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Un regard démographique sur le vieillissement

Jeudi 04.07.2019
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Le vieillissement de la population est souvent vécu comme une peur ou un problème, financier surtout. Les aînés se portent pourtant beaucoup mieux aujourd’hui qu’il y a trente ans. Au Nord en tout cas. Dans les pays du Sud, la pauvreté va provoquer un défi immense.

Par Michel Oris, PRN LIVES et professeur à l’Institut de démographie et socioéconomie, Université de Genève [1]

Cet article [2] revient sur l’émergence des visions sombres du vieillissement à travers la contribution des démographes à la construction du « problème » du vieillissement. Puis il montre à quel point les représentations négatives sont de moins en moins en phase avec les réalités car la population des aînés s’est profondément transformée au cours des 30 ou 40 dernières années, ce qui implique de nouvelles approches. Et enfin, il situe la Suisse à l’échelle internationale, car ce n’est clairement pas nous qui faisons et ferons face aux plus grands défis [3].

Le « problème » du vieillissement

Depuis que l’humanité existe, les êtres humains vieillissent et ils le savent. Cette connaissance a généré quantité de représentations, en particulier celle des escaliers de la vie que l’on monte puis descend. A maints égards, la révolution industrielle, il y a deux ou trois siècles de cela, a marqué une rupture. Elle est associée à la mécanisation et avec elle au culte de la performance et de l’efficience. Ce cadre culturel définit le vieillard – ou la vieille – comme déficient, inapte à performer et donc à gagner sa vie en travaillant. C’est d’ailleurs le langage du handicap qui s’impose comme une lame de fond autour de 1900 pour qualifier la vieillesse.

C’est sur ce terreau malsain qu’un peu plus tard, en 1928 précisément, un démographe français, Alfred Sauvy, a inventé le concept de vieillissement démographique, l’idée que non seulement un individu mais une «population» puisse vieillir. Cette idée nous est désormais familière mais elle est en fait assez récente. Dans la continuité de l’époque précédente, Sauvy et les démographes ont construit et ont diffusé une représentation très négative aussi bien du vieillissement individuel que du vieillissement collectif. Elle s’est traduite notamment par des indicateurs aujourd’hui encore calculés de manière routinière. Un des plus emblématiques est le rapport de dépendance, qui assume que les vieux sont dépendants, qu’ils pèsent sur les adultes, qu’ils sont une charge pour eux. Avec ce genre de mesure, le vieillissement de la population est une menace pour la société, en particulier pour l’état social.

Pourtant, si l’on prend une représentation graphique régulièrement mise à jour par l’Office fédéral de la statistique, nous y voyons aussi un rapport de dépendance des jeunes, qui n’est pas du tout porteur des mêmes représentations négatives, qui n’est que rarement montré et en tout cas jamais débattu sur la place publique. Or, ce que cette figure indique est que la charge des jeunes pesant sur les adultes actifs a beaucoup plus diminué que n’a monté le poids des aînés. Nous en trouvons la confirmation sur les pyramides des âges, une représentation graphique qui elle aussi a été inventée par Sauvy. Celle de 2010 montre la « menace » du baby-boom. Mais pour le reste, la comparaison avec la pyramide de la population suisse en 1900 indique qu’en un peu plus d’un siècle, la base de la pyramide – les jeunes – s’est beaucoup plus rétrécie que le sommet – les personnes âgées – ne s’est élargi. En termes purement macro-démographique, la situation de la Suisse est meilleure maintenant qu’il y a un siècle de cela ! Mais en réalité, il y a un siècle, très peu de gens avaient une pension de retraite, et les enfants allaient travailler trop jeune. La société et l’économie ont bien plus évolué que la population. Et cela vaut aussi lorsque l’on examine les transformations qui ont affecté le groupe des 65 ans et plus.

 Image Pyramides MO

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Une population en profonde transformation

Nous nous appuyons sur des enquêtes qui ont étudié les conditions de vie et de santé des personnes de 65 ans et plus en 1979, 1994 et 2011. Elles donnent une vision précise des évolutions que l’on sait positives mais que, curieusement, on ne mesure que rarement.

En 1979, plus de 80% des femmes âgées de 85 à 94 ans vivaient avec des revenus sous le seuil de pauvreté de l’époque. La moitié des plus de 65 ans vivaient sous ce seuil, dans un pays qui était déjà l’un des plus riches du monde. De 1979 à 2011, cette proportion a heureusement reculé fortement, pour se situer quand même encore à 21%. Elle a régressé plus vite pour les femmes, qui restent plus touchées que les hommes, mais l’écart s’est réduit.

Dans nos études statistiques, la variable qui explique le plus le recul de la pauvreté est le niveau d’éducation, ou si vous préférez le diplôme atteint. En un résumé brutal, en 1979, 66% des personnes âgées de plus de 64 ans n’avaient fait que l’école obligatoire ou moins ; en 2011, ils ne sont plus que 18%. Ils sont passés des deux-tiers à moins de un sur cinq. Ils étaient la norme, la normalité ; ils sont devenus un groupe marginal qui accumule les désavantages.

Mais la majorité a nettement progressé. Ceci a de nombreuses implications qui ne touchent pas que la pauvreté mais aussi la cognition, la capacité à réfléchir, à se souvenir, et donc à gérer sa vie, à contrôler son existence. Un détour par la démographie est nécessaire pour aborder ce point. Nous observons en effet un vieillissement dans le vieillissement : les 80 ans et plus augmentent bien plus vite que les 65 ans et plus. Cette progression du nombre de grands vieillards est associée à la croissance des maladies neurodégénératives, qui font extrêmement peur. Il y a déjà vingt ans de cela, une enquête menée aux Etats-Unis par Lawton (1999) montrait qu’un tiers au moins des participants préférait mourir de suite plutôt que de perdre leurs capacités de réflexion, de raisonnement, de mémoire. Je n’ose imaginer ce que seraient ces chiffres aujourd’hui dans le pays d’Exit et de Dignitas. Mais j’ai eu la curiosité de taper Alzheimer et Parkinson sur internet : c’est très impressionnant ; on parle même régulièrement d’épidémies alors que ces maladies n’ont rien à voir avec Ebola ou le sida… Pour sortir de peurs irraisonnées, pour rationnaliser, il faut retourner aux données.

En 1979, 1994 et 2011, nous avons demandé aux personnes âgées en Suisse si elles souffraient de divers maux, dont les troubles de la mémoire. Chez les femmes, il y a eu un recul continuel de celles déclarant avoir des pertes de mémoire, et il en va de même chez les hommes. Ces chiffres portent sur les 65-94 ans vivant à domicile, donc sans les personnes en EMS. Mais l’institutionnalisation a reculé au cours du temps. En outre, il ne s’agit nullement ici de diagnostic médical ; c’est de l’auto-déclaration par les personnes elles-mêmes. Mais comme la peur des pertes cognitives n’a cessé de monter, les gens y sont d’autant plus attentifs. In fine, il est plutôt probable que l’évolution a été encore plus positive que ce que ces données suggèrent.

Par ailleurs, elles sont cohérentes avec les résultats de l’étude dite de Framinghan, une étude scientifique américaine qui, il y a un peu plus de deux ans de cela, a fait grand bruit dans les médias du monde entier. Il s’agit d’une recherche portant initialement sur les maladies cardiaques, mais qui a suivi des personnes durant de longues années. Cette collecte de données a montré que la démence – au sens large de ce mot – survenait plus tard et moins souvent chez les personnes ayant bénéficié d’une bonne formation initiale, avec un diplôme à partir du secondaire 2. Or, nous avons vu plus haut que grâce à la démocratisation de l’accès à l’école il y a des décennies de cela, les personnes âgées en Suisse sont aujourd’hui bien plus diplômées qu’auparavant.

Des projections du nombre de personnes atteintes de démence à l’horizon 2050 ont été faites pour la Suisse, et récemment aussi pour le monde, par l’Organisation Mondiale de la Santé, qui nous assure que ce nombre va tripler. Mais en fait, ces calculs se basent sur les taux de démence par âge d’aujourd’hui, puis projettent vers le futur le facteur négatif qui est le vieillissement dans le vieillissement, la progression rapide des grands vieillards qui sont les plus touchés. Mais ils ne prennent pas en compte le changement de composition de la population âgée, avec plus de diplômés, ce qui est un facteur protecteur.

A ce stade, trois points ressortent :

  • Les travailleurs sociaux et de la santé ont de plus en plus affaire à des retraités, à des aînés, avec lesquelles les postures d’autorité ne sont pas de mise ; il faut entrer en discussion et explication, il faut convaincre.
  • Il existe un groupe non négligeable de personnes (un cinquième au moins) qui est resté en marge des progrès, qui s’est marginalisé ; il est difficile de les atteindre et c’est pourtant crucial en termes de justice sociale.
  • Aussi puissant que soit un facteur comme le niveau de scolarité, ce n’est pas un déterminant. Ce n’est pas parce que vous avez un faible diplôme que vous allez être atteint par Alzheimer ! C’est un facteur de probabilité qui accroît les risques, mais il existe une énorme diversité interindividuelle. Cette individualisation ou personnalisation du cheminement à travers la vieillesse elle aussi appelle un renouvellement des visions et des politiques.

La Suisse dans le contexte international 

Ces défis sont les nôtres, mais ils sont aussi ceux de nos voisins et de l’ensemble des pays dits riches. Certes, avec son espérance de vie qui est l’une des plus élevées au monde, la Suisse a un rôle pionnier à tenir, mais la pyramide des âges de sa population est semblable à celle de l’Autriche, de l’Allemagne ou de l’Italie, pour ne citer que ceux-là. Toute l’Europe doit faire face au défi du passage à la retraite des générations massives de baby-boomers, qui dans quelques années atteindront la grande vieillesse. Nous ne pourrons pas repousser beaucoup plus loin un certain nombre de réformes.

Cela étant, à une échelle plus vaste, le contraste est profond entre la vieillesse du Nord et la jeunesse des populations du Sud. Sauvy, que j’ai critiqué au début de ce texte, était aussi un grand savant et un homme aux intuitions géniales. Il fut l’un des inventeurs de l’expression « tiers-monde » à travers laquelle il voulait dénoncer les injustices d’un monde divisé entre les riches et les pauvres. C’est bien ce qui ressort durement lorsque l’on examine la disparité des espérances de vie. Sur notre planète, les plus défavorisés vivent en moyenne 46 ans de moins que les Suisses ou les Japonais ! Et ce n’est pas la pire injustice qui soit, car l’espérance de vie en santé révèle un fossé tout aussi profond. Cet indicateur atteint à peine 35 ans dans les pays les plus pauvres du monde. Elle est basse partout en Afrique sub-saharienne. Ces valeurs si faibles s’expliquent par le cumul de pathologies que les pays riches ont géré l’une après l’autre, au fil des deux derniers siècles, alors qu’elles se cumulent toutes en même temps dans les pays du Sud. Et parmi ces maux, figurent ceux associés au vieillissement comme les pertes fonctionnelles ou cognitives. Des efforts héroïques se déploient pour y faire face, avec des moyens bien trop réduits.

Or, la pression va aller en s’accentuant. Les projections montrent de manière robuste que les populations qui vont le plus tardivement commencer leur vieillissement démographique sont aussi celles qui vieilliront le plus rapidement : en d’autres mots, ce sont les sociétés qui auront le moins de temps pour s’adapter. En outre, nombre d’entre elles vieilliront avant d’être sorties de la pauvreté qui est la leur aujourd’hui.

Comme je l’écrivais en introduction, la Suisse n’est de loin pas le pays qui affrontera les plus grands défis dans les années à venir. Je crois que notre richesse ne nous donne pas que des avantages ; elle nous donne aussi des devoirs, dont celui d’être pionnier dans la construction des solutions de demain. Elles ne devront pas être que des solutions pour nous, que des solutions pour riches, mais des solutions pour tous.

[1] Pôle LIVES. Surmonter la vulnérabilité : perspectives du parcours de vie, et Institut de Démographie et Socioéconomie, Centre interfacultaire de Gérontologie et Etudes des Vulnérabilités, Université de Genève.

[2] Ce texte est issu d’une présentation faite lors de l’ouverture du Congrès sur Les enjeux du vieillissement en Suisse et à l’étranger. Approches de santé publique internationales, nationales, cantonales et institutionnelles – focus fragilité et innovation, qui s’est tenu le 6 juin 2019 au Palais de Beaulieu à Lausanne et a été organisé par Mme Pia Coppex que je remercie ici, avec le Prof. Gold, pour leur invitation dans ce cadre. Compte rendu du Congrès par REISO.

[3] Les images qui soutenaient cet exposé sont disponibles sur cette page du site du CIGEV

Cet article appartient au dossier Le prix de la santé

Comment citer cet article ?

Michel Oris, «Un regard démographique sur le vieillissement», REISO, Revue d'information sociale, mis en ligne le 4 juillet 2019, https://www.reiso.org/document/4608

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