d’appétit sexuel constitue par exemple une angoisse pouvant aller jusqu’à la perte du goût de vivre.
L’impact des maltraitances
Pour le docteur Bron, chef de clinique a la consultation interdisciplinaire de médecine et de prévention de la violence aux HUG, la maltraitance et l’abus de drogues sont liés. Par ailleurs, il est également apparu que la consommation de drogues rend les auteurs de maltraitances aussi vulnérables que leurs victimes.
Stéphane Herzog / Source : Sexualité et addictions : zoom sur un sujet tabou, 18ème Forum des addictions, Genève.
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Policier de quartier, romancier, formateur spécialisé en éthique, Yves-Patrick Delachaux est un flic atypique avec une vision sociale de son travail. Aujourd’hui, il démissionne de la gendarmerie genevoise et s’en explique.
Vous quittez la police genevoise après seize ans d’exercice, pourquoi ?
Si je restais en poste dans les conditions actuelles, j’aurais au sens strict du terme l’impression de "démissionner", c’est-à-dire de ne plus pouvoir remplir la mission que l’on m’avait initialement confiée. Depuis deux ans, j’observe la nouvelle direction de la Police et je constate que les policiers souffrent de l’absence d’un certain nombre d’outils en matière d’immigration, d’accueil, d’intégration des étrangers. Ils ne sont ni formés, ni encadrés pour intervenir efficacement dans un contexte social et sécuritaire de plus en plus complexe. Actuellement la police genevoise est surtout utilisée comme une police d’intervention à qui l’on demande de réagir à chaud à des situations d’urgence. A mon avis, elle n’est pas en mesure d’anticiper, de réparer, d’innover, d’inventer.
Pour que la Police genevoise commence à travailler autrement, il faudrait que les institutions d’État s’engagent avec courage dans une réforme du management qui n’a, à mon avis, été réalisée pour l’instant que dans l’Administration fiscale. J’ai interpellé ma direction à plusieurs reprises dans mes textes et expertises, notamment dans Présumé non coupable. Mais aucun responsable n’a souhaité entrer en matière. Pire : les rares processus de formation sur la migration et la discrimination dans un contexte policier, dont j’avais la charge, ont été abandonnés. D’où ma décision de démissionner.
Entre police d’intervention (de répression) et police de résolution des conflits (de proximité), le débat est récurrent. Quel est votre point de vue sur la mission de la police ?
Je suis inquiet du développement sécuritaire de la police, inquiet de la mise en place de groupes de sécurité, comme les BAC en France, qui ont pour missions de faire augmenter le nombre des interpellations pour justifier un accroissement des moyens sécuritaires. A Genève, comme en France, il a été question de l’utilisation par la police de drones, ces avions sans pilote conçus pour l’espionnage sur les champs de batailles. Comment pouvons-nous imaginer régler des conflits sociaux à l’aide de ce type de matériel ?
A Genève, l’idée d’installer une police de proximité est présente depuis quatorze ans. Aujourd’hui, nous avons en tout et pour tout une trentaine d’îlotiers. Ceux-ci font un travail fantastique, grâce à des personnalités hors du commun, mais leurs objectifs ne sont pas clairement précisés. Ils n’ont suivi aucune formation adéquate et on ne leur propose aucune vision d’avenir. Il serait temps d’engager une véritable politique en matière de police de proximité.
Depuis dix ans vous proposez des formations à l’éthique, à la lutte contre la discrimination raciale au sein de la gendarmerie genevoise … qu’est ce qui a concrètement changé dans les pratiques ?
Certains corps de police, comme la police municipale de Lausanne, ou encore de Neuchâtel et Fribourg se sont intéressés aux pratiques policières de lutte contre les discriminations. Ils ont travaillé à la refonte de leurs programmes de formations, élaboré des chartes et mis en place de nouvelles formes de management. J’ai aussi, à plusieurs reprises, collaboré avec des corps de police en Belgique et en France. Nous avons réfléchi à des formations donnant aux policiers des outils pour améliorer leur pratique quotidienne, notamment en matière de résolution de conflits. Je constate donc que ma direction m’envoie auprès d’autres polices, suisses ou européennes, et auprès de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (octobre 2007) pour présenter des pratiques et réflexions… que nous n’appliquons pas à Genève. Pourquoi ?
Comment voyez-vous les relations entre les policiers et les travailleurs sociaux ?
Il n’est plus possible d’envisager le travail policier sans une certaine pluridisciplinarité et des échanges avec les professionnels dont les pratiques visent aussi à la régulation sociale et l’amélioration du vivre ensemble.
Il y a aujourd’hui de meilleures relations entre les travailleurs sociaux et les policiers, mais je constate qu’il s’agit surtout d’efforts individuels, pas encore de véritables processus pluridisciplinaires qui engagent les directions. Je constate avec regret que si les policiers et les travailleurs sociaux se trouvent régulièrement côte à côte dans la rue, ils ne sont jamais réunis en formation. Là encore, ce serait à nos directions d’être novatrices, inventives, audacieuses.