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Vivre, vieillir, mourir ensemble

Lundi 28.09.2020
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Migration et confinement 3. Les situations de crise bouleversent nos certitudes. Des questions simples s’en trouvent transformées. Comment vivre, vieillir, mourir ensemble ? Pour le travail social, la distance est une porte ouverte sur la proximité.

Par N'Dri Paul Konan, professeur associé, HES-SO, Haute école de travail social et de la santé de Lausanne

A quoi servent les mots
Face à celui qui meurt !
Ils apprivoisent l'abîme
Désamorcent les peurs
Ramifient la tendresse jusqu'au seuil de l'obscur
A quoi servent les mots
Face à celui qui vit !
Ils brisent ou bien apaisent
Incendient ou délivrent Ils modèlent nos visages
Saccagent ou donnent ferment.

En danger des mots, Andrée Chedid

Face à la crise sociosanitaire mondiale liée à la pandémie du Covid, ces lignes écrites par Andrée Chedid [1] résonnent profondément. Si la peur, le risque et l’incertitude sont devenus les thèmes les plus courants des discours, tout·e professionnel·le du travail social soutiendra en effet que les mots ne sont pas que des mots. « Les mots peuvent aider à comprendre, en réintroduisant les nuances que l'image perd, s'ils sont assez précis pour décrire de l'intérieur ce qui se passe, ce qui est vécu. » (Angier, 2002 : 15).

Sous certains aspects, la crise socio-sanitaire actuelle n’a fait que mettre en lumière les inégalités des parcours de vie, les situations d’inclusions et d’exclusions ainsi que le jeu des frontières concrètes et symboliques entre « eux » et « nous ». Si la production de ces frontières renvoie à la relation à l’Autre maintenue et préservée dans chaque Etat-nation par les cadres institutionnels et/ou symboliques qui lui sont propres, leurs contours s’ancrent en réalité dans trois questions, trois temps de « mise à distance sociale » auxquelles se rattachent les véritables enjeux pour le travail social auprès des populations migrantes. Comment vivre ensemble en temps de crise ? Comment vieillir ensemble en temps de crise ? Et comment mourir ensemble en temps de crise ?

Dans cette réflexion donc, il s’agit de poser un regard, celui du travailleur ou de la travailleuse sociale sur ces trois questions. Elles seront situées dans le champ de la migration et ancrées dans les trois formes de reconnaissance mises en évidence par Honneth (2000) [2], à savoir la solidarité, le droit et l’amour. Les analyses exposées ici n’établissent et ne posent nullement les perspectives de la « bonne » ou de la « juste » posture en proposant des conditions équitables de reconnaissance. Elles ne dégagent pas non plus des principes d’une politique de la reconnaissance. Loin s’en faut. Elles décrivent et présentent plutôt des grammaires morales et sociales d’actions, des modalités d’accord et de discordance à l’œuvre dans des manières d’agir et de prendre place dans ce temps de crise.

Ces actions seront considérées comme des constructions éphémères et/ou durables, prises dans des tensions et des contradictions. En ce sens, il s’agit de montrer en quoi le concept de « distance sociale » auquel le politique a recouru et continue de recourir peut produire, par des processus pas nécessairement conscients, à une mise à l’écart de manière plus ou moins prononcée de certaines catégories de populations migrantes.

Le vivre ensemble et la solidarité

Depuis plusieurs mois, le monde vit donc au rythme du confinement et de la suspension des « activités jugées non essentielles ». Selon António Guterres [3], la pandémie opère comme une radiographie. Elle révèle les fractures du fragile squelette des sociétés. Et si « on flotte tous sur la même mer, certains sont sur des super yachts, tandis que d’autres se cramponnent à des débris flottants ». En effet, le Covid a « visibilisé » ce que les médias ont thématisé ces derniers mois comme « le visage des invisibles », ces images de pauvreté dans les files d’attentes pour de la nourriture, avec une majorité de personnes vulnérables, sans statut légal, travaillant dans le care, l’économie informelle, sans filet social.

Si, pour Honneth (2000), la reconnaissance de solidarité associée à l’estime de soi clôt la pleine réalisation d’un individu, la situation du Covid donne à voir un rapport à l’Autre articulé autour d’une « reconnaissance en positif » de la part d’associations et d’institutions sociales œuvrant auprès des personnes rendues particulièrement vulnérables par cette crise, dont les personnes migrantes.

Le vieillir ensemble et le droit

Nul ne saurait contester que les personnes âgées de plus de 65 ans ont été, bon gré mal gré, placées sous les projecteurs de la crise. « Restez chez vous ! » « Ne sortez pas !» « Évitez les contacts avec vos petits-enfants !» Il ne s’est passé un seul jour sans que l’on entende de tels messages à leur intention. Si ces slogans se voulaient bienveillants, ils ont fait dire à plusieurs observateurs et associations de défense que les personnes âgées ont subi une triple peine [4] : la peine de devoir rester chez eux/elles, la peine de ne pas pouvoir voir leurs petits-enfants et enfin la peine de la stigmatisation. Cette forme d’âgisme augmente les stéréotypes négatifs à leur encontre de la part de la population en général et des jeunes en particulier.

La récente étude conduite par Christian Maggiori [5] montre que « la voix des personnes de 65 ans ou plus est encore trop souvent absente des débats » sur le Covid. Elles font face à une plus grande stigmatisation, une mise à l’écart sociale, une perte de soutien et de liens affectifs, en somme à une forme de « reconnaissance en négatif » du « droit d’avoir des droits » en temps de crise. L’enquête montre parallèlement une certaine forme de solidarité entre les classes d’âge et précise qu’elle ne donne qu’une vue globale d’une population très hétérogène avec des réalités très différentes.

Dans ce contexte, on peut légitimement avancer qu’à la triple peine déjà relevée s’ajoute, pour les personnes âgées immigrées, celle d’être justement « immigrée ». Leur vie est en effet organisée autour de la famille avec les enfants et les petits-enfants, autour des communautés et des associations de migrant·e·s. Pour ces personnes, la distance sociale et la distance physique s’alimentent réciproquement. La distance physique limite leur recours aux services d’aide et d’entraide, la distance sociale fragilise un réseau social souvent décrit comme faible, voire quasi-inexistant.

Le mourir ensemble et l’amour

Avec un million de décès dans le monde [6], la mort est une réalité universelle à laquelle les migrant·e·s n’échappent pas. Elle est certes un vecteur de différentes solidarités, avec l’entraide locale et les réseaux transnationaux notamment. Mais elle pose aux familles endeuillées des questions délicates : celle des pratiques funéraires et rituelles et celle du retour post-mortem du corps, lorsque les familles désirent transférer le corps de leur proche dans leur pays d’origine.

Selon la littérature spécialisée, les pratiques funéraires et rituelles des migrant·e·s tendent à se moduler, se transformer, voire à disparaître, en fonction du contexte de la société d’accueil et de ce que son cadre légal rend ou non possible de faire. Ces pratiques prennent toutefois une toute autre dimension dans un contexte pandémique dans lequel le maître mot reste la distance sociale.

Quant au rapatriement des corps, les procédures sont extrêmement strictes, notamment à cause de l’exigence d’un certificat de non-contagion, ce qui est impossible si la personne est décédée du Covid. De plus, de nombreux vols internationaux se sont interrompus. Des familles endeuillées se retrouvent ainsi dans une double ou triple peine : celle de la douleur de la perte de leur proche, celle de se retrouver dans l'impossibilité de rapatrier le corps dans le pays d'origine, et celle d’une inhumation rapide et intimiste dans le pays d’installation.

Dans ce contexte, que ce soit pour des questions de pratiques funéraires et rituelles en terre d’immigration ou celles d’un possible retour post-mortem du corps dans le pays d’origine, la mort en temps de crise pose la question de la reconnaissance basée sur l’amour.

Sans pallier la présence humaine, les nouvelles technologies ont participé au processus de soutien des proches et à la diminution de la distance géographique dans les moments de fin de vie en contexte migratoire. Diverses images à travers le monde donnent à voir l’inventivité du monde médical qui utilise le téléphone, Skype, Viber, WhatsApp et d’autres supports numériques pour permettre aux personnes de mourir accompagnées, malgré le Covid.

De la distance à la proximité

Selon Dubasque [7], les situations de crise offrent des possibilités de reconstruction de sociétés meilleures, plus inclusives ; des sociétés dans lesquelles les frontières entre « nous » et « eux » sont plus perméables. « L’altérité du dehors » et « l’altérité du dedans », pour reprendre les expressions de Margarita et Licata [8] (2005), permettent parfois de passer de la distance sociale à la « bonne ou juste proximité ». Aussi, à l’un des grands défis du travail social défini par Bolzman [9] (2009) qui consiste à valoriser le « vivre ensemble » avec ce proche distant qu’est la personne immigrée, nous y ajouterons deux autres : celui de valoriser le « vieillir ensemble » et le « mourir ensemble », en temps de crise. Il convient alors de ne pas « rester à distance » mais d’« être dans la proximité ». Comme le souligne Depenne [10] (2013 : 94), « la proximité ouvre des possibilités relationnelles que ne peut proposer la distance ».

 

[1] Andrée Chedid (1920-2011), femme de lettres et poétesse française d’origine syro-libanaise. NDLR Cet article appartient au dossier « Migration et confinement » sollicité par Bhama Steiger.

[2] Honneth, A. (2000). La lutte pour la reconnaissance. Paris, Les Editions du Cerf.

[3] Discours du secrétaire général des Nations Unies marquant le 102e anniversaire de la naissance de Nelson Mandela.

[4] Selon les mots de Tristan Gratier, directeur de Pro Senectute Vaud et de l’Association vaudoise d’aide et de soins à domicile dans l’émission La Matinale du 18 mars 2020.

[5] En savoir plus sur cette étude. Sur ce thème, lire aussi : Marion Repetti, «Coupables d’être vieux?», REISO, Revue d'information sociale, mis en ligne le 1er mai 2020. Sophie Le Garrec, «Le masque des inégalités sociales», REISO, Revue d'information sociale, mis en ligne le 18 mai 2020.

[6] Données au 28 septembre 2020.

[7] Dubasque, F. (2020). Covid-19 : les travailleurs sociaux continuent d’intervenir pour un monde meilleur. En ligne

[8] Margarita, S.-M. & Licata, L. (2005). Margarita, S.-M. & Licata, L. (2005). L’Autre. Regards psychosociaux. Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble.

[9] Bolzman, C. (2009). Modèles de travail social en lien avec les populations migrantes : enjeux et défis pour les pratiques professionnelles. Pensée Plurielle, 21, 41-51.

[10] Depenne, D. (2013). Distance et proximité en travail social. Les enjeux de la relation d'accompagnement. Issy-les-Moulineaux : ESF (Émotions).

Comment citer cet article ?

N’Dri Paul Konan, «Vivre, vieillir, mourir ensemble», REISO, Revue d'information sociale, mis en ligne le 28 septembre 2020, https://www.reiso.org/document/6417

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