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Les arts vivants catalyseurs d’intégration

Lundi 24.04.2017
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Ateliers de danse et de théâtre, projets artistiques participatifs, le far° à Nyon a su tirer parti de sa proximité avec un centre de requérant·e·s pour favoriser et réinventer le vivre ensemble.

Par Philippe Oberson et l’équipe du far°, festival des arts vivants, Nyon

A Nyon, le Festival des arts vivants (far°) se tient chaque été mais opère tout au long de l’année. Son ancrage local sollicite des habitants, des groupes ou des associations de la région. Qu’ils soient écoliers, seniors, musiciens, pêcheurs, danseurs amateurs, non-voyants – et dans le cas dont il est question ici, requérants d’asile – tous peuvent contribuer à explorer les arts vivants[1] et élaborer une proposition artistique. De ces projets participatifs émergent des œuvres singulières tant pour les artistes que pour les participant·e·s. Cerner ce contexte particulier permet de mieux identifier ce qui a joué un rôle dans l’expérience décrite dans cet article.

Aller à la rencontre

Chaque année, le titre du festival cherche à cristalliser des intuitions autour d’œuvres ou de démarches artistiques, tout en apportant une certaine lecture de l’actualité. Intitulée ailleurs, l’édition 2016 a tenté d’aborder la question de la migration, ses frottements, ses non-dits, ses invisibles. Plus que pour répertorier des solutions, il s’agissait d’abord de proposer des approches sensibles à même d’élargir la compréhension d’une situation complexe, celle de la crise des politiques migratoires en Europe.

A l’automne 2015, l’équipe du far° a pris connaissance de l’ouverture d’une structure de jour de l’EVAM[2], plus communément appelée Mama Africa, à proximité de ses bureaux. Il a semblé en effet essentiel d’aller à la rencontre des nouveaux voisins[3]. Très tôt, il s’est révélé impératif de réfléchir à des moyens de communiquer par-delà la barrière des langues. Et c’est bien l’avantage de certaines pratiques artistiques, comme la danse ou toute activité impliquant principalement le corps, de ne pas s’appuyer sur le langage parlé. L’équipe a donc lancé un appel à des artistes de Suisse romande pour les inviter à mener des ateliers à destination de personnes en situation d’exil aussi bien qu’aux Nyonnais·es. Au vu des nombreuses réponses enthousiastes parvenues, des rendez-vous hebdomadaires ont pu être organisés.

Créer du lien

De par son statut, l’équipe ne s’est pas appuyée sur des connaissances issues des formations sociales. Il était justement question de voir de quelle manière des pratiques artistiques pouvaient intervenir dans un processus d’intégration. Le mode opératoire s’est donc avéré expérimental, intuitif et pragmatique. L’un des atouts majeurs a été la proximité géographique. C’est d’ailleurs par l’intermédiaire de cette structure de jour Mama Africa que tout a démarré. La rencontre inaugurale a permis, notamment par le visionnage d’un film présentant le festival, d’aborder au mieux ce que sont les arts vivants. Par la suite, les ateliers se sont déroulés dans une salle voisine et, chaque fois, l’équipe du far° était présente pour pour proposer aux requérants, parfois récemment arrivés, de se joindre à la rencontre. À cette étape, il est donc possible de dire que la fréquence resserrée des rendez-vous, la présence régulière de l’équipe et la proximité des lieux ont contribué à une certaine fidélisation des participants.

Etant donné que chaque atelier était mené par un·e artiste différent·e, leur contenu était très diversifié. Il était cependant préalablement demandé à chaque intervenant·e d’imaginer des propositions privilégiant le plus possible des aptitudes autres que celles du langage. L’idée était avant tout de mettre tous les participants sur un pied d’égalité, pour éviter toute intimidation ou frustration d’expression. Il en ressort que les propositions impliquant le corps, le dessin ou même la voix (sans la parole) ont réussi à créer une cohésion de groupe. Il s’est agi d’un alphabet corporel que tout le monde apprend en commun, d’un Pictionary remanié qui n’a recours qu’au mime et au dessin sans passer par l’écriture et la lecture, d’une fresque collective, de la reproduction « vivante » d’une photographie avec les personnes présentes, ou toute activité chorégraphique avec ou sans musique.

À de nombreuses reprises, la danse a permis d’échanger les rôles. Il suffisait d’interroger quelles étaient les danses traditionnelles ou contemporaines en Érythrée, en Syrie, en Afghanistan, au Soudan ou dans le Kurdistan irakien, pour voir d’un seul coup les corps se décrisper et les participants décrire et enseigner les gestes. Avec le temps, les consignes données aux artistes intervenant·e·s ont été affinées en tenant compte des progrès en français de chacun. Cela a par exemple rendu possible d’enregistrer du slam (chacun dans sa langue maternelle), d’écrire des slogans à afficher en ville ou de préparer des petites saynètes où chacun a inventé un discours présidentiel.

Faire ensemble

Il est intéressant de signaler les effets positifs, et à vrai dire imprévus, qui ont émané de ces rencontres hebdomadaires. Outre les contenus des ateliers à proprement parler, ces rendez-vous ont été très conviviaux. À chaque fois, il y avait un petit moment pour boire un café ou un thé ensemble. C’est durant ces pauses qu’il a été possible de dialoguer de manière plus individuelle. Elles ont offert des occasions pour les requérants de s’autoriser quelques confidences sur leur parcours ou sur leur quotidien à Nyon et dans les abris PC où ils dorment. Une fois de plus, la proximité des bureaux et du centre de jour a favorisé des rencontres fortuites et informelles quasi quotidiennes avec les requérants.

Même si ces rencontres se résumaient parfois à se saluer et à échanger quelques mots, elles ont contribué à rendre les participants familiers les uns des autres. Quant au suivi des ateliers, s’il a été épisodique pour certains, quelques requérants se sont montrés très fidèles. C’est en réaction à leur engagement que nous avons proposé à des artistes d’imaginer des projets qui les intégreraient dans un processus artistique. Ainsi, quelques-uns se sont investis dans des créations présentées durant le festival et dont voici un aperçu[4].

Jutyar, la création du chorégraphe Mickaël Phelippeau, a livré un portrait chorégraphique délicat et épuré du parcours de Jutyar Ali, un jeune Kurde irakien. Ce spectacle est le seul qui a entièrement reposé sur un récit intime. Le pari était d’autant plus audacieux que l’œuvre était interprétée en solo par Jutyar lui-même et passait par la danse, la musique et quelques phrases en français. Ce projet a existé grâce à la complicité entre le chorégraphe et le jeune homme, qui s’est tout de suite trouvé très à l’aise sur scène. Le travail en amont a été une réelle négociation artistique, passionnée et fructueuse ; elle a révélé la rencontre de deux personnalités fortes et déterminées à mettre leurs aptitudes respectives en commun. Lorsqu’il en parle, Jutyar Ali témoigne de son implication: « Tu sais, moi, mon spectacle, c’est la culture, c’est la vie. Parce que l’Irak, la Suisse, c’est la même chose : on danse, on chante, on boit, on vit.» Et de relever l’un des effets qui en découle : « Ça fait du bien, à la Migros, les gens, maintenant, ils me saluent. On est quelqu’un »[5].

De la même manière, les deux propositions du chorégraphe Laurent Pichaud, ont dégagé une poésie gestuelle et imagée de jeunes requérants dans leur tentative de se réinventer une intimité hors bunker. L’Usage du monde – le dehors, une œuvre qui a mis en scène Najib Mohammadi, Sharif Saidi et le chorégraphe dans un dispositif installatif est parti d’une coïncidence troublante : l'itinéraire des deux jeunes hommes entre l’Afghanistan et la Suisse, à travers l'Iran, la Turquie et les Balkans, est le même que Nicolas Bouvier a emprunté en sens inverse il y a plus de soixante ans. Cette proposition, menée avec une grande sensibilité, s’est construite minutieusement et à intervalles réguliers sur plusieurs mois, comme le décrit Laurent Pichaud : « J’essaie d’inventer des processus de création qui respectent nos ressources réciproques, nos disponibilités, nos imaginaires et corps sensibles. Pour mener à bien de tels projets, j’ai besoin de placer un élément tiers entre nous : un lieu, un contexte, une caméra, etc. Cet élément tiers sert de base de dialogue et d’investigation pour les participants que nous sommes. Ce tiers n’appartient à personne, et il appartient donc à tous de l’explorer de son endroit »[6].

De terrain, la deuxième proposition du chorégraphe, a pris place dans une salle de gym et a été créée in situ avec un groupe de migrants et d’habitant·e·s de Nyon. Pour l’artiste, ce lieu est à la fois commun – le sport existe dans toutes les cultures – et lié à l’intime – chacune et chacun a des souvenirs liés à cet espace. C’est par le jeu que s’est écrite la dramaturgie de la pièce, au fur et à mesure des répétitions. Une petite communauté s’est formée, portée par la danse et le sport, et où le français, le tigrinya et l’arabe se sont entremêlés. En mettant tou·te·s les participant·e·s à égalité, c’est bien cette implication commune qui a été convoquée. « Quand la création fait son chemin, ajoute Laurent Pichaud, elle nous offre un réel insoupçonné qui nous impressionne par sa nouveauté et par ce qu’il fait advenir malgré nous »[7].

Établir un précédent

À un moment donné, la question de l’employabilité a été évoquée. En effet, qu’autorise le statut de requérants, souvent incertains d’être encore en Suisse pour les représentations? Par cohérence, l’équipe du far° a souhaité renforcer le processus d’intégration en établissant des contrats de travail. En effet, pourquoi ne se cantonner qu’à la dimension artistique si celle-ci donne également la possibilité de créer un précédent qui serait valorisé dans de futures recherches d’emploi.

Ces démarches ont généré un suivi administratif conséquent et semé d’embûches, mais elles ont donné à chacun des participants une rémunération, un contrat d’engagement et un certificat de travail. Aux dates des représentations, les participants avaient également des per diem, des bons repas et boissons, comme tous les artistes et collaborateurs du festival. Sans compter qu’ils avaient libre accès pour voir des spectacles et partager les lieux communs de l’événement : le restaurant, le bar, la cour de l’Usine à gaz, tout comme la piste de danse en fin de soirée. Sans aucun doute, les onze jours du festival auront multiplié les opportunités de rencontres entre festivaliers et « requérants-artistes-performeurs ».

Donner l’envie d’agir

Deux autres projets présentés durant le festival doivent être mentionnés brièvement. La Black Buvette d’Adina Secretan a été tenue par des requérants et fonctionné non sans ironie selon le principe du marché noir ; Actions, imaginée par Nicolas Cilins, Yan Duyvendak et Nataly Sugnaux, a présenté une grande assemblée « performée » où se sont relayés des témoignages de requérants tout comme les récits de personnes de la région leur venant en aide.

De cette performance est née une association : Le lieu-dit. Elle vise à favoriser l’information et l’intégration des personnes en situation d’exil dans la région nyonnaise. Par le dialogue avec les exilé·e·s et en collaboration avec les autres associations actives sur le terrain, elle met en place et développe des actions dans l’apprentissage du français, l’accès au monde professionnel et les activités artistiques et sportives.

C’est notamment par le biais de cette association que le far° développe aujourd’hui ses démarches liées à l’intégration, aussi bien dans des problématiques d’ordre social que dans l’envie d’imaginer de nouveaux dispositifs artistiques générateurs de convivialité, de partage et de rencontre à destination des requérants d’asile et des habitants de Nyon. En réponse à la crise des politiques migratoires, c’est ainsi que le festival affirme son engagement, non pas comme une finalité qui aurait trouvé sa forme en 2016 et son édition ailleurs, mais plutôt comme un processus qui se poursuit et dont le but est simplement de favoriser les conditions d’une vie digne ici.

 

[1] Dans leur définition la plus simple, les arts vivants désignent des œuvres activées par des artistes devant un public. Ces arts éphémères regroupent entre autres la danse, la performance, le théâtre et toute autre forme artistique pouvant se manifester entre ces différents domaines. Le far° s’articule autour de trois axes : la création, l’accompagnement artistique et la médiation.

[2] EVAM est l’acronyme pour Établissement vaudois d’accueil des migrants.

[3] À Nyon et dans le district, l’accueil est majoritairement prévu pour de jeunes hommes logés dans des abris de protection civile, appelés communément les bunkers.

[4] Voir par exemple :

  • Jutyar, de Mickaël Phelippeau, vidéo
  • Ailleurs, far° festival des arts vivants 2016, vidéo
  • Au far°, migrants et habitants dansent pour se rejoindre, web-documentaire

[5] Mais tu vas demander quoi? On doit comprendre, Lucie Schaeren, so far° 3, 2016

[6] Laurent Pichaud in Rendu et réflexion : Atelier sur les projets participatifs dans les arts de la scène, Plateforme de médiation culturelle danse - AVDC et le far°, 2016, en ligne

[7] ibid.

Cet article appartient au dossier Inclure les étrangers