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Le sexe du sexe

Jeudi 07.05.2015
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La sexualité est considérée comme une pulsion naturelle qui s’exprime toutefois de manière différenciée selon le sexe. Cette conception est-elle une construction sociohistorique ?

Par
Rebecca Bendjama, chargée de recherche, Haute école de travail social et de la santé · EESP · Lausanne
Raphaëlle Bessette-Viens, chargée de recherche, Haute école de travail social et de la santé · EESP · Lausanne
Hélène Martin, sociologue et professeure, Haute école de travail social et de la santé · EESP · Lausanne

La sexualité est présentée dans les discours ordinaires comme une pulsion s’exprimant par une attirance sexuelle pour l’« autre sexe ». Elle serait davantage liée aux affects et orientée vers la reproduction chez les femmes, plus directement liée à la satisfaction d’un besoin biologique et difficilement répressible chez les hommes. Cette pulsion pourrait s’accompagner d’amour, condition de la formation d’un couple. Nous aimerions montrer dans cet article que cette conception résulte d’une construction sociale et historique des sexes et de la sexualité ; une telle sexualité n’est ni naturelle, ni nécessaire.

1. Une pulsion ?

La nature de l’attirance sexuelle est moins pulsionnelle que socioculturelle, puisqu’elle varie selon les contextes. Prenons l’exemple des normes qui régissent la sexualité des citoyens grecs de l’Antiquité. Un citoyen adulte, nécessairement un homme, peut ressentir une attirance sexuelle (l’eros) et avoir des rapports sexuels avec un·e esclave, avec un garçon ou avec une femme, à savoir avec des inférieur·e·s ; mais en aucun cas avec un autre citoyen adulte, avec lequel une relation d’amitié et de réciprocité (la philia) est attendue. Comme le montre cet exemple, la sexualité est structurée par des rapports de pouvoir : telle qu’elle est mise en œuvre, elle exprime des frontières et des hiérarchies entre groupes sociaux.

Avec l’amour courtois du XIIe siècle, ce sont d’autres frontières qui s’expriment : mettant en jeu une dame de haut lignage et un amant de basse extraction qui réalise une série d’épreuves pour marquer sa soumission à son amante, cet amour adultère s’oppose à la relation maritale, imposée aux deux époux et où la femme est hiérarchiquement inférieure à son mari (Bozon, 2013). Le mariage chrétien instauré au Moyen Age, monogame et indissoluble, ne repose en effet ni sur l’amour (considéré comme dangereux), ni sur la recherche de plaisir dans les relations conjugales, proscrit par l’Eglise (Weeks, 2014).

L’amour conjugal lui-même s’invente en même temps que l’intimité qui, aux XVIIIe et XIXe siècles, accompagne de nouvelles normes de contrôle des expressions du corps et des émotions dans le cadre d’une séparation entre privé et public (Elias, 1973). C’est également au cours de cette époque que s’impose progressivement le modèle des deux sexes.

2. Deux sexes, deux sexualités ?

La médecine antique et médiévale envisage un seul sexe et explique les différences physiques entre les hommes et les femmes comme étant la traduction, dans le corps, du degré de perfection métaphysique (Laqueur, 1992). Dans ce modèle, femmes et hommes sont situé·e·s sur un continuum allant de l’imparfait au parfait, où le degré de perfection dépend du degré de masculinité du corps, le corps féminin étant un « moindre mâle » (Laqueur, 1992, p. 10). Le sexe n’est pas un attribut définitif du corps puisqu’un individu peut être plus ou moins féminin ou masculin en fonction des qualités métaphysiques de son corps (chaud, froid, sec, humide). Ce modèle est peu à peu remplacé par celui du dimorphisme sexuel, en d’autres termes par le modèle de la différence des sexes selon lequel les corps des femmes et des hommes sont distincts et opposés. Le sexe devient alors un attribut du corps, qui est construit comme une entité biologique et stable.

Dans le « modèle des deux sexes », le sexe biologique est la cause de « natures » féminine et masculine incommensurables, possédant chacune leurs qualités propres. Ces qualités s’expriment notamment dans la sexualité, dont l’étude devient une discipline de la médecine, et plus spécifiquement de la sexologie qui émerge au XXe siècle :

« La sexologie […] voit à l’œuvre des instincts sexuels complémentaires chez l’homme et chez la femme : pulsion de conquête d’un côté, désir de soumission et de maternité de l’autre. La femme, passive dans le coït, a une sexualité plus diffuse qui exprime le besoin de tendresse, d’abandon et surtout un désir d’enfant » (Chaperon, 2004, p. 338).

Alors que l’Eglise définissait la sexualité en termes de bien et de mal, la sexologie l’articule dans les catégories de normalité et de déviances : au plaisir sexuel monogame, conjugal et hétérosexuel constituant la sexualité « normale » sont opposées la chasteté, l’abstinence, les relations avant le mariage, l’adultère, l’inversion (l’homosexualité), la prostitution, la bisexualité, etc.

Dès les années 1940, de grandes enquêtes marquent un tournant dans la sexologie. S’intéressant à des personnes définies comme délinquantes sexuelles, Alfred Kinsey montre que leurs comportements déviants, tels que les relations avant le mariage, l’adultère, la masturbation, l’homosexualité, etc. sont en fait très ordinaires. En outre, Kinsey comprend la sexualité comme centrée sur l’orgasme, pour les hommes comme pour les femmes. Dans les années 1960, William Master et Virginia Johnson étudient, en laboratoire, des centaines de couples pratiquant une activité sexuelle et produisent la théorie du « cycle normal de la sexualité » qui s’articule, tant chez les hommes que chez les femmes, dans les quatre phases de l’excitation, du plateau, de l’orgasme et de la résolution. Les sexualités féminine et masculine sont ainsi rapprochées sur le plan des processus physiologiques. En réponse à cette conception de la sexualité centrée sur l’orgasme, de nouvelles dysfonctions sexuelles sont définies par la sexologie : l’anorgasmie, le vaginisme, l’éjaculation précoce ou retardée, la baisse du désir, etc.

3. Une libération sexuelle ?

De nos jours, la sexualité est souvent présentée comme libérée, notamment en raison de la « révolution sexuelle » des années 1970. Ces années ont en effet donné lieu à une critique des institutions traditionnelles comme le mariage, ainsi qu’à des revendications féministes [1] (droit des femmes à disposer de leur corps au travers notamment de la contraception, de l’avortement et de la condamnation du viol) et homosexuelles (acceptation des sexualités minoritaires).

Toutefois, plutôt qu’une libération de la sexualité, ces changements participent du processus d’individuation qui marque le XXe siècle. La sexualité, qui devient centrale dans la construction de soi et du couple, passe d’un contrôle extérieur par les institutions à une discipline individuelle et intériorisée :

« Plus que d’une émancipation ou d’un effacement des normes sociales, on pourrait parler d’une individualisation de leur mise en œuvre, voire d’une intériorisation, produisant un déplacement et un approfondissement des exigences et des contrôles sociaux » (Bozon, 2009, p. 151).

Bien que les normes sexuelles soient individuées, elles n’en sont pas moins sexuées. En effet, dans le prolongement des conceptions précédentes, les hommes et les femmes sont confronté·e·s à des attentes sociales différenciées quant à leurs conduites sexuelles. En témoignent les jugements négatifs portés, dès l’adolescence, sur les « filles faciles », alors qu’un nombre important de conquêtes est valorisé chez les hommes. Plus généralement, le romantisme amoureux est intériorisé inégalement par les femmes et par les hommes : même si la recherche du plaisir par les femmes est valorisée, la sexualité féminine reste liée à l’affectivité et aux potentiels prolongements conjugaux et reproductifs, alors que la sexualité masculine est considérée comme partiellement indépendante des relations amoureuses, répondant à des « besoins » biologiques plus impérieux :

« Alors que les hommes sont pensés comme des sujets indépendants, dont le désir réclame satisfaction, les femmes continuent à être vues comme des sujets sexuellement modérés, qui doivent savoir répondre au désir de l’autre tout en étant attentives à celui qu’elles peuvent susciter » (Bozon, 2013, pp. 73-74).

Les discours ordinaires présentent cette « complémentarité » sexuelle comme plutôt bénéfique, ou du moins sans conséquences négatives. Cependant, de telles normes légitiment différentes violences sexuelles contre les femmes, dans le cadre du couple, du travail ou encore dans les espaces publics. La sexuation de la sexualité et sa naturalisation contribuent ainsi à (re)produire des rapports sociaux de sexe inégalitaires.

Ces constructions sociohistoriques des sexes et des sexualités sont désormais l’objet de critiques scientifiques et politiques. L’intersexualité (Fausto-Sterling, 1999 [2], Kraus, 2000 [3]) et la question de la détermination du sexe des sportives [4], par exemple, interrogent la validité du modèle des deux sexes. Les mouvements queer remettent en question les assignations naturalistes entre sexe et (hétéro)sexualité et affirment la possibilité du transgenrisme [5]. Une analyse critique du modèle des deux sexes démontre ainsi que les comportements sexuels, loin d’être des évidences biologiques, sont des productions sociales, face auxquelles il est possible de concevoir des alternatives.

Références

  • Bozon, M. (2009). Libération sexuelle ou déplacement des contrôles ? Discours, normes, conduites. In E. Dorlin & E. Fassin (Eds.), Reproduire le genre (pp. 145-160). Paris : Bilbiothèque du Centre Pompidou.
  • Bozon, M. (2013). Sociologie de la sexualité. Paris : Armand Colin.
  • Chaperon, S. (2004). Contester normes et savoirs sur la sexualité (France-Angleterre, 1880-1980). In E. Gubin, C. Jacques, F. Rochefort, B. Studer, F. Thébaud, & M. Zancarini-Fournel (Eds.), Le siècle des féminismes (pp. 333-346). Paris : Les Editions de l’Atelier / Editions Ouvrières.
  • Elias, N. (1973). La civilisation des mœurs. Paris : Calmann-Lévy.
  • Fausto-Sterling, A. (1999). Sexing the body : Gender politics and the Construction of Sexuality. New York : Basic Book.
  • Kraus, C. (2000). La bicatégorisation par ‘sexe’ à l’épreuve de la science : le cas des recherches en biologie sur la détermination du sexe chez les humains. In D. Gardey & I. Löwy (Eds.), L’Invention du naturel. Les sciences et la fabrication du féminin et du masculin (pp. 187-213). Paris : Editions des archives contemporaines.
  • Laqueur, T. (1992). La fabrique du sexe. Essai sur le corps et le genre en Occident. Paris : Gallimard.
  • Weeks, J. (2014). Sexualité. Lyon : Presses universitaires de Lyon.

[1] Voir notamment l’émission que l’ORF consacre à la manifestation du 20 novembre 1971 à Paris sur cette page du site de l’INA, consultée le 17 mars 2015.

[2] Voir aussi son article « The Five Sexes. Why Male and Female are not enough », in The Sciences (New York Academy of Sciences), March-April 1993, en format pdf, sur cette page du site de l’Université Nova de Lisbonne, consultée le 17 mars 2015.

[3] Voir aussi l’interview de Cynthia Kraus intitulée « Le sexe et l’identité », sur cette page de UNILTV, consultée le 17 mars 2015 sur cette page de Youtube.

[4] Lire l’entretien de Sept Info avec Anaïs Bohuon : « Contrôler le sexe des sportives » du 15 avril 2014.

[5] Voir le lancement du film documentaire de Valérie Mitteaux produit par Arte : « Fille ou garçon, mon sexe n’est pas mon genre », 3’20’’, sur cette page de Viméo, consultée le 17 mars 2015.

Cet article appartient au dossier (In)égalités de genre

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