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Le transhumanisme: dire adieu au corps?

Lundi 18.03.2019
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Les discours transhumanistes prônent l’amélioration du corps humain en corrigeant ses limites. Cette idéologie, creuset du narcissisme contemporain, semble éloigner l’homme du monde réel. En fait, magnifie-t-elle ou déteste-t-elle les corps ?

Par Marc Atallah, directeur de la Maison d’Ailleurs, maître d’enseignement et de recherche en section de français, Université de Lausanne

Le transhumanisme [1] est un mouvement idéologique, qui prône l’amélioration de l’espèce humaine grâce à l’utilisation des nouvelles technologies. Cette volonté d’amélioration de l’homme, en particulier de son corps, il est possible de la débusquer sous nombre de phénomènes contemporains, tels que la banalisation des prothèses chimiques et technologiques, l’augmentation des interventions de chirurgie à des fins purement esthétiques, l’importance toujours accrue de la médecine prédictive [2], ou encore l’entrée de l’hygiénisme dans le domaine moral.

Augmentation ou disparition ?

Les discours transhumanistes s’appuient sur une conception du corps humain héritée du XVIe siècle et que l’on retrouve, de nos jours, dans de nombreux discours réfléchissant aux progrès, en particulier médicaux. En ce sens, si nous acceptons avec une certaine passivité que notre corps soit devenu un simple véhicule, un brouillon à perfectionner, une matière à designer, c’est avant tout parce que nous sommes les rejetons d’un mouvement historique séculaire qui a construit une image « objective » de nous-mêmes : « Avec les anatomistes, et surtout à partir du De corporis humani fabrica (1543) de Vésale, une distinction implicite naît dans l’épistémè occidentale entre l’homme et son corps » [3]. La Renaissance tardive a donc soudainement vu l’homme être séparé de son corps, et cette dissociation a eu pour effet de modifier la conception que l’homme avait de lui-même et du sens qu’il donnait à sa destinée. La succession historique des paradigmes scientifiques « matérialistes » (mécanisme, cybernétique, génétique) a plus précisément conduit les individus à percevoir le corps comme un simple véhicule matériel dépourvu d’éléments transcendants. Plus rien n’empêche donc les savants et les médecins d’user librement de ce corps-brouillon, de le modifier, de l’optimiser. Au demeurant, l’identification du corps à un objet a également permis le développement d’une médecine scientifique qui, à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, s’est donnée pour mission la résolution de toutes les pathologies par le biais d’une expérimentation méthodique indépendante du sujet humain.

Le corps s’est donc transformé en une machine – il n’est plus une chair essentielle dans les processus de subjectivation et d’individuation [4] –, et la médecine a insisté sur le fait que cette machine était fragile, puisque soumise aux dysfonctionnements, à la maladie et à la mort. C’est pour cela que le XXe siècle s’est ingénié à réagir à ces dysfonctionnements par la systématisation des interventions médicales et par l’encouragement à une hygiène personnelle irréprochable sublimée en esthétisation de soi. Confinant parfois au narcissisme primaire freudien et au repli sur soi [5], cette esthétisation de soi se manifeste dans le fitness, les régimes alimentaires, la chirurgie plastique, les implants et les prothèses physico-chimiques.

Peu étonnant que le transhumanisme s’appuie sur cette esthétisation pour formuler sa mission (sans en interroger les conséquences) : visant un épanouissement personnel mis à mal par les dysfonctionnements du corps, l’individu libéral doit s’en affranchir par le perfectionnement inlassable de sa matière-corps.

Toutefois, œuvrer à « créer » le posthumain – l’humain optimisé par les nouvelles technologies – suppose de laisser l’humain derrière nous : si l’on doit trouver, grâce au design corporel et au body engineering cher à Günther Anders [6], son « véritable » soi, c’est que nous ne sommes jamais, en tant qu’humains, véritablement nous-mêmes. Le narcissisme transhumaniste se justifierait donc par la nécessité des individus de se concentrer sur eux-mêmes pour atteindre un nouveau mode d’existence, plus juste et plus stable. Toutefois, ce narcissisme doit être nuancé : les recherches menées dans ce domaine démontrent que s’investir à outrance est avant tout le signe d’une impossibilité à investir un monde réel en mutation et à trouver du sens au-dehors de soi. Aussi, d’un côté, le transhumanisme asserte que modifier son corps est une des voies royales conduisant à l’épanouissement ; de l’autre, le narcissisme est analysé par les spécialistes comme un des « mécanismes de compensation pour éviter l’émiettement du moi » [7]. L’idéologie transhumaniste serait-elle avant tout l’aveu d’un échec qui, en prônant l’ingénierie corporelle, prouverait qu’elle déteste le corps ? C’est en tout cas la thèse développée par David Le Breton dans L’Adieu au corps :

« Pour certains courants de la technoscience que nous étudions dans cet ouvrage, l’espèce humaine semble entachée d’une corporéité qui rappelle trop l’humilité de sa condition. […] Vision moderne et laïcisée de l’ensomatose (la chute dans le corps des anciennes traditions gnostiques), la chair de l’homme incarne sa part maudite que d’innombrables domaines de la technoscience entendent heureusement remodeler, « immatérialiser », transformer en mécanismes contrôlables pour délivrer l’homme de l’encombrant fardeau où mûrissent la fragilité et la mort. » [8]

Or, puisque certains courants de la technoscience contemporaine cherchent à « remodeler, immatérialiser » le corps, il peut être intéressant de faire une incursion dans les récits de science-fiction qui, eux, excellent dans l’art de mettre en scène les utopies technoscientifiques : ils créent en effet des mondes où les « visions » du transhumanisme sont actualisées et ils inventent des posthumains dont nous partagerons le parcours de vie.

La science-fiction : tuer l’humanité ?

En tant que technique narrative articulée autour de métaphores spécifiques appelées « conjectures » dont la fonction est de (re-)décrire le rapport de l’homme à ce qui l’entoure et à lui-même dans un monde pétri de technosciences [9], la science-fiction se positionne aussi sur la question du corps-brouillon et propose des scénarios éclairant les forces qui sous-tendent une société où l’hygiénisme se lit sur toutes les affiches publicitaires et où les salles de fitness sont pleines – tout comme les cabinets de psychiatre.

On peut délimiter deux tendances scénaristiques dans les productions contemporaines : une tendance – peu critique, mais signifiante – que l’on voit à l’œuvre dans des films comme Avatar (James Cameron, 2009) ou La Planète des singes : les origines (Rupert Wyatt, 2011). Cette tendance met en scène des êtres-handicapés remédiant aux dysfonctionnements de leurs corps par l’utilisation de prothèses technologiques ou chimiques, même si ces dernières, in fine, détruisent le corps réparé : le héros d’Avatar décide de quitter son corps à la fin du film pour s’incarner complètement dans une créature de synthèse, le médicament censé régénérer les neurones dans La Planète des singes obtient de bons résultats sur les primates mais décime l’humanité.

Une seconde tendance scénaristique, plus critique cette fois-ci, peut être perçue dans des films comme Transcendance (Wally Pfister, 2014) et Zero Theorem (Terry Gilliam, 2014), et insiste sur la nature mortifère – car autotélique – de la société postmoderne contemporaine. En effet l’humain, dans le premier film, fait tout pour réaliser ses désirs de perfection alors que, dans le second film, il se voit réduit à une ressource anonyme qui ne peut obtenir une identité – et encore : stéréotypée – que dans le monde virtuel. L’interprétation de ces tendances est relativement aisée à formuler : la société postmoderne diffuse l’image d’un individu-handicapé qui, d’une part, et parce qu’il ne trouve aucun sens existentiel autour de lui, se consomme/consume lui-même et, d’autre part, est encouragé à quitter son corps pour se transférer dans des mondes numériques où les nuisances propres au corps biologique auront disparu. Ces productions cinématographiques dialoguent ainsi avec plusieurs des concepts phares du transhumanisme, tels que la singularité technologique, l’émergence des Intelligences Artificielles (IA) ou encore l’uploading.

Ni un rêve ni une malédiction

Si la science-fiction tue l’humanité, ce n’est en tout cas pas pour nous dire ce que l’avenir nous réserve : les prophètes se trouvent plus dans les laboratoires que dans les salles obscures. Elle vise plutôt à imaginer des scénarios et à inventer des images grâce auxquels les lecteurs et les spectateurs peuvent prendre de la distance – et éprouver émotionnellement – les utopies technoscientifiques, en particulier transhumanistes. Elle ose exprimer, en le représentant, le paradoxe selon lequel le transhumanisme veut parfaire le corps et, ce faisant, accomplir les idéaux rêvés par une modernité rationaliste, mais elle n’oublie pas de montrer qu’en procédant de la sorte, ce rêve risque bien de se muer en une malédiction. Elle s’interroge : sommes-nous vraiment des brouillons ? Des produits de consommation toujours perfectibles ? Elle se demande si, après avoir consommé le monde, nous devons nous consommer nous-mêmes. Elle réfléchit : le corps peut certes être augmenté, mais ne serait-ce pas une erreur de penser qu’une telle amélioration aura nécessairement pour effet une amélioration au niveau social ? La science-fiction nous rappelle que le corps n’est ni un rêve ni une malédiction, et que l’homme ne sera jamais un idéal ni un cauchemar.

En ce sens, le transhumanisme n’est ni la solution ni le problème : il ne sert à rien d’être « pour » ou d’être « contre » car la question qu’il soulève involontairement, c’est celle du rapport entre le vivre-pour-soi et le vivre-ensemble. Nous pouvons vouloir être parfaits, mais des Parfaits forment-ils une société parfaite ? La science-fiction va plus loin encore : le fait de vouloir être soi-même parfait, n’est-ce pas le symptôme d’une volonté d’éradiquer l’autre, de composer comme si l’autre n’existait pas ou ne comptait pas dans le vivre-ensemble ?

[1] Dans le cadre du cycle de conférences de Connaissance 3, l’université des seniors du canton de Vaud, Marc Atallah a donné une conférence sur ce thème le 28 janvier 2019 à La Tour-de-Peilz.

A noter aussi que, lors de la fête des dix ans de REISO le 4 octobre 2018, le thème du transhumanisme avait été plébiscité comme sujet actuel important. Nous espérons que cette réflexion répondra à vos attentes comme elle a répondu aux nôtres.

[2] Pour de plus amples précisions, voir : Jacques Ruffié, Naissance de la médecine prédictive, Paris, Odile Jacob, coll. « Sciences », 1993.

[3] David Le Breton, Anthropologie du corps et modernité (1990), Paris, PUF, coll. « Quadrige / Essais débats », 2008, p. 62.

[4] Pour une présentation de ce point de vue, le lecteur sera intéressé par Bernard Andrieu, Philosophie du corps. Expériences, interactions et écologie corporelle, Paris, Vrin, coll. « textes clés de philosophie du corps », 2010.

[5] C’est la thèse développée par Negin Daneshvar-Malevergne dans son ouvrage Narcisse et le mal du siècle (Paris, Dervy, 2009). Même si cette recherche porte sur l’esprit fin de siècle au XIXe, sa portée heuristique nous permet de comprendre différemment l’intérêt du transhumanisme à valoriser le corps, la beauté et l’immortalité à la fin du XXe et au début du XXIe siècle : l’esprit fin de siècle semble être à nouveau actif aujourd’hui.

[6] Voir : Günther Anders, L’Obsolescence de l’homme. Sur l’âme à l’époque de la deuxième révolution industrielle (1956), Paris, Ivrea / Encyclopédie des Nuisances, 2002 ; ou Nicolas Le Dévédec, La Société de l’amélioration. La perfectibilité humaine des Lumières au transhumanisme, Montréal, Liber, pp. 128-133.

[7] Negin Daneshvar-Malevergne, op. cit., p. 114.

[8] David Le Breton, L’Adieu au corps (1999), Paris, Métailié, coll. « Suites Essais », 2013, pp. 16-17.

[9] Pour un argumentaire complet de cette position, le lecteur pourra se référer à : Marc Atallah, L’Art de la science-fiction, Chambéry / Yverdon-les-Bains, ActuSF / Maison d’Ailleurs, coll. « Les collections de la Maison d’Ailleurs », 2016.

Comment citer cet article ?

Marc Atallah, «Le transhumanisme: dire adieu au corps?», REISO, Revue d'information sociale, mis en ligne le 18 mars 2019, https://www.reiso.org/document/4201

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