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Un cadre approprié sur la voie de l'autonomie

Lundi 22.04.2024
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Le passage vers la vie d'adulte s’avère exigeant pour les jeunes qui grandissent en institution ou en famille d'accueil. Pour leur offrir l’égalité des chances et des droits avec leurs pair·es, des adaptations structurelles sont nécessaires.

Par Marie-Thérèse Hofer, collaboratrice spécialisée, Beatrice Knecht Krüger, directrice, et Natascha Marty, collaboratrice spécialisée, Centre de compétences Leaving Care, Berne

Le passage à la vie adulte constitue une étape exigeante. De nos jours, elle se déroule généralement de manière non linéaire et dure en moyenne jusqu'au milieu de la vingtaine. Pour que cette étape se déroule au mieux, il est essentiel de connaître les ressources dont les jeunes disposent : possibilités financières, réseaux sociaux, relations nourrissantes et de soutien et, si nécessaire, accès à des offres de soutien.

Le terme de « care leavers » désigne des jeunes qui ont passé une partie de leur existence dans un foyer ou une famille d'accueil, et qui cheminent vers l’autonomie. Pour ces personnes, cette étape de vie est encore plus exigeante : en plus des défis spécifiques à ce passage vers la vie adulte dans différents domaines, elles sont confrontées aux enjeux de la sortie de l'institution ou de la famille d'accueil.

Pour cette transition vers l’autonomie — la phase de leaving care — les care leavers sont souvent moins bien équipé·es que leurs pair·es : ils et elles disposent de moins de moyens financiers et peuvent nettement moins compter sur le soutien de leur famille d'origine ou d'autres personnes ressources fiables. De plus, elles et ils ont généralement vécu des expériences difficiles dans leur vie — en raison de situations familiales précaires, de traumatismes ou de charges psychiques — et sont donc soumis·es à de multiples contraintes. Les care leavers se retrouvent plus souvent dépendant·es du soutien public.

En raison de conditions structurelles spécifiques, la progression dans les différents domaines de la vie s’avère souvent plus difficiles pour les care leavers. En effet, avec la fin de la formation, le placement extra-familial se termine également. Cela implique des transitions parallèles dans les domaines de la formation ou du travail, du logement et des relations. Ainsi, en raison des bases juridiques, les care leavers doivent quitter l'institution ou la famille d'accueil plus tôt que les jeunes s’émancipent habituellement du domicile parental, et il n'existe aucune possibilité de retour dans l'aide à la jeunesse dite stationnaire. D’une certaine façon, ces personnes jouissent donc une jeunesse plus courte, tout en étant soumis à un volume maximal de changements.

Des désavantages cumulés

Afin d’améliorer la situation des care leavers et de garantir l’égalité des chances et des droits, des adaptations sont nécessaires dans les domaines du soutien axé sur les besoins, de la garantie des possibilités de formation, dans l’encouragement à l’autogestion et par la sensibilisation des sphères politiques et publiques [1].

Pour soutenir les care leavers en fonction de leurs besoins, différents acteurs et actrices sont concernées : les institutions et les familles d’accueil, qui peuvent soigneusement planifier la sortie et la transition avec les jeunes et mettre à disposition des offres de suivi continu ; les services sociaux, respectivement les services de l’enfance et de la jeunesse et les autorités (par exemple l’autorité de protection de l’enfant et de l’adulte APEA) qui restent responsables et fournissent un soutien au-delà de la majorité en cas de besoin, ainsi que les offres pour les jeunes adultes, en réseau avec l’aide à la jeunesse. Dans ce contexte, des points de contact à bas seuil constituent un idéal. Les offres existantes pour les care leavers se trouvent dans la cartographie [2] que le Centre de compétences Leaving Care met en place. 

De nombreux care leavers sont désavantagé·es en matière de formation, car ils et elles doivent devenir indépendant·es et financièrement autonomes plus tôt que les autres jeunes de leur âge. De plus, en raison de leur vécu, elles et ils ont souvent besoin de davantage de temps pour effectuer leur processus de formation. Pourtant, ils et elles devraient connaître les mêmes chances que leurs pair·es, qui sont souvent soutenu·es émotionnellement et financièrement par leurs parents jusqu’à l’âge adulte. Dès lors, les care leavers doivent pouvoir bénéficier de possibilités et d’un soutien approprié dans leur parcours de formation.

Les réseaux d’anciens enfants placés en institution ou en famille d’accueil offrent également un soutien mutuel et un renforcement important. En même temps, ils permettent d'apporter une expertise d'expérience dans les processus politiques et professionnels. Les care leavers parviennent mieux à défendre leurs intérêts et leurs droits lorsqu'ils et elles sont actifs en tant que groupe. En Suisse alémanique, il existe depuis quelques années différents réseaux régionaux et une organisation faîtière, l'association Careleaver Schweiz [3]. Les premiers réseaux à Zurich et Bâle sont nés de projets de recherche participatifs. Il est souhaitable que des réseaux de care leavers voient le jour dans toute la Suisse.

Afin de trouver des réponses différenciées à la situation et aux défis de la phase leaving care, il s’agit de connaître et reconnaître les enjeux qui y sont liés. Au niveau politique, cela implique la mise en place de règles juridiques garantissant l'égalité des chances et des droits des jeunes. En l'absence d'une loi nationale sur l'aide à l'enfance et à la jeunesse et étant donné que les compétences en la matière relèvent des cantons, il est nécessaire d'adapter les réglementations cantonales. Sont principalement concernées les bases légales pour les prestations stationnaires et ambulatoires au-delà de la majorité.

Un cadre juridique approprié

Dans la cartographie des bases juridiques [4], les bases légales pour les prestations octroyées au-delà de la majorité sont décrites pour chaque canton. Dans le document de base « Orientation sur les bases juridiques » [5], qui s'en inspire, le Centre de compétences Leaving Care a procédé à une vue d'ensemble des réglementations au niveau de la Confédération et des cantons, et a élaboré des recommandations basées sur la recherche. Celles-ci concernent l'accès et la structure des prestations. Ces recommandations peuvent être utilisées pour le développement ou la révision des réglementations juridiques. Elles portent sur cinq aspects : la perception de prestations jusqu’à l’âge de 25 ans ; le besoin de soutien individuel comme critère déterminant pour la poursuite ou la fin d'une prestation ; les possibilités de retour dans l'aide à l'enfance et à la jeunesse ; l’accès à des prestations à bas seuil ; et, enfin, un large éventail de prestations stationnaires et ambulatoires, ainsi que la création d'une infrastructure sociale autour de la majorité.

L'accès aux prestations doit être possible jusqu'à l'âge de 25 ans, fondé sur la base légale de l'aide à l'enfance et à la jeunesse. Cette limite d'âge, qui s'applique aussi bien au droit pénal des mineur·es qu'à l'obligation d'assistance parentale, correspond concrètement à la prolongation de la phase de jeunesse et aux exigences du passage à la vie adulte. Ancrer l'accès aux prestations dans l'aide à l'enfance et à la jeunesse évite le recours à l'aide sociale, lequel rend encore plus difficile le départ vers l'autonomie.

Dans de nombreuses réglementations, la fin du placement est déterminée par une limite d'âge rigide ou la fin de la formation. L'orientation sur les besoins individuels favorise des transitions échelonnées dans certains domaines de la vie et donc une plus grande stabilité. En outre, cela assure la durabilité du développement passé, des compétences acquises et des résultats obtenus dans les différents domaines de la vie.

Comme les pair·es qui ont déjà quitté le domicile parental et qui y retournent pendant un certain temps en raison d’une crise ou d’un changement de situation, il doit être possible pour les enfants préalablement placé·es de recourir à nouveau, après une interruption temporaire, à des prestations stationnaires ou ambulatoires. Le retour dans un environnement familier permet d'atténuer les crises et d'éviter les interruptions de formation ou d'activité professionnelle.

Accorder un accès bas seuil aux prestations augmente la probabilité que l'aide soit effectivement sollicitée en cas de besoin. Les autres éléments identifiés pour réduire les obstacles à l'accès aux prestations sont : la mise à disposition d’informations et de guides d'action pour les professionnel·les, les parents d'accueil et les enfants placé·es ; la renonciation à la participation aux frais s’ils doivent être assumés par les jeunes ; le dépôt de la demande par les jeunes eux-mêmes ; la dissociation entre la prestation et l'aide sociale ; ainsi que le soutien par des personnes ressources fiables.

La diversité des possibilités se révèle importante pour répondre aux besoins, eux aussi variés, des care leavers. Il s'agit donc non seulement de créer des offres appropriées, mais aussi de mieux coordonner ce qui existe déjà pour les jeunes adultes, tout en sensibilisant l’ensemble des actrices et acteurs impliquées dans le soutien aux care leavers à leurs besoins spécifiques.

Un centre national pour favoriser l'égalité des chances

En tant qu'organisation nationale spécialisée, le Centre de compétences Leaving Care s'engage depuis 2019 pour l'égalité des chances et des droits des care leavers. Il fait partie de l'organisation YOUVITA, association de branche des prestataires de services pour les enfants et les jeunes.

Le CCLC se considère comme une plaque tournante dans la thématique du leaving care pour toute la Suisse. Il intervient dans les domaines de la génération et du transfert de connaissances, de la représentation des intérêts ainsi que du soutien aux professionnel·les et aux organisations. Un jalon important pour les prochaines années est l'inclusion de la Suisse latine et la mise en réseau avec les acteurs et actrices concerné·es.

En savoir plus sur le Centre de compétences Leaving Care

Bibliographie et littérature

  • Hofer, M-Th./Knecht Krüger, B./Marty, N. (2023). Orientation sur les bases juridiques des prestations de l’aide aux enfants et à la jeunesse allant au-delà de la majorité. Centre de compétences Leaving Care. – Orientation sur les bases juridiques
  • Hofer, M-Th./Knecht Krüger, B./Marty, N. (2020). Argumentaire Leaving Care. Centre de compétences Leaving Care. – Argumentaire
  • Hofer, M-Th./Knecht Krüger, B./Marty, N. (2021). Quitter son foyer : une diversité d’offres cruciales. In : ActualitéSociale — La revue spécialisée du travail social. (7). Pp. 7-8. – Article
  • Le « Centre de compétence leaving care »: en Suisse aussi, les choses bougent ! PERSPECTIVES N° 11. Juin 2020

[1] Voir l'argumentaire Leaving Care

[2] Voir la cartographie

[3] Voir le site du Centre de compétences Leaving Care

[4] En savoir plus sur les bases légales

[5] Orientation sur les bases juridiques

 


Lire également :

Commentaire
 
Kathia Bornand le 28.05.2024

Merci pour cet excellent article qui décrit une réalité bien trop souvent rencontrée dans notre pratique également auprès des adolescents à DEPART. Et merci aux associations qui défendent ces intérêts.

Les pistes proposées dans l'argumentaire sont pragmatiques et semblent assez accessibles. Je suis étonnée du manque de développement ou de ressources spécifiques en la matière en Suisse Romande et j'appelle ces développements de mes voeux. Peut-être faut-il simplement mieux répertorier ce qui se fait déjà? Les connaissances en notre possession — depuis longtemps maintenant — concernant l'âge de « fin » du développement du cerveau adolescent devraient en soi déjà être un argument suffisant pour adapter les mesures existantes mais d'autant plus pour les "care-leavers".

Kathia Bornand, Lausanne

Comment citer cet article ?

Marie-Thérèse Hofer, Beatrice Knecht Krüger et Natascha Marty, «Un cadre approprié sur la voie de l'autonomie», REISO, Revue d'information sociale, publié le 22 avril 2024, https://www.reiso.org/document/12362