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Comment le Code pénal esquive le viol homosexuel

Lundi 26.10.2015
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Des questions persistantes entourent le viol homosexuel. Comment le définir et le pénaliser ? La révision du Code pénal de 1985 a été présentée comme « innovante ». En fait, elle occulte des options précédentes qui l’étaient davantage.

Par Thierry Delessert, chercheur Senior FNS, chargé de cours, Université de Lausanne, collaborateur scientifique à l’Université libre de Bruxelles

En 1985, le Conseil fédéral présente au Parlement l’ensemble des révisions concernant les « infractions contre l’intégrité sexuelle » qui supprime notamment les clauses pénales à l’encontre des homosexualités dans le Code pénal suisse (CPS) [1]. S’agissant des contraintes sexuelles violentes, le gouvernement suisse consacre le principe de deux articles pénaux distincts. L’article 189, intitulé « Viol », stipule : « Celui qui, usant de violence ou de menace grave, ou ayant mis une personne du sexe féminin hors d’état de résister, l’aura contrainte à l’acte sexuel hors mariage, sera puni de la réclusion pour dix ans au plus. » L’article 190, intitulé « Contrainte à un autre acte d’ordre sexuel », utilise des mots choisis pour intégrer diverses situations : « Celui qui, usant de violence ou de menace grave, ou ayant mis autrui hors d’état de résister, l’aura contraint à un autre acte d’ordre sexuel, sera puni de la réclusion pour dix ans au plus ou de l’emprisonnement. » [2] Avec des minima pénaux distincts, le viol est un « crime » passible de la réclusion pénitentiaire, alors que la contrainte sexuelle est un « délit » sanctionné par trois jours de prison ou plus.

Cependant, le Conseil fédéral présente le second article comme une « innovation pénale » égalisant les « viols » homosexuels et hétérosexuels : « S’agissant de la personne de la victime, il convient de relever que l’article 190 du projet […] protège tous les individus en général. La victime de la contrainte peut donc être un homme et il est possible qu’elle appartienne au même sexe que l’auteur. » [3] Un retour sur la longue période d’élaboration du CPS montre que ce point de vue, concédant une forme d’égalité homo- et hétérosexuelle, résiste fort mal à une analyse plus fine. En effet, le « viol pédérastique » est inclus dans les interprétations sur les « attentats à la pudeur avec violence » dès l’Avant-projet de CPS de 1908.

Mythe et réalité : le viol homosexuel en 1942

Le CPS entré en vigueur en 1942 contient deux dispositions punissant le viol d’une femme hors mariage, d’une part, et la contrainte à un acte contre la pudeur de l’autre (art. 187 et 188 CPS 1942). S’agissant des sexualités en général, le CPS est le résultat d’un compromis entre les traditions juridiques allemandes et françaises ayant cours dans les 26 codes pénaux cantonaux avant cette unification du droit pénal suisse. Sur le plan des contraintes sexuelles, l’Avant-projet de 1908 prévoit d’englober dans l’article 188 tous les actes « contraires à la pudeur », donc déviants du coït reproductif péno-vaginal :

« Toute personne peut être victime de cet attentat ; aucune restriction n’est faite quant au sexe. Au contraire, la contrainte à des actes de pédérastie est nettement comprise dans le présent article. Peu importe que l’acte que la victime est contrainte à subir ou à faire soit en lui-même licite ; ce sera même le cas le plus fréquent. » [4]

Cette inclusion des « actes de pédérastie » sous contrainte est inspirée du droit pénal français et avait été reprise dans les codes pénaux des cinq cantons francophones, du Tessin, de Berne et de Soleure. Depuis la Révolution de 1789, l’homosexualité n’est plus punie en soi en France, puis dans les codes pénaux des cantons latins ayant adopté le Code Napoléon de 1810, à l’exception de Neuchâtel le récusant depuis 1891 [5]. Selon la logique du droit français, seule la contrainte d’un autre homme justifie une poursuite pénale, mais non le plein consentement des partenaires à la relation sexuelle. En revanche, les cantons de Berne, de Soleure puis de Neuchâtel ont adopté le droit pénal allemand qui poursuit les actes sexuels commis entre des hommes. Dans leurs codes pénaux respectifs, la contrainte peut justifier – à cette unique condition – la non poursuite d’un partenaire sexuel alors considéré comme une « victime ».

Dès l’Avant-projet de CPS de 1908, les attouchements, les caresses, les pénétrations digitales et/ou péniennes et les demandes de masturbation unilatérale ou mutuelle, commis avec contrainte par un homme sur un autre, tombent sous le coup des attentats à la pudeur violents. Ces actes ne sont pas explicités dans la présentation officielle du Projet de CPS au Parlement fédéral en 1918. Au tournant des années 1920-1930, les débats parlementaires sont dominés par la question de la dépénalisation des homosexualités consentantes entre adultes [6], ce qui fait que le double dispositif sur les violences sexuelles passe la rampe à une large majorité et sans aucune discussion.

En conséquence, les premiers Commentaires sur le Code pénal reprennent l’interprétation d’un « viol homosexuel » inclus dans l’attentat à la pudeur avec violence :

« Une femme aussi bien qu’un homme peut être l’auteur (direct) du crime d’attentat à la pudeur avec violence. D’autre part, ce n’est pas seulement une femme qui peut être la victime, et celle-ci peut être du même sexe que l’auteur (contrainte à des actes de pédérastie). A ces divers points de vue, la définition de l’attentat à la pudeur avec violence est plus large que celle du viol. » [7]

Cette interprétation de 1955 oblige donc à relativiser le progressisme énoncé par le Conseil fédéral en 1985. Plus encore, le gouvernement ne reprend pas l’égalisation criminelle entre les deux articles pénaux proposée par la Commission d’experts chargée de les réviser courant 1970.

Révisions des articles pénaux sur le viol : la résistance romande

En effet, en juin 1971, le Département fédéral de justice et police nomme une Commission d’experts pour réviser la Partie spéciale du CPS, dont les 26 articles relatifs aux « Infractions contre les mœurs ». Présidée par le professeur de droit pénal bernois Hans Schultz (1912-2003), celle-ci se voit à nouveau déchirée par les logiques juridiques allemandes et françaises.

En décembre 1972, la première association faîtière homosexuelle helvétique, l’Organisation suisse des homophiles, connue sous son acronyme de « SOH », fait parvenir une série de revendications à Schultz, dont l’introduction d’un viol homosexuel via la modification de la formulation de l’article 187 du CPS de 1942 intitulé « Viol ». Lors de la séance du 1er décembre 1973, la proposition de la SOH de remplacer la notion de « femme » par celle de « personne » – neutre en terme de genre – est très bien accueillie par les expert-e-s présent-e-s, à nette dominante alémanique. En effet, ce terme permet d’étendre la portée de l’article aux actes commis sous contrainte sur des mineur-e-s, sur des femmes ou des hommes adultes, mais aussi de considérer que l’agresseur/seuse peut être de chaque sexe. Cette formulation permet simultanément de poursuivre le viol conjugal. Adoptée ce jour-là par 9 voix contre 4 en Commission, cette solution ouvre par ailleurs l’opportunité de se conformer au droit pénal allemand qui ne connaît qu’une seule disposition pénale sur le « viol » [8].

Lors de la séance suivante, le 18 janvier 1974, cette décision est remise en cause par les expert-e-s francophones « scandalisé[-e-s] que l’on mette le viol d’une femme sur le même pied que le viol pédérastique » [9]. Ils/elles argumentent que la finalité de l’acte sexuel incriminé par l’article 187 sur le viol est la procréation. Conséquemment, le coït violent visé ne peut être que péno-vaginal, et seul-e-s un homme peut être « violeur » et une femme « victime ». Plus encore, les expert-e-s francophones s’opposent à l’introduction du viol conjugal et obtiennent, au fil des votes en Commission, un quasi retour à la solution législative du CPS de 1942 : la notion de « personne » est complétée pour devenir « personne de sexe féminin hors mariage » [10].

Les contraintes homosexuelles, conjugales et commises par une femme sur un homme se voient renvoyées sous le second article punissant les attentats à la pudeur avec violence. Toutefois, la Commission Schultz établit une égalité juridique entre les deux articles en les considérant comme de crimes passibles de la même réclusion pénitentiaire [11]. Finalement, le Conseil fédéral remet en question cette égalité des peines en 1985 et distingue, en pleine continuité du CPS de 1942, le viol d’une femme comme un crime et la contrainte sexuelle comme un délit.

Le viol homosexuel : une honte encore plus forte pour les victimes ?

Entre 1987 et 1991, les débats parlementaires sont dominés par la question du viol conjugal [12]. La différence sur les peines prévues par les deux articles n’est pas remise en cause, ni même la distinction sur le sexe des agresseurs/euses et des victimes. De manière générale, le viol reste un crime dont la victime se sent honteuse et le/la commettant-e innocent-e, comme l’analyse Jean-Claude Chesnais [13]. Par ailleurs, Nicolas Queloz montre que la double norme constitue un particularisme du CPS actuel qui tend à déconsidérer les actes non péno-vaginaux en les reléguant au rang de délit [14]. Enfin, l’introduction du viol conjugal en 1992 renforce, par la marge, un hétérocentrisme voulant que la victime ne puisse qu’être une femme.

S’il est assurément honteux pour une femme violée de porter plainte et de demander de l’aide, ne l’est-il pas plus pour un homme abusé par un autre, d’autant s’il est lui-même homosexuel ou bisexuel et donc contraint à « avouer » son orientation sexuelle ? Ce questionnement soulève une dimension supplémentaire : l’abus sexuel d’une femme par une autre reste un impensé encore plus prégnant. En effet, en plus du primat de la pénétration phallique – pour rappel, constitutive de l’article sur le viol d’une femme –, toute la question des homosexualités, consentantes ou non, est quasi exclusivement abordée sous le prisme du masculin dès la construction des avant-projets de CPS.

Ce masculino-centrisme, non remis en cause dans les années 1970-1980, concourt à sa manière à la double invisibilisation des lesbiennes, en tant que femmes et en tant qu’homosexuelles ou bisexuelles. Généralement, leurs actes sont considérés « plus doux » que ceux des hommes, et l’idée même d’un abus sexuel contraignant apparaît improbable, voire même au-delà de toute honte… Qu’en est-il vraiment ?

[1] Cet article s’insère dans la recherche FNS « Homosexualités en Suisse de la fin de la Seconde Guerre mondiale aux années sida » (n° FNS 100017-144508/1) et est le résultat d’une communication faite le 14.10.2015 lors de la Table ronde « Violences, santé et populations LGBTQI », Musée de la main UNIL-CHUV, Lausanne.

[2] Message concernant la modification du code pénal et du code pénal militaire (Infractions contre la vie et l’intégrité corporelle, les mœurs et la famille) du 26 juin 1985 », Feuille Fédérale, 1985 II, pp. 1021-1137 ; p. 1130.

[3] Ibid., p. 1092.

[4] Zürcher Emil, Code pénal suisse. Exposé des motifs de l’avant-projet d’avril 1908, Berne : Staempfli, 1914, p. 209.

[5] Voir Delessert Thierry, « Regards sur la gestion judiciaire de l’amour entre hommes dans le canton de Neuchâtel au début du XXe siècle », Traverses. Zeitschrift für Geschichte – Revue d’histoire, 2008/1, pp. 127-141.

[6] Voir Delessert Thierry, « Les homosexuels sont un danger absolu ». Homosexualité masculine en Suisse durant la Seconde Guerre mondiale, Lausanne : Antipodes, 2012, pp. 147-154.

[7] Logoz Paul, Commentaire du Code Pénal Suisse. Partie spéciale, Neuchâtel&Paris : Delachaux&Niestlé, Tome I, 1955, p. 301.

[8] Expertenkommission für die Revision des Strafgesetzbuches. Protokoll, 16. Sitzung vom 30. November / 1. Dezember 1973 in Chur, pp. 139-143.

[9] Expertenkommission für die Revision des Strafgesetzbuches. Protokoll, 17. Sitzung vom 18. Januar 1974 in Bern, p. 151.

[10] Voir Delessert Thierry, « Comment le Code pénal a sacralisé la famille », revue REISO, 01.10.2015

[11] Rapport explicatif relatif aux Avant-projets de la Commission d’experts pour la révision du Code pénal. Annexe, n.d [1980], pp. 20-21.

[12] Voir Brown Geraldine, « Comment le Code pénal a pénalisé le viol conjugal », revue REISO, 05.10.2015,

[13] Chesnais Jean-Claude, Histoire de la violence en Occident de 1800 à nos jours, Paris : Robert Laffont, 1989, p. 172.

[14] Queloz Nicolas, « Une « diversité culturelle » appelée à disparaître ? Le viol d’une personne de sexe féminin (art. 190 CPS) comme lex specialis de la contrainte sexuelle (art. 189 CPS) » in Queloz N., Niggli M., Riedo C. (éds), Droit pénal et diversités culturelles. Mélanges en l’honneur de José Hurtado Pozo, Genève/Zurich : Schulthess, 2012, pp. 441-459.

Cet article appartient au dossier (In)égalités de genre

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