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Regards journalistiques sur les « Rroms »

Lundi 19.08.2013
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Une étude sur un corpus de 389 articles montre comment les informations sur les Rroms en Suisse romande sont sélectionnées et présentées. Avec une focale persistante sur la misère, l’altérité et la déviance.

Par Joëlle Minacci, travail de master en Travail social, HES-SO, Lausanne

Cette étude s’intéresse à la manière dont une partie de la presse écrite de Suisse romande aborde la thématique des « Rroms » [1]. Partant du postulat qu’elle produit une identité « rrom » à travers des événements qu’elle sélectionne et retranscrit, nous avons cherché à comprendre comment le discours médiatique se construit sur la base de stéréotypes, de rapports de domination de race, de genre et de classe et de mécanismes propres au champ journalistique qui engendrent des effets concrets de différentiation et de stigmatisation. Pour analyser ce processus, cette étude se base sur des sources littéraires et empiriques [2]. Dans un premier temps, elle se réfère notamment à Bourdieu (1994 ; 2008) et sa théorie sur le champ médiatique. Dans un deuxième temps, l’analyse s’appuie sur une sélection de 389 articles issus de la presse suisse romande [3], parus entre le 24 janvier 2011 et le 21 juin 2012 et abordant le thème des « Rroms ».

Une altérité fondée sur la déviance

Le corpus étudié montre que les journalistes opèrent une sélection des informations concernant les « Rroms » pour élaborer des discours spécifiques à leur propos. Un intérêt systématique porté sur des personnes « rroms » caractérisées par la pauvreté auquel s’ajoute une focalisation sur des thématiques spécifiques contribuent à construire les « Rroms » en une figure de déviance.

En effet, les journalistes étudiés sélectionnent et construisent l’information en fonction de « lunettes » (Bourdieu, 2008) qui leur sont propres. Cette tendance à privilégier des informations au détriment d’autres participe à l’élaboration de ce que Bourdieu appelle « l’effet de réel » (2008) : la presse analysée se focalise sur une minorité des personnes « rroms » caractérisée par la misère, le rejet et la déviance. Elle en parle comme s’il s’agissait de l’ensemble du groupe et prête une attention minime voire inexistante aux « Rroms » venant contredire ce discours. On observe plus particulièrement quatre catégories de « Rroms » émerger des articles étudiés : les mendiants, qui constituent une thématique récurrente, les « gens du voyage », soit des personnes s’installant avec leurs caravanes en Suisse entre le printemps et l’automne, des groupes décrits comme provenant de camps proches de la frontière franco-suisse et des demandeurs d’asile de Serbie et de Macédoine.

La presse étudiée renforce cette sélection de l’information en se concentrant sur des thématiques particulières pour parler de ces groupes. Celles-ci renvoient à des rapports de race, de genre et de classe. Premièrement, les « Rroms » sont perçus comme une communauté et se voient réunis sous une même « identité ethnique » (Pierrot, 2011). Les journaux analysés rappellent régulièrement leurs origines (en Europe de l’Est voire parfois en Inde), ce qui contribue à les fixer dans une posture transnationale (Olivera, 2011). Ils accordent également une attention particulière aux discriminations vécues par les « Rroms » qu’ils présentent comme un trait caractéristique. Deuxièmement, des rapports de genre en leur sein sont décrits sous l’angle du patriarcat et les renvoient à une culture prémoderne (Tabin et al., 2012).

Dans plusieurs articles, des « Rroms » sont associés à des réseaux de traite des femmes, renforçant, d’une part, l’idée de rapports de genre au sein desquels l’égalité entre hommes et femmes paraît absente et présentant, d’autre part, le groupe sous l’angle de pratique contraires à l’Etat de droit et à la dignité humaine. Finalement, lié à la notion de classe, la presse associe les « Rroms » aux thèmes de la pauvreté, de l’hygiène ou encore de la criminalité et les construit en une figure de déviance. En les assimilant à des activités controversées, comme la mendicité ou une organisation en réseau, et contraires à l’Etat de droit, comme la traite d’êtres humains, elle laisse émerger l’idée d’une « question "rrom" » dont découle la mise en place de mesures visant à la gérer (Balibar, 2010, cité par Sauvêtre, 2011). On pense par exemple aux lois interdisant la mendicité. Toutes ces mesures produisent le même effet, celui de soumettre les « Rroms » à un « état d’exception » (Sauvêtre, 2011). Il s’agit d’angles d’approche spécifiques à la thématique des « Rroms », qui ne sont, en comparaison, jamais mis en lien avec d’autres groupes sociaux. Ils produisent donc un regard particulier et sélectif.

La contrainte d’une « mentalité audimat »

A ce choix de groupes et de thématiques spécifiques s’ajoute une contrainte relevée par Bourdieu, celle de la « mentalité audimat » (2008), qui vient renforcer cette restriction du regard porté sur les « Rroms ». En effet, les journalistes doivent créer une information accessible au public le plus large possible. Cela se traduit, dans les écrits, par une construction de l’information sous la forme du fait divers qui a pour effet de la dépolitiser, de la banaliser et de l’homogénéiser (Bourdieu, 2008). Le corpus étudié rend compte de cette contrainte puisque les journaux accordent une attention particulière aux faits divers et les articles apparaissent majoritairement dans les rubriques régionales. On observe également une proportion d’articles issus des rubriques d’opinions, de société ou encore des courriers des lecteurs qui montrent que le discours s’appuie sur une dimension émotionnelle importante, notamment sur le sentiment d’insécurité que produiraient les « Rroms ».

La contrainte de l’audimat s’observe finalement dans le choix, restreint, des personnes interrogées par les journalistes du corpus étudié. Elles constituent un groupe relativement fermé duquel se profilent deux sortes de positionnements par rapport aux « Rroms ». Les premières légitiment voire mettent en œuvre des politiques répressives à leur encontre tandis que les deuxièmes se posent en défenseurs en dénonçant une criminalisation des « Rroms ». Si la mise en scène de cette opposition semble donner une place de parole à chaque partie, les écrits laissent transparaître des différences en termes de rapports de pouvoir et de légitimité. On observe ainsi un monopole de l’information dite légitime (Bourdieu, 2008), c’est-à-dire des discours provenant d’instances juridiques (lois interdisant la mendicité, etc.), politiques (partisans des lois anti-mendicité, projets fédéraux de luttes contre les réseaux de traite humaine, etc.) ou encore policières (lors de vols, de démantèlement de campements « rroms » illégaux, etc.), qui occupent une position dominante dans le champ journalistique. Leurs opposants (des associations de défense des « Rroms » notamment) sont, eux, systématiquement placés dans une position défensive. A cela s’ajoute une tendance à donner la parole à des personnes non-« Rroms ». Dans les rares cas où des « Rroms » sont interrogés, ils correspondent aux groupes décrits par les médias. Par conséquent, et malgré le fait que la presse favorise une certaine variété des discours, le poids et la validité de chacun paraissent avant tout influencés par les rapports de pouvoir existants et par la sélection des voix opérée par les journalistes.

Si la construction d’un groupe en une figure de déviance apparaît ici comme spécifique aux « Rroms », elle rejoint un schéma de pensée plus large. En effet, le discours journalistique étudié est traversé par un questionnement sur l’honnêteté de la pauvreté et la distinction entre bon et mauvais pauvre qui remonte au Moyen Age, comme l’explique Jean-Pierre Tabin (dans Burnand et Bradley, 2011) : « la chrétienté était placée devant un dilemme […]. Comment faire pour discerner les bons des mauvais pauvres. […] L’argumentaire n’a pas bougé. Nous sommes toujours en train de différencier les bons des mauvais pauvres, les nôtres et les autres toujours accusés de s’enrichir et de travestir leur véritable situation ». Ce schéma s’observe dans le corpus étudié puisque les « Rroms » y sont essentiellement présentés comme des « mauvais pauvres » et si des facteurs contextuels sont mis en avant pour expliquer leur misère, ceux-ci sont contrebalancés par un « discours de la nature » (Guillaumin, 1992) qui leur impute une tendance à la déviance. Les contraintes du champ médiatique semblent maintenir les journalistes dans une impasse puisqu’elles entravent l’intégration d’une vision plus large du groupe « rrom ». L’inscription de stéréotypes négatifs dans les écrits apparaît comme problématique dès lors que la construction d’une figure « rrom » devient « empiriquement effective » (Guillaumin, 1992) à travers les mesures de répression à leur encontre.

Cette étude souligne ainsi une contradiction entre la marge de manœuvre restreinte des médias et la place fondamentale qu’ils détiennent en tant qu’outil d’information, puisque ce type de discours s’inscrit, au final, dans la production d’un « état d’exception ». Dès lors, la possibilité d’élargir le regard journalistique paraît essentielle pour sortir d’un processus de catégorisation négative qui contribue à la stigmatisation des personnes réunies sous l’étiquette « rrom ».


- Lire aussi l’article de Jean-Pierre Tabin dans notre revue : « La mendicité ». Ecouter sa conférence « Le royaume des mendiants : une image tenace ».

[1] « Regards journalistiques sur les « Rroms » Étude des mécanismes de construction d’une catégorie au sein de la presse suisse romande, de Joëlle Minacci, Travail de master en Travail social de la HES-SO sous la direction du Professeur Jean-Pierre Tabin, Lausanne, mars 2013, 98 pages.

[2] Références bibliographiques

  • Bourdieu, P. L’emprise du journalisme. Actes de la recherche en sciences sociales, 101-102, mars 1994, p.3-9.
  • Bourdieu P. (2008). Sur la télévision. Paris : raisons d’agir.
  • Burnand F. et Bradley S. (2011, 25 mai). La peur du mendiant étranger, une histoire suisse. L’Express-L’Impartial.
  • Guillaumin C. (1992). Sexe, Race et Pratique du Pouvoir. L’idée de Nature. Paris : côté-femmes.
  • Olivera M. (2011). La fabrique experte de la « question rom ». Lignes, 34, 104-118.
  • Pierrot A. (2011). Mythe nomade et logique migratoire. Lignes, 34, 52-78.
  • Sauvêtre P. (2011). Minoriser l’Europe pour sortir du postcolonialisme intérieur. Lignes, 34, 145-160.
  • Tabin J.-P., Knüsel R., Ansermet C., Locatelli M. et Minacci J. (2012). Rapport sur la mendicité « rrom » avec ou sans enfant(s). Lausanne : Ecole d’études sociales et pédagogique ; Université de Lausanne.

[3] Les articles ont été recensés à l’aide de Factiva, une base de données d’articles de presse créée par l’entreprise d’édition et d’information financière Dow Jones and Company. Si ce moteur de recherche réunit un nombre important de sources, il révèle également des lacunes telles que l’absence de journaux comme Le Courrier, La Liberté ou encore de journaux gratuits. Par ailleurs, l’orientation économique du Dow Jones est susceptible d’influencer la sélection des journaux et donc des discours. D’où la précision que nous parlons ici de la presse romande vue par Factiva.

Les journaux analysées dans cette étude sont l’Agence télégraphique suisse (ATS) (46 articles), 24 Heures (117 articles), Le Matin (36 articles), Le Temps (44 articles), La Côte (17 articles), Tribune de Genève (90 articles), L’Express-L’Impartial (31 articles), L’Hebdo (6 articles), l’AWP Swiss News (1 article) et l’Agefi Suisse (1 article).

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