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L’âge des possibles prend l’adolescence au sérieux en considérant cette période comme un temps de la vie durant lequel les paradoxes s’intensifient et les limites se redéfinissent. Une accélération des changements mais aussi la possibilité constante d’une désorientation – dont la société se rend parfois complice – sont mises en jeu. Fabbrini et Melucci offrent une modalité particulièrement originale de décrire et d’analyser non seulement les expériences vives de l’adolescence, mais aussi les enjeux d’une nécessaire négociation entre adultes et jeune génération autour de la différence qui les sépare. De fait, la réception actuelle des phénomènes propres à l’adolescence, notamment une certaine fuite des responsabilités de l’adulte, est également questionnée.
L’âge des possibles (L’età dell’oro pour la version italienne) a rencontré un vif succès auprès des publics universitaires et professionnels du domaine éducatif et social. Anna Fabbrini propose une préface à cette version française revenant sur la manière dont l’ouvrage a posé certains nouveaux enjeux de la vie institutionnelle liée à l’adolescence lors des vingt dernières années.
A l’école, certains adolescents paraissent fermés, inaccessibles, figés dans leur opposition. Les apprentissages scolaires les horripilent, les ennuient, les effraient. Ils refusent d’apprendre, laissant aux enseignants un sentiment d’impuissance et de découragement les menant à s’agiter pédagogiquement, parfois aux limites de l’absurde.
C’est en convoquant l’usage de la littérature que Jessica Vilarroig questionne cet écueil classique de la vie scolaire contemporaine et façonne son expérience d’enseignante dont elle livre ici certains aspects frappants. Elle en tire profit pour donner chair à la souffrance psychique et à la révolte des adolescents, mais aussi pour renvoyer les enseignants à leurs postures et éclairer les impasses pédagogiques dans lesquelles les élèves tentent de les pousser. Enfin, toujours en puisant dans la littérature sa réflexion, l’auteure propose des outils qui permettent d’enclencher une mise en mouvement dialectique au service de la créativité de l’enseignement, mais aussi de la rigueur nécessaire à toute élaboration de la pensée de l’élève.
A travers une réflexion riche et exigeante, Les refus d’apprendre expose un geste pédagogique juste pour qu’apprendre ait du sens, et rend hommage aux adolescents et à leur puissance d’opposition, comme autant de promesses d’avenir.
Cet article de Vincent Artison dresse un état des lieux très complet du travail social de rue ou travail social hors murs (TSHM). Quelles sont ses origines et comment a-t-il été peu à peu introduit en Suisse? Quels enjeux particuliers soulève-t-il?
L'auteur explique comment, par sa nature, ce métier réinvente les manières d’investir les terrains de la pédagogie, l’éducation, la santé, la sécurité et la citoyenneté. Historiquement, le TSHM est encore souvent attaché à des institutions privées de type associatif ou fondation. Toutefois, depuis une bonne décennie, il est de plus en plus directement rattaché aux administrations communales afin de mettre en œuvre leur politique de la jeunesse ou de cohésion sociale. Une telle tendance n’est pas sans poser de questions pour un champ professionnel « atypique », explique le spécialiste. A noter aussi que ce métier se formalise peu à peu en Suisse avec l’élaboration de cahiers des charges, la mise sur pied d’espaces réflexifs et la publication de rapports d’activités, de travaux de recherche ou d’articles.
Vincent Artison décrit aussi le quotidien des travailleurs de rue qui ont pour rôle de tisser des liens avec la population en général et plus spécifiquement avec des jeunes et des adultes concernés par des situations d’exclusion, d’isolement, de précarité, de maltraitance ou de maladie. Dans leur pratique, ils sont attentifs à la détection et à l’intervention précoce ainsi qu'à la promotion de la santé tant au niveau individuel que collectif. L'auteur conclut sur l'importance de construire cette relation de confiance sur le terrain, avec la communauté de base, afin qu'un réel travail d’émancipation se mette en marche.
Recension par Jean Martin, médecin de santé publique et bio-éthicien
À 36 ans, Paul Kalanithi apprend qu’il souffre d’un cancer pulmonaire avancé. Issu de parents de classe moyenne venus d’Inde, établis près de New York puis en Arizona, il a étudié la médecine à Yale avant de rejoindre Stanford où une brillante carrière l’attendait. Attiré par la langue et l’écriture (il avait aussi fait un master en littérature et histoire de la médecine), il a écrit ce livre-témoignage sur une situation classique mais toujours délicate: celle du médecin qui devient le patient.
La première partie de l’ouvrage évoque sa jeunesse et ses études, en soulignant sa constante recherche existentielle de sens à/dans la vie et son intérêt pour la relation. La deuxième est consacrée aux deux ans de maladie et traitements, aux multiples questions, espoirs et désillusions. Il parle de son passage du statut de médecin compétent et apprécié à celui de malade gravement atteint, dans le même hôpital – et des rapports avec ses confrères devenus ses thérapeutes. «A cet instant, mon identité de praticien n’importait plus (…) Au lieu d’incarner une figure pastorale de guide, je me retrouvais mouton, perdu et sans repère. (…) J’étais passé de la fonction de sujet des phrases de ma vie à celle de complément d’objet direct.»
La publication du livre a été rendue possible grâce à son épouse Lucy, qui rédige un substantiel épilogue: «Cet ouvrage, s’il est l’œuvre d’un travailleur acharné, reste néanmoins le témoignage d’un homme à court de temps, dans l’urgence de partager ses pensées les plus profondes.» Et aussi: «Paul s’appuya sur sa force intérieure et sur sa famille pour affronter chaque étape de sa maladie avec grâce – jamais d’aveuglement bravache ou de foi mal placée dans une guérison improbable – et une authenticité qui lui permirent de faire le deuil du futur qu’il avait prévu et de s’en forger un nouveau.» Mais encore: «Avec ce livre, nos amis seront surpris d’apprendre que Paul et moi avons traversé une période de troubles conjugaux. Mais j’en suis heureuse car ces problèmes constituent une partie de ce que nous avons dû redéfinir; en un mot une rédemption.»
Paul et Lucy ont débattu de manière approfondie le point de savoir si, lui étant malade, ils voulaient chercher à avoir un enfant. Choix très difficile, avec les questions qu’il pose sur le «meilleur intérêt», ultérieur, et le bien-être des uns et des autres. Ils l’ont fait, et leur fille Cady a illuminé les derniers mois de son père.
Dans la conclusion: « Loin du Paul brillant et solide dont j’étais tombée amoureuse, la version de mon mari qui me manque le plus reste celle de sa dernière année, celle de cet écrivain fragile (…) Ce qui est arrivé à Paul fut tragique mais lui-même ne le fut jamais.» A la dernière page : « Malgré le travail ardu et brutal qu’a représenté pour lui cette écriture, il ne faiblit jamais. Son œuvre est donc complète, aussi inachevée soit-elle.»
REISO a mis en ligne récemment d’autres récits de malades (1, 2). Les styles diffèrentvivement : chez Malzieu, musicien français, c’est l’humour et la poésie; chez Ogien, philosophe issu d’une famille venue d’Europe de l’Est, c’est la réflexion empreinte de sociologie médicale. Chez Kalanithi, descendant d’immigrés lui aussi, on sent la force du « Rêve américain», du «hardwork» qui permet de réussir, de la concentration sur une pratique impeccable de la médecine, sur le plan technique comme sur le plan de la relation au malade.
1. Mathias Malzieu.Journal d’un vampire en pyjama. Paris: Albin Michel, 2016. Recension sur REISO
2. Ruwen Ogien. Mes Mille et Une Nuits – La maladie comme drame et comme comédie. Paris: Albin Michel, 2017. Recension sur REISO
Ce numéro consacre son dossier à « La mise en œuvre de la Convention de l'ONU relative aux droits des personnes handicapées ». Il contient différents articles sur les thèmes de l’éducation, de la participation, du droit et de l’éthique. Au sommaire:
Recension par Jean Martin, médecin de santé publique et bio-éthicien
C’est la première fois qu’un ouvrage de Jonathan Glover est traduit en français. Les Editions Labor et Fides offrent ainsi la possibilité aux francophones de se familiariser avec le travail majeur de ce philosophe britannique. La publication originale, Causing Death and Saving Lives, date de 1977 mais le propos n’a pour l’essentiel pas vieilli.
Ce livre traite les questions « qui se posent lorsque l’on envisage d’éliminer ou, au contraire, de sauver des vies humaines », selon la première ligne pour le moins provocante de la préface. Tout en restant pluraliste, l’auteur présente des conceptions représentatives de la bioéthique anglo-saxonne d’orientation conséquentialiste/utilitariste, peu appréciée en Europe continentale par ceux dont l’approche est très déontologique où on tend à appliquer les principes indépendamment de leurs effets.
« Nos attitudes à l’égard du suicide, de l’euthanasie, de la peine de mort et de la guerre ne peuvent pas être traitées rationnellement si on les considère de façon radicalement séparée les unes des autres. » Une remarque étonnante mais fondamentalement correcte. Le but est « d’aboutir à un système de réponses non contradictoires couvrant l’ensemble des questions relatives au faire mourir». Glover propose trois raisons fondamentales de condamner l’homicide : il est immoral d’écourter une vie valant la peine d’être vécue ; il est immoral de faire mourir quiconque désire continuer à vivre ; toutes choses égales par ailleurs, il est moral de privilégier la décision ayant les meilleures conséquences pour le plus grand nombre (option utilitariste). La notion de « vie digne d’être vécue » est largement traitée. Sur ce sujet, l’auteur n’adhère pas à la doctrine de la vie sacrée, il lui préfère une approche fondée sur le respect de l’autonomie des personnes et sur la qualité de la vie qu’elles mènent.
L’essentiel de l’ouvrage est consacré à l’éthique appliquée. Parmi les sujets classiques : l’avortement. Il est traité du point de vue du fœtus (quand devient-on une personne ?) et du point de vue des femmes et de leurs droits. L’auteur rappelle à ce sujet un décret choquant du Saint-Office du 5 mai 1902 condamnant tout avortement d’un fœtus se développant hors de l’utérus, par exemple dans les trompes de Fallope, alors même que ne pas avorter dans ces circonstances aboutissait à la mort de la mère et du fœtus.
Pour Glover, « il ne fait aucun doute que nous n’avons pas encore suffisamment réfléchi à la question de savoir combien notre société devrait être prête à dépenser en vue de sauver des vies. » On sait que la considération de critères sociaux, en particulier s’agissant de transplantation d’organes, est un sujet difficile. Les textes légaux exigent que la sélection d’un receveur ne soit faite que sur la base de critères médicaux. Toutefois, appliqué de manière « étroite », cela mène à des situations mal acceptables du point de vue du simple bon sens. Par exemple à privilégier un malade de plus de 80 ans dont le dossier médical est marginalement plus « approprié » que celui d’une mère de famille de 35 ans. Le philosophe précise : « Si la vie de deux personnes est en jeu, il convient de considérer comme un critère très important le nombre de personnes dont chacune à la charge (…) [C’est une] très bonne raison de ne pas laisser le hasard décider ». Plus avant : « Une fois admis d’accorder une importance aux personnes à charge, faut-il prendre en considération des effets plus généraux tels que la contribution de chacun envers la société ? Il existe de bonnes raisons de ne pas choisir ce critère. » Et c’est bien la règle aujourd’hui puisqu’il ne peut exister de définition consensuelle sur la « valeur sociale » d’une personne.
Cet ouvrage permet finalement de comprendre l’approche anglo-saxonne dans les grands débats éthiques actuels, qu’il s’agisse de soins palliatifs, de suicide assisté ou de politiques de prévention santé.
La campagne 2017 des CSP est consacrée à la classe moyenne inférieure. Avec des revenus parfois proches du seuil de la pauvreté, mais qui ne donnent pas droit à des prestations d’aide sociale, elle est particulièrement vulnérable face aux coups durs de la vie. La campagne rappelle l’aide concrète apportée à ces personnes (28% de la population selon l'Office fédéral de la statistique) qui échappent au filet social et dessine également des pistes pour diminuer certains facteurs de précarisation.
Le filet social déployé aujourd’hui ne prévoit en effet pas beaucoup d’aides pour cette tranche de la population qui vit au quotidien sur le fil du rasoir. La campagne est ainsi l’occasion de revenir sur plusieurs des revendications des CSP :
Visible pendant un mois dans les principales villes et localités de Suisse romande, cette campagne sensibilise le public à des parcours de vie à la fois singuliers et emblématiques, chargés d’une douleur souvent silencieuse. Le portail internet des quatre organisations s'ouvre sur la campagne avec des vidéos en ligne et un aperçu quantitatif et qualitatif des prestations des CSP (nombre de consultations sociales et juridiques en un an, nombre de personnes accompagnées, paroles de pros).
Les cantons de Berne, du Jura et de Neuchâtel intensifient leurs collaborations dans le domaine de la santé et viennent de mettre sous toit la stratégie commune en matière de soins palliatifs pour les années 2017 à 2027.
Dans le prolongement des collaborations mises en place dès 2009, et de manière inédite à une échelle intercantonale, cette stratégie commune est déclinée sous forme de cinq orientations stratégiques, comportant 15 objectifs à atteindre par le biais de 35 mesures:
L’expérience ainsi que la recherche montrent que les soins palliatifs sont un élément indispensable pour une approche clinique de qualité, en particulier en fin de vie, et ceci à un prix acceptable. La (ré)admission en soins palliatifs plutôt qu’en soins aigus est de 13% à 51% moins coûteuse selon les études.
Stratégie BEJUNE en format pdf
La pratique du travail social hors murs (TSHM) se déploie au sein des collectivités locales au plus près de différents publics en situation de vulnérabilité. Peu connue, elle peut apparaître comme opaque aux yeux d’un observateur non averti.
Les praticiens eux-mêmes rencontrent parfois des difficultés à expliciter leur propre action au quotidien. Afin de rendre compte de la finesse de l’exercice de la pratique et de tenter de répondre à la question : comment fait-on du travail social hors murs, les professionnels de la Plateforme romande du travail social hors murs ont construit collectivement ce référentiel de pratiques.
Ce qui « fait référence » pour le travailleur social hors murs ne peut être mobilisé de manière statique, mécanique comme le prescrirait un guide de « bonnes pratiques ». Pour cette raison, au fil de cet ouvrage, le lecteur est invité à effectuer un aller-retour entre une typologie qui réduit volontairement la complexité des éléments de la pratique afin de mieux les identifier, et une série de récits rédigés par des professionnels romands du TSHM.
Des récits de pratiques qui, chacun à leur manière, témoignent du savoir-faire engagé dans la diversité des situations rencontrées sur le terrain.
L'initiative populaire fédérale pour l’introduction d’un congé paternité rémunéré de 4 semaines récolte actuellement des signatures. Au cours des deux dernières décennies, plusieurs dizaines de propositions en faveur d’un congé parental ou paternité ont été avancées. Eclairages sur les enjeux d'un tel congé pour l'égalité entre hommes et femmes. Les quatre points-clés présentés par la chercheuse Isabel Valarino.
Afin de favoriser la participation des publics dans sa pratique, la HESTS (HES-SO Valais-Wallis) propose un CAS « Développement du pouvoir d’agir : favoriser la participation des personnes et des collectivités ». Inscriptions jusqu’au 30 juin.