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Comment le Code pénal a pénalisé le viol conjugal

Lundi 05.10.2015
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Le Parlement a débattu pendant plus de trente ans de la nature du viol conjugal. Il en a fallu des arguments pour que les élues réussissent à faire reconnaître sa nature criminelle et la nécessité de sa poursuite d’office.

Par Geraldine Brown, doctorante FNS, Institut des Etudes genre, Université de Genève

Longtemps absent du catalogue des infractions pénales, puis pendant plusieurs années uniquement poursuivi sur plainte, le viol conjugal ne saurait aujourd’hui être remis en doute quant à sa nature criminelle [1]. Pourtant, un examen des débats parlementaires ayant mené, après plus de trente ans, à une reconnaissance « pleine » du viol conjugal, c’est-à-dire à sa poursuite d’office, révèle des enjeux liés à la redéfinition des rôles sexués et sexuels au sein du mariage et éclaire en partie les difficultés, pour les parlementaires qui s’y attachent, à faire sortir le viol conjugal de la « sphère privée ».

La pénalisation du viol conjugal fait son entrée dans la législation au gré d’une première procédure législative (1971-1992) qui lui vaut d’être reconnu comme une infraction, mais poursuivie sur plainte uniquement. Cette première procédure consiste en une révision intégrale des Infractions contre la vie et l’intégrité corporelle, les mœurs et la famille du Code pénal suisse. Rédigé par une commission d’experts, l’avant-projet de loi traduit une volonté de rompre avec la conception jusque-là dominante du délit sexuel comme infraction contre les mœurs : il met au contraire en avant la protection de l’individu⋅e et son droit à l’autodétermination en matière sexuelle. Dans la continuité de cette conception du droit pénal, la commission d’experts propose de poursuivre le viol conjugal sur plainte.

L’idée dominante du « devoir conjugal »

Le projet de loi du Conseil fédéral, publié quelques années plus tard, en 1985, reviendra néanmoins sur cette proposition, estimant que le viol conjugal ne doit pas devenir une infraction pénale. Les arguments exprimés dans le Message explicatif du projet traduisent des craintes quant au devenir de l’institution matrimoniale si le viol conjugal devenait une infraction :

[Pour prouver l’infraction,] les autorités de poursuite pénale seraient contraintes de procéder à des investigations pénibles et de s’immiscer au plus profond de la vie intime des intéressés, ce qui ne saurait en aucun cas contribuer à permettre aux unions concernées de subsister. [2]

Le souci de ne pas « s’immiscer [dans] la vie intime » des époux et de ne pas mettre en péril l’union, révèle ainsi une représentation du mariage qui est précisément celle que conteste le slogan des mouvements féministes des années 70, « le privé est politique ». Par ce slogan, les féministes entendent notamment remettre en question des institutions qui, comme le mariage, favorisent une séparation des sphères entre « privé » et « public » et une division sexuée du travail. En effet, la définition du mariage du Code civil suisse qui existe à l’époque prévoit que l’épouse, à laquelle sont reconnus des droits juridiques individuels, soit pourtant sous la tutelle de l’époux (Gugerli, 1991 [3]), défini comme le chef de famille, et auquel revient ainsi la représentation du ménage et le droit de contrôler les « affaires familiales », y compris les ressources communes du ménage, et la décision pour l’épouse d’exercer un travail rémunéré, ou non.

En ce qui concerne la sexualité, et bien que les textes de loi ne stipulent pas une subordination des droits sexuels de l’épouse, celle-ci est implicite en ce sens que domine l’idée du « devoir conjugal ». On retrouve en effet l’idée d’une sexualité féminine subordonnée à l’institution matrimoniale dans les débats parlementaires de 1987 au Conseil des Etats. La majorité de sa commission législative, première des deux chambres à examiner le projet, suit l’avis du gouvernement pour ne pas pénaliser le viol conjugal : ne comprenant pas « ce qu’il [subsisterait] d’un mariage » si une action pénale venait à être intentée, elle estime que cette dernière constituerait une mesure insensée [4].

Le souhait de ne pas discriminer les femmes mariées

A l’issue du débat, la Chambre haute votera en faveur d’une via media qui consiste à pénaliser le viol conjugal du moment que les époux vivent séparés. Cette proposition émane de la conseillère d’Etat Josi Meier (PDC), qui appartient à la première génération de femmes parlementaires, et qui soutient la pénalisation. Il est intéressant de noter que ce compromis sera accepté au titre notamment qu’« il n’y a aucune raison d’écarter la pénalisation, là où la volonté de cette union n’existe plus, où les conjoints sont séparés, où ce lien conjugal est détruit » [5] et que « lorsque le mariage n’a plus de réalité, lorsque les époux vivent séparés, il n’y a pas de raisons de protéger le mari qui exerce des brutalités sur sa femme » [6].

Comment les parlementaires - principalement des femmes - qui s’expriment en faveur de la pénalisation du viol conjugal présentent-elles leurs arguments ? Tout au long de la procédure législative, au Conseil des Etats comme au Conseil national, elles vont tenter de faire en sorte que la sexualité des femmes mariées ne soit plus du ressort du « privé » où l’Etat n’est pas amené à appliquer la loi. Elles soulignent ainsi l’incohérence qu’il y a à soutenir un projet qui, dans son ensemble, fait du Code pénal un instrument de protection de l’intégrité corporelle et sexuelle des individu⋅e⋅s, en stipulant clairement ce qui constitue une atteinte pénale à cette intégrité, tout en niant cette protection aux femmes mariées. Elles insistent aussi sur l’incompatibilité entre l’article 4 (aujourd’hui article 8) de la Constitution, consacré à l’égalité, et le rejet d’une pénalisation du viol conjugal.

À ces arguments qu’on retrouve à la fois au Conseil des Etats – où, comme on l’a vu, la pénalisation du viol conjugal ne sera acceptée qu’en cas de dissolution de l’union – et au Conseil national, qui débat du projet en 1990, vient s’ajouter un nouvel élément : il s’agit de la révision du droit matrimonial, entrée en vigueur en 1988, et qui abolit la « mise sous tutelle » de l’épouse, conférant ainsi un statut juridiquement égal aux époux. Cette nouvelle norme juridique permet ainsi aux parlementaires de faire valoir que la non-reconnaissance du viol conjugal comme délit constituerait une discrimination à l’encontre des femmes mariées [7].

La situation a en outre changé au fil des débats au Parlement. En effet, au sein de la commission législative de la Chambre basse, la question de savoir s’il convient ou non de pénaliser le viol conjugal ne se pose plus : le viol conjugal est unanimement reconnu comme une infraction. En revanche, les parlementaires s’opposent sur la question de sa poursuite d’office ou sur plainte. C’est finalement la poursuite sur plainte qui l’emporte, révélant le poids persistant d’une représentation du mariage comme « régime d’exception », puisque l’Etat ne saurait intervenir automatiquement dans la « sphère privée » au contraire des cas de viols extraconjugaux.

Le nouveau débat sur la poursuite d’office

La différence entre viol conjugal et viol extraconjugal est finalement abrogée par la modification du Code pénal suisse entamée en 1996 et entérinée en 2004. Celle-ci naît des initiatives de la socialiste Margrith von Felten qui demande que les lésions corporelles simples ainsi que le viol et la contrainte sexuelle, du moment qu’ils sont commis au sein du mariage, soient poursuivis d’office. Malgré les nombreuses voix qui s’y opposent, le projet von Felten est accepté puis étendu à toutes les « violences domestiques » – lésions corporelles simples (art. 123), voies de fait (art. 126), menaces (art. 180), contrainte sexuelle (art. 189) et viol (art. 190) – ainsi qu’à tou⋅te⋅s les partenaires, hétéro- ou homosexuel⋅le⋅s, marié⋅e⋅s ou enregistré⋅e⋅s ou non.

L’opposition entre droits des femmes (mariées) et droit du mariage demeure perceptible dans les débats. En effet, plusieurs propositions sont avancées autour de la question de savoir si la procédure peut être suspendue ou non, dans le cas où la victime le souhaiterait et où l’autorité compétente estimerait que ce souhait est formulé en toute liberté. Certains groupes estiment que la procédure doit pouvoir être suspendue, y compris en cas de viol conjugal, afin de permettre au couple de repartir « sur de[s] meilleures bases » [8]. Un groupe mené par des parlementaires femmes souhaite au contraire faire dépendre toute suspension de la procédure d’une garantie que l’auteur de violences s’engage dans des démarches afin de « changer son comportement », craignant que la justice elle-même ne pousse les femmes à renoncer à une procédure [9].

Finalement, la suspension provisoire est adoptée, mais uniquement en cas de lésions corporelles simples, faisant ainsi du viol conjugal une infraction poursuivie d’office au même titre que le viol extraconjugal. Les femmes (féministes) parlementaires auront ainsi travaillé de longues années, dans les chambres du Parlement – pendant que d’autres groupes féministes investissaient d’autres arènes – pour faire reconnaître « pleinement » le viol conjugal comme une infraction et le sortir du domaine du « privé ». De leur côté, les arguments contre la pénalisation auront servi de forts révélateurs des craintes liées aux rôles sexuels et sexués, à la définition du mariage, et à l’emprise de l’Etat sur la « sphère privée ».

[1] Cet article et les cinq autres de la série sur les violences envers les femmes s’inscrivent dans le cadre de deux recherches financées par le Fonds national suisse : « L’émergence et les reconfigurations d’un problème public. Les violences faites aux femmes en Suisse (1970-2012) » (N° FNS 100017_149480) et « Homosexualités en Suisse de la fin de la Seconde Guerre mondiale aux années sida » (N° FNS 100017_144508/1).

[2] Message concernant la modification du code pénal et du code pénal militaire (Infractions contre la vie et l’intégrité corporelle, les moeurs et la famille) du 26 juin 1985, FF 2, 35, 1985 : 1088.

[3] Gugerli, D., (1991), « Das bürgerliche Familienbild im sozialen Wandel », in T. Fleiner-Gerster, P. Gilliand, K. Lüscher (dir.), Familles en Suisse, Fribourg, Ed. Universitaires.

[4] Aubert, CE, 18 juin 1987, Cahier des délibérations. Code pénal et Code pénal militaire. Révision. (B. Infractions d’ordre sexuel) (1992), Services du Parlement : 388.

[5] Jagmetti, CE, Cahier : 397. Traduction de l’auteure.

[6] Aubert, CE, Cahier : 389

[7] Grendelmeier, CN, 11 décembre 1990, Cahier : 2256.

[8] Eggly, Bulletin officiel de l’Assemblée fédérale, Session d’hiver, 10e session de la 45e législature, 15 décembre 1997 : 794.

[9] Ménétrey-Savary, Bulletin officiel : 790&794.

Cet article appartient au dossier (In)égalités de genre

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