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Bas seuil: le dernier filet social sous pression

Lundi 15.12.2025
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© Kha Ruxury / pexels

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L’irruption des stimulants, la précarisation et les problématiques de sécurité conduisent les structures d’accueil à bas seuil à réajuster leurs pratiques. Ces évolutions exigent de nouvelles réflexions sur la politique des drogues.

Par Vincent Masciulli, directeur de la fondation AACTS, Vevey, et Lucile Franz, professeure associée, Haute école de travail social et de la santé, Lausanne (HETSL I HES-SO), membre du conseil de fondation de AACTS

Dans les années 1990, les structures d’accueil à bas seuil d’accessibilité ont émergé en réponse aux crises liées à l’héroïne et à l’épidémie de VIH-SIDA. Ces dispositifs, accueillant sans condition, visent à toucher les personnes les plus marginalisées.

Dans le contexte des scènes ouvertes de la drogue, en particulier à Zurich, l’urgence sanitaire imposée par la transmission de maladies infectieuses et des overdoses chez les usager·ères de drogues injectables a conduit à l’adoption d’une politique pragmatique de réduction des risques. Dès 2008, celle-ci a été intégrée comme quatrième pilier de la politique suisse en matière de drogue, aux côtés de la prévention, de la thérapie et de la répression. Cela s’est concrétisé par des mesures telles que la distribution de matériel stérile ou par l’ouverture de salles de consommation sécurisées.

Initiée par les professionnel·les du travail social sur le terrain et par les villes, cette approche basée sur la réduction des risques a souvent été mise en œuvre par des structures du tiers secteur, soit des associations ou des fondations. Elle a contribué à traiter la question des drogues de manière moins moralisatrice, en abandonnant les logiques normalisantes qui prévalaient auparavant (Papadopoulos et al., 2001).

D’abord centrées sur l’accueil et les soins de jeunes consommateur·trices précarisé·es, les structures d’accueil à bas seuil ont rapidement élargi leurs missions vers un accompagnement social global. Celui-ci repose sur quatre principes : la facilité d’accès (ou l’inconditionnalité), la libre adhésion, la gratuité des services (ou faible coût) et l’anonymat. En outre, la posture d’intervention du bas seuil ne vise pas la « correction » du comportement vers un idéal d’insertion. Elle accompagne plutôt des personnes dans leurs pratiques à risque (quelles qu’elles soient) et évite la dégradation des situations. Elle renonce ainsi à l’objectif de « transformabilité » du travail social (Soulet, 2007), pour privilégier le lien, la présence, l’écoute et la sécurité. En d’autres termes, l’accueil à bas seuil se distingue fondamentalement des dispositifs sociaux classiques, car il ne requiert aucun engagement « contractuel » des bénéficiaires (Vidal-Naquet, 2005). Il propose au contraire des réponses de type « humanitaire », en rupture avec les logiques d’activation qui ont progressivement élevé les seuils d’accès aux prestations sociales (Genard, 2015).

Au fil du temps, ces structures sont devenues le dernier recours pour des individus éjectés ou disqualifiés — entièrement ou partiellement — des dispositifs de protection sociale institutionnalisés. Elles accueillent non seulement des usager·ères de drogue en situation de précarité, mais aussi des personnes sans emploi, des travailleur·ses pauvres ou des personnes sans statut légal. Elles répondent également à des injonctions de sécurisation des espaces publics. Elles fonctionnent ainsi comme réceptacles de « l’épuisement capacitaire » (Brevilgieri, 2009) produit par les injonctions à se mobiliser.

Manque de moyens, charges croissantes: tensions

En dépit du poids croissant de leurs missions, ces structures n’ont bénéficié ni d’un renforcement significatif de leurs ressources ni d’une reconnaissance institutionnelle à la hauteur de leur rôle. Or, la tension entre des moyens limités et la complexité croissante des situations à prendre en charge ne cesse de s’accentuer.

Au-delà de l’augmentation du nombre de personnes fréquentant ces lieux, ceux-ci sont aujourd’hui confrontés à de nouveaux défis : transformation des pratiques de consommation notamment liée à la disponibilité sans précédent de stimulants, précarisation des consommateur·trices, saturation des dispositifs d’accueil et problématiques de sécurité. L’irruption massive des stimulants, en particulier du crack, a ébranlé les postures professionnelles, les cadres d’intervention et les représentations collectives du soin.

En Suisse romande, cette dynamique a pris la forme d’une « crise du crack » à partir de 2023, engendrée par une explosion des usages visibles dans l’espace public et par une précarisation des publics concernés. Dans certaines villes du pays, où cette substance circulait déjà de manière plus diffuse, les professionnel·les des addictions observent une intensification marquée des consommations. Peu coûteux et induisant une dépendance rapide, le crack est associé à des comportements parfois agressifs et à une dégradation importante de l’état de santé des usager·ères, avec des troubles du sommeil, de l’alimentation ou de l’hygiène.

Ces nouveaux types de consommation déstabilisent les dispositifs existants, qu’ils soient de réduction des risques ou thérapeutiques. D’une part, les structures s’adaptent dans l’urgence en aménageant ou renforçant des espaces d’inhalation, en particulier celles disposant déjà d’espaces de consommation sécurisés. D’autre part, les approches éprouvées pour les opioïdes — substitution par la méthadone, distribution de seringues ou traitements à l’héroïne-assistée — s’avèrent peu adaptées pour les stimulants. En outre, ces derniers induisent des prises répétées et des usages compulsifs associés à une forte désocialisation, ainsi qu’à des troubles psychiatriques accentués. La violence, l’instabilité et l’état de tension associés à certains épisodes de consommation exigent ainsi davantage de ressources humaines et des aménagements des horaires d’ouverture.

Or, non seulement les effectifs stagnent, mais les modèles d’accueil actuels peinent à intégrer des consommateur·trices dans des états de grande agitation. Ils et elles sont aussi perçu·es comme moins adhérent·es aux formes d’aides classiques. Faute de personnel suffisant pour garantir la sécurité des équipes et des usager·ères, certains centres, à l’instar de la fondation Addiction, Action Communautaire et Travail Social (AACTS) à Vevey, ont été contraints de réduire leurs horaires d’ouverture temporairement, conduisant paradoxalement les personnes les plus précarisées à prolonger le temps passé dans l’espace public [1]. D’autres structures adoptent des critères d’accès plus restrictifs en priorisant les résident·es de leur commune ou du canton.

Ces ajustements mettent à l’épreuve les principes fondateurs du bas seuil. Car les nouvelles formes de filtrage des publics et le rehaussement des seuils d’accès questionnent le cœur de l’identité des structures à bas seuil, qui constituaient jusque-là le dernier maillon de la protection sociale.

Dans ce contexte, les adaptations proviennent, comme cela a déjà été le cas par le passé, des professionnel·les du terrain. Ces équipes, avec leurs modestes moyens et leur pragmatisme forgé par l’expérience, ont par exemple pris l’initiative de distribuer des pipes à crack. Il aura fallu près d’une décennie pour que cette pratique soit intégrée aux contrats de prestations établis par les pouvoirs publics. Ce décalage entre innovation de terrain et légitimation institutionnelle illustre la lenteur avec laquelle les politiques publiques répondent aux signaux d’alerte.

Repenser la politique fédérale des drogues

Face aux évolutions de la consommation de drogue, les réponses des municipalités demeurent inégales et fortement dépendantes des colorations politiques locales. Il en résulte des écarts considérables dans l’accès à des prestations, y compris au sein d’un même canton. Cette fragmentation territoriale soulève une question d’équité et met en lumière les limites d’une régulation localisée de ces enjeux.

Les professionnel·les de terrain constatent que les usager·ères de drogues les plus visibles sont souvent celles et ceux qui cumulent des fragilités sociales, et que leurs besoins fondamentaux — se loger, se nourrir, accéder aux soins de base — priment sur toute autre considération. Tant que ces besoins ne sont pas couverts, les interventions sécuritaires ou axées sur la dimension sanitaire de la consommation, comme proposer un sevrage, risquent d’agir « trop peu, trop tôt ». À quoi bon offrir un traitement de substitution si la personne dort dans la rue et n’a pas de quoi manger ? De même, comment espérer qu’elle respecte des injonctions judiciaires si elle lutte chaque jour pour sa survie ?

Il semble dès lors urgent d’engager une réflexion de fond, à l’échelle fédérale, sur les orientations à donner à la politique des drogues en Suisse. Le modèle des quatre piliers, qui a fait ses preuves dans les années 1990, mérite aujourd’hui d’être réinterrogé à l’aune de la complexification des usages et des profils rencontrés. Le Groupement romand d’études des addictions suggère par exemple l’intégration d’un cinquième pilier fondé sur la lutte contre la précarité et l’inclusion (Mellina, 2024).

Dans un contexte où les structures à bas seuil sont confrontées à une pression croissante, tant du point de vue des publics que des missions, il devient essentiel de repenser les contours de la politique en matière d’addiction et de précarité. Celle-ci ne peut se construire sans reconnaître le rôle central des professionnel·les de terrain, ni sans garantir à chaque personne un accès inconditionnel à des espaces de sécurité, de soin et de dignité. Il s’agit moins de réinventer le bas seuil que de lui redonner les moyens de remplir sa mission première : celle d’accueillir sans condition, même dans la complexité.

Bibiliographie

  • Breviglieri, M. (2009). L’« épuisement capacitaire » du sans-abri comme urgence ? Approche phénoménologique du soin engagé dans l’aide sociale (gestes, rythmes et tonalités d’humeur). In C. Felix & J. Tardif (Éds). Actes éducatifs et de soin, entre éthique et gouvernance (en ligne). Actes du Colloque international, Nice.
  • Genard, J.-L. (2015). L’humain sous l’horizon de l’incapacité. Recherches sociologiques et anthropologiques, 46(1), 129-146.
  • Mellina, M. (2024). Consommation visible ou précarité invisible ? Agir sur les véritables causes. GREA. 
  • Papadopoulos, Y. Wälti, S & Kübler, D. (2001). Gouvernance et légitimité : la politique de la drogue en Suisse comme cas exemplaire. Droit et société, 1(47), 205-235.
  • Soulet, M.-H. (2007). La reconnaissance du travail social palliatif. Dépendances, 33(12), 14-18.
  • Vidal-Naquet, P. (2005). Le paradoxe de l’urgence sociale. Revue Projet, 284(1), 10-17

[1] Entre octobre 2024 et février 2025 le centre d’accueil AACTS a été contraint de fermer une journée par semaine, ses ressources ne permettant plus de faire face à l’augmentation constante de la fréquentation.

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Cet article appartient au dossier Solidarité et lien social

Comment citer cet article ?

Vincent Masciulli et Lucile Franz, «Bas seuil: le dernier filet social sous pression», REISO, Revue d'information sociale, publié le 15 décembre 2025, https://www.reiso.org/document/14932

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