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Le délicat passage à la vie adulte

Jeudi 02.07.2015
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Une recherche a donné la parole à une vingtaine de jeunes en programme d’insertion. Au seuil de l’âge adulte, ils et elles se heurtent aux normes de genre et aux implicites d’un avenir largement défini par l’emploi.

Par Karine Clerc, travailleuse sociale, chargée de recherche à la Haute école de travail social et de la santé · EESP · Lausanne

En Suisse, l’insertion professionnelle est au cœur des programmes sociaux destinés aux jeunes adultes. Les politiques d’activation proposent différentes mesures visant leur insertion durable sur le marché du travail. Dans une perspective de genre, on peut imaginer que ces programmes favorisent l’émancipation des femmes, dès lors définies par leur insertion professionnelle, et avec elle une plus grande égalité des sexes. Mais qu’en est-il concrètement ? Qu’en disent les intéressé.e.s ? Comment les jeunes envisagent-ils.elles la transition vers l’âge adulte d’une part, les rapports sociaux de sexe d’autre part ? La recherche [1] qui inspire cet article est partie de leur expérience et basée sur des entretiens menés à plusieurs reprises auprès d’une vingtaine de bénéficiaires du programme FORJAD [2].

Les jeunes interrogé.e.s montrent une capacité variable à se distancer des normes, qu’il s’agisse des normes de genre ou de celles définissant la transition vers l’âge adulte pour les politiques sociales. Les moyens mis en œuvre pour activer les jeunes rencontrent rarement une volonté ou motivation, dispositions fréquemment mentionnées pour interpréter les besoins et les attitudes des jeunes face à l’insertion professionnelle, mais plutôt un positionnement. Au croisement de leur trajectoire personnelle et d’un contexte social, les jeunes se sentent ainsi plus ou moins légitimes de négocier avec leur environnement pour définir cette étape de leur vie. Ils et elles pourront ainsi plus ou moins facilement s’approprier les outils à disposition et les opportunités qui se présentent. Nous verrons que cette appropriation constitue aussi l’une des étapes qui leur permet de « vivre la vie qu’ils et elles ont des raisons de valoriser », selon l’approche par les capabilités d’Amartya Sen mobilisée pour cette recherche.

Quelles visions de l’âge adulte ?

En suivant cette approche, une question s’impose d’emblée : dans quelle mesure les individus concerné.e.s par les politiques publiques vivent-ils la vie qu’ils ont des raisons de valoriser ? Pour y répondre, il importe de mettre en parallèle la vision des jeunes avec les réalisations attendues d’eux.

En effet, que signifie le fait de devenir un adulte ? Pour une partie des personnes, il s’agit d’acquérir une certaine indépendance, tout en faisant un travail qu’elles aiment et qu’elles ont choisi. Ces jeunes savent qu’il leur faudra du temps pour trouver leur voie. Cependant, ils et elles identifient clairement que l’aide sociale n’est pas toujours disposée à leur laisser ce temps. « Pour l’aide sociale, c’est en tout cas ce que j’ai senti, le temps c’est de l’argent. Donc, me garder chez eux, ça leur coûtait au final de l’argent. » Si ces jeunes peuvent observer le décalage qui existe entre leur projet personnel et les moyens à disposition, ils et elles refusent de voir leur destin défini par d’autres. « Aider quelqu’un, c’est pas lui imposer une démarche. Aider quelqu’un, c’est l’accompagner. Après, il faut voir le but de cette aide. Pour que quelqu’un sorte du système, il faut l’écouter, il faut répondre à ses besoins, à ses attentes. » La liberté de choix est ici au cœur de la transition.

Le passage à l’âge adulte revêt une signification très différente pour d’autres jeunes interrogé·e·s dans la recherche. Devenir adulte consiste pour elles et eux à correspondre aux attentes de leur entourage définies autour de deux notions centrales : avoir un travail et fonder une famille. Au seuil de l’âge adulte, leur envie consiste essentiellement à « être reconnu comme membre de la société », à « être comme tout le monde ». Ces jeunes se montrent plus perméables aux regards extérieurs et ont plus tendance à s’y adapter, écartant parfois une partie de leur expérience de vie car ils et elles ne savent pas comment l’inscrire dans le champ auquel il leur faut rendre des comptes. Leur trajectoire dépend largement des opportunités sur leur chemin. « C’est clair que c’est toujours mieux de réussir. Du coup, on est plus sur de soi, donc content. Et on s’entend avec tout le monde. » C’est ici plutôt l’adaptation qui caractérise la transition.

Les personnes qui s’inscrivent dans ce panel ont un regard critique moins développé ; elles n’ont pas le sentiment d’avoir réellement prise sur ce qui influence leur existence et sont plus vulnérables face aux difficultés rencontrées sur le marché du travail. Dans ce groupe, les allers et retours entre emplois précaires et périodes d’aide sociale sont plus fréquents, les ruptures d’apprentissage aussi, comme les passages d’une mesure à une autre. Dans quelques cas, cette situation débouche sur un sentiment de perte de sens. « Pour moi, la vie réelle n’est rien qu’un vulgaire jeu vidéo mal fait. »

Quelles visions des rôles masculins et féminins ?

Comment les rapports sociaux de sexe sont-ils ressentis dans ce contexte où se mêlent protection sociale et insertion professionnelle ? Les droits sociaux ont une fonction ambivalente avec les prestations sociales. Celles-ci soumettent les gens à des procédures qui agissent sur leur capacité à interpréter leurs propres besoins et expériences (Fraser, 2012). De plus, derrière des termes en apparence neutres, « travail » par exemple, des implicites révèlent que les rôles masculins et féminins continuent de se reproduire de manière distincte. « La masculinité dépend dans une large mesure du fait de quitter le foyer chaque jour pour un lieu de travail rémunéré et de rentrer avec un salaire qui pourvoit aux besoins de ceux qui dépendent de soi. » (Fraser, 2012, p. 50 [3]) L’insertion par le travail repose ainsi sur un implicite de genre. Face au marché de l’emploi, l’implicite féminin est le revers de cet implicite masculin, avec des emplois moins rémunérés et envisagés en parallèle d’un rôle domestique.

Par ailleurs, le choix d’une profession est une étape importante dans la construction de l’identité sexuée. Selon les théories du doing gender, le moment du choix s’inscrit dans une interaction qui va stabiliser l’identité. « Le genre (est) pensé comme un ensemble d’actes corporels, de gestes, de comportements et d’activités, réalisés en situation d’interaction et produisant de la différence sexuelle. » (Birr 2014 [4]) Les réactions que les jeunes reçoivent au fil de leurs rencontres vont inconsciemment les encourager ou les dissuader de faire tel ou tel choix, particulièrement pour celles et ceux qui accordent une plus grande importance au regard extérieur. Lorsqu’il est subi, l’environnement exerce une influence directe et va jusqu’à définir l’orientation choisie. Il est ainsi arrivé que, au terme d’une formation, un.e jeune découvre qu’il ou elle aurait peut-être choisi une autre profession si cela avait été possible. Dans ce panel, les orientations professionnelles confortent des logiques de genre et sont définies par les opportunités. « J’ai trouvé un apprentissage de coiffure. Si j’ai pris la coiffure, c’est peut-être parce qu’il y avait cette opportunité et que le patron m’a dit qu’il m’engageait. Si je ne l’avais pas eu, peut-être que je me serais lancée dans tout autre chose. »

En revanche, les jeunes du premier panel ont pris acte des normes de genre et se positionnent vis-à-vis d’elles. « Je trouve ça tellement bien de se dire que les hommes peuvent faire exactement ce que les femmes font et que les femmes peuvent faire exactement ce que les hommes font. Moi, ça ne me gêne pas. » Dans ce groupe, les personnes peuvent assumer des choix professionnels non conformes en terme de genre, y compris lorsqu’elles ont été élevées dans un environnement défavorable à certaines orientations. « Je me souviens d’un professeur qui nous avait dit, parce qu’on avait monté un petit spectacle à l’école : ‘C’est bien mais je ne veux pas qu’un de mes élèves finisse acteur ou je ne sais pas quoi dans un métier artistique, parce que ce sont les imbéciles qui font ça’. » Pour ce jeune comme pour d’autres personnes de ce groupe, il y a eu sur leur parcours, des remarques, voire des jugements de valeur. Mais ces réactions sont apparues comme le signe d’un environnement qui catégorise les individus et face auquel il s’agissait de développer des moyens pour devenir « qui on est vraiment ».

Les normes de genre apparaissent dans ce groupe comme un signe qui permet de comprendre « où on est », mais qui ne définit pas. La transition à l’âge adulte est alors davantage un champ de négociation, parfois difficile, mais révélateur et potentiellement émancipateur.

Un subtil mélange de création et d’adaptation

Nous avons vu, à l’aide de quelques exemples, que la transition vers l’âge adulte est un moment clé de l’existence, qui oscille entre création de soi et adaptation. Les jeunes ne sont pas égaux.ales face à ce paradoxe. Quelques personnes interrogées s’appuient sur une vision personnelle pour observer leur environnement. Elles cherchent à obtenir du temps, des moyens et un éventail de choix pour s’insérer professionnellement. D’autres montrent plutôt une tendance à écarter cette dimension personnelle pour s’adapter aux attentes et aux normes. Quoi qu’il advienne, ils et elles resteront définis par des normes et laisseront dans l’ombre, à leurs yeux aussi, une partie de leur réalité. En suggérant de se préoccuper avant toute chose, de ce qui a de la valeur aux yeux des jeunes, les capabilités mettent en lumière ce subtil mélange de création et d’adaptation. Elles attirent aussi l’attention sur les jeunes qui, en s’adaptant parfois profondément pour ne pas se sentir exclu.e.s, risquent de se trouver désarmé.e.s pour affronter durablement le marché du travail.

[1] Recherche menée dans le cadre du Pôle de recherche national LIVES, comprendre et surmonter la vulnérabilité, perspective du parcours de vie - Jeunesse et activation.

[2] Dispositif vaudois visant à insérer les jeunes au bénéfice du revenu d’insertion sur le marché du travail. Lien internet

[3] Fraser N. (2012). Le féminisme en mouvement. Des années 1969 à l’ère néolibérale. Paris, La découverte

[4] Birr L. (2014), « Le choix de la formation, une affaire de sexe ? », Nouvelles Questions Féministes vol 33/n. 1, p. 64-79

Cet article appartient au dossier (In)égalités de genre

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