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Recension par Jean Martin / « L’Autre Dieu », de Marion Muller-Collard

Lundi 12.10.2015

L’Autre Dieu – La Plainte, la Menace et la Grâce

Marion Muller-Colard, Editions Labor et Fides, Genève, 2014, 110 pages. Primé en 2015 par le Prix Spiritualités d’aujourd’hui et par le Prix Ecritures & Spiritualités

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Accueillir la plainte – L’expérience forte d’une aumônière hospitalière

Recension par Jean Martin, médecin de santé publique

Marion Muller-Colard est docteur en théologie de Strasbourg et a été aumônière d’hôpital à Mulhouse. Elle s’est intéressée à l’histoire biblique de Job, qui ne se regimbe pas contre ses malheurs. Elle met cette histoire en lien avec les personnes rencontrées professionnellement et que leur maladie rend amers, révoltés. Son livre suscite beaucoup d’intérêt, pas seulement dans les milieux chrétiens. Quelques extraits :

L’âge et la souffrance. « La grande vieillesse est souvent une disgrâce qui s’étire jusqu’à la mort sans se presser. On en vient à gaver d’existence des personnes qui ont atteint leur seuil de satiété. On n’imagine pas la peine qu’il y a à vivre sans appétit. Il faudrait pouvoir sortir de table. Au lieu de quoi on nous ligote à notre chaise et nous sommes condamnés à rester à un interminable repas. » « La souffrance physique a le diabolique pouvoir de nous rétracter en un point inaccessible. Diabolique car diabolos est celui qui sépare et la douleur nous sépare des autres et de nous-mêmes. » A noter qu’un auteur qui écrit cela pourrait aborder le thème du suicide assisté, mais ce n’est pas le cas.

La maladie d’un enfant, expérience fondatrice. Marion Muller a été marquée par la pneumopathie d’un de ses enfants, à l’âge de quelques mois, dont il a réchappé de justesse. Perte de sens : « Telle est la vraie lèpre qui ronge l’âme, dont des malades que j’ai rencontrés étaient atteints, dont je fus atteinte. A quoi peut donc servir d’avoir un cœur fonctionnel lorsqu’on est amputé du système d’idées et de valeurs révélant le sens de notre existence ? »

La sécurité des contrats ? Pasteure, l’auteure parle des relations des patients avec la Providence, avec Dieu ou avec la Justice. La croyance en une justice rétributive est souvent présente. Alors, si ce qui nous arrive ne correspond pas à ce que nous attendions, notre réaction de frustration, voire de colère, est de dire « Les choses n’ont pas été prévues ainsi, ce n’était pas dans le contrat. » Mais le fait est que : « Tout comme le bonheur, le malheur n’est simplement pas juste. » « J’ai vu bien des contrats rompus par la maladie. Ainsi, cet immigré portugais qui avait décidé de travailler dur en France le temps qu’il faudrait pour acheter une maison au pays. Il y était parvenu mais, six mois après sa retraite, un cancer déchirait en morceaux le contrat de sa vie. Ses yeux fouillaient les miens à la recherche d’une explication. Dans cette chambre, nous découvrions l’insondable vide de sens. »

Le travail d’aumônier. « Tout ce qui aide l’être humain à être au monde, je l’adopte. » « Le travail d’aumônier consiste en la fréquentation quotidienne de la Plainte. En m’aventurant dans le vaste territoire d’insécurité qu’est le milieu hospitalier, je savais que mon travail consisterait à me tenir en position d’accueil plutôt que de défense. » « Il n’existe pas de formation universitaire qui prépare à l’impuissance ». « On reconnaît ses amis à ce qu’ils savent supporter la présence palpable du malheur, sans fuir ni ouvrir la bouche en vaines consolations. » Et cela vaut pour les aumônier·ère·s, comme pour les autres.

Site internet Labor et Fides