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Politique sociale en temps de crise

Lundi 31.08.2020
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Qu’ont en commun la grève générale de 1918, la guerre de 1939 à 1945, la crise économique de 1974-1975 et les mesures prises pour endiguer la pandémie de Covid-19 en 2020 ? D’avoir contribué à l’évolution de la politique sociale en Suisse. Éclairage.

Par Jean-Pierre Tabin, professeur à la HES-SO, Haute école de travail social et de la santé Lausanne

Le développement de politiques sociales est souvent influencé par les périodes de crise, celles qui risquent de remettre en question l’ordre social [1]. Les politiques sociales ont en effet une fonction pacificatrice. La lettre du chancelier Bismarck à son ministre du commerce en 1871, concernant le développement des assurances sociales en Allemagne, l’illustre bien: « Le seul moyen de contenir les égarements de la classe ouvrière, c’est de réaliser celles des exigences des socialistes qui apparaissent légitimes et réalisables en l’état de l’ordre étatique et social. » Les luttes sociales, mais également les guerres, les crises économiques et désormais les mesures prises pour endiguer des pandémies poussent les gouvernements à accepter des réformes qu’ils refusent en d’autres temps. Mais pas toujours avec des résultats immédiats, loin de là. Quelques exemples [2].

LA GRÈVE GÉNÉRALE. Le 12 novembre 1918, plus de 250 000 ouvrières et ouvriers se mettent en grève à l’appel du comité d’Olten, revendiquant la proportionnelle pour l’élection du Conseil national, le droit de vote des femmes, l’introduction du devoir de travailler, la semaine de 48 heures, l’organisation d'une armée essentiellement populaire, l’assurance du ravitaillement, l’assurance vieillesse et invalidité, le monopole de l’Etat pour l'importation et l'exportation ainsi que le paiement des dettes publiques par les possédants.

Si l’agitation sociale est violemment réprimée par le gouvernement qui voit l’œuvre d’« éléments louches, généralement étrangers, sem[a]nt la haine, exploit[a]nt les difficultés insurmontables de notre ravitaillement, excit[a]nt les passions malsaines […] afin de transporter en Suisse les expériences révolutionnaires et anarchistes qui ensanglantent la Russie » [3], certaines revendications ouvrières sont mises à l’agenda politique dès la fin de la grève. D’anciennes exigences du mouvement ouvrier et des milieux chrétiens sociaux concernant la politique sociale sont ainsi (re)mises à l’agenda. Rappelons qu’en novembre 1918, la seule protection sociale fédérale en place, outre l’assurance militaire, concerne la maladie (mais sans caractère obligatoire) et l’accident (la LAMA de 1911).

Cette mise à l’agenda se concrétise surtout par l’adoption par 65,4 % des votants, le 6 décembre 1925, d’un nouvel article 34quater de la Constitution fédérale (de 1874). Ce dernier oblige le Conseil fédéral à légiférer en matière d’assurance vieillesse et l’autorise à créer une assurance invalidité.

GARANTIR LA PAIX SOCIALE. Le Conseil fédéral, en page 2 de son message du 21 mai 1919 à l’appui du changement constitutionnel de 1925, écrit: « Une classe ouvrière vivant au jour le jour, sans espoir d'une vieillesse à l'abri des inquiétudes, sans la certitude d'être garantie contre une incapacité de travail imprévue, oppressée au contraire par le souci de l'avenir de la famille, ne saurait avoir l'ardeur au travail qu'il lui faudrait pour donner toute la mesure de ses forces dans l'intérêt de l'économie nationale. […] La détresse de couches entières de la population […] est de nature à aggraver les antagonismes de classe et, par l'explosion du mécontentement, à compromettre sérieusement la paix sociale indispensable à la prospérité de l’Etat. »

La protection sociale de la vieillesse et de l’invalidité, repoussée de l’agenda politique depuis la fin du XIXe siècle pour des motifs financiers, trouve grâce à cette crise une majorité parlementaire et populaire. Mais elle ne sera mise en place que beaucoup plus tard, après la Deuxième Guerre mondiale.

LA GUERRE DE 1939-1945. La Deuxième Guerre mondiale a joué un rôle important dans le développement de politiques sociales faisant augurer aux peuples des jours meilleurs après-guerre. Sur le plan international, le rapport Beveridge, publié au Royaume-Uni au mitan de la guerre (en 1942), est le symbole le plus connu d’un projet prévoyant une protection « du berceau jusqu’à la tombe » pour reconstruire la nation. En France, le Conseil national de la résistance publie en 1944 son programme qui prévoit un « plan complet de sécurité sociale visant à assurer, à tous les citoyens, des moyens d’existence dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail ». En Suisse également, cette période de crise voit naître plusieurs nouvelles politiques sociales.

L’AVS RÉALISÉE. Après la mobilisation de l’été 1939, le Conseil fédéral prend des mesures pour assurer la protection financière des soldats. Usant de ses pouvoirs extraordinaires, il introduit le 20 décembre 1939 un système d’indemnités pour perte de gain (APG) – dont les travaux préparatoires avaient juste débuté avant-guerre. Les APG seront inscrites dans la législation ordinaire en 1952. Le modèle des indemnités de perte de gain ainsi développé servira à penser l’AVS, comme le demandait l’initiative populaire du 25 juillet 1942 lancée par la gauche et par le Parti radical. L’AVS sera votée par le Parlement le 20 décembre 1946 et financée pour partie par les excédents de recettes des APG, comme l’exigeait l’Union syndicale suisse (USS) dès octobre 1945. Enfin, un article sur la protection de la famille rallie en 1945 une large majorité (76,3 % des votants). Il prévoit l’introduction d’une assurance maternité et autorise le gouvernement fédéral à légiférer en matière d’allocations familiales.

La crise liée à la guerre, comme celle de la grève de 1918, provoque un accord sur des objets qui étaient déjà à l’agenda. L’AVS est concrétisée 21 ans après que la compétence en avait été donnée à la Confédération. Un dispositif de garantie du salaire des militaires mobilisés est développé à la hâte et la protection sociale de la famille est inscrite dans un article constitutionnel – ces dispositions mettront toutefois des décennies à se traduire dans des lois.

LA CRISE DE 1974-1975. Lorsqu’arrive la crise économique du milieu des années 1970, la situation de la protection sociale a un peu évolué. L’assurance invalidité a été votée en 1959, et les prestations complémentaires (PC) à l’AVS et à l’AI ont été introduites en 1965 à titre transitoire, en attendant que les pensions soient élevées au niveau du minimum vital – ce qui ne sera jamais fait; les PC seront instituées à titre permanent au début des années 2000.

L’assurance chômage n’a guère été développée dans l’après-guerre: seul un demi-million de salarié·e·s sont assuré·e·s lorsque survient la crise [4]. Le gouvernement prend des mesures urgentes: l’arrêté fédéral du 8 octobre 1976 rend obligatoire l’assurance chômage à partir du 1er avril 1977. Cet arrêté restera en vigueur près de sept ans, jusqu’à ce que la Loi fédérale sur l’assurance chômage et insolvabilité, votée par les Chambres le 25 juin 1982, lui succède à partir du 1er janvier 1984.

Dans le cas du chômage, c’est clairement le contexte de crise économique qui a mis à l’agenda cette nouvelle protection sociale, adoptée très rapidement et implémentée en moins de dix ans dans la législation ordinaire.

MOTIVATIONS PLURIELLES. Outre l’assurance chômage, la fin du XXe siècle a connu l’introduction de la Loi sur l’assurance accident (LAA, 20 mars 1981) et de la Loi sur la prévoyance professionnelle (LPP, 25 juin 1982), ainsi que la généralisation de l’assurance maladie à l’ensemble de la population (LaMal, 18 mars 1994). Dans la première décennie du XXIe siècle, les allocations de perte de gain en cas de maternité (APG maternité, 3 octobre 2003) et les allocations familiales fédérales (24 mars 2006) ont été introduites. Ces évolutions ne sont pas liées à des crises, preuve que le développement de politiques sociales a d’autres motivations (économiques, sanitaires, sociales, culturelles, liées aux rapports de force politique, etc.), qui sans doute expliquent le temps pris pour pérenniser les politiques sociales décidées en urgence.

L’EFFET COVID-19. Les mesures prises par le Conseil fédéral dès le 16 mars 2020, à la suite de la qualification de « situation extraordinaire » au sens de la Loi sur les épidémies, ont amené la fermeture des écoles, des magasins, des marchés, des restaurants, bars ou lieux de divertissement et de loisirs ainsi que des établissements dont les prestations impliquent un contact rapproché avec la clientèle, sans oublier le bouclage des frontières. Dans ce contexte, des mesures de politique sociale ont été prises à une vitesse inédite. Pour l’essentiel, elles touchent la Loi sur l’assurance chômage et insolvabilité (LACI) et les APG.

14 MILLIARDS POUR LA LACI. En ce qui concerne la LACI, le nombre d’indemnités journalières maximal a été augmenté (de 120 au maximum) durant la durée de validité de l’Ordonnance, entrée en vigueur rétroactivement le 17 mars 2020 [5]. Le droit au chômage partiel (en cas de réduction de l’horaire de travail – RHT) a été étendu aux pertes de travail liées à des mesures visant à endiguer la pandémie, ou aux effets conjoncturels ou structurels de ces mesures. Autre nouveauté, ce droit a été ouvert aux personnes ayant un emploi d’une durée déterminée, suivant un apprentissage ou travaillant au service d’une société de travail temporaire. Selon les données du Secrétariat d’Etat à l’économie, le nombre de personnes au chômage a augmenté de plus de 50 % en mai 2020 par rapport à l’année précédente; en mars, les réductions de l'horaire de travail ont touché 782 436 personnes, soit… 778 388 de plus qu’en février [6]. Pour payer ces coûts, la Confédération a décidé, le 20 mai, d’injecter plus de 14,2 milliards de francs dans l’assurance chômage. C’est presque un doublement des recettes de cette assurance, qui avait dépensé environ 7 milliards en 2018 [7]. Une mesure impensable avant la pandémie.

Le Conseil fédéral a également ouvert le droit à des APG à d’autres catégories que les militaires et les mères. Ce droit a été ouvert d’une part aux indépendant·e·s, d’autre part aux parents devant interrompre leur activité professionnelle parce que la garde de leurs enfants n’était plus assurée (fermeture des écoles, des crèches, etc.), enfin aux personnes en quarantaine. Signalons encore que le test de diagnostic de la Covid-19 a été intégré dans l’assurance maladie obligatoire le 3 mars 2020.

ET LA SUITE ? Que restera-t-il de ces mesures après la fin de l’état d’urgence sanitaire ? Rien n’est clair aujourd’hui, mais plusieurs interpellations, motions et postulats sont déjà déposés au Parlement. Ils pourraient amener d’une part à pérenniser certaines de ces nouvelles politiques, d’autre part à en développer d’autres pour répondre aux problèmes révélés par les mesures décidées pour endiguer la pandémie – notamment ceux que rencontrent les employées domestiques, les personnes sans papiers et les travailleuses du sexe.

Si l’on se base sur l’expérience des crises précédentes, ces nouveaux développements de la politique sociale vont prendre du temps.

[1] Cet article a été écrit pour «Services publics», le journal du SSP-VPOD, et pour REISO.

[2] Pour plus de détails, Histoire de la sécurité sociale ; Dictionnaire historique de la Suisse.

[3] Rapport du 12 novembre 1918 du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la mise sur pied de troupes et les agitations grévistes. Feuille fédérale, N°47, volume 5, p. 66-67.

[4] Tabin, Jean-Pierre & Togni, Carola: L’assurance chômage en Suisse. Une socio-histoire (1924-1982). Lausanne: Antipodes. 2013.

[5] En ligne

[6] En ligne

[7] En ligne

Commentaire
 
Marion Mendelzweig le 01.09.2020

Bravo et merci à Jean-Pierre Tabin de nous rappeler que la situation de crise qui bouscule notre vie quotidienne de fond en comble depuis le mois de mars 2020 peut s'analyser aussi sous un angle positif: celui de révélateur des failles sociales, de stimulateur de changements, d'accélérateur de transformations sociales.

Comme les enseignements de l'histoire nous l'indiquent, bien sûr rien n'est acquis ni donné d'emblée par les pouvoirs publics, tout doit s'obtenir à force de luttes, de revendications et de persuasion. Mais la crise permet un éclairage renforcé sur des discours anciens et une meilleure réception de leurs justifications.

Marion Mendelzweig, Lausanne

Comment citer cet article ?

Jean-Pierre Tabin, «Politique sociale en temps de crise», REISO, Revue d'information sociale, mis en ligne le 31 août 2020, https://www.reiso.org/document/6241

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