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L’accueil à bas seuil au temps du Covid

Lundi 15.06.2020
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La pandémie a posé des questions éthiques difficiles pour les dispositifs d’aide à la survie. Dans l’urgence de la crise et face à des personnes précarisées, il a fallu repenser les prestations et les fondements de l’intervention.

Par Vincent Masciulli, directeur de la Fondation AACTS, Vevey

Lundi matin 16 mars 2020, 8h30. Les portes s’entrouvrent au centre communautaire de la Fondation AACTS à Vevey [1]. Elles ne s’ouvrent plus complètement. Depuis l’annonce du Conseil fédéral du vendredi précédent, la vie du centre et de ses publics est bouleversée. Avant, l’accueil se faisait autour d’un café et de tartines. Avant, on prenait le temps de se serrer la main, de discuter. Oui mais ça, c’était avant.

Aujourd’hui, le monde vit au rythme et selon les lois d’une pandémie, celle du COVID-19. Si, individuellement, au sein des familles et dans les cercles sociaux, on en prend bien acte, la vie institutionnelle d’un centre bas seuil a radicalement changé. Quel sens donner à l’accueil quand on ne peut plus accueillir ? Quel sens donner aux liens quand il s’agit d’inciter les gens à rester éloignés ? Quel sens donner à la présence, à un sourire quand il se cache derrière un masque ?

Le principe de l’accueil inconditionnel

La fondation veveysanne offre des prestations d’aide à la survie, de réduction des risques, de travail social hors mur et de prévention. Ses publics, hétéroclites, sont accueillis dans cette structure de jour par une équipe socio-sanitaire. Fortement intégrée dans le réseau social de la Riviera, l’institution a un rôle déterminant dans la lutte contre la précarisation des personnes dépendantes et/ou vulnérables en offrant avant tout un accueil inconditionnel et bienveillant, un espace de rupture et d’écoute.

L’accueil bas seuil a comme spécificités de travailler sans mandat et sans dossier. Il respecte ainsi la vie privée des usager·ère·s et leur garantit l’anonymat. Le non-jugement fait partie de ses valeurs centrales. Il offre une inconditionnalité d’accès aux prestations de la structure. Ce travail, dit « palliatif » selon le sociologue Marc-Henri Soulet, vise à éviter une décrochage social. Il maintient « l’usager dans une dynamique d’aide afin de ne pas rompre les dernières attaches en s’affranchissant de toute visée à long terme » [2]. Or, cette inconditionnalité de l’accueil est aujourd’hui mise à mal par la pandémie.

En intégrant concrètement la règle des deux mètres de distance entre chaque bénéficiaire, les professionnel·le·s socio-sanitaires sont confronté·e·s à devoir faire des choix. Certes, il ne s’agit pas de choisir qui aura le droit au dernier respirateur disponible. Là, il s’agit de savoir qui pourra manger à table, décemment et en sécurité, et qui repartira avec son tupperware manger à l’extérieur, dans la rue. Passer de 50 places assises à 22 places, puis à 14, c’est là la réalité quotidienne de l’équipe. De l’aide inconditionnelle, la voilà aujourd’hui confrontée au dilemme de choisir qui sera plus ou moins privilégié·e, renonçant alors à une part importante de l’ADN du métier. La tension qu’impute cette nécessité de sélection «inflige» aux professionnel·le·s de se questionner quotidiennement sur ce choix. Quelles sont les personnes présentes les plus vulnérables, entre la précaire et la plus précaire encore ? L’identité professionnelle s’en trouve secouée.

Le fondement de l’aide à la survie

Au «choix» du public à accueillir s’ajoute la question des prestations à «maintenir» ou non. La dimension inconditionnelle de l’accueil mise à mal et même amputée, l’équipe se trouve dans l’urgence de revisiter les prestations, d’être créative. En fait, de dernier filet social, le centre devient en quelques jours un acteur de première ligne. Il maintient ses offres d’aide à la survie et de réduction des risques, là où d’autres acteurs sociaux et associatifs se sont vus contraints de s’arrêter, faute de moyens et de personnels pour maintenir leur offre.

La problématique de l’aide alimentaire représente une des principales urgences et un défi majeur. Au vu du contexte exceptionnel, la notion de l’« aide à la survie » se mue alors en « aide humanitaire ». Fondamentalement, l’intervention sociale reste la même, mais sous haute tension. Les défis quotidiens s’incarnent dans les « arrières ». La logistique devient la colonne vertébrale de la fonction institutionnelle. Le temps dévolu à rétablir l’institution dans des conditions d’hygiène hors norme prend le pas sur le travail de lien, de relation et de soutien.

La deuxième problématique se joue sur la capacité structurelle d’offrir un espace d’hygiène sain, avec les douches et les machines à laver, à toutes les personnes qui en ont besoin quotidiennement, d’autant plus en cette période d’hygiénisme sanitaire. La tension se reporte sur les équipes. Chaque jour, elles doivent faire le choix de clarifier « l’urgence de l’importance », deux notions difficiles à articuler. « Qui dois-je privilégier ? » se questionne les travailleurs et travailleuses sociales. Celui ou celle qui a la gale, ou bien celui ou celle qui n’a pas pris de douche depuis plusieurs jours ? Le manque de temps de réflexions et de prise de distance complexifie encore les choses. Les effets et les impacts structuraux morcellent le travail dans les conditions du confinement.

« Casser » le lien pour préserver la santé

A cause des inégalités faces aux mesures de confinement, la prise en compte de l’état de santé d’une population vulnérable et sans ressources dans ces conditions oblige à des choix cornéliens. « Qui rentre dans le centre au chaud ? Qui reste dans la rue au froid ? »

À nouveau, la conscience éthique est mise en tensions. L’équipe répond en privilégiant les plus vulnérables, mais sur la base de quels critères ? L’âge, le statut, l’état de santé psychique et ou physique, les ressources connues ? Ces décisions sont parfois prises en quelques minutes, sans capacité de se réunir et de « colloquer ». Et sans tomber dans le choix du « bon client » ou de la « double peine » pour des personnes déjà sans hébergement ou sans ressources personnelles. La logique de prendre les choses jour après jour, situation après situation s’impose alors tant ces choix ne peuvent être définitifs.

La distanciation physique se complexifie notamment auprès des publics toxicomanes. Là où le lien a parfois pris des mois ou des années à se construire, les relations se redéfinissent dans un rapport de distance contrôlée. Une réponse technologique est amenée avec l’ouverture d’une ligne téléphonique de jour afin de maintenir le lien et les échanges. Cette solution assure une proximité sociale à défaut d’une proximité physique, mais elle ne résout par toutes les situations. « Malgré le risque d’infection, des travailleuses sociales et travailleurs sociaux doivent aller à la rencontre des clients qui n’ont pas accès aux outils technologiques pour être joints autrement qu’en personne » (Lasalle, 21 avril 2020) [3].

Ces formes hybrides d’intervention (présentiel, distribution, travail de rue, écoute et orientation téléphonique) a garanti le maintien d’une forme de lien avec le public et poussé la capacité d’adaptation des un·e·s et des autres à son paroxysme. Les publics ont eux aussi mis en place de nombreuses stratégies durant cette période, de leur propre chef. Des personnes de contact dans les communautés ont centralisé les demandes, des solidarités ont vu le jour afin que tout le monde profite d’un moment ou d’un espace au centre (autorégulation). Les bénéficiaires ont de plus montré une acceptation et de la résilience face à ce nouveau cadre d’accueil.

À l’heure du déconfinement, des questions subsistent. Comment continuer dans la durée à garantir des prestations avec la distanciation physique ? Comment maintenir du lien avec les usager·ère·s et usagères connu·e·s tout en créant du lien avec les nouvelles personnes bénéficiaires, de plus en plus nombreuses ? La crise sociale engendrée par la pandémie ne s’arrête pas à la reprise de l’économie, bien au contraire.

Et la santé des intervenant·e·s alors ?

Les tensions ne sont pas qu’institutionnelles. Les intervenant·e·s rencontrent également individuellement des difficultés face à cette crise. Elles prennent plusieurs formes : volonté de continuer à accueillir des bénéficiaires versus état de santé individuel physique à risque ou non, culpabilité pesante des choix décrits ci-dessus… De plus, chaque professionnel·le vit également cette pandémie dans sa sphère personnelle, avec la difficulté de concilier engagement et charge familiale.

Si la peur de la contagion a été visibilisée dès le début de la pandémie pour les milieux de la santé, le risque de devenir à son tour un vecteur de la maladie a été et reste fortement présent dans le champ social. Les premières semaines, le manque d’accessibilité à des moyens de protection, masques et solution hydroalcoolique principalement, a été vécu comme anxiogène par les professionnel·le·s pour leur propre santé, mais également pour celles de leurs proches.

Si la situation s’est stabilisée, les mesures de protections et les sourires masqués perdureront encore longtemps, relevant la capacité d’adaptation incommensurable des publics du champ du travail social et de des intervenant·e·s sur le terrain.

[1] Fondaction Addiction, Action Communautaire et Travail Social. Site internet

[2] Soulet, M.-H. (2008). De l’habilitation au maintien : les deux figures contemporaines du travail social. Savoirs, 18, 39-44, page 43.

[3] Lasalle, M. (21 avril 2020). Créer et maintenir des liens en temps de pandémie: le défi des travailleurs sociaux. Récupéré sur Université de Montréal en ligne

Cet article appartient au dossier À table!

Comment citer cet article ?

Vincent Masciulli, «L’accueil à bas seuil au temps du COVID», REISO, Revue d'information sociale, mis en ligne le 15 juin 2020, https://www.reiso.org/document/6050

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