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Posture de recherche pour une science ouverte

Jeudi 05.10.2023
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René Knüsel est, et reste, un sociologue investi à l’ouverture de la science et au partage des connaissances scientifiquement acquises. Analyse des défis et opportunités de la science en « open access ».

Par Béatrice Vatron-Steiner et Annamaria Colombo, professeures, HES-SO Haute école de travail social, Fribourg

Cet article fait partie d’un dossier de dix articles, publié en collaboration entre REISO et l’Institut des sciences sociales (ISS) de l’Université de Lausanne. Celui-ci rend hommage au sociologue René Knüsel, professeur ordinaire en sociologie des politiques et de l’action sociale, de 2004 jusqu’à sa retraite en 2020. Ce corpus est articulé en trois sections : 1) Regards sociologiques sur l’État et ses politiques sociales, 2) Modèles d’interventions inclusifs et 3) Actions concrètes sur le terrain.

Coordinateurs de ce dossier, André Berchtold, professeur associé à l’ISS, et Jacques-Antoine Gauthier, maître d’enseignement et de recherche, ont ainsi « proposé à quelques ancien·ne·s collègues, au court comme au long cours, de prolonger encore un peu le cheminement commun » avec René Knüsel. « Il en est issu cet ensemble de réflexions parlant moins de travail que d’êtres humains, mais mettant toujours en avant une passion commune pour la justice et la discussion. » L'ensemble du dossier est publié conjointement sur REISO et dans un livre.

Cet article [1] affirme et discute les enjeux d’une posture épistémologique partagée par ses autrices, qui s’inscrit dans une tradition de science ouverte dont René Knüsel a contribué à tracer la voie.

L’héritage d’un scientifique engagé

En 2010, alors qu’elles étudient à l’Université de Lausanne, les deux autrices de cet article partagent déjà l’intuition que René Knüsel est « un scientifique engagé » [2]. Intuition car, dans le contexte de l’époque où le positivisme ambiant était encore très marqué, la notion de « science engagée » se situait largement hors du champ des pensables épistémologiques.  Au fil des collaborations respectives avec René Knüsel, cette intuition se précise, se densifie et se confirme.

Engagé, il a toujours semblé l’être vis-à-vis de la Cité. À travers, d’une part, sa préoccupation de rendre la science accessible, il a toujours eu et a encore aujourd’hui à cœur de sortir les concepts des murs de l’université, pour les expliquer et les appliquer à des situations d’actualité [3]. Il a aussi souvent tenté en retour de les soumettre à « "l’accueil d’Autrui" grâce à l’"interlocution" [4] » [5] lors de valorisation ou de projets de recherche-action collaboratifs, avant de les ramener — ainsi enrichis et densifiés — à l’université.

D’autre part, René Knüsel démontre également son engagement à travers sa prédilection pour des problématiques sociales, dont il contribue à la publicisation et à la mise à l’ordre du jour par le biais de ses travaux de recherche. Ainsi, ceux consacrés au revenu de base, à la mendicité ou à la fin de carrière professionnelle.

La posture du chercheur est également engageante. René Knüsel ouvre non seulement les portes de l’institution à un grand nombre de jeunes chercheuses et chercheurs, dont les autrices de cet article font partie, mais il sait aussi leur faire découvrir d’autres manières de « faire science ».

Emportant avec lui son expérience et son expertise de la recherche-intervention, développée avec Marie-Claire Rey-Baeriswyl à Fribourg, il « embarque » véritablement les chercheurs et chercheuses avec lesquel·le·s il travaille sur les traces d’une recherche tout à la fois « appliquée, impliquée, imbriquée et engagée » [6] et s’emploie, avec quelques personnes convaincues, à faire (re) connaître l’intérêt et la pertinence scientifique et sociale des démarches de recherche-action et des approches collaborative [7].

Cet engagement à engager vers l’engagé inspire à adopter une posture et une pratique professionnelle de recherche « existentielle » [8]. Une recherche empreinte de sens grâce à l’association et à la mise en synergie de différentes aspirations, personnelles, citoyennes et professionnelles.

Si le contexte actuel s’avère davantage ouvert à une science engagée, la pertinence, voire la nécessité d’une telle posture reste encore sujet à controverses et suscite le débat. Dans un contexte scientifique marqué par une forte injonction à l’« open access », il apparaît d’autant plus important de débattre du type d’« ouverture » souhaité de la science et des conditions qui permettent sa concrétisation.

Produire pour et avec, en coconstruisant des savoirs

Sur la base de leurs expériences respectives de chercheuses, les autrices de cet article sont amenées à constater qu’aujourd’hui encore, le monde académique fonctionne largement en vase clos. Certes, les formations, en particulier doctorales, insistent davantage sur l’importance non seulement de réaliser une recherche, mais aussi d’en valoriser les résultats. En outre, on observe un intérêt grandissant pour des recherches-action ou engagées dans une démarche collaborative de mise en dialogue et de croisement de savoirs de différentes natures, nécessitant de rendre accessibles aussi bien le processus que les résultats des recherches à une diversité de publics.

Or, si la plupart des chercheuses et chercheurs sont bien outillé·e·s pour publier des articles scientifiques et réaliser des communications académiques, d’autres se sentent plus démuni·e·s, voire réticent·e·s à rendre les résultats de leurs recherches accessibles à un public plus diversifié. Ces barrières sont de plusieurs ordres.

Les premières relèvent de la méthodologie, dans la mesure où les chercheuses et chercheurs peinent parfois à dépasser le registre de l’écrit (formel qui plus est) pour transmettre et donner en partage leurs résultats de recherche. D’autres barrières sont de nature épistémologique. Au nom du principe de neutralité scientifique, certain·e·s soutiennent que la responsabilité des chercheuses et chercheurs consiste à produire des connaissances, et qu’il appartient donc à d’autres acteurs (politiques, sociaux) de se préoccuper des retombées sociales de leurs recherches. D’autres arguent qu’il est risqué de partager ses connaissances avec des journalistes, par exemple, qui souvent modifient, voire déforment les informations transmises sous prétexte de les vulgariser.

Si de tels arguments continuent de rencontrer une certaine approbation dans le circuit fermé du monde académique, ils s’effritent sérieusement dès lors que l’on élargit la question de l’utilité des connaissances scientifiques et que l’on se demande à qui devrait profiter le savoir produit par les recherches. Comme le soutenait déjà Bourdieu en 2002, cette question renvoie à la responsabilité sociale des chercheurs et chercheuses. Elle se pose pour toutes les disciplines, mais plus encore dans les sciences sociales : « Cette réserve, cette fuite dans la pureté, a des conséquences sociales très graves. Des gens comme moi, payés par l’État pour faire de la recherche, devraient garder soigneusement leurs résultats de recherche pour leurs collègues ? […] Il me semble que le chercheur n’a pas le choix aujourd’hui : s’il a la conviction qu’il y a une corrélation entre les politiques néolibérales et les taux de délinquance, une corrélation entre les politiques néolibérales et les taux de criminalité […], comment pourrait-il ne pas le dire ? Non seulement il n’y a pas à le lui reprocher, mais on devrait l’en féliciter » [9].

Certes, chercheuses et chercheurs sont responsables d’assurer la rigueur des dispositifs théoriques et méthodologiques qu’elles et ils mettent en place pour produire des connaissances scientifiques. Mais ils ne sont pas pour autant dispensé∙e∙s de leur responsabilité sociale et citoyenne de faire en sorte que ces connaissances profitent au monde académique et aux personnes directement concernées par ces connaissances. Par exemple, pour ce qui concerne le travail social : les personnes à l’aide sociale, en situation de handicap ou encore les personnes sans-abri, ainsi que les actrices et acteurs chargé·e·s d’élaborer des politiques et de mettre en œuvre des interventions auprès de ces individus.

Or, pour pouvoir partager ces connaissances, il s’agit de les rendre accessibles à différents publics. Pour ce faire, les moyens abondent : présentations dans les milieux professionnels et politiques, mise en discussion des connaissances scientifiques avec d’autres types de savoirs, recherches-action ou recherches collaboratives, articles rédigés dans un langage dit « vulgarisé », interventions dans les médias.

Dialogue et de reconnaissance épistémologique

Il se peut que certaines de ces propositions incitent chercheuses et chercheurs à sortir de leurs habitudes de valorisations académiques confortables et rassurantes. Elles sont de plus en plus encouragées, notamment dans le cadre de l’« open science », recommandée notamment par l’UNESCO et de nombreuses institutions académiques. Or, si l’on veut éviter que l’« open access » ne se limite à contribuer au statu quo de l’entre-soi académique, comme le soutiennent Chan et ses collègues (2020) dans le cadre d’une consultation internationale lancée par l’UNESCO, cet encouragement, qui se rapproche parfois davantage de l’injonction, mériterait d’être inscrit dans une réflexion plus large sur le type ainsi que les enjeux de cette ouverture. Par exemple en se demandant : « Pourquoi et comment la science devrait-elle être « ouverte » ? Pour qui et avec qui ? S’agit-il simplement de mettre les articles et les données scientifiques à la disposition des chercheurs et chercheuses du monde entier au moment de leur publication, afin qu’ils et elles ne passent pas à côté de résultats importants qui pourraient contribuer à leurs travaux ou les accélérer ? Cette ouverture pourrait-elle également permettre aux citoyennes et citoyens du monde entier de contribuer à la science avec leurs capacités et expertises, par exemple par le biais de la science citoyenne ou de projets de recherche-action participative ? » [10].

Se soucier de rendre les savoirs scientifiques accessibles à une diversité de publics, c’est faire le pari que la garantie de pertinence des savoirs scientifiques ne consiste pas à les préserver de toute influence sociale ou politique, mais au contraire à les mettre en dialogue avec d’autres formes de savoir. Par exemple, les savoirs d’expérience (acquis lors de situations vécues), les savoirs professionnels (acquis à travers l’expérience professionnelle) ou encore des savoirs interculturels, pour en faire un savoir critique et vigilant qui dépasse le consensus autour de savoirs (ou non-savoirs) académiques prédominants.

Selon Chan et ses collègues (2020), le contexte de cette ouverture doit également faire l’objet d’une réflexion. Ils et elles en appellent à ne pas réduire l’open science au modèle de « payer pour publier », au risque de rester prisonnier d’une logique mercantile qui « normalise le statut du savoir scientifique comme une marchandise ». Un tel modèle présente, qui plus est, des risques certains pour les chercheurs et chercheuses minorisé·e·s, en particulier pour celles et ceux des pays dits des suds [11].

À trop pointer du doigt les avantages du libre accès (en termes de visibilisation et de citations accrues), l’on tend à occulter ses exigences supposées (et souvent implicites), en termes d’équipement, de compétences et de littératie numériques. Cette exclusion du débat sur l’open science des enjeux d’inégalités sociales-numériques [12] tend encore à « renforcer l’hégémonie des sciences faites et publiées dans les pays du nord au détriment des connaissances produites localement, qui sont rarement en libre accès ».

Ce risque d’hégémonie vient rappeler la nécessité de penser cette ouverture de la science dans un triple mouvement — articulé — d’ouverture [13] : en direction des données et des publications, tout d’abord ; en direction de la société par le biais d’un croisement de savoirs de différentes natures, ensuite ; en direction des savoirs exclus, enfin, à travers un processus de décolonisation des savoirs et des méthodologies de recherche, afin de donner le cadre à une « écologie des savoirs » fondée sur l’interdépendance et la complémentarité des différents savoirs [14].

Bibliographie

[1] Cet article reprend notamment certains passages d’un texte publié sur LinkedIn :  Colombo, A. 2020. « A qui doivent profiter les résultats des recherches scientifiques ? ». Compte LinkedIn HES-SO & More, publié le 13 décembre 2020.

[2] C’est d’ailleurs grâce à lui que toute deux se rencontrent : en effet, le professeur propose à chacune, séparément, de reprendre ses charges de cours durant son engagement de (vice-)doyen.

[3] Ses fameuses « chroniques » dans le quotidien vaudois 24Heures en constituent un exemple célèbre.

[4] Lévinas, 1990

[5] Lyet, 2016 : 33

[6] Christen-Gueissaz in Christen-Gueissaz et al ; (sous la dir.), 2006 : 31

[7] Programme Vivre Ensemble dans l’incertain, plateforme recherche-action.ch, parmi d’autres.

[8] Barbier, 1996

[9] Bourdieu, 2002

[10] Chan et al., 2020

[11] Le terme « des suds », en opposition à celui de « Sud global », est privilégié pour rendre compte de l’hétérogénéisation des pays anciennement dits « en développement » et de l’apparition de nouvelles logiques de dépendance et/ou de coopération (notamment Sud-Sud) à l’international.

[12] Granjon, 2022

[13] Chan et al., 2020

[14] de Sousa Santos et al, 2007


 Précédemment paru dans ce dossier :

Comment citer cet article ?

Béatrice Vatron-Steiner et Annamaria Colombo, «Posture de recherche pour une science ouverte», REISO, Revue d'information sociale, publié le 5 octobre 2023, https://www.reiso.org/document/11405

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