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Lire la nature du désir au-delà des mots

Lundi 03.10.2022
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Qu’exprime réellement une personne en situation de handicap quand elle dit vouloir un enfant ? Si l’offre pour répondre aux attentes affectives et sexuelles existe, il reste souhaitable de questionner le véritable besoin exprimé à travers ces mots.

Par Catherine Agthe Diserens, sexo-pédagogue spécialisée, Suisse, France et Belgique

Dans le cadre institutionnel, les personnes accueillies sont immergées dans un quotidien de vie généralement plaqué sur le contexte social ambiant. Bien qu’ayant des profils personnels très différents, elles se conforment donc presque inévitablement à ce cadre, excepté celles dont les facultés cognitives sont les plus défaillantes, car elles ne sont ni conscientes, ni concernées par les enjeux de ce contexte.

En conséquence, dans une société dont les valeurs morales priorisent la vie affective, intime et sexuelle liée au couple hétérosexuel et à la parentalité, comment imaginer que les personnes en situation de handicap ne tendent pas à vouloir suivre cette « voie royale » ?

Dans cet environnement hétéronormé, qu’exprime alors essentiellement la personne concernée par le handicap lorsqu’elle demande à répondre à une annonce de rencontre (« je dois trouver quelqu’un »), à officialiser son couple (« on doit bien se marier un jour ») ou à procréer (« on n'est pas un vrai couple si on ne fait pas des enfants ») ?

En marge de ces besoins exprimés par les usager·ère·s, quelles sont les créativités déployées dans les institutions afin qu’une pluralité de réponses coexistent ? Lesquelles, jusqu’où, comment, et pour quels épanouissements personnels ? Enfin, les professionnel·le·s sont-ils et elles prêt·e·s à se réinterroger avec elles-eux, quant à la « source profonde de leur désir exprimé » ?

La nature et la place du désir

De nos jours, moult créativités sont offertes afin que la vie affective, intime et sexuelle des bénéficiaires — dans et hors des structures d’accueil — se décline et s’épanouisse au mieux (car elle est toujours fluctuante) et surtout, qu’elle leur donne une juste place de femme, d’homme, au détriment de leur seule identité « handicapée ». Des cafés-rencontres à un substitut « d’agence de rencontres », des espaces de paroles aux ateliers d’expression théâtrale et artistique, des soirées-club aux dimanches-dansants ou encore des sorties amicales aux week-ends de couples figurent parmi ces propositions. Ces personnes peuvent encore compter sur des ateliers de massages entre pair·e·s ou l’assistance sexuelle, des chambres de « duos » à la chambre nommée « d’intimité », des fêtes de reconnaissance de couple au mariage légal ou des suivis individuels au soutiens de couples… Enfin, un site (accessible) de rencontres entre pair·e·s a été annoncé, mais il reste malheureusement toujours inactif…

Mais plus fondamentalement, les professionnel·le·s décryptent-ils ou elles toujours bien avec elles et eux, la nature et la place de leur désir ?

Un désir autre

Derrière les demandes si fréquemment entendues « je veux un·e amoureux·se », « je veux faire l’amour » ou « je veux faire un bébé », ces mêmes professionnel·le·s ont-elles et ils vraiment pris le temps de cheminer avec la personne concernée pour comprendre, avec elle, l’intention profonde qu’elle donne à ses propos ? Il se pourrait en effet que cette personne utilise ces expressions si courantes pour diverses autres raisons, dont celle de répéter ce qu’elle entend communément, ce qui est généralement véhiculé autour d’elle et qu’elle pense devoir reproduire pour être dans le « socialement correct » (qu’il serait de bon ton d’exprimer). Il s’agit là d’une forme d’imitation, d’assimilation au modèle commun : un désir mimétique

Elle peut également vouloir (ou croire qu’elle doit) prolonger la lignée familiale pour faire plaisir à ses parents et/ou témoigner de son besoin de vécu affectif, manifestant là son désir d’être aimé et d’aimer. En souhaitant concrétiser ces étapes de vie qui sonnent de manière si magique et donnent donc envie « d’essayer », elle fait part de son désir d’expérimenter.

L’utilisation de ces expressions peut aussi avoir pour effet de déclencher une nouvelle interaction entre elle et son entourage (la personne concernée espère ou se persuade qu’elle attirera davantage d’intérêt) : elle signifie alors son désir d’attirer l’attention. L’individu veut ainsi dépasser le jeu de la poupée : il rencontre le désir de faire semblant, pouponner, manipuler, soigner, prendre dans les bras ou cajoler mais avec du vivant, ou d’être reconnue comme femme/homme, voire d’affirmer la reconnaissance d’un statut social plus adulte : désir d’identité, désir de grandir

Pour le·a bénéficiaire, énoncer ces expressions communes peuvent aussi servir à « prouver » qu’il·elle n’est pas handicapée. Le mariage et la procréation gommeraient le handicap, c’est la force de la pensée magique : désir de conformité, de normalité. Pour les femmes, plus particulièrement, peut encore se cacher un besoin de se sentir « pleine », fière de son ventre : un désir sensoriel.

Le désir d’exister peut aussi se dire à travers ces élocutions, pour rompre sa solitude, occuper son ennui, son manque de créativité, donner un sens à sa vie. Le désir rêveur, celui qui pousse à raconter un idéal de vie, un fantasme, comme s’il était une vérité, ainsi que le désir inexprimé parce qu’inexprimable, qui consiste à exprimer un désir en réalité tout autre (donc de manière biaisée) mais impossible à formuler, représentent d’autres sens possiblement cachés. Enfin, souvent, c’est simplement parce que la personne elle-même ne sait pas chercher seule, en elle (intériorité) la source de son désir.

Et les accompagnant·e·s ? Les professionnel·le·s ? Les proches ? Les autres ?

A force de (trop) parler de vie affective, intime et sexuelle, la personne handicapée mentale ne se moulerait-elle pas dans le discours ambiant en formulant ce qu’elle entend couramment au quotidien de la part de son entourage, voire dans ce qu’elle pense devoir exprimer pour nous plaire à ces mêmes individus, pour correspondre à leurs attentes ?

N’y aurait-il pas entre eux-elles et cet entourage comme un double mouvement ou, peut-être, une forme d’amplification au cœur de la société ? D’une part, en effet, la personne en situation de handicap se trouve valorisée dès lors qu’elle manifeste un comportement normatif amoureux (« ah… tu as donc un petit ami·e…. ») ou sexuel (« ah… tu dis que tu souhaites faire l’amour !? »). D’autre part, reconnaissons-le, la sexualité en général et sous diverses formes est exacerbée à travers les médias. Ces deux éléments n’agissent-ils pas en interaction avec l’environnement institutionnel dans lequel vit la personne concernée, qui lui propose donc des offres concrètes et variées en lien avec la sexualité ?

Ce double mouvement pourrait s’observer ainsi : les un·e·s, les personnes en situation de handicap, plaquent leurs désirs sur le modèle ambiant auquel ils-elles pensent devoir s’ajuster/se coller. Les autres, les professionnel·le·s y répondent sur le même mode, avec une forme de facilité coutumière, puisque les réponses existent. Mais ces réponses sont-elles presque trop aisée ? Ces accompagnant·e·s ont-elles et ils bien décrypté que derrière « je veux un·e amoureux·se », « je veux faire l’amour » ou « je veux faire un bébé » la personne concernée n’émettrait pas, en réalité, un désir différent ?

Et quelles créativités autres pourraient être développées avec elles-eux, également porteuses de sens et de plaisirs dans leur vie ? Voire plus… ? Voire autrement… ?

C’est précisément parce qu’existent trente à quarante ans d’ouverture sur la question de la santé sexuelle des personnes en situation de handicap en Suisse que ce débat peut être soulevé. Nous ne partons pas de rien ; les cultures institutionnelles ont été profondément transformées par la richesse de la santé sexuelle en tant que nouveau regard sur les personnes accueillies : hommes, femmes, êtres de désir.

Mais s’il s’impose de les accompagner à cet égard dans la dignité, il s’impose aussi de les accompagner dans ce droit à la sexualité sans simplification. C’est peut-être même une chance aujourd’hui et une forme d’honnêteté : repartir de la place du désir, c’est oser se reposer la question de quel désir, au fond ?

Aller à la source du désir

De ce questionnement découle le suivant : comment travailler leurs demandes à partir des désirs exprimés ? Accompagner le désir énoncé exige de prendre le temps de sonder la nature de la requête avec elles-eux, afin de ne pas la banaliser, ni l’outrepasser. Plusieurs questions peuvent guider cette exploration : De quels repères disposons-nous ? Quels sont les gardes fous lorsque nous nous avançons à la source du désir, avec une composante d’intersubjectivité presqu’incontournable ? Avec quelle distance et quelle proximité émotionnelles ?

Dans l’ensemble de ce processus d’interrogations, il en est une, indispensable, à conserver en point de mire : la visée éthique de la subjectivation de la personne (du devenir soi) reste-t-elle bien prioritaire ? Il appartient en effet aux professionnel·le·s de veiller de ne pas transmettre une injonction paradoxale, celle du « soyez cela, que vous ne pouvez pas être » !

En conséquence, l’adaptation et l’adéquation dans ce domaine sensible sont de mise en permanence. Il y va d’un dialogue continu entre la pensée et l’action.

Le plus important serait de pouvoir travailler en amont et de décortiquer avec soin, tact et humanisme, la nature du désir qui s’exprime. Lorsque la personne annonce vouloir une grossesse, le désir d’enfant, en tant que tel, peut être en réalité tout à fait absent… Ce constat lucide incite à entendre les nuances de ce désir et pousse dans un agir émancipatoire, au travers duquel la personne concernée apprend certainement aussi au professionnel·le quelque chose de soi-même.

Coexistence d’une pluralité de réponses, voire plus…

Pour reprendre l’un des questionnements précédents, quelles créativités autres pourraient être développées avec elles-eux, également porteuses de sens et de plaisirs dans leur vie ? Voire plus… ? Voire autrement… ?

Le « plus » reviendrait à reparler autrement du désir, en saisissant l’occasion de cette intégration au monde sexualisé « de l’ordinaire », pour réfléchir à ce modèle et comprendre les forces sociales qui, consciemment pour certaines et inconsciemment pour d’autres, le façonnent. Cette reformulation viserait à interroger la norme qui fonde cette « normalité ». Il ne s’agit évidemment pas de la rejeter, puisqu’il se trouve bel et bien une « coexistence d’une pluralité de réponses ». Permettons-leur de se côtoyer !

Le « plus » reviendrait, pour les professionnel·le·s, non seulement à s’interroger sur leurs capacités à reparler autrement du désir avec elles-eux, mais également en équipe pluridisciplinaire. Dans ce sens, qu’il s’agisse de désir de parentalité ou de tout autre désir affectif, intime et sexuel, la démarche éthique demeure la même, soit de partager une réflexion critique éclairée sur la sexualité et la parentalité. Il sous-tend ici l’idée de de ne pas vouloir être forcément « comme les autres » sans se donner la peine de réfléchir sur la manière d’être, ou la manière d’agir, de ces autres. C’est à-dire de nous-mêmes aussi.

Quant à « voire autrement ! » : ne négligeons jamais tous les apports culturels (théâtre, danse adaptée, chant, expressions picturales ou animations filmées), les apports sportifs et de loisirs. Ceux-ci ont souvent un effet de « sublimation » et peuvent aussi donner corps autrement et très joyeusement à l’expression du désir.

Autrement pour, comme le disait Hanna Arendt, Devenir toujours plus acteur d’un scénario écrit par d’autres, puis même devenir auteur du scénario lui-même…

Cet article appartient au dossier Intimité(S)

Comment citer cet article ?

Catherine Agthe Diserens, «Lire la nature du désir au-delà des mots», REISO, Revue d'information sociale, publié le 3 octobre 2022, https://www.reiso.org/document/9667

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