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Brûlures tatouées: superpeausition revendiquée

Lundi 23.10.2023
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René Knüsel a participé en 2003-2004 à une enquête sur les représentations du tatouage dans le public. L’originalité de ce travail était d’aborder cette thématique sous l’angle de la réaction sociale.

Par Alexandre Dubuis, chercheur associé au Laboratoire capitalisme, culture, société (LACCUS), Faculté des Sciences sociales et politiques, Université de Lausanne

Cet article est le dernier du dossier de dix articles, publié en collaboration entre REISO et l’Institut des sciences sociales (ISS) de l’Université de Lausanne. Celui-ci rend hommage au sociologue René Knüsel, professeur ordinaire en sociologie des politiques et de l’action sociale, de 2004 jusqu’à sa retraite en 2020. Ce corpus est articulé en trois sections : 1) Regards sociologiques sur l’État et ses politiques sociales, 2) Modèles d’interventions inclusifs et 3) Actions concrètes sur le terrain.

Coordinateurs de ce dossier, André Berchtold, professeur associé à l’ISS, et Jacques-Antoine Gauthier, maître d’enseignement et de recherche, ont ainsi « proposé à quelques ancien·ne·s collègues, au court comme au long cours, de prolonger encore un peu le cheminement commun » avec René Knüsel. « Il en est issu cet ensemble de réflexions parlant moins de travail que d’êtres humains, mais mettant toujours en avant une passion commune pour la justice et la discussion. » L'ensemble du dossier est publié conjointement sur REISO et dans un livre.

Creux, bosses, boursouflures, stries, cicatrices, taches, marques : autant de mots qui qualifient et, souvent, risquent de stigmatiser l’« expeausition » [1] forcée des séquelles d’une brûlure grave. Dans ses interactions routinières, une personne vivant avec l’épiderme ainsi marqué expérimente à quel point son nouveau « revêtement cutané » perturbe la fluidité des échanges avec autrui.

Même patentes ces séquelles [2], quelle que soit leur nature, sont difficilement identifiables tant elles peuvent être confondues avec une légion d’autres atteintes de la peau : vitiligo, psoriasis, eczéma, herpès, variole, lèpre. Leur interprétation [3] erronée risque de provoquer des réactions parfois vives de rejet, suscitées notamment par dégoût ou, dans le contexte particulier de la pandémie de Covid‑19, par crainte de la contagion. Ce type de comportement apparaît fréquemment dans les fictions cinématographiques et littéraires qui ont tendance à dépeindre à traits grossiers et réducteurs le quotidien de personnes marquées, en particulier lorsque les atteintes concernent le visage [4]. Deux options sont alors retenues, aussi caricaturales l’une que l’autre : la dissimulation de séquelles afin d’éviter des regards réprobateurs, voire du mépris, ou, au contraire, mais plus rarement, leur exhibition provocante.

Peu analysée dans la littérature sociologique, une forme particulière de dissimulation-exhibition consiste à recouvrir les séquelles par des tatouages. Pour la personne concernée, cette stratégie — essentiellement préventive — devrait permettre d’éviter un certain inconfort interactionnel, tant à elle-même qu’à ses interlocutrices et interlocuteurs. Il s’agit là principalement d’anticiper des réactions parfois violentes, comme se faire traiter de monstre. Le but vise à échapper à l’humiliation et, plus encore, au mépris qui risque « de ruiner l’identité de la personne tout entière » [5], constituant une menace très grave.

Le sociologue Erving Goffman parle d’un accord tacite : en dissimulant ses séquelles et en limitant leur saillance, le ou la grand·e brûlé·e intervient au maximum afin de diminuer l’inconfort interactionnel qu’il ou elle suscite. En échange, il attend que son interlocutrice ou interlocuteur fasse comme si de rien n’était [6].

L’« appeausition » de tatouages sur des séquelles poursuit principalement deux finalités distinctes. Modifiant le cadrage, la première consiste à esthétiser les marques. La seconde vise concrètement à restaurer des contours, à redonner une symétrie.  

Palimpseste cutané

Aux antipodes de l’emploi habituel du tatouage, conçu comme la volonté de différencier et donc d’individualiser son corps [7], cet usage permet à des personnes accidentées une finalité tout autre. Le but consiste alors à atténuer la trop grande singularisation du corps, la saillance des séquelles, en estompant les variations nettes de forme, de souplesse, de couleur entre peau saine et greffes ou prises de greffe. 

Selon les mots d’une personne concernée : « C’est ça qui choque le plus les gens quand ils voient un brûlé, c’est où la peau est saine et où elle est brûlée. Quand ils voient vraiment la différence… » [8].

Le tatouage contribue ainsi à camoufler [9] certaines séquelles disgracieuses. Toutefois, en raison de la finesse de la peau greffée qui risque de provoquer un raturage, ou par crainte de la douleur, le tatouage de parties saines peut être privilégié. La finalité reste cependant la même.

Quant au motif du tatouage, il ne se limite généralement pas à une visée décorative ou esthétique [10]. Il revêt parfois une signification en lien avec l’étiologie de l’accident ou avec la réhabilitation. Ajoutant ainsi une reconnaissance factuelle de ce qui est arrivé, cette superposition de couches, et surtout de sens, renforce le brouillage sur l’identification des traces et sur les différentes manières de les lire et de les interpréter, soit comme des marques, soit comme des messages cryptés.

Refaçonner des contours humains

Dans le but de diminuer la saillance de leurs séquelles, certain·e·s grand·e·s brûlé·e·s cherchent d’autres moyens de se réapproprier leur corps. Ils et elles optent par exemple pour une dermopigmentation réparatrice (tatouage médical). Agissant comme un trompe-l’œil, ces types de tatouage redonnent une perspective à des parties amputées, redessinent des cils ou des sourcils, ramènent des expressions du visage, repigmentent des zones dépigmentées, atténuant ainsi les différences entre peau saine et greffes. 

De stigmate en chevron

Quels que soient les types de tatouage choisis, leur sens s’avère souvent complexe et difficile à déchiffrer. Le recours à ces pratiques s’inscrit en effet dans une démarche individuelle. Il s’agit le plus souvent d’un investissement affectif ayant pour finalité l’acceptation d’une apparence nouvelle.

La marque accidentelle contient inévitablement une composante intime qui rappelle de façon inéluctable et permanente un événement traumatique. À l’aide d’un tatouage, la ou le grand·e brûlé·e souhaite fluidifier ses interactions avec les autres. Bien que cette personne cherche à passer le plus inaperçue possible, elle tient tout de même à transmettre un message visant à une reconnaissance factuelle de son vécu. Explicite, la marque transformée par le tatouage favorise une sorte de narration qui, de stigmate, la convertit en chevron [11] assumé et même, dans certaines formes extrêmes, revendiqué.

Bibliographie

  • Bec C., Jovanovic M., (2014). Carthago tome 4. Les monolithes de Koubé, Los Angeles, Les humanoïdes associés, bande dessinée.
  • Casas Ros A., (2007). Le théorème d’Almodóvar, Paris, Gallimard.
  • Cline E., (2018 [2013]). Readyplayer one, Paris, Michel Lafont.
  • Dubuis A. (2019). « Entre ex-peau-sition légitime et sur-ex-peausition : les séquelles de brûlure grave comme trophées » La Peaulogie [en ligne] http://lapeaulogie.fr/entre-ex-peau-sition-legitime-et-sur-ex-peausition-les-sequelles-de-brulure-grave-comme-trophees.
  • Dubuis A., (2015). « La reconnaissance factuelle : le récit itératif d’un accident pour rétablir un rapport à soi et à autrui », Études Ricoeuriennes/Ricoeur Studies, Vol. 6/no1, 111-122.
  • Dubuis A., (2014). Grands brûlés de la face. Épreuves et luttes pour la reconnaissance, Lausanne, Antipodes, coll. « Existences et Société ».
  • Dubuis A., Knüsel R., (2004). La pratique du tatouage, un signe de distinction grégaire. Étude sur les représentations du tatouage dans le public (Université de Lausanne).
  • Dumas S., (2014) Les peaux créatrices. Esthétique de la sécrétion, Paris, Klincksieck. Goffman E., (1996 [1975]). Stigmate. Les usages sociaux du handicap, Paris, Editions de Minuit.
  • Gravelier C., Marro V., Maritato T., (2017) « Le tatouage pour se réapproprier le corps cicatrisé », La Peaulogie, [en ligne] https://lapeaulogie.fr/article/le-tatouage-pour-reapproprier-le-corps-cicatrise/
  • Héas S., Misery L. (dir.), (2007). Variations sur la peau, Paris, L’Harmattan.
  • Honneth A., (2006 [2000]). La lutte pour la reconnaissance, Paris, Cerf.
  • Javeau C., (2015). « À l’inverse du stigmate : le chevron » in : C. Dargère, Héas S., La chute des masques : de la construction à la révélation du stigmate. Grenoble, PUG, pp. 39-48.
  • Le Breton D., « Le monde à fleur de peau : sur le tatouage contemporain » in Hermès, n° 74, pp. 132-138.
  • Le Breton D. (2011), « La peau entre signature et biffure : du tatouage et du piercing aux scarifications » in Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe, n° 57, pp. 79-92.
  • Le Clézio. J.M.G., (2017). Alma, Paris, Gallimard.
  • Lundström L., (2013). Äkta Människor [Real Humans] saison 2, Sveriges Television (SVT), Suède.

Autres sources

J’ai tatoué mes cicatrices ! — YouTube

J’AI TATOUÉ MA BOUCHE ! (au revoir la cicatrice) — YouTube

[1] Nous empruntons cette expression à Nancy J.-L., in Dumas S., 2014 : 159.

[2] Ce terme englobe aussi bien les greffes remplaçant la peau détruite que les endroits dépigmentés de prises de greffe.

[3] L’étude présentée ici porte sur une atteinte particulière de la peau dont l’étiologie est causée par des brûlures sévères. Bon nombre de personnes connaissant des maladies cutanées peuvent vivre sans doute des expériences similaires d’exposition aux regards et aux réactions des autres (Héas, Misery (dir.), 2007).

[4] Pour des exemples récents, peuvent être mentionnés : Människor Ä., Real Humans, saison 2, 2013 ; Casas Ros A., Le théorème d’Almodóvar, Paris, Gallimard, 2007 ; Le Clézio J.M.G., Alma, Paris, Gallimard, 2017 ; Cline E., Readyplayer one, Paris, Michel Lafon, 2018 [2013] ; Bec C., Jovanovic M., Carthago Tome 4. Les monolithes de Koubé, Les humanoïdes associés, Los Angeles, 2014 (bande dessinée).

[5] Honneth, 2006 [2000] : 161

[6] Goffman, 1996 [1975], 145

[7] Le Breton, 2011, 2016

[8] Témoignage de Samuel, 40 ans (20 ans au moment de l’accident)

[9] Même si la pratique du tatouage sur des séquelles connaît un essor certain (pour preuve, l’accroissement du nombre de cabinets spécialisés), elle reste une méthode de niche.

[10] Gravelier C., Marro V., Maritato T., 2017

[11] Javeau, 2015


Précédemment paru dans ce dossier :

Comment citer cet article ?

Alexandre Dubuis, «Brûlures tatouées: superpeausition revendiquée», REISO, Revue d'information sociale, publié le 23 octobre 2023, https://www.reiso.org/document/11491

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