En octobre, la HETS Fribourg propose une exposition ainsi que diverses manifestations autour des inégalités à l’âge de la retraite entre personnes issues de la migration et personnes nées en Suisse. Interview.

(REISO) Pour quelles raisons la HETS Fribourg a-t-elle souhaité accueillir cette exposition ?

Marie-Christine Ukelo M'bolo-Merga © HETS-FR(Marie-Christine Ukelo-Mbolo Merga, professeure associée) Notre école a pour mission de former des professionnel·les attentif·ves aux inégalités sociales et aux problématiques contemporaines. Mais aussi de les visibiliser, par exemple comme objets de discussion dans l’espace public. L’exposition proposée par l’ODAE est construite autour de la perspective des personnes migrantes et des professionnel·les qui les accompagnent. Elle met en lumière une problématique centrale : l’articulation entre le vieillissement et la migration, ainsi que les répercussions des politiques publiques sur les trajectoires de vie et les vulnérabilités sociales.

Accueillir cette excellente exposition, c’est offrir un espace de visibilité à des vécus souvent peu entendus, tout en stimulant la réflexion collective concernant l’impact des lois d’immigration au-delà de la période active de la vie. Lors du vernissage, Jean-François Bickel, professeur ordinaire à la HETS, s’attachera ainsi à montrer combien les expériences de la retraite et de la vieillesse des migrant·es sont marquées par les politiques publiques d’hier et d’aujourd’hui.

Nous souhaitons également mettre en lumière le fait que les personnes migrantes ne peuvent être réduites aux obstacles administratifs ou sociaux auxquels elles sont confrontées. Elles enrichissent notre société par leurs expériences passées et présentes. Elles nous invitent aussi à relire l’histoire migratoire de la Suisse et font partie de sa mémoire collective.

En accompagnement de l’exposition, des activités pédagogiques permettent d’approfondir la question sociale de l’âge avancé pour les personnes issues de la migration. Qu’est-ce qui vous a inspiré pour développer ce programme ?

Nous avons souhaité que l’exposition soit non seulement contemplée mais aussi vécue comme la possibilité de co-construire une réflexion avec d’autres personnes. En effet, les activités proposées permettent de croiser regards et perspectives entre personnes impactées, étudiant·es, enseignant·es, chercheur·es et praticien·nes des domaines juridiques, de la santé et du travail social, tout en ouvrant un dialogue avec la cité.

La précarité des droits, les carrières fragmentées et le manque de reconnaissance sociale fragilisent la santé et la vieillesse.

Ces échanges, que nous espérons fructueux, invitent à questionner à la fois les politiques sociales, les pratiques professionnelles et les expériences de vie, en mobilisant des savoirs académiques et expérientiels.

Vous consacrez une conférence à l’accès aux soins pour les personnes migrantes âgées et une autre aux travailleuses de l’économie domestique âgées ou retraitées et migrantes. Quels liens faites-vous avec entre ces deux thématiques et l’exposition ?

Ces deux conférences prolongent directement les enjeux mis en lumière par l’exposition. Elles montrent comment les inégalités vécues par les personnes migrantes au cours de leur parcours de vie se répercutent à l’âge avancé. Qu’il s’agisse de l’accès aux soins ou des conditions de travail dans l’économie domestique, il existe un fil rouge : la précarité des droits, les carrières fragmentées et le manque de reconnaissance sociale fragilisent la santé et la vieillesse. Katia Scrima, notre collègue de la Haute école de santé Fribourg, mettra d’ailleurs plus particulièrement le focus sur l’accès aux soins, qui présente également de nombreux défis pour les personnes vieillissantes issues de la migration.

Ces conférences visent aussi à souligner la richesse des apports des personnes migrantes à la compréhension de la problématique spécifique traitée et plus généralement de la société suisse. À l’image de deux participantes à la recherche d’Emma Gauttier qui la co-présenteront avec elle lors de la conférence du 21 octobre. Dans le même esprit, Maria Folleco, ancienne travailleuse sans-papiers, présentera son livre à l'occasion du vernissage de l’exposition et partagera son vécu transnational ainsi que son engagement contre les discriminations dans le canton de Fribourg.

Les différentes activités s’inscrivent pleinement dans l’esprit de l’exposition : rendre visibles à la fois les discriminations et les ressources, les vulnérabilités et les forces, pour inviter à repenser collectivement notre rapport à l’âge et à la migration.

(Propos recueillis par N. Berger)

Consulter les informations sur l’exposition « Vieillir en Suisse en tant qu’étranger·ère. Rendre visible l’impact des lois d’immigration sur les sénior·es » à la HETS Fribourg du 7 au 24 octobre. Vernissage, mardi 7 octobre.

Consulter les informations sur les conférences « Âge et migration : promouvoir l’accès aux soins, quels défis ? » du 13 octobre et « Parcours de vie vulnérabilisés et vieillesse : les agir pluriels des travailleuses de l’économie domestique âgées ou retraitées et migrantes, en Suisse » du 21 octobre.