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Recension par Jean Martin : « Rencontre avec la nuit »

Jeudi 23.08.2012

Rencontre avec la nuit

De Jacqueline Voillat, Editions d’En bas, Lausanne, 2012, 148 p.

Recension par Jean Martin, ancien médecin cantonal, membre de la Commission nationale d’éthique

La volonté de notre population de conserver pour chacun la liberté de disposer de lui-même apparaît claire. Pour ma part, j’estime très important que jamais les pouvoirs publics ne donnent l’impression qu’ils cautionnent le suicide. Ainsi que la Commission nationale d’éthique l’a relevé, chaque situation doit être considérée pour elle-même, dans ses différentes dimensions, avec la personne concernée, en dialogue avec les proches signifiants, y compris soignants, et le médecin auquel est demandée la prescription létale.

Les histoires individuelles sont toutes différentes comme le montre le fort témoignage de Jacqueline Voillat dans « Rencontre avec la nuit ». Cet ouvrage décrit un noyau familial, une mère très âgée et ses deux filles, aux prises avec la demande réitérée, parfois agressive, de la mère d’avoir recours à Exit. Avec des flashbacks sur les décennies antérieures, le récit porte surtout sur la période de six mois que la vieille dame, qui ne se déplace plus qu’en chaise roulante, passe en hôpital gériatrique après avoir dû quitter son domicile. L’auteure, une des filles, décrit par le détail les rapports de sa soeur et d’elle-même avec leur mère, marqués par beaucoup de paroles vives (jusqu’à la haine – sic), sur le fond d’une vie familiale qui a eu ses difficultés mais à laquelle les sœurs restent attachées par de nombreux bons souvenirs.

La description des contacts et des discussions avec les médecins et les équipes soignantes illustre bien comment, dans un monde imparfait et avec des professionnels bons ou moins bons, il demeure que chacun s’efforce de remplir son rôle correctement, en fonction des règles de la profession. Les moments de tension voire de colère sont néanmoins nombreux, au milieu des hésitations et questionnements multiples, que ce soit sur des points philosophiques ou pratiques.

Finalement, il est fait appel à Exit. Un médecin de cette association voit la patiente et ses filles à plusieurs reprises, ainsi que le médecin hospitalier, et on s’achemine vers l’aide au suicide, fixée trois semaines à l’avance. Après les turbulences et ambivalences autour de la demande de la vieille dame, le récit des sentiments des protagonistes durant cette dernière période est fort, prenant, spécialement celui des jours précédant et suivant immédiatement le décès. A noter le soutien substantiel du pasteur de leur localité de domicile, qui les voit et est présent lors du suicide. Dans la postface, J. Voillat, enseignante qui a un talent certain d’écriture, relève qu’il lui a fallu trois ans pour honorer la promesse faite à sa mère d’écrire son histoire et elle rend hommage aux professionnels de santé, confrontés à une situation inhabituelle et à la volonté opiniâtre de la patiente. « J’ai admiré qu’ils arrivent à dépasser leurs principes, leurs doutes, à accepter ce que ma mère voulait si fort, à l’entourer jusqu’à la fin de soins, de respect et peut-être d’affection. »

Editions d’En bas