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A travers l’alcool, la quête de soi et du groupe

Jeudi 18.05.2017
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Une vingtaine de jeunes âgés de 15 à 18 ans ont été interrogés afin de saisir comment le « trop boire » se construit dans leurs pratiques d’alcoolisations. Il apparaît que la prévention sur les seuls risques sanitaires semble rater ce public-cible.

Par Antoine Sansonnens, assistant diplômé, Domaine Sociologie, politiques sociales et travail social, Université de Fribourg

Les jeunes distinguent globalement deux formes principales de «trop boire»[1] : l’une est positive, l’autre négative[2]. Variables selon les scènes de soirée, elles se situent bien loin du « paradigme médicalisé »[3] des consommations d’alcool à risque dans lequel la prévention s’inscrit principalement. La première forme renvoie aux effets désinhibants, volontaires, vécus et expérimentés comme agréables et procurés par la consommation d’alcool : « être lancé» ou stimulé, avoir la conscience modifiée ou encore oser aborder des inconnu-e-s. La seconde fait référence aux effets involontaires de l’ingestion d’alcool vécus et expérimentés comme désagréables durant la soirée : vomissements, agressivité, maux de tête, évanouissement, somnolence, etc. Les limites entre ces notions restent cependant ténues car, selon les situations, le basculement d’un mode à l’autre peut être soudain. Logiquement, le trop boire « positif » précède en général le mode négatif. Une forme de graduation est évoquée, principalement pour qualifier l’évolution physiologique en lien avec les trop boire comme s’ils étaient séquencés en étapes qui se succèdent.

Les ambiances des soirées

La notion d’«ambiance», largement mobilisée par les participants, explique et légitime bien souvent les manières de trop boire durant les soirées festives entre pairs. Si l’ambiance fait référence à des dimensions visibles et objectives, elle renvoie également à une dimension subjective de ressenti individuel et/ou collectif, tout autant considérable pour définir un contexte se prêtant plus ou moins au trop boire. Chaque individu aura une perception différente de l’ambiance d’une soirée : musique plus au moins appréciée, entourage plus ou moins proche, vécu positif ou négatif en fonction du lieu et des consommations. La perception de l’ambiance possède ainsi cette dimension subjective car elle se réfère à la manière dont chaque individu « vit un contexte », se l’approprie, s’y intègre, s’y présente. Néanmoins elle est également façonnée par le collectif dans la mesure où elle apparaît simultanément définie par les pairs de chaque groupe. L’ambiance, discutée collectivement, fait ainsi référence à une définition et une perception commune d’une bonne soirée.

Plusieurs éléments constitutifs des « bonnes ambiances » sont ressortis des propos. Si l’amusement, la gaieté, le rire, la pratique de la danse ou la « participation active »[4] font référence à la conception d’une bonne ambiance, la mauvaise ambiance s’apparente aux registres de l’agressivité, de la perte de contrôle, de surgissements d’accidents ou de la passivité des individus. Dès lors, sitôt que l’ambiance d’une soirée sera perçue positivement, les jeunes seront plus enclins à consommer pour atteindre les effets positifs du trop boire afin de se laisser porter par le groupe et de « se mettre dans l’ambiance », le but étant d’atteindre une forme d’harmonie entre son état interne et l’ambiance externe. Cependant, l’ambiance d’une soirée peut évoluer, se transformer de façon rapide : « une bagarre, une altercation, etc. peuvent faire ‘retomber’ l’ambiance et du même coup neutraliser les effets des produits consommés »[5].

Les temporalités des soirées

Une frontière temporelle apparaît dans les entretiens. La semaine reste le temps du non boire, consacrée aux cours pour les collégiens et au travail pour les apprentis où une forme d’injonction sociale à devoir penser au lendemain est « structurellement»[6] induite. Le temps du week-end, quant à lui, appartient plutôt à un registre du « temps suspendu » de l’instantanéité, un temps de mise en parenthèse des délais, des évaluations et de tout ce qui peut former « les soucis du lendemain ». En début de soirée, le temps d’apéro est plutôt réservé à un cadre privé entre pairs où bières pour les garçons et autres boissons alcoolisées plus sucrées pour les filles sont consommées pour « se lancer ». La soirée elle-même, associée aux lieux publics festifs, concorde avec un « passage » aux alcools forts dans le but de « se lâcher », de danser, d’« oser aborder » et de se mettre en scène socialement. Le trop boire positif, qui va de pair avec les effets désinhibants désirés, s’avère en principe recherché en fin d’apéro ou en début de soirée, en vue d’ « être dedans » une fois arrivé à la soirée. Les effets négatifs[7] interviennent davantage en fin de soirée ou après le retour chez soi. Les modes de consommation dépendent donc des temporalités, des déroulements de soirée, des changements de lieux et des symboliques véhiculées autour des types d’alcool.

Indissociable des situations et des contextes dans lesquels la surconsommation prend forme, elle se vit et se pratique plus qu’elle ne se théorise. Elle se réfère à des règles usuelles qui forment des types de «savoir trop boire ». Les rapports à ces pratiques se construisent ainsi par un processus de socialisation[8] avec le groupe de pairs. Après les premières initiations à l’alcool vécues dans le cadre familial, tous les jeunes ont révélé que l’apprentissage du boire passait par des expériences négatives de suralcoolisation entre pairs se traduisant par des réactions corporelles désagréables pouvant mener à un état maladif ou parfois jusqu’au coma éthylique.

Ces expérimentations rompent avec les formes du boire admises dans le cadre familial : « La première cuite, l’accélération, les nuits blanches, les conduites de bruit et les autorisations à soi-même de faire ceci ou cela sont autant de manières de tenter la coupure, de la sentir dans son corps, donc dans sa conscience »[9]. Les expérimentations jouent dès lors un rôle dans la construction identitaire des jeunes au sein de leurs groupes qui se valident entre eux en fonction de pratiques du trop boire qu’ils jugent acceptables, héroïques ou inadmissibles.

Déconner et se mettre en scène

Selon les jeunes interrogés, les scènes festives du trop boire positif vont de pair avec des volontés de se dédoubler, de mettre en scène un autre soi en « faisant les cons », en se « déchaînant » ou encore en « effaçant sa timidité »[10]. Véronique Nahoum-Grappe parle de conscience cénesthésique de soi qui consiste à s’approprier son propre corps et sa propre présence physique au monde, « une façon d’éprouver son corps et son esprit comme n’étant pas à soi »[11]. Certains jeunes ont effectivement révélé qu’ils ne sont plus eux-mêmes quand ils boivent, les effets de l’alcool leur permettant de « se défouler », de laisser s’exprimer un soi inexistant dans un cadre ordinaire.

Ces mises en scène sociales de soi peuvent s’avérer « utiles » car elles permettent à certains de s’exprimer plus facilement, de surmonter la gêne, d’oser aller vers les garçons ou les filles ou simplement de se rendre « visible ». Au-delà du concept de cénesthésie, les effets des consommations d’alcool s’associent à des sens réactualisés ou réappropriés en fonction de finalités attendues par les jeunes. S’amuser, rire, être ailleurs, oublier ou encore « tuer l’ennui » forment les sens principaux attribués au trop boire. Ces réappropriations dépendent non seulement des contextes dans lesquels les jeunes boivent mais s’ajustent aussi en fonction des scénarii proposés ou imaginés par les jeunes.

Un antidote au stress de l’avenir

La consommation alcoolique excessive des jeunes apparaît ainsi comme une épreuve pour les experts tant elle est complexe, variable, situationnelle et donc impossible à standardiser. Le trop boire répond à des systèmes de valeurs et d’interdits bien souvent propres aux normes définies par les groupes de jeunes qui le pratiquent. Puisque cette alcoolisation apparaît comme plurielle, complexe, variable et multidimensionnelle, l’existence en soi et la signification de cette notion peuvent être questionnées.

Dans ce contexte, une prévention centrée sur les risques sanitaires[12] de l’alcool pose également des questions. Les jeunes valorisent les utilités sociales de la consommation et mettent à distance la figure repoussoir associée au trop boire négatif. Pour le dire autrement, les risques pour les jeunes appartiennent presque uniquement au registre de la forme négative, laquelle n’est que rarement visée tant elle apparaît comme une pratique désapprouvée et sanctionnée par les groupes de pairs.

Ces résultats questionnent les causes structurelles que les jeunes invoquent pour légitimer leur volonté d’atteindre les effets désinhibants de la consommation d’alcool. Le devoir de réussite, le « stress » expérimenté à l’école et au travail ainsi que l’injonction permanente à être performant pour entreprendre au mieux sa vie forment autant de motifs pour lesquels les jeunes boivent trop. Pourtant, ces causes structurelles (ou ces raisons en amont) ne semblent que rarement considérées par les organes préventifs qui se concentrent essentiellement sur les conséquences individuelles (ou les raisons en aval) du trop boire. Si la suralcoolisation pour les jeunes représente un moyen de s’amuser entre amis, elle forme bien souvent un antidote pour faire face à une quotidienneté déclarée comme stressante et angoissante. Le devoir de se projeter dans le futur en entreprenant des actions ici et maintenant pour viser la réussite sociale peut paraître paradoxal quand tout amène à déconstruire cet avenir. La prévention et la santé publique ne gagneraient-elles pas à considérer et à intégrer ces significations endogènes dans leurs communications et leurs mesures ?

 

[1] Compte tenu de la démultiplication des terminologies expertes pour décrire les manières de consommer des jeunes, le « trop boire » se présente comme une notion générique qui regroupe l’ensemble de ces terminologies car s’inscrit dans une appréhension qualitative et non standardisée de la consommation d’alcool. Ainsi, au-delà du « trop » qui renvoie par définition à un excès, l’usage du verbe boire comme substantif permet d’économiser la précision du nombre de verre. De plus, il englobe les pratiques sociales d’alcoolisations et les significations qui leur sont attribuées.

[2] Cet article se base sur « Pratiques et représentations du ‘trop boire’ des jeunes à l’épreuve du discours expert », Antoine Sansonnens, mémoire de Master réalisé sous la direction de la Dre Sophie Le Garrec, Université de Fribourg, Domaine travail social et politiques sociales, 2016, 154 p.

[3] Si l’épidémiologie s’avère pertinente et utile notamment pour mesurer l’importance des associations entre des manières de boire et des catégories sociales, la pertinence de sa remobilisation par la prévention pour s’adresser aux jeunes peut être questionnée. S’inscrivant majoritairement dans une appréhension médicale de la problématique, la prévention semble parfois oublier que les comportements dits à risque des jeunes forment des produits sociaux inscrits dans des contextes et des processus de significations.

[4] Par « participation active », nous voulons exprimer la grande implication des individus aux activités et aux pratiques festives du groupe.

[5] LE GARREC S., Ces ados qui en prennent, sociologie des consommations toxiques adolescentes, Éditions Presses du Mirail, Toulouse, 2002, p.181.

Autres ressources bibliographiques:

  • DUBAR C., La socialisation, construction sociale des identités sociales et professionnelles, Paris, éditions Armand Colin, 2002.
  • FREYSSINET-DOMINJON J. & WAGNER A.-C, L’alcool en fête, Manières de boire de la nouvelle jeunesse étudiante, Paris, Éditions L’Harmattan, 2003.
  • LE GARREC S., «L'entre-deux risque(s). Entre perspective préventive et réalité individuelle», Revue de Socio-Anthropologie de l'adolescence [En ligne], no.1, janvier 2017, p.32-47.
  • NAHOUM-GRAPPE V., La culture de l’ivresse, essai de phénoménologie historique, Éditions Quai Voltaire, Paris, 1991.
  • NAHOUM-GRAPPE V., « Histoire et anthropologie des conduites d’excès; les jeunes et l’alcool », in BRACONNIER A., CHILAND C., CHOQUET M., POMAREDE R. (dir.), Adolescentes, adolescents. Psychopathologie différentielle, Paris, Éditions Bayard 195.
  • OBADIA, « Le « boire » », Socio-anthropologie [En ligne], 15 | 2004, mis en ligne le 15 juillet 2006, consulté le 31 mars 2017. URL : http://socio-anthropologie.revues.org/421.

[9] NAHOUM-GRAPPE V., « Histoire et anthropologie des conduites d’excès; les jeunes et l’alcool », op. cit., p.199.

[10] Plusieurs jeunes ont évoqué l’alcoolisation comme un moyen de surmonter leur timidité.

[11] NAHOUM-GRAPPE V., La culture de l’ivresse, op.cit., p.27.

[12] Qui se retrouve par exemple dans les différentes brochures d’Addiction Suisse comme « L’alcool – comment en parler aux ados ? » destinées aux parents d’adolescents, « Alcool – (auc)un problème ? » à l’intention des personnes qui s’interrogent sur leur consommation d’alcool ou encore « La consommation d’alcool, de tabac et de cannabis chez les jeunes » qui énumèrent, toutes, des risques sanitaires et sociaux liés à la consommation d’alcool.

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