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Deux nouvelles installations, l’une en Valais l’autre à Lausanne, donnent accès à la baignade et à la randonnée aux personnes en situation de handicap. Ces initiatives ponctuelles répondent-elles réellement aux besoins des personnes concernées?
© Marino Trotta — Ville de LausanneDepuis le 4 avril, les baigneurs et baigneuses lausannoises à mobilité réduite disposent d’une installation leur permettant d’accéder au lac en toute autonomie. Lausanne revendique ainsi être devenue la première ville de Suisse à proposer le SEATRAC Mover, une solution lancée en 2012 et déjà déployée dans plus de 250 sites à travers le monde. Grâce à une rampe mobile submersible et un siège motorisé, ce système garantit un accès facilité et inclusif à la baignade, en toute sécurité.
Les autorités lausannoises ont indiqué que ce projet s’inscrit dans une volonté de la Ville d’améliorer l’accessibilité des plans d’eau. « Offrir la possibilité à chacune et chacun de profiter du lac, quelles que soient ses possibilités motrices, est une priorité pour notre ville, a affirmé Pierre-Antoine Hildbrand, conseiller municipal, lors de l’inauguration. Cette installation répond à une demande croissante et représente une avancée significative pour Lausanne. Le lac est pour toutes et tous. »
Cette déclaration laisse un goût un brin amer à Raphaël de Riedmatten, directeur d’Agile, la faîtière suisse des organisations d’entraide et d’autoreprésentation de personnes avec handicap : « Évidemment que je me réjouis que les personnes en situation de handicap qui aiment l’eau puissent désormais s’adonner à la baignade. Mais si la Ville de Lausanne défendait une politique réellement inclusive, elle exigerait l’accessibilité à tous les lieux publics, y compris aux places de jeux et aux piscines. Aujourd’hui, si on parvient à entrer dans un établissement, il nous est ensuite impossible d’aller aux WC car ceux-ci ne sont pas accessibles en fauteuil. » À ses yeux, ce manque d’accessibilité quotidien, notamment en matière de logement, représente une inégalité structurelle, doublée d’un manque de vision à long terme : « Notre société vieillit. Toujours plus de personnes vont avoir besoin de logements accessibles ou de rampe pour entrer dans un commerce avec un déambulateur. »
Le renforcement des droits des personnes en situation de handicap nécessite donc des mesures plus systémiques et une remise en question du paradigme validiste, qui perpétue l’idée selon laquelle ces personnes devraient obligatoirement « féliciter » des actions ponctuelles et « se réjouir de ce qui est fait pour elles ». Raphaël de Riedmatten dénonce le « social washing » opéré avec de telles actions ponctuelles, souvent promues par des campagnes de communication. « Ce genre d’action donne l’impression que c’est super, et que l’on doit être content·e, remercier de penser à nous. Mais nous, on veut l’égalité, pas la charité ! Agile demande des actions pérennes et sérieuses, afin que nous puissions vivre avec la même liberté que tout le monde. »
À La Tzoumaz, un fauteuil roulant tout terrain est disponible depuis cet été pour les personnes en situation de handicap, moyennant une location de 25 francs par jour. Dans Le Nouvelliste, Manuel Mascarenhas Goncalves, vice-président du Club en fauteuil roulant du Valais romand, partage sa satisfaction : « Au début, franchement, j’étais pas trop rassuré, mais au fur et à mesure, j’ai pris confiance et c’est carrément impressionnant. » Et d’ajouter : « J’ai même pu descendre quelques marches sans difficulté. C’est la première fois que je peux profiter du paysage sans m’inquiéter des obstacles. »
Ce fauteuil électrique, dont le coût se situe entre 30'000 et 35'000 francs, est un don de la Fondation Cerebral, qui a ouvert 17 stations de location de ce type depuis 2017, en Suisse et au Liechtenstein. Si Fabienne Segu, secrétaire générale de Forum Handicap Vaud, se réjouit de voir émerger de telles initiatives, elle questionne cependant leur accessibilité économique : « Nous regrettons que le fauteuil de la Tsoumaz soit payant, d’autant qu’il a été financé par une organisation. Même si la somme indiquée est symbolique, c’est une inégalité puisqu’une personne valide n’aura pas à payer pour une randonnée en montagne. »
Proposer des loisirs inclusifs, comme le requiert l’article 30 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) [1], est une avancée. En garantir l’accès effectif une nécessité. Il est ainsi fondamental que les lieux concernés puissent être rejoints en transports publics, ou en véhicule privé, avec des places de parc adaptées. Mais cela ne suffit pas : les détails pratiques à destination des usagères et usagers doivent être aisément accessibles, clairs et exhaustifs. « Les personnes concernées doivent pouvoir accéder facilement aux informations concernant les offres existantes, ce qui reste pour le moment difficile, constate Fabienne Segu. L’information doit préciser comment pratiquer le loisir, comment y accéder, quelles mesures sont nécessaires et quelle autonomie est possible. Un loisir lorsqu’on est en chaise roulante ne s’improvise pas, il s’organise dans les détails. »
(Céline Rochat)
[1] Convention relative aux droits des personnes handicapées, entrée en vigueur pour la Suisse le 15 mai 2014, état le 24 mars 2025.
Plus d'infos sur le fauteuil électrique à La Tsoumaz
Voir le communiqué de presse de la Ville de Lausanne
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