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Il faut reconnaître le « care » sur tous les plans

Lundi 11.11.2013
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Dans les métiers du social et de la santé, le concept de care interroge les rapports de pouvoir entre aidant·e·s et aidé·e·s. Mais il questionne aussi la justice et l’équité de notre ordre socio-économique.

Par Marianne Modak, professeure, chercheuse au LaReSS [6], Jean-Michel Bonvin, professeur, chercheur au LaReSS et au CESCAP [7], Haute Ecole de travail social et de la santé · EESP · Lausanne

Comment attester de la place primordiale du care dans les domaines du social et de la santé ? Comment montrer l’enjeu que le care représente pour la reconnaissance des métiers de services à la personne, gagnés par la logique de l’efficacité productiviste ? Ces questions ont alimenté une réflexion soutenue entre trois professionnel·le·s du travail social et de la santé [1] et des chercheur·e·s en sciences sociales qui ont rassemblé leurs analyses dans « Reconnaître le care. Un enjeu pour les pratiques professionnelles » [2]. Car, s’il est vrai que ces métiers, comme le souligne l’économiste Mascha Madörin, « doivent être accomplis de manière tout aussi fiable, précise et ponctuelle que les travaux réalisés pour la production de biens (…), ils doivent en même temps posséder une qualité supplémentaire, transmettre aux destinataires de la prestation un sentiment direct de bien être et de satisfaction » [3]. En s’appuyant sur le concept de care, comment définir cette « qualité supplémentaire » et est-il possible de la garantir dans les pratiques professionnelles du social et de la santé ?

Forgé principalement par la philosophie politique féministe anglo-saxonne et largement tributaire des analyses féministes du travail, le concept de care n’est pas traduisible en français. Certes, le mot signifie « prendre soin », agir au service d’une personne sur base intersubjective [4], mais en tant que concept, il présente de multiples facettes qui questionnent tout à la fois la perspective morale et les normes de justice mobilisées dans l’accompagnement des personnes vulnérables, la valeur économique d’une activité invisible peu ou mal reconnue, et son attribution quasi systématique aux catégories défavorisées. Si l’éclairage par le concept de care représente un intérêt pour les professionnel·le·s de la santé et du social, c’est qu’il contient une portée critique susceptible de défendre la spécificité des métiers de services à la personne et de sauvegarder des prestations menacées par l’impératif de la maîtrise des coûts sous couvert de rationalisation et de professionnalisation.

Le care pose trois défis aux métiers du social et de la santé

Sur le plan de la justice sociale, le concept de care interroge la place laissée à la personne vulnérable ou fragile dans une société axée sur la valorisation du mérite et de l’autonomie, sous couvert d’activation. La surresponsabilisation de cette personne l’appelle à déployer toute son énergie en vue d’un retour à l’indépendance, sa vulnérabilité n’étant plus légitime. Le concept de care, par contraste, invite à repenser l’organisation sociale en vue de mieux intégrer la question de la vulnérabilité et assurer une prise en charge plus adéquate des personnes placées dans cette situation. Le défi proprement politique consiste, dans ce contexte, à rappeler l’exigence de donner une place reconnue non seulement aux catégories vulnérables de la population, mais également aux professionnel·le·s qui assument cette prise en charge. À ce titre, le concept de care questionne les structures et rapports de pouvoir, notamment les rapports sociaux de sexe, de race et de classe, qui contribuent à la dévalorisation du travail de care.

Sur le plan économique, le concept de care remet en cause la non-reconnaissance du travail de soin non rémunéré comme faisant partie intégrante de l’activité économique. La valeur de ce travail n’est actuellement pas prise en compte dans les calculs du produit intérieur brut. Il s’agit ici d’un défi conceptuel qui commande de repenser des notions clés de la science économique telles que la « création de richesse », la « productivité », la « valeur ajoutée » en les désindexant des conceptions liées à la productivité industrielle. L’économie dite du care exige ainsi de concevoir de nouveaux outils qui permettent de reconnaître dans sa spécificité l’apport économique du care et des services aux personnes.

Sur le plan opérationnel et professionnel enfin, se pose la question des conditions de travail ou d’activité qui régissent l’accomplissement des activités de care par des professionnel·le·s, des bénévoles ou encore des « proches aidant·e·s », dans un contexte où la valorisation des métiers de soins est freinée par le fait que l’on assimile une partie des compétences requises dans ces métiers à des qualités « naturelles » dont seraient investies les femmes essentiellement, et dont elles feraient déjà preuve dans la sphère familiale. Dans ce contexte, la non-reconnaissance de la valeur économique du care entraîne des conséquences préjudiciables que de nombreuses études ont illustrées : dans la mesure où l’activité de care est perçue comme improductive, et donc comme inexistante sur le plan économique, elle est très vulnérable face aux restrictions budgétaires des collectivités publiques. Ainsi, la nouvelle gestion publique qui mesure la rentabilité et l’efficience des activités bénéficiant d’un financement public, met sous pression les professionnel·le·s du social et de la santé. Ils et elles sont appelé·e·s à satisfaire aux exigences d’équilibre budgétaire, ce qui passe le plus souvent par la recherche des meilleurs résultats possibles au regard des indicateurs de performance imposés par les instances de financement.

Ce mode de gestion valorise en priorité les activités quantifiables, qui peuvent faire l’objet d’une mesure précise ; par contraste, ce qui ne se mesure pas peine à se faire reconnaître. Le risque existe ici que le savoir-faire des professionnel·le·s soit subordonné à des considérations budgétaires (faire du chiffre, être rentable) et managériales (suivre les procédures qualité) qui ne laissent qu’une place limitée à des activités de care rétives à la quantification et à la formalisation. Sur ce plan opérationnel, qui inclut la question de la professionnalisation mais ne s’y réduit pas, le défi consiste à définir des conditions d’activité (ressources financières, moyens en termes de personnel, formation et compétences, etc.), des modalités de gestion et des standards qualitatifs garantissant la mise en œuvre d’un care adéquat. Il en va de la dignité des personnes vulnérables dans nos sociétés.

Marchandisation du care et marché de la servitude

La réflexion menée par les auteur·e·s de cet ouvrage va au-delà d’un questionnement sur leurs seules pratiques socio-sanitaires pour interroger la justice et l’équité de l’ordre social actuel, notamment sous l’angle de la place qui est faite aux plus vulnérables. Si les conditions d’un care approprié ne sont plus, ou insuffisamment, garanties au sein des secteurs public ou associatif, le risque existe d’une marchandisation du care, où les plus favorisé·e·s pourront se payer des prestations de qualité, tandis que les plus démuni·e·s en seront privé·e·s ou devront se contenter de services minimaux. La portée critique du care est donc globale. Elle s’inscrit dans le contexte actuel de recomposition de la division sexuelle et internationale du travail de « prendre soin » : entre femmes et hommes d’abord, entre sociétés « du Nord » et « du Sud » ensuite, et entre personnes de statuts différents, enfin.

Cette recomposition place au premier plan des préoccupations la question des inégalités et des discriminations découlant de l’attribution différenciée du travail de soin et de sa délégation vers des catégories sociales jugées inférieures. La croissance massive de la demande de soin et de l’offre de gisements d’emplois non qualifiés pour répondre à cette demande se déploie maintenant dans l’espace mondialisé du « marché » de la servitude [5]. Dans ces emplois, les femmes majoritairement, et tout particulièrement les personnes migrantes, sont d’autant plus fragilisées que le fait d’assumer des tâches dépréciées les déconsidère socialement.

Dans ce contexte de dévalorisation généralisée qui entache à des degrés divers l’ensemble des activités de service à la personne, l’appel à la reconnaissance du care émanant de professionnel·le·s qualifié·e·s du domaine socio-sanitaire n’est pas anodin. Bien au-delà d’une défense corporatiste des conditions de travail des professions du social et de la santé, il invite à porter un regard critique sur la capacité (et, devrait-on ajouter, la volonté) de nos sociétés méritocratiques à intégrer les personnes vulnérables et à leur garantir l’accès à des prestations de care respectueuses de leur dignité.

[1] Claire-Lise Gerber est assistante sociale, responsable de l’Unité service social hospitalier du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Elle a travaillé dans le domaine de l’asile et celui des personnes handicapées, a co-dirigé pendant de nombreuses années une association de promotion de la vie associative et du bénévolat. Pascale Haldimann est assistante sociale, diplômée en travail social de l’Université de Fribourg. Elle s’est spécialisée dans le domaine de l’aide aux victimes d’actes criminels où elle travaille depuis de nombreuses années. Nicolas Perrin est infirmier en santé communautaire, il a longtemps travaillé dans le domaine des soins à domicile à Lausanne.

[2]

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« Reconnaître le care. Un enjeu pour les pratiques professionnelles », sous la direction de Marianne Modak et Jean-Michel Bonvin, Éditions EESP, Collection « Les Cahiers » N°50, Lausanne, 2013, 168 pages, ISBN 978-2-88284-061-5.

[3] Ibid p. 54.

[4] Et à ce titre, il est souvent critiqué comme une manière affectée de remplacer des termes connus : solidarité, relation d’aide, etc. (voir l’article de Marie Garrau dans l’ouvrage présenté ici).

[5] Selon le terme utilisé par Raka Ray et Seemin Quayum (Cultures of servitude. Modernity, Domesticity, and Class in India. Standford, Ca : Standford University Press, 2009). Le concept de servitude, chez ces auteures, veut « capturer la persistance de formes de dépendance et de soumission en relation de ce qui est aujourd’hui pour l’essentiel, du travail domestique salarié ».

[6] Laboratoire de recherche Santé-Social (LaReSS)

[7] Centre d’étude des capabilités dans les services sociaux et sanitaires (CESCAP)