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Le silence des hommes victimes d’abus sexuels

Lundi 11.03.2013
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Pourquoi parler encore d’abus sexuel ? Parce que les témoignages montrent un scepticisme tenace chez les proches et dans le public. Et parce que de nombreuses victimes gardent le silence. Les hommes en particulier. Par Elisabeth Ripoll.

Par Elisabeth Ripoll, coordinatrice clinique, association Faire le pas, Lausanne

Une femme sur quatre, selon les estimations européennes et nord américaines, a été victime d’abus sexuels. Aujourd’hui en Suisse, 978’795 femmes seraient directement concernées. Grâce à l’implication des mouvements féministes dans les années septante, la maltraitance envers les femmes et les enfants est devenue progressivement une problématique d’ordre social.

Violences, agressions sexuelles et incestes se jouent sur la scène familiale. Les auteurs de ces violences et transgressions sont la plupart du temps connus des victimes. Le mythe du grand méchant loup, de l’inconnu de passage est remis en question. Le danger se trouve le plus souvent au sein de la maison, il a le visage d’un adulte dont le rôle est d’aimer et de protéger l’enfant. Père, beau-père, frère, grand-père, les auteurs d’abus sexuels sont majoritairement des hommes. Les murs du silence, gardiens du secret, s’effritent lentement. De plus en plus de situations d’abus sexuels sont dévoilées et même médiatisées.

Les angles morts de la reconnaissance

En 2013, nous pourrions avoir l’impression que « parler d’abus sexuel » n’est plus un tabou. Une réalité plus nuancée émerge du travail quotidien de l’association Faire Le Pas, spécialisée dans l’aide aux victimes d’abus sexuels [1]. Les représentations sociales que nous avons « d’une victime », de « la sexualité des femmes et des hommes » et des « rôles féminin et masculin » créent des angles morts laissant dans l’ombre de nombreuses victimes.

La reconnaissance de la gravité des abus sexuels sur les enfants est l’acquis de cinquante années de lutte pour la protection des droits de l’enfant. Nous constatons cependant que la reconnaissance de l’impact des abus sur la vie de ces mêmes enfants devenus adultes reste difficile. Comment imaginer que, trente-cinq ans après les faits, Marie soit encore la proie de cauchemars si terribles qu’elle n’arrive pas à s’endormir et que le manque de sommeil chronique ne lui permette pas de conserver un emploi. Comment admettre que l’alcoolisme de Simone est le seul analgésique qu’elle ait trouvé pour ne plus être envahie par des souvenirs envahissants et tellement présents. Comment croire que Marc, père de quatre enfants, est incapable de rester seul dans une pièce avec un homme et qu’il ne peut pas aller chez le médecin sans la présence rassurante de sa femme. Les enfants devenus adultes doivent parfois affronter, assumer et prendre soin des séquelles des abus sexuels subits, des années après les faits. Les travaux récents en neurosciences décrivent bien l’impact sur le cerveau des traumatismes dans l’enfance et ils ouvrent un espace supplémentaire de reconnaissance et de légitimité pour ces adultes.

Les clichés sur féminité et masculinité

Notre vision de la sexualité féminine fait de la femme, dépourvue de pénis, un être humain incapable d’agresser sexuellement. L’archétype maternel quant à lui dessine une mère asexuée qui ne peut qu’être bonne, aimante et bienfaisante. Entre ces deux dimensions peu de place existe pour la reconnaissance des abus sexuels perpétrés par des femmes : mères, grands-mères, sœurs… Les adultes ayant été victimes d’agressions sexuelles perpétrées par des femmes ont encore de nos jours beaucoup de peine à être entendus tant la vision de la femme est incompatible avec de tels actes. Dans notre imaginaire, l’auteur de transgressions sexuelles ne peut être que de sexe masculin.

Quant aux représentations archétypales encore bien ancrées de la masculinité, elles amènent à construire un tableau souvent polarisé. D’un côté un homme aux prises à une violence latente qu’il ne peut pas contrôler, entre le bagarreur et l’agresseur potentiel. Et de l’autre un homme fort, protecteur, capable de se défendre et de combattre. Dans ce tableau, la victime ne peut être que de sexe féminin. Victimes impuissantes, incapables d’avoir pu défendre leur intégrité sexuelle, les hommes ne peuvent s’identifier à aucun de ces archétypes ancrés, malgré tout, dans l’esprit et dans l’inconscient de chacun et de chacune d’entre nous.

Le sujet des hommes victimes d’abus sexuel reste une réalité sous-estimée par les cliniciens et sous-investiguée par les chercheurs. Le constat est général : peu d’hommes osent parler et demander de l’aide. À l’association Faire Le Pas, un homme pour neuf femmes vient y chercher de l’aide. Et pourtant on estime qu’un garçon sur 6 a été victime au cours de son enfance. En Suisse, aujourd’hui, 631’112 hommes pourraient être concernés.

Les parcours de vie des hommes

Pour mieux comprendre ce silence et la réticence à recevoir de l’aide, l’association Faire Le Pas a mandaté l’Université de Lausanne. Quinze hommes venant en consultation ont accepté de rencontrer les chercheurs et de leur confier leur parcours de vie.

Tous ont enfoui leurs souvenirs et tous ont gardé le silence pendant de nombreuses années. Ainsi, Marc a pu parler pour la première fois dans les locaux de l’association plus de trente-cinq ans après les faits. La plupart d’entre eux ont des vécus d’abus multiples, tous ont été abusés par des hommes mais certains l’ont aussi été par des femmes. Les trois quarts d’entre eux ont été agressés pour la première fois entre l’âge de 4 ans et celui de 12 ans. Ils ont confié aux chercheurs les obstacles qu’ils ont dû surmonter pour sortir du silence et oser demander de l’aide. Ils ont parlé pour témoigner de leurs souffrances, pour encourager d’autres hommes à faire le pas et leur dire qu’ils ne sont pas seuls.

A travers les témoignages des hommes ayant participé à la recherche émerge le paradoxe du silence. Il enferme, il isole, mais il protège aussi de l’indicible et des tabous qui pèsent encore sur les agressions sexuelles commises sur les hommes. Les femmes sont identifiées comme étant des êtres vulnérables. Les hommes, eux, doivent savoir se défendre et ne pas se plaindre. Pensée simpliste ? Peut-être, mais encore tellement présente et dont le corolaire amène les hommes victimes à remettre en question leur identité masculine.

« Je n’avais pas envie d’en parler, je me disais “ça apporte quoi ?”, je n’avais pas envie d’être, je ne suis pas victime, je n’avais pas à me plaindre, je n’avais pas envie de me faire plaindre. » Jean

« Je me disais que j’aurais du me défendre. Si j’avais été un vrai garçon, j’aurais pu. » Marc

Accepter et légitimer son vécu d’impuissance en tant que victime, homme ou femme, est souvent un chemin d’intégration complexe. En théorie, toutes et tous reconnaissent que se défendre était impossible pour de bonnes raisons. Il n’en demeure pas moins que, émotionnellement, le sens donné à l’impuissance se transforme parfois en poison de l’âme. « Je n’ai rien fait, rien dit pour l’empêcher, c’est que je devais être d’accord, non ? » questionne Lucas. Et quand à cela s’ajoute les ressentis corporels, sensations de plaisirs et parfois même d’orgasme, alors le piège tendu par l’auteur, culpabilité, honte et sentiment de complicité, se referme sur la victime et le silence s’installe. Beaucoup de femmes ayant été victimes pourront aussi se reconnaître dans cette situation.

Les abus de garçons sont à plus de 80% de nature homosexuelle. Il en résulte pour eux un questionnement fondamental sur leur identité. Sont-ils vraiment des hommes, eux qui ont été « utilisés comme des femmes » ? Est-ce que l’agresseur a eu l’intuition d’une ambivalence quant à leur orientation sexuelle ? Toutes ses questions sans réponses participent aussi de la construction du silence.

La peur d’être perçu comme un agresseur potentiel

Les recherches sur les agresseurs sexuels démontrent que la majorité d’entre eux ont été victimes de maltraitances dans leur enfance, notamment de maltraitances d’ordre sexuel. Ce constat objectivable a créé, on ne sait comment, un lien de cause à effet pervers qui emprisonne et empoisonne les victimes d’abus sexuels et plus particulièrement les hommes. En effet, « si la plupart des agresseurs ont été victimes dans leur enfance, alors les victimes ne sont-elles pas à risque de le devenir à leur tour ? » Nous avons à faire avec un véritable virus de pensée qui agit comme une malédiction ! Ce virus de petite taille possède une fonction nocive dont le but est d’infecter les systèmes de pensées ou les croyances et de se multiplier. On peut bien imaginer alors que la peur d’être vu comme étant à risque d’être un agresseur sexuel freine tout élan de se confier ou de demander de l’aide. « Je me disais si j’en parle à ma femme, osera-t-elle encore me laisser seul avec nos enfants ? Alors je n’ai rien dit », explique Pierre.

Il est primordial de faire savoir et de garder en mémoire que la plupart des enfants maltraités vont devenir des parents bientraitants et protecteurs.

En s’appuyant sur les résultats de la recherche universitaire et sur la richesse de son expérience clinique, Faire Le Pas s’est donné comme objectif de sensibiliser les intervenants psycho-sociaux à cette thématique. Depuis 2012, l’association collabore étroitement avec le professeur Michel Dorais, sociologue de la sexualité à l’Université de Laval à Québec [3]. Une formation est en place depuis l’an dernier [4] et la création d’un groupe réservé aux hommes devrait s’ouvrir prochainement.

Chaque année, les intervenant·e·s de Faire Le Pas mènent près de 700 entretiens en individuel ou en groupe. Chaque année aussi, une centaine de nouvelles personnes font le pas et viennent déposer leur histoire dans les locaux de l’association à Lausanne, Martigny et Fribourg. Femmes et hommes ayant été victimes d’abus sexuels y sont accueillis dans le respect de leur humanité : similaires et différents.

[1] Site internet de Faire le pas.

[3] Michel Dorais est notamment l’auteur de « Ça arrive aussi aux garçons : l’abus sexuel au masculin », Petite Bibliothèque Payot 2013. L’un des rares ouvrages en langue française sur ce thème.

[4] Informations et inscriptions à la formation sur cette page du site de Faire le pas.

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