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Commentaire / La « liberté de contracter » est de retour

Jeudi 04.09.2008

La Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats a repris la question du « gel des admissions » et de la « liberté de contracter ». Les commissaires ont choisi de renvoyer le projet au Département de l’intérieur, avec la mission de concocter un modèle ressemblant à celui des assureurs… L’opinion de Gisèle Ory

Le dossier que l’on appelle désormais « liberté de contracter » est un vrai serpent de mer… Rappelez-vous ! En 2002, le Conseil fédéral décide, à titre provisoire, de geler toute nouvelle installation de médecins en cabinets privés. On craint alors qu’avec la libre circulation des personnes, de nombreux médecins en provenance de l’Union européenne ne s’installent en Suisse et n’exercent à la charge de l’assurance maladie, faisant augmenter sensiblement des coûts qui ont déjà une nette tendance à l’escalade.

Cette mesure « provisoire » est reconduite régulièrement depuis lors et est toujours en vigueur, mais, « croix de bois, croix de fer », le Parlement ne se laissera plus faire et refusera toute prolongation au-delà de 2009. Il faut donc trouver un autre moyen de gérer les installations de nouveaux médecins et de maîtriser les coûts.

En 2004 déjà, le Conseil fédéral fait une proposition fondée sur la « liberté de contracter ». Il prévoit de laisser aux assureurs la possibilité d’établir des contrats avec les médecins qui leur conviennent et donc de leur donner le pouvoir de choisir les praticiens qui peuvent ou ne peuvent pas exercer à la charge de la Loi sur l’assurance maladie (LAMal).

Ce modèle fait la joie des assureurs, à qui il attribue le pilotage du système de santé. Les patients en revanche n’ont plus le choix du médecin et doivent se renseigner sur les contrats conclus avec leur assureur. Les médecins n’ont qu’à bien se tenir s’ils veulent être reconnus.

Tergiversations du Parlement

Le Parlement, quant à lui, tergiverse, sachant bien que ce modèle n’a pas l’heur de plaire aux citoyens. On palabre, mais on ne décide rien… avant les élections de 2007. 2008 est l’année de la créativité : émergent alors les modèles dits Helsana, Oggier, des cantons, FMH, liberté de contracter seulement pour les médecins spécialistes, managed care, etc. On parle encore et encore et on n’avance pas. Le Conseil national met alors le Conseil des Etats sous pression et le somme de trouver une solution, sans quoi le gel des admissions tombera sans autre forme de procès.

Le 1er juin 2008, le peuple vote sur l’assurance maladie et exprime clairement sa volonté : il ne veut pas du pouvoir absolu des caisses… Fin juin, la commission des Etats procède à des auditions, reçoit les représentants des cantons et de la Fédération des médecins suisses (FMH), constate que leurs deux modèles sont compatibles, moyennant quelques aménagements et propose aux deux organisations de se rencontrer et de présenter un projet commun.

Le missile de santésuisse

Fin août, c’est chose faite, la Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS) et la FMH envoient le résultat de leurs réflexions : une obligation de contracter et une intervention des cantons à titre subsidiaire, au cas où il y aurait trop ou trop peu de médecins. C’est compter sans le missile de santésuisse : juste avant la réunion de la commission, la faîtière publie un modèle dit « de coopération ». On y trouve, d’une part, une assurance de base comme actuellement, mais sans gel des admissions ; et d’autre part, un système « de coopération », où les assureurs et les fournisseurs de prestations définissent librement et contractuellement leur collaboration. La liberté de contracter est donc de retour…

Et que croyez-vous que décide la commission ? Elle entre en matière sur le message du Conseil fédéral sur la liberté de contracter de 2004 et renvoie le projet au Département de l’intérieur avec mission de reprendre le travail sur la base des propositions des assureurs ! Le dossier est prudemment renvoyé au Département et non au Conseil fédéral, ce qui évite une publicité inutile autour d’un sujet qui pourrait fâcher…

Pour le document CDS-FMH, c’est un enterrement sans fanfare. Les cantons et la FMH ne pèsent pas lourd face aux assureurs à la commission des « Etats ».

Gisèle Ory, conseillère aux Etats socialiste et directrice de Pro Infirmis Neuchâtel

Commentaire

reçu le mardi 19 mai 2009 à 00h47

La suppression de l’obligation de contracter n’est qu’une mesure parmi d’autres visant à réduire les coûts de la santé. Dans un pays aussi riche que la Suisse, le fait de consacrer 11% du PIB à la santé n’est pas excessif. Le vrai débat devrait tourner autour du financement de la santé et non pas autour de ses coûts. De tous les pays de l’OCDE, la Suisse a le financement de la santé le moins social. 67% des frais sont payés par les ménages, et la part de l’Etat au financement a chuté de 40% à 25% ces dernières années. Le système des primes par tête, de quote-part et de franchises à option défavorisent de façon intolérable les bas revenus.

En attaquant les coûts de la santé, M. Couchepin se trompe non seulement de cible, mais aussi de sujet : la base de tout acte thérapeutique est la confiance qui doit s’établir entre le médecin et son patient. Or, en permettant aux assureurs de se mêler de cette relation, M. Couchepin en empêche la réalisation. Comme d’autre part il favorise une médecine à deux vitesses en réduisant le catalogue des prestations de l’assurance de base en faveur des complémentaires, il peut se vanter d’avoir saboté en un temps record un système de santé qui comptait parmi le meilleurs au monde.

Dr Georges Muheim, Fribourg