Go Top

Les albums photos

Des portraits pour dire la proximité

13.05.2014

Loin des représentations stéréotypées sur le handicap, ces portraits subtils frappent par leur proche banalité. Cet atout artistique ne pouvait que convaincre REISO de les diffuser pour casser les clichés.

Seize étudiant·e·s de la HETS [1] ont rencontré quatre adolescent·e·s présentant une déficience intellectuelle scolarisé·e·s à l’Atelier de la Fondation Ensemble, à Genève. Il en résulte une série étonnante de portraits. L’exposition a été présentée à la HETS en 2014.

Fixer les traits de l’autre pour l’éternité constitue une inépuisable source de fascination qui remonte aux origines de la photographie. Il n’est donc pas étonnant que les étudiant·e·s de la HETS se soient laissé piquer au jeu auquel les conviaient Denis Huc et Danièle Zwahlen.

Si la dimension esthétique est bien présente dans le cadre de ce projet, les étudiant·e·s ont cependant pu s’exercer à la médiation qu’offre l’outil photographique en termes relationnels. La présence d’un appareil photographique intrigue, inquiète ou amuse. Ces réactions allègent les échanges qui, au départ d’une rencontre, sont le plus souvent empreints de timidité ou de gêne. Lors des interactions avec les élèves de l’Atelier, les étudiant·e·s ont ainsi découvert qu’il est possible d’instaurer la confiance en jouant avec l’appareil photographique de diverses manières, en le confiant aux adolescent·e·s par exemple ou en leur demandant quels objets ils désiraient voir pris en image. Au final, en plus des images réalisées, le processus engagé lors de ce projet a permis à tous les participant·e·s de trouver plaisir et sens aux échanges.

A bien y réfléchir, dans le cadre de cette rencontre, l’exercice proposé constituait une véritable gageure. En effet, si l’art du portrait peut être assimilé à une forme de quête de l’alter ego sur fond de geste artistique, photographier des adolescent·e·s qui présentent une déficience intellectuelle constitue un bel exemple de confrontation à l’inconnu et à la différence. Lorsque l’on contemple les prises de vue réunies, il apparaît clairement que l’exercice est totalement réussi.

Loin des représentations stéréotypées sur le handicap, les images qui nous sont données à voir frappent par leur banalité. Ce constat ne constitue en rien une critique artistique des prises de vue, mais souligne au contraire leur grande qualité. Plutôt que de se focaliser sur la déficience, elles s’attardent avec beaucoup de finesse sur les expressions qui animent les visages de ces adolescent·e·s. Comme n’importe quelle personne, ne sont-elles pas elles aussi engagées dans l’expérience humaine qui oscille entre rêves et déconvenues, espérances et principe de réalité, force de vie et vulnérabilité ? Comme le relève un des étudiant·e·s : « Les élèves ont été très touchant·e·s, j’ai réalisé qu’il n’y avait pas forcément de barrières qui nous séparaient. »

D’une certaine manière, il serait souhaitable que l’expérience menée par ce groupe puisse être élargie à tout le monde. A l’évidence, une rencontre de ce genre participerait activement à la déconstruction des représentations sociales figées du handicap au profit d’une ouverture à la différence, d’une posture d’étonnement qui se laisse gagner par l’éclat lumineux d’un regard, se laisse toucher par la gravité d’une expression ou le plaisir enjoué d’un sourire.

Francis Loser, professeur HETS, responsable du module « Outils de médiation dans le travail social », Genève


[1] Vanessa Burri, Grégoire Cousin, Elodie Da Silva Araujo, Marine Duvillard, Erika Fraga Rengifo, Zoé Holzapfel, Thomas Hüttenmoser, Aline Isenegger, Bénédicte Lucau Mambu, Sabrina Piccoli, Elodie Ramos, Filipe Ramos, Antigona Salihu-Lutfija, Tanya Sartini, Matthias Sbrissa, Samanta Trovato