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Sélection des derniers livres qui ont retenu l’attention des bibliothèques spécialisées en travail social et santé. Ce mois-ci, par Marie Etique, Hautes écoles de santé et de travail social Fribourg.
« Travailler dans le social », aider et soutenir des publics en situation de vulnérabilité, s’accompagne d’une charge émotionnelle importante pour les professionnels qui se retrouvent parfois démunis. Or, le prescrit de « bonne distance » censé assurer leur professionnalisme, c’est-à-dire les protéger et leur permettre de garantir une qualité constante de leurs interventions, leur demande de mettre leurs émotions en sourdine.
Pourtant, comment ne pas ressentir des émotions, parfois fortes, face aux situations de violences, de carences, de handicaps ? On leur demande d’enfiler un costume et d’uniformiser leurs pratiques, de ne pas s’impliquer émotionnellement, de ne pas tenir compte de ce qu’ils ressentent par peur qu’ils perdent leur neutralité ou qu’ils sortent du cadre de leur intervention. (Chronique sociale)
Le silence tue. Comment naître au monde après une enfance et une adolescence confisquées par le silence ? Avant même que ne s’abattent les violences ? Que ne se réalise la prise de conscience ? Comment n’être au monde que par omission, volontaire ou non, par privation de mots pour se nommer hors du néant ou de la honte ? D’images et de visages pour se (re)présenter ?
Les existences tues jettent la lâcheté à la jetée, elles situent et se constituent. Elles décryptent et refusent les rouages de l’invisibilisation, les engrenages de la silenciation. Quand le silence se fait violence, la dissidence est de mise face à l’indifférence et l’ignorance. Face aux violences, activer une méthodologie en arborescence permet d’identifier des pistes d’action concrètes et contextuelles et de réaction vivantes et vitales, de cultiver des branches solides comme flexibles, partagées et partageables, de tendre vers la re-connaissance. (Éditions de l’Aube)
L’ouvrage de Berenice Peñafiel est une remarquable anthropologie de la précarité qui s’intéresse aux femmes à la rue et leur donne une voix, là où elles sont souvent (pour ne pas dire toujours) oubliées des études concernant les sans-abri.
À partir de ses enquêtes sociologiques menées et de dix portraits dressés d’habitantes de la rue, Berenice Peñafiel interroge la façon d’habiter la ville, d’habiter « dehors » sans même un espace à soi où se détendre, se retrouver, poser ses affaires ou encore tout simplement dormir. (Terre urbaine)
Une question plus que préoccupante : l’impact des réseaux sociaux sur la santé mentale des jeunes. L’auteur décrit les effets délétères de l’information véhiculée par les réseaux sociaux, notamment l’amplification des angoisses des jeunes. Mais il montre paradoxalement que tout en les maintenant dans le flux d’actualités à potentiel anxiogène, les jeunes les utilisent comme espaces de régulation de leurs inquiétudes. (…)
À partir d’une enquête réalisée auprès de jeunes de 16 à 24 ans, cet ouvrage propose une lecture socio-anthropologique pour saisir les effets délétères de l’information véhiculée par des réseaux sociaux comme Tik-Tok. Il en révèle aussi un usage rituel qui régule les inquiétudes dues aux incertitudes de l’avenir. Dans un contexte marqué par les angoisses liées au réchauffement climatique, à l’agitation géopolitique et à l’injonction à prendre en main sa destinée, nous assistons à l’avènement parmi les jeunes générations de cet individu qui, dans le mouvement permanent de résistance face à ce qui l’inquiète, met régulièrement en jeu sa santé mentale… (Erès)
La parentalité apparaît comme une expérience troublée et troublante. La construction d’une position parentale est le fruit d’un travail psychique complexe qui débute dès l’enfance.
Comment s’aménagent les enjeux de transmission lorsque les enfants en situation de handicap, devenus adultes, deviennent eux-mêmes parents ? Un tel contexte remanie l’ordre des générations, mobilise des fantasmes honteux ou coupables, ou encore de réparation, liés au vécu de catastrophe, de rupture, généré par le handicap au sein de la famille. En quoi cette naissance nouvelle, le plus souvent non préparée et considérée comme une « surprise », un « accident » ou un « drame », vient-elle bouleverser les fantasmes de transmission psychique familiaux ?
À partir de situations cliniques et de recherches universitaires, les auteurs explorent les différentes façons d’accompagner les personnes en situation de handicap qui désirent un enfant, deviennent ou sont devenus parents. Tout en envisageant les aléas dus aux handicaps, ils éclairent en retour des dimensions inédites, inattendues, créatives, propres à toute parentalité, qui peuvent conduire à modifier notre regard sur le processus subjectif d’être parent. (Erès)
Depuis le milieu des années 1990 et la Conférence internationale de Salamanque organisée par l’UNESCO, la notion d’inclusion scolaire s’est imposée dans le vocable politique, scolaire et scientifique. En s’appuyant sur les principes de justice, d’équité et de prise en compte de la diversité, le courant inclusif propose de renverser le paradigme de l’intégration scolaire : ce n’est plus aux élèves (équipés, accompagnés et soignés) de s’intégrer à l’école ordinaire parmi les « normaux », c’est à l’école de se transformer — en profondeur — pour accueillir tous les élèves et répondre à leurs besoins.
Trente ans après Salamanque, où en est la « réforme majeure des écoles ordinaires » à laquelle appelaient les signataires de la déclaration ? Pour rendre intelligible cette intention d’inclusion, il s’agit d’observer son caractère performatif en investiguant les effets — parfois contradictoires — des politiques inclusives sur l’école, ses acteurs et leurs pratiques. L’ouvrage a pour objectif de comprendre ce qui se fait au nom de l’inclusion, en privilégiant des entrées diversifiées : la forme scolaire et les dispositifs scolaires, le métier d’enseignant·e, le partenariat avec les parents, la collaboration interprofessionnelle, les inégalités scolaires ou encore les évidences et les implicites véhiculés par la notion d’inclusion. (Epistémé)
La jeunesse est un laboratoire de sexualité. Notre époque en témoigne, avec la diffusion de nouvelles identifications et relations qui remettent en question des oppositions que l’on pensait éternelles, sinon naturelles, comme « homme/femme », « hétéro/homo », ou encore « en couple/célibataire ». L’hétérosexualité perd du terrain en faveur de la bisexualité et de la pansexualité, tandis que le couple se voit concurrencé par les « sexfriends », « amitiés avec un plus », « plans cul » et « coups d’un soir ». Plus que jamais politisée, l’intimité est travaillée par des normes nouvelles, tel en premier lieu le consentement. (…)
Reposant sur une grande enquête inédite de l’Ined auprès de plus de 10 000 jeunes adultes de 18 à 29 ans, ce livre dessine un portrait des jeunesses françaises dans leur diversité et sous le prisme des relations intimes. Il montre comment le numérique, le moment #MeToo et la complexification des parcours ont profondément changé la vie affective et sexuelle, et éclaire les inégalités de genre, de classe et de race qui se nichent dans l’intimité. (La Découverte)
Composé des mots anglais slut et shame, le slutshaming humilie, stigmatise, culpabilise et déconsidère les femmes jugées provocantes ou inadéquates, tant par leur attitude que leur aspect physique. Vécue notamment dans le cadre scolaire, dans le milieu familial et dans les relations avec autrui, cette forme de violence vise la sexualité réelle ou présumée d’une personne.
Au cœur de ce phénomène se trouvent la honte et l’humiliation comme instrument de contrôle social et sexuel et comme outil de punition envers celles qui transgressent les normes du genre féminin. Ces normes associent depuis longtemps la sexualité des femmes à leur respectabilité. (…) Dans cet ouvrage, Élisabeth Mercier explore différentes facettes du slutshaming afin de jeter un regard neuf sur ses formes les plus ordinaires et leurs conséquences. (Presses de l’Université du Québec)
En dépit d’un nouvel intérêt pour la vie intime des personnes âgées, de nombreux stéréotypes subsistent, témoignant d’une vision réductrice de la sexualité ou de la conjugalité. Ces stéréotypes risquent d’occulter toute la richesse et la diversité du vécu sexuel et relationnel des personnes vieillissantes et âgées.
(...) Des thématiques aussi variées que les conceptions de la désirabilité, les formes d’expression sexuelle, le vécu de l’orientation sexuelle, les nouvelles unions formées à un âge avancé, les effets de la maladie sur les dynamiques relationnelles et la définition de l’identité ou la vie après le veuvage sont abordées. Ce livre s’inscrit dans une approche sociale, critique et pluridisciplinaire, qui vise à sortir des discours normatifs et à poser un regard nuancé sur ces sujets. (Presses de l’Université du Québec)
Quels remaniements affectifs traverse-t-on avec l’âge ? Quelles émotions, passions, découvertes ? Quels renoncements ou revanches ? Cet ouvrage, qui réunit de nombreux cliniciens, dessine un large panorama des affects du vieillir.
Ces signaux partent de la forme la plus corporelle, la sensation, l’émotion, à celle qui est la plus intégrée psychiquement, le sentiment, la passion. Ressentir son vieillissement est souvent mal tempéré, voire dénié. Ailleurs, sa prise de conscience passagère ou définitive se déclare sous différentes expressions, à diverses occasions ou événements. (...) C’est ce polymorphisme des expériences affectives que cet ouvrage aborde, non seulement tel que le vieillissement se manifeste, mais tel que chacun l’interprète selon sa subjectivation, son caractère. (In Press)
Bibliothèque de la Haute Ecole de travail social Fribourg
(photo: HETS-FR – © Beni Basler)
Envie de lire? Chaque mois, des bibliothécaires sélectionnent des ouvrages en lien avec le travail social et la santé publique pour les lectrices et lecteurs de REISO. A découvrir!