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De la banalité des inégalités

Lundi 19.01.2015
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« L’égalité est une des promesses les plus inachevées de la modernité ». Comment sortir de ce paradoxe sur un principe si largement accepté ? Edito pour ouvrir le dossier 2015 de REISO : (In)égalités de genre.

Par Hélène Martin et Marianne Modak, sociologues, professeures à la Haute école de travail sociale et de la santé · EESP · Lausanne

L’égalité est le « principe fondateur des systèmes politiques universalistes » [1]. En tant que tel, il est social et historique. En Suisse, il est inscrit dans la Constitution fédérale depuis 1874 : « Tous les Suisses sont égaux devant la loi. Il n’y a en Suisse ni sujets, ni privilèges de lieu, de naissance, de personnes ou de familles » (article 4). Mais ce principe ne concerne à l’époque que les citoyens mâles, les femmes n’étant pas considérées en tant que citoyennes. Ce n’est qu’en 1981, qu’à cet article 4 de la Constitution est ajouté un alinéa 2 : « L’homme et la femme sont égaux en droits. La loi pourvoit à l’égalité, en particulier dans les domaines de la famille, de l’instruction et du travail. Les hommes et les femmes ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale ». L’égalité formelle entre hommes et femmes devient alors un principe constitutionnel dont l’application relève maintenant, comme le note René Lévy, « des devoirs civiques ordinaires des individus et des institutions suisses. » [2]

Pourtant, malgré la loi, malgré l’intégration de la question de l’égalité dans les politiques publiques et l’institutionnalisation du principe de gender mainstreaming [3], malgré les manifestations publiques de dénonciation des inégalités [4], malgré les analyses démontrant les mécanismes producteurs de ces inégalités, elles perdurent entre les femmes et les hommes. Pour Eleni Varikas l’égalité est l’« une des promesses les plus inachevées de la modernité » [5]. Comment expliquer cet inachèvement ? Nous allons, dans ce bref article, tenter de cerner différentes conceptions de l’égalité pour comprendre comment il se fait que l’acceptation du principe d’égalité, pour générale qu’elle soit, peut s’accompagner paradoxalement de l’acceptation des inégalités, ou plutôt d’une certaine indifférence à leur égard.

Serait-ce qu’à être tellement répété, le constat des inégalités en devient banal ? Rien n’est moins sûr : la part des discriminations salariales qui ne peut être attribuée qu’au sexe révolte ; la double journée des femmes est au moins reconnue pour être une charge trop lourde, sinon injuste ; l’hyper-sexuation des jouets, qui renvoie les filles à un stéréotype de féminité rose-bonbon et domestique, fait quand même un peu grincer des dents ; etc. Si les inégalités semblent pourtant aller de soi, c’est parce que nous nous référons, pour les justifier ou les expliquer, à des conceptions différentes et contradictoires des sexes et de l’égalité, que nous aimerions rappeler dans cet édito.

Des mesures pour créer l’équivalence ou l’équité

Christine Delphy [6] distingue trois définitions de l’égalité. L’« égalité dans la différence » envisage les hommes et les femmes comme deux entités définies par des essences qui dictent des dispositions, des valeurs et des vocations sociales radicalement différentes. Dans cette conception, le projet égalitaire est un projet d’équivalence : il s’agit de revaloriser la féminité, laquelle aurait été dévalorisée au profit de la masculinité. Cette conception nous semble désormais minoritaire, notamment parce qu’elle contrevient aux conceptions dominantes de l’individu libre, inventant son destin dans un vaste champ de possibles. L’idée que l’on pourrait de nos jours contraindre les individus à suivre des formations propres à renforcer leurs qualités supposées essentielles (par exemple, l’école ménagère pour les filles, comme c’était encore le cas dans les années 1970 en Suisse) paraît désormais injustement restrictif et brimant, pour les deux sexes.

La deuxième définition de l’égalité, « équité » ou « égalité des chances », ne s’appuie pas sur l’idée qu’hommes et femmes sont d’essences différentes, mais sur le fait que des contraintes biologiques les engagent dans des rôles sociaux différents. Ces différences, ici, ne sont pas totalisantes, au sens où elles ne tracent pas des frontières étanches entre les sexes : hommes et femmes sont identiques à bien des égards (des choix de vie, le développement de certaines compétences peuvent rapprocher un homme et une femme, plus que deux femmes, ou deux hommes). Mais il existerait néanmoins entre femmes et hommes des différences jugées irréductibles, car naturelles (en particulier, elles procréent des enfants) et contre lesquelles il serait vain, voire immoral, de lutter. A partir de là, cette définition de l’égalité pose l’idée que les entraves sociales découlant de différences naturelles devraient être corrigées, redressées, comblées par les politiques d’égalité afin de parvenir à équilibrer, voire égaliser les positionnements d’individus différents.

Comme exemples de ces politiques, pensons à l’année de rattrapage pour les filles dans les filières techniques, au contrôle des salaires, aux dispositifs de « conciliation famille-travail », aux quotas, etc. En bref, il revient aux politiques d’éviter que les différences biologiques n’engendrent de nouvelles inégalités (non nécessaires) et de corriger celles qu’elles impliquent nécessairement. L’égalité consiste ainsi à aménager, de la manière la plus équitable possible, les intérêts respectifs et spécifiques des hommes et des femmes, et à réaliser l’égalité dans le respect de leurs différences, notamment par une politique d’« égalité des chances », qui constitue actuellement le modèle le plus communément admis de l’égalité. Cela dit, en soutenant l’idée d’une égalité dans la différence, cette conception engendre des paradoxes conceptuels et pratiques.

Les paradoxes de l’égalité dans la différence

Selon Eléni Varikas, le principe d’égalité situe « les combats pour la libération des femmes face à un choix impossible » [7] : soit pour accéder à une pleine reconnaissance des droits, les femmes sont tenues de s’adapter à la norme masculine, donc de « devenir (comme) des hommes » ; soit, pour accéder à une reconnaissance de leurs « différences » (la maternité, par exemple), elles doivent se situer dans un régime à part et bénéficier de droits spécifiques, en tant que femmes. C’est ainsi que leur « spécificité naturelle » constitue systématiquement les femmes comme Autres : « En tant que membre d’un groupe ‘différent’, le sujet féminin peut être exclu de l’égalité des droits au nom de ‘sa’ différence, qui le rend incomparable à tous les autres » [8], mais il peut également, au nom de cette même différence, « demander des droits spécifiques, voire exorbitants (au sens juridique, c’est à dire excédant le droit commun), non concédés à d’autres, même si cette spécificité exige, c’est le revers de la médaille, de renoncer à tous les autres droits – au traitement commun » [9].

Sur le plan pratique, les politiques de l’égalité dans la différence butent contre des échecs, créent de nouvelles inégalités et suscitent des sentiments d’injustice parce que leur action ne repose pas sur une analyse théorique de la structuration genrée de la société. Ainsi, la croyance dans la détermination biologique des rôles de sexe entraîne l’idée que le principe d’égalité fonctionne dans les deux sens : le redressement d’une situation au nom de l’égalité étant une question d’équilibre comptable, il peut aussi s’inverser. Les hommes, au même titre que les femmes, pourraient être victimes d’inégalités de sexe.

Quand des mesures deviennent contre-productives

Par exemple, lorsque le constat de la sexuation des métiers entraîne des mesures équivalentes pour les femmes et les hommes, celles-ci sont contre-productives parce qu’elles postulent la symétrie de situations qui, en réalité, sont socialement différenciées, étant structurées par les logiques de genre : les filières masculines sont beaucoup plus importantes en nombre que les filières féminines, ce qui a pour conséquence que le choix de formation qui s’offre aux garçons est plus vaste que celui qui s’offre aux filles ; les professions masculines sont généralement mieux loties sur les plans du prestige et du salaire, que les professions féminines ; enfin, les conséquences du choix d’un métier « atypique » en raison du sexe sont bien différentes pour les femmes et les hommes [10]. Comme les corrections comptables des politiques d’égalité des chances font généralement abstraction des inégalités structurelles, elles ne peuvent réduire le fossé des inégalités.

C’est ainsi que les politiques d’encouragement favorisent peut-être l’accès d’une volée de filles à une filière technique, mais cela ne change pas le vécu inégalitaire des volées suivantes, ni les conditions de discrimination des femmes ainsi encouragées une fois qu’elles sont dans leur vie professionnelle. Parce qu’elles n’ont pas d’effets à long terme, ces politiques semblent vaines et se retournent parfois contre les femmes, accusées de ne pas en profiter. Elles peuvent également susciter des sentiments d’injustice de la part des hommes qui se sentent à leur tour discriminés, ne bénéficiant pas de politiques spécifiques ou s’estimant défavorisés comparativement aux femmes.

Des inégalités ni innées ni fatales

La troisième définition de l’égalité, l’« égalité féministe », est celle dans laquelle nous nous inscrivons. Elle repose sur l’idée que les différences biologiques n’ont aucune signification dans l’explication des inégalités, de même qu’elles ne justifient pas toute une série de différences de rôles sociaux, notamment les rôles parentaux : « les différences biologiques […] sont perçues comme des différences individuelles, i.e. comme n’ayant ni plus ni moins de signification que les autres différences physiques entre individus, et qui ne sauraient, pas plus que les autres différences individuelles, puisqu’elles sont le lot commun de l’humanité, justifier des inégalités de sort » [11]. Dans cette optique, les différences biologiques sont des justifications pour naturaliser des groupes socialement construits comme différents et inégaux. Par conséquent, cette troisième définition de l’égalité pose que les inégalités entre les femmes et les hommes ne sont ni innées, ni fatales ; elles sont repérables, mesurables à des « critères concrets comme la place dans l’échelle sociale, le niveau de rémunération, le degré d’autonomie », parce que « construites par les processus de domination que le droit doit combattre au nom de l’universalisme » [12].

L’égalité visée est dès lors « formelle et réelle » : elle implique que les constats récurrents de la reproduction des inégalités soient l’objet d’une autre conceptualisation, qui problématise (notamment) la hiérarchie des sexes. « Il ne s’agit plus de savoir si l’on devrait adapter les femmes à un modèle ‘masculin’ de travail ou s’il faudrait mettre en place pour elles un modèle ‘féminin’ adapté à leurs besoins. » [13] Au contraire, dans la mesure où il n’existe pas de ‘différence’ qui ne soit déjà-toujours valorisée, donc hiérarchisée, le rôle du droit, sans cesse recommencé, devrait être d’exclure toute discrimination basée sur des ‘différences’, c’est-à-dire de garantir à chacun·e le droit d’exprimer sa particularité et d’être traité·e comme les autres.

[1] Varikas, Eleni (2000). Egalité. In : Héléna Hirata et al. Dictionnaire critique du féminisme. Paris : PUF, pp. 54-60.

[2] Lévy, René (2014). Egalité entre hommes et femmes : nouvelles pistes, Revue REISO, mis en ligne le 5 juin 2014

[3] Principe selon lequel l’égalité des sexes doit devenir une préoccupation de tous les responsables politiques, et pas seulement des instances spécifiquement chargées de cette question », Bereni, Laure, Chauvin, Sebastien, Jaunait, Alexandre, & Revillard, Anne. (2008). Introduction aux Gender Studies. Manuel des études sur le genre. Bruxelles : Editions De Boeck Université (p.186).

[4] En Suisse, la grève des femmes de 1994 durant laquelle près d’un demi-million de femmes se sont mobilisées pour exprimer leur indignation face au non-respect du principe d’égalité.

[5] Varikas, op. cit., p. 54

[6] Delphy, Christine (1995 ; 2001). Egalité, équivalence et équité. In : Christine Delphy (2001). L’ennemi principal 2. Penser le genre. Paris : Editions Syllepse (pp. 273-276).

[7] Varikas, op. cit., p. 56.

[8] Varikas, op. cit., p. 56.

[9] Delphy, Christine (2001). Libération des femmes ou droit corporatifs des mères ? In : Christine Delphy, L’ennemi principal 2. Penser le genre. Paris : Editions Syllepse, p. 94

[10] Pour un développement illustré des caractéristiques sexuées des choix atypiques, voir par exemple l’article de Mélanie Battistini et Séverine Rey, Equipes soignantes : les limites de la mixité, Revue REISO, mis en ligne le 27 août 2012

[11] Delphy, Christine (1995 ; 2001). Egalité, équivalence et équité… op.cit., p. 275.

[12] Delphy, op. cit. p. 275

[13] Varikas, op. cit., p. 58

Cet article appartient au dossier (In)égalités de genre

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