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Discours sur l’assistance publique et inégalités

Jeudi 18.09.2014
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Le recours à l’aide sociale serait affaire d’accidents biographiques – chômage, divorce, maladie – qui pourraient toucher tout un chacun. Une telle lecture masque les inégalités sociales et contourne le problème de la solidarité publique.

Par Véréna Keller, professeure à la Haute école de travail social et de la santé, Lausanne

L’aide sociale (ou assistance publique) couvre le minimum vital de toute personne dans une situation de détresse en l’absence d’autres ressources. Elle relève d’un droit à la dignité humaine. Elle révèle les insuffisances de la protection sociale et, plus généralement, les causes de situations de pauvreté.

En 2012, 250 000 personnes vivent des prestations d’aide sociale (3,1% de la population résidente). Elles se montent à 2 milliards, soit 1,5% de l’ensemble des prestations sociales versées en Suisse (OFS, comptes globaux 2011). La moitié des personnes qui y auraient droit ne demandent pas l’aide sociale (Leu, 1997).

Dans plusieurs cantons, en 2014, des réductions du barème d’assistance sont discutées ou introduites (Berne, Genève, Lucerne, Neuchâtel, Valais), non sans oppositions de diverses organisations, dont notamment le SSP et AvenirSocial.

Dans une récente recherche (Temps d’assistance, Tabin et al. 2010), nous avons récolté des discours sur les bénéficiaires de l’aide sociale auprès de responsables politiques et administratifs. Tous et toutes adhèrent à la rhétorique de l’assistance démocratisée. Pour un responsable administratif du canton de Vaud, « toute personne, de toute catégorie socio-professionnelle, peut un jour devoir s’adresser à l’aide sociale ; cela va du toxicomane au directeur de banque ». Une assistante sociale du canton de Neuchâtel précise que les personnes vivant de l’assistance « proviennent de tous les milieux confondus ». Et selon une élue de gauche (POP Vaud), « l’aide sociale s’adresse à tous les groupes sociaux ». Si le faible niveau de formation est reconnu par presque toutes les personnes interrogées comme un élément caractérisant une grande partie des personnes vivant de l’assistance, le lien entre insuffisance scolaire et milieu social est absent des discours. On retrouve en outre dans ces discours le récit convenu de l’exclusion touchant les classes moyennes. Par exemple, une assistante sociale vaudoise raconte : « C’est la dégringolade : ils ont un bon travail, un bon salaire, après c’est le chômage, le RMR et ensuite l’aide sociale ».

Pour ces responsables, la description de la population à l’assistance n’intègre ni dimension de classe, ni de genre. La présence à l’assistance est perçue bien davantage comme un accident biographique, des problématiques individuelles, voire un parcours de déchéance, que comme le résultat de rapports sociaux inégalitaires. Cette lecture nourrit un discours sur la responsabilité individuelle, en conformité avec une société de type néolibérale. Les bénéficiaires de l’aide sociale sont pourtant marqués par des inégalités de classe, de genre, de statut. Pour le montrer, je vais passer en revue les principales caractéristiques socio-démographiques des bénéficiaires de l’aide sociale.

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  • La formation

Les personnes assistées ont un niveau de formation clairement inférieur à celui de la population résidente (voir tableau ci-dessus). Or, le niveau de formation dépend de l’origine sociale, comme l’ont démontré de nombreuses études (par exemple, Hutmacher 1993/2010 ; Bihr & Pfefferkorn 2008 ; Peugny, 2013). Dans les milieux aisés, les jeunes se forment plus longtemps. Plus tard dans la vie adulte, plus on est diplômé, plus on continue à se former. Le niveau de formation dépend par ailleurs du genre et de la nationalité. Si les jeunes femmes de nationalité suisse sont en train de rattraper le retard, elles se qualifient nettement moins que les jeunes hommes, alors que le groupe le moins qualifié est constitué des jeunes femmes de nationalité étrangère (Bühler et al. 2005 : 17). L’accès à la formation n’est pas une simple question de volonté, de motivation et de persévérance.

  • L’emploi et les salaires

Plus du quart (29%) des bénéficiaires adultes a un emploi et un-e bénéficiaire sur dix occupe un emploi à plein temps. Loin de se « prélasser dans un hamac social », ces personnes sont des salariées actives précarisées : ils, et plus souvent elles, travaillent selon des contrats à durée déterminée, sur appel, à temps partiel, et dans les secteurs – féminisés – connus pour leurs mauvaises conditions : les services personnels, l’hôtellerie, la restauration et le commerce de détail notamment. Il s’agit de working poor touchant de bas salaires – deux notions pourtant absentes du vocabulaire des statistiques de l’aide sociale et des discours des responsables. Ces conditions, à la fois justifiées et reproduites par la faible qualification des salarié-e-s, constituent la fabrique de la précarité à l’origine du besoin d’assistance.

  • Le chômage

Plus du tiers (37%) des bénéficiaires est constitué de personnes en recherche d’emploi, taux presque dix fois supérieur comparé à la population active. Est-ce par manque de volonté ? Non. Le chômage ne touche pas tout le monde de la même manière. Les femmes, les étranger·ère·s de pays hors UE, les jeunes de 15 à 24 ans et les personnes sans formation professionnelle sont fortement surreprésentées. Le fait d’être mère d’un enfant de moins de 6 ans augmente singulièrement le risque de chômage (BFEG/OFS 2009), discrimination aggravée par la pratique constante de l’assurance chômage consistant à exiger des seules mères d’apporter la preuve d’une solution de garde pour l’enfant. Enfin, une succession de périodes de chômage, courantes pour les salarié·e·s de la précarité, diminue d’autant les indemnités. Le cumul de tels éléments conduit rapidement à l’aide sociale.

  • La santé

Un tiers (34%) des adultes assistés est constitué de personnes dites non actives, c’est-à-dire qu’elles ne cherchent pas d’emploi. Une part importante d’entre elles sont en incapacité de travail, non protégées par des assurances, et dont la maladie ou l’accident est survenu dans une situation de précarité préexistante. Rappelons à ce propos que l’état de santé et l’espérance de vie dépendent des conditions de vie (par exemple, Meyer, 2008 ; Radoslaw et al., 2012). Cette dernière étude montre que le risque d’une maladie du système respiratoire ou cardiovasculaire ainsi que d’accident augmente fortement dans les groupes à bas niveau socio-économique et que l’espérance de vie des hommes est de 4,5 années inférieures (femmes 2,5) à celle des personnes les mieux situées. Obésité et diabète sont également bien plus présents dans les groupes sociaux défavorisés. La santé et, partant, l’employabilité, n’est pas simplement affaire de comportement.

  • La monoparentalité

Les « familles monoparentales » sont fortement surreprésentées à l’aide sociale. Près d’un ménage monoparental sur cinq (18%) est bénéficiaire de l’aide sociale. La notion de monoparentalité, neutre en termes de genre, cache le fait que la quasi-totalité (95%) des familles monoparentales sont des femmes seules avec enfant(s). Les termes de mères seules ou cheffes de famille ne sont jamais utilisés ni par la statistique ni par les responsables de l’aide sociale. Cette neutralisation cache le fait que les séparations et divorces touchent les femmes bien plus que les hommes. D’une part en raison d’inégalités financières précédant la séparation. D’autre part en raison de la garde des enfants attribuée aux mères dans la très grande majorité des situations. Et enfin, en raison d’une discrimination des femmes lors du calcul de la pension alimentaire : selon la jurisprudence actuelle, lorsque le revenu du débiteur (l’homme en règle générale) est insuffisant pour couvrir les besoins des deux ménages, le « déficit » n’est pas partagé entre les deux parties, mais mis exclusivement à la charge de celle qui a droit à une contribution d’entretien (la femme en règle générale). En d’autres termes, le revenu de Monsieur est protégé, tandis que Madame est obligée de s’adresser à l’assistance.

La pauvreté suite à une séparation est donc conséquence d’inégalités de genre. Elle est aussi conséquence d’inégalités de classe. Les effets matériels d’une séparation ne projettent pas les femmes de milieu aisé dans la pauvreté.

  • La nationalité

Les personnes de nationalité étrangère sont deux fois plus présentes à l’aide sociale que dans la population résidente. Ce ne sont cependant pas « les étranger·ère·s » qui sont surreprésenté·e·s à l’aide sociale, mais des personnes sans passeport de l’UE auxquelles l’économie suisse a fait appel et à qui est arrivé un problème. Pour l’OFS, cette surreprésentation est due à des qualifications professionnelles souvent faibles, à la non-maîtrise de la langue et au manque de liens avec le marché du travail. A noter aussi que les ressortissant·e·s étranger·ère·s travaillent, pour beaucoup d’entre eux·elles, plus souvent dans des secteurs à bas salaires et peu protégés. Le risque de devoir s’adresser à l’aide sociale est donc accru.

  • Inégalités et solidarité

Les caractéristiques sociodémographiques présentées permettent de démontrer, me semble-t-il, que les bénéficiaires de l’aide sociale ne sont pas monsieur et madame Tout-le-Monde. Ce n’est pas la malchance arrivant dans un ciel bleu qui conduit à l’aide sociale, mais l’appartenance à des groupes sociaux constitués par des inégalités de genre, de classe et d’origine nationale. Ces groupes de personnes défavorisées (pauvres, précarisées), peu formées, peu payées et peu protégées, sont plus exposés aux risques de maladie, d’accident et de chômage et plus touchés par les effets du divorce. Si les frontières de ces groupes sont floues, ils s’articulent : les effets des rapports sociaux inégalitaires se cumulent et font système. Ces groupes s’inscrivent dans une société à la fois « segmentée, hiérarchisée et conflictuelle, dont les divisions, inégalités et conflits qui la traversent opposent non pas des individus en tant que tels, mais des groupements d’individus partageant précisément une commune position (à la fois objective et subjective) dans la société. Cette position commande leurs possibilités (inégales) de s’approprier ou non avoir, pouvoir et savoir, conduisant à une accumulation d’avantages à un pôle et une accumulation de handicaps à l’autre pôle » (Pfefferkorn 2007 : 161). Pauvreté et richesse se conditionnent mutuellement.

Comprendre le besoin d’aide sociale comme conséquence d’inégalités fonde la solidarité non pas sur la crainte de se retrouver un jour dans une situation de pauvreté – un motif somme toute assez égoïste – ou sur la seule compassion, mais sur un idéal d’égalité, de justice et de participation comme fondements d’une société démocratique.

Article paru dans Services Publics, le journal du Syndicat suisse des services publics (SSP), n°13, 5 septembre 2014, lien internet.

Références bibliographiques

  • Bihr, A. & Pfefferkorn, R. (2008). Le système des inégalités. Paris : La Découverte.
  • Bühler, E., Heye, C. (2005). Fortschritte und Stagnation in der Gleichstellung der Geschlechter 1970-2000. Neuchâtel : OFS.
  • BFEG/OFS (2009). Vers l’égalité des salaires ! Faits et tendances. Informations aux entreprises, aux salariées et aux salariés. Berne : BFEG et OFS.
  • Hutmacher, W. (1993/2010). Quand la réalité résiste à la lutte contre l’échec scolaire : analyse du redoublement dans l’enseignement primaire genevois. Cahier, 36. Genève : SRED.
  • Leu, R. et al. (1997). Lebensqualität und Armut in der Schweiz. Bern : Haupt.
  • Meyer, K. (dir.) (2008). Gesundheit in der Schweiz. Nationaler Gesundheitsbericht 2008. Bern : Huber.
  • OFS. Comptes globaux de la protection sociale 2011. OFS, Encyclopédie statistique de la Suisse. Etat de la base de données au 27 juin 2013.
  • OFS (2013). Statistique suisse de l’aide sociale 2012. Données détaillées. Récupéré de cette page internet.
  • Peugny, C. (2013). Le destin au berceau. Inégalités et reproduction sociale. Paris : Seuil.
  • Pfefferkorn, R. (2007). Inégalités et rapports sociaux : rapports de classes, rapports de sexes. Paris : La Dispute.
  • Radoslaw, P. et al. (2012, juin). « A Swiss neighbourhood index of socioeconomic position ». Journal of Epidemiology and Community Health.
  • Tabin, J.-P., Frauenfelder, A., Togni, C. & Keller, V. (2010). Temps d’assistance : le gouvernement des pauvres en Suisse romande depuis la fin du XIXe siècle. Lausanne : Antipodes.

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