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Les liens entre social et santé sont aujourd’hui admis. En théorie du moins. Il est vrai que vingt ans après la Charte d’Ottawa (OMS), selon laquelle « la politique de promotion de la santé suppose l’adoption de politiques publiques saines dans les secteurs non sanitaires… », plus personne ne devrait confondre santé et soins, ou tout au moins, se désintéresser des liens qui existent entre conditions de vie et santé.

L’alimentation est révélatrice de cette interdépendance. Dénaturé, reconstitué, plein d’additifs et de calories inutiles (les graisses et sucres cachés), le « fast food », ou « junk food », est nocif. Avec le manque d’exercice, cette forme de malnutrition industrielle est l’une des grandes responsables des maladies dites de civilisation : affections cardio-vasculaires, diabète, et certaines formes de cancer…

Les ravages de la malbouffe

Or il apparaît que ce sont les catégories sociales défavorisées qui ont le plus perdu le lien avec le savoir-faire alimentaire. Ce sont ces personnes qui souffrent le plus d’obésité, de diabète et des autres conséquences de la « malbouffe ».

Que faire ? Dans sa Stratégie mondiale pour l’alimentation, l’exercice physique et la santé, l’OMS recommande au moins une demi-heure d’effort physique par jour. Elle suggère à chacun de réduire la consommation de sucre, de sel, de graisses saturées et de viande, et d’augmenter la part des fruits, légumes, légumineuses et céréales non raffinées. On peut ajouter qu’évidemment on souhaite des produits frais, de saison, le moins chargés de résidus de pesticides. La dignité humaine et l’estime de soi commencent par ce qu’on mange.

Et les travailleurs sociaux ?

Mais les travailleurs sociaux l’entendent-ils de cette oreille ? Partagent-ils le constat que changer ses modes alimentaires, redécouvrir le goût d’une alimentation saine, est l’une des clés de la promotion de la santé ?

Il faudrait s’en assurer et les associer pleinement aux campagnes et projets engagés sur l’interface santé-social. Diverses actions dans ce sens ont déjà eu lieu. Ainsi un projet d’equiterre, à Genève, qui montrait à des personnes à faible revenu comment faire des achats alimentaires sains avec un petit budget. D’autres mettent sur pied des ateliers de cuisine, aident des usagers à se réapproprier les modes de préparation de fruits et de légumes pour éviter de se nourrir uniquement de pâtes, de saucisses, de chips ou de boîtes…

Avec un peu d’imagination, on pourrait reformuler le droit à l’alimentation pour tous en : « le bio pour tous ». Charge aux politiques sociales d’assumer les coûts supplémentaires éventuels de cette option. Ils viendraient au final en réduction des coûts de la santé !

René Longet

La nécessité de trouver un emploi pousse certains sans-papiers à « louer » des papiers d’identité à des personnes qui sont à leur tour d’anciens étrangers. C’est ce qui est arrivé à Assia, une jeune femme originaire du Cameroun, dont la demande d’asile a été rejetée par le canton de Berne en 2005.

Sans espoir de retour au pays, sans logement fixe, ni couverture médicale, elle rallie Genève en 2005. Là, elle entre en contact avec une femme, d’origine asiatique, qui lui propose d’utiliser son identité pour décrocher un emploi dans les environs de Genève. Une commission est fixée sur le futur salaire d’Assia. Grâce à ces vrais-faux papiers, la jeune femme va effectivement décrocher un job à temps partiel dans une petite fabrique d’emballages. Durant trois mois, le système fonctionne sans accrocs. Le salaire est viré sur le compte du propriétaire légal des documents d’identité, et la somme est transmise à l’intéressée, après déduction d’une commission…

Mais après six mois, la source se tarit. L’« amie » d’Assia capte désormais l’intégralité de son salaire… Coupée de toute ressource, la jeune africaine est contrainte d’informer son employeur au sujet de sa vraie identité. Et celui-ci la renvoie. L’argent n’arrivant plus sur le compte de la connaissance d’Assia, les choses se corsent. Celle qui profitait de cette situation imagine qu’elle est à son tour victime d’une sorte d’arnaque de la part d’Assia. Elle menace de la dénoncer aux autorités publiques si elle ne lui donne pas sa commission.

A Lausanne, nous avons rencontré deux sans-papiers africains qui se trouvent dans une situation semblable. Ils travaillent dans des restaurants. Mais n’osent pas dénoncer les personnes qui leur prêtent leur identité. Voilà plus de deux mois qu’ils n’ont pas reçu de salaire. Compte tenu de la rudesse du travail, ils ont décidé d’abandonner le coup, sans dénoncer la personne qui leur a soutiré leur argent, par peur d’une sanction.

A Zurich, certaines travailleuses sans-papiers - employées sous des faux noms, dans des salons de coiffure ou des bars - font aussi les frais de ce système. Les employeurs agissent souvent en connivence avec les propriétaires des documents. Les sans-papiers sont payés de façon dérisoire, ou alors, pas du tout.

Kilosho Barthélémy

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Un petit enfant léthargique, très pâle, saisi de convulsions ou de vomissements, doit faire penser qu’il a peut-être été secoué. Secoué une seule fois, de temps en temps, ou régulièrement, par ses grands-parents, la baby-sitter, la maman de jour ou les parents eux-mêmes…

Ainsi, par méconnaissance, de jeunes pères lancent en l’air le jeune enfant ou le font tourner autour de leur taille. Or ce simple geste peut handicaper gravement un bébé. S’il n’est pas dangereux de bercer un enfant ou de danser gentiment en le tenant dans ses bras, tout geste qui fait ballotter le cerveau dans sa boîte crânienne risque de provoquer de graves blessures. Et elles ne sont pas toujours visibles immédiatement…

Au moment où l’enfant active ses fonctions cérébrales, le cerveau secoué tape sur la boîte crânienne et endommage les vaisseaux sanguins situés entre le cerveau et le crâne. Des hémorragies plus ou moins importantes engendreront une pression qui pourra entraver les fonctions corporelles. Des crises d’épilepsie pourront survenir, voire perdurer. Bien plus tard, des séquelles oculaires risquent d’apparaître, ou encore des troubles de l’apprentissage, du comportement, etc. Il arrive même que l’enfant n’y survive pas ! En Suisse, en 2006, trois bébés en sont morts. Aucune classe sociale n’est épargnée.

Des pleurs excessifs

Le facteur principal déclenchant le syndrome du bébé secoué, ce sont les pleurs qui perdurent, sans qu’on puisse leur trouver une explication et une solution pour les faire cesser. Les cris constituent un stress intense pour l’être humain. Pour un parent, oser avouer que la limite du stress et atteinte constitue un premier échappatoire. Le message selon lequel il n’y a pas de honte à être à bout doit passer. Et il faut donner l’occasion aux jeunes parents de s’exprimer. Tout le monde peut perdre le contrôle en cas de surmenage.

« Qu’est-ce que cela vous fait quand il pleure ? Quels sont vos sentiments à son égard ? Avez-vous pensé à lui dire votre désarroi ? ». Raconter calmement ce qui se passe permet de dédramatiser la situation et de trouver une solution. Passer l’enfant à une personne de confiance, quand l’impulsivité menace de prendre le dessus, est une des réactions possibles. Une voisine ou une amie peuvent venir en aide aux parents. S’il n’y a personne à disposition, il suffit de placer l’enfant en sécurité dans son lit et de prendre une douche ou de sortir pour se « ressourcer ».

Les campagnes d’information actuelles ont ceci de nouveau qu’elles évitent de culpabiliser les parents. Il est « naturel » d’avoir, à un moment ou un autre, l’envie de secouer un bébé qui pleure sans discontinuer. L’idée est d’installer les bons réflexes chez le parent. Car reconnaître une envie, c’est aussi se donner le moyen de ne pas y céder. Si vous avez envie de secouer un bébé, passez donc la main AVANT de passer à l’acte.

Josianne Bodart Senn

Davantage encore que tout autre dispositif de la sécurité sociale, l’assistance publique symbolise la solidarité nationale. Cette solidarité, objectivée dans des lois, se conjugue à un contrôle des populations les plus démunies : c’est le gouvernement des pauvres.

Loin de rester statique, ce gouvernement évolue. C’est ce que montre l’ouvrage Temps d’assistance issu d’une recherche menée dans le cadre du Programme national de recherche « Intégration et exclusion ». Selon ce livre, quatre manières différentes de concevoir le gouvernement des pauvres se succèdent en Suisse romande depuis la fin du XIXe siècle.

Le temps des principes (1888-1889) correspond la période de mise en place de la législation d’assistance publique. Le problème politique majeur semble être celui de la définition des destinataires de l’assistance. Faut-il aider toutes les personnes qui habitent la commune ou uniquement celles qui en sont originaires ? Suivant les cantons, c’est l’une ou l’autre solution qui est choisie.

Mais aucune des solutions choisies ne permet de résoudre complètement les problèmes liés aux mouvements de population. Il faut dès lors, et rapidement, penser à réformer l’assistance. L’arrivée de la crise, à la fin de la Première Guerre mondiale, accélère encore le mouvement. Cantons et communes prennent des mesures complémentaires à l’assistance publique : travaux de chômage, réfectoires et dortoirs pour chômeurs, assurance chômage. Le temps de l’adaptation (1908-1940) amène donc les cantons à repenser du tout au tout le gouvernement des pauvres et, notamment, à différencier le chômage de l’assistance.

Durant la période de haute conjoncture qui suit la fin de la guerre, l’assistance n’est guère nécessaire, car le développement des assurances sociales a diminué le besoin d’assistance. C’est le temps de la contingence (1944-1973) et certains parlent de supprimer l’assistance. Elle est maintenue comme dernier « filet » du système de sécurité sociale, pour résoudre les problèmes de ce qu’on appelle à l’époque « l’inadaptation sociale ».

L’émergence de l’exclusion

La crise du milieu des années 70 change tout. De multiples enquêtes établissent la persistance de la pauvreté en Suisse. S’installe alors dans l’imaginaire collectif l’idée que des processus d’exclusion traversent la société. Dès 1995, le droit à l’assistance publique, est reconnu au nom de la dignité humaine. Ce droit oblige à formaliser l’assistance, c’est le temps de la gestion (dès 1974).

La réforme de l’assistance se fait souvent en temps de crise. Le consensus sur la nécessité de fournir assistance aux pauvres est fort à ces périodes. Mais les limites de la solidarité sont également évidentes… Durant la période de développement des années d’après guerre, ces limites s’estompent, mais la question même de maintenir l’assistance est posée. Le gouvernement de l’assistance est donc comme on le voit tributaire de l’évolution économique.

Basé sur l’analyse d’un vaste corpus fait de débats parlementaires sur l’assistance publique, de décisions de justice, d’articles de presse et d’ouvrages d’époque ainsi que sur des interviews, Temps d’assistance révèle le travail social de définition et de délimitation qui a permis l’émergence de la législation sur l’assistance publique en Suisse romande et a motivé ses réformes. Il se termine en donnant la parole aux bénéficiaires, qui disent ce que signifie vivre de l’assistance publique aujourd’hui.

Jean-Pierre Tabin

L’addiction sexuelle est rare, mais elle se révèle déstructurante pour celui qui en est atteint. Cette thématique a été débattue en septembre passé à Genève par le Forum addictions, qui réunit plusieurs fois par an des professionnels du social et de la santé, sous l’égide de l’association Première ligne (réduction des risques), d’ARGOS (toxicomanie), des Hôpitaux universitaires et de l’Hospice général. Les actes de cette rencontre viennent d’être publiés.

Il apparaît que la définition de l’addiction au sexe est des plus floues. Il n’existe pas de critères spécifiques pour la délimiter. « Le déroulement du forum ne s’est toutefois pas révélé moins complexe que sa préparation », écrivent ses organisateurs. En effet, il n’est pas facile d’évoquer – même pour des thérapeutes et des travailleurs sociaux – la sexualité en tant que telle, sans réserves personnelles ou allusions plus ou moins ludiques.

Se droguer pour oublier son corps

Gaëlle Martinez, collaboratrice socio-sanitaire à Première ligne a fait apparaître que le recours aux drogues diverses par les prostituées est avant tout un moyen de conjurer leurs angoisses et de favoriser leur désinhibition. La consommation de drogue fonctionne comme un « outil de travail » qui leur permet de dissocier la tête et le corps. « Les femmes vont consommer de l’alcool pour pouvoir travailler, de la cocaïne avec le client et ensuite elles vont prendre des médicaments (somnifères, antidépresseurs) pour pouvoir se reposer ou supporter cette situation ». Pour ces femmes, parler de consommation de drogues est difficile. « Elles ne veulent pas être associées aux femmes toxicomanes et vivent déjà difficilement le fait de pratiquer la prostitution ». Par ailleurs, il existe des « échanges de services sexuels » entre prostituées et dealers. Enfin, une rivalité oppose les consommatrices de drogues qui se prostituent aux prostituées qui consomment des psychotropes.

L’abus sexuel et l’abus d’abstinence

Le psychiatre Georges Abraham a mis en évidence le fait que les comportements addictifs en matière de sexualité ne sont souvent que des réponses à divers besoins. Considérant les abus de comportements sexuels, il souligne que l’abstinence peut être tout aussi tyrannique que l’addiction ! Quant aux sources de cette addiction, elles peuvent être diverses. L’angoisse de la perte d’appétit sexuel constitue par exemple une angoisse pouvant aller jusqu’à la perte du goût de vivre.

L’impact des maltraitances

Pour le docteur Bron, chef de clinique a la consultation interdisciplinaire de médecine et de prévention de la violence aux HUG, la maltraitance et l’abus de drogues sont liés. Par ailleurs, il est également apparu que la consommation de drogues rend les auteurs de maltraitances aussi vulnérables que leurs victimes.

Stéphane Herzog / Source : Sexualité et addictions : zoom sur un sujet tabou, 18ème Forum des addictions, Genève.

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