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Physiothérapeute de formation et douée d’une plume remarquable, Régine Detambel relate dans ce roman l’expérience d’une réappropriation de soi à travers son corps.
Une femme d’une cinquantaine d’années, qui a vécu une enfance dénuée d’affection et une vie très pénible d’épouse et de mère, a eu un grave accident de la route. Elle se réveille dans une unité de soins de polytraumatisés. Dans le rapport à ce corps en morceaux, à travers incapacités et douleurs, elle reprend peu à peu la maîtrise de sa vie. Maîtrise du présent, grâce à l’amitié d’un collègue patient, maîtrise aussi de moments de son passé dont elle revit les traumatismes.
Extrait : « On ne s’éveille pas vierge d’un coma. Même si on a l’impression que tout est blanc, il y a eu les cauchemars. Les démons hantent le silence et s’en nourrissent […] Elle somnole dans ce monde ouaté et glougloutant. Et le vide apparent dans son crâne tient à l’allongement inouï des temps de pose entre deux réflexions. Les heures se remplissent d’une sorte de matière sans valeur, de billes de polystyrène qui n’ont ni goût ni couleur. Alice jouit de n’avoir plus à décider du bien et du mal. Une merveilleuse dispense d’humanité. »
Quand des patients en réhabilitation ne progressent guère : « Ils picolent entre les crises. Les moines ne faisaient pas autrement. Ils se retiraient dans une cellule avec un matelas dur et un broc, et ils se repliaient sur eux-mêmes jusqu’au point précis où ils dépasseraient les tourments de l’humaine condition. » Quand, à force de soins, d’efforts et de temps, le mieux s’installe, alors «fondent peu à peu les semelles de plomb. Pendant quelques mois, guérir est plus rapide que vieillir et même renverse la vapeur. Le regard aussi guérit et le sourire. » Et une formule : « Que c’est bon quand quelqu’un vous écoute. Ne désespérez jamais de rien. Toute cendre est un pollen. »
PS Dans «Les livres prennent soin de nous» paru en 2015 chez Actes Sud/Babel, la même Régine Detambel développe la belle notion de bibliothérapie. « Par le rythme et la musicalité de leurs phrases, le toucher sensuel de leur papier, les livres nous soignent et nous apaisent […] Le livre permet d’élaborer ou de restaurer un espace à soi.»