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Écrire l’oral, étape essentielle à la recherche

Lundi 05.09.2022
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Travail de l’ombre, la transcription des entretiens des chercheur·se·s s’avère pourtant indispensable. À l’heure de sa retraite, une sociologue témoigne sa reconnaissance à celle qui a, des années durant, fait vivre le souffle des interviewé·e·s.

Par Annick Anchisi, sociologue et professeure, Haute école de santé Vaud (HESAV), HES-SO, Lausanne, et Isabelle Reichenbach, transcriptrice

C’est l’histoire un compagnonnage entre une chercheuse, Annick Anchisi, et une transcriptrice, Isabelle Reichenbach. Pendant plus de 15 ans, nous avons travaillé ensemble, moi lui envoyant mes entretiens, totalement confiante, elle les retranscrivant selon un schéma bien rodé.

Des centaines de personnes interviewées ont transité par son ordinateur. Elle en effaçait ensuite les traces, au moment où son travail était enregistré sur un serveur sécurisé. Nous nous sommes rencontrées régulièrement au début, pour l’échange de cassettes audio. Puis, avec les systèmes de transfert en ligne, ces relations se sont également dématérialisées ; des courriels ponctuels informatifs, quelques mots échangés sur les entretiens, des remerciements pour le travail effectué. Un contrat monnayé existe bien entre nous deux, un lien aussi, à travers la parole des interviewé·e·s.

La transcription, madeleine de Proust des chercheur·se·s

Tout ou presque a été dit sur l’entretien en sciences sociales, les techniques, les méthodes, les scènes et mises en scène, les influences réciproques entre enquêteurs·trices et enquêté·e·s, les émotions, les silences… (Schirrer & Schmitt, 2016 ; Masson & Haas, 2012 ; Beaud & Weber, 2003 ; Kaufman, 1996 ; Bourdieu, 1993). Mais sur le travail de transcription effectué par un tiers n’appartenant pas stricto sensu à l’équipe de recherche ? Rien, si ce n’est des éléments qualifiant les rapports contractuels entre client·e·s et mandant·e·s dans le monde de la traduction (Riondel, 2020).

Bien que les chercheur·se·s affirment toujours « qu’il est important, voire essentiel, de retranscrire ses entretiens de recherche ; que ceci fait partie de l’analyse… », dans la réalité, ces tâches sont la plupart du temps déléguées comme travail de secrétariat. C’est mon cas. Je mène des recherches de sociologie qualitative avec, comme arsenal méthodologique, des observations, des photos, des tenues de carnet de bord, des entretiens informels, des entretiens dits semi-directifs enregistrés.

Mais, depuis ma thèse en 2007, je n’ai plus retranscrit d’entretiens enregistrés, si ce n’est de brefs extraits. Je les réalise puis les transmets à Isabelle, qui les sort de leur forme orale pour leur donner, mot à mot, une existence graphique. Sur cette base, j’organise leur codage, puise les verbatims reliés aux catégories et publie, seule ou avec des collègues. À aucun moment, ce travail essentiel de transcription n’apparaît comme un travail de collaboration à la recherche, et pourtant.  

L’indispensable voix des enquêté·e·s

De la mise en route d’une recherche à la divulgation des résultats sous forme de publications, il existe de nombreuses étapes, dont celle de la transcription des entretiens. Comme le souligne certain·e·s auteurs et autrices, le ou la chercheur·euse doit tout faire pour enregistrer un entretien approfondi ; c’est ce qui en fait le sel (Beaud et Weber, 2003, p.209).

L’enregistrement permet d’être en prise directe avec ce qui est dit, d’interpréter les silences comme modalité d’interaction, de reprendre son souffle pour réfléchir, de se taire et de ne pas se dire (Masson & Haas, 2010) ; le ton de la voix, les émotions, les bruits, un verre posé sur la table, une voisine qui sonne à l’entrée, un déplacement pour indiquer telle ou telle preuve de ce qui est avancé « attendez, je vais vous montrer… Quelle année déjà ? J’ai ça sous la main, deux secondes… ». C’est aussi l’occasion de réentendre la façon dont l’entretien a été mené. Les coups de génie, les ratés, les inflexions de sa propre voix qui induisent ou non les réponses de l’interviewé·e·s ; c’est une chance de pouvoir s’auto-évaluer.

Pour ma part, je réécoute mes entretiens dans la majorité des cas, j’ai la voix des interviewé·e·s dans l’oreille. Je suis capable de les resituer ; je sais qui est qui, et dans quel contexte. Toutefois, pour des questions de temps et par le fait que le fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS) prenne en charge aujourd’hui les retranscriptions et légitime ainsi cette pratique, je n’en retranscris plus. Avec le travail d’Isabelle, l’analyse est plus rapide, les extraits des verbatims utilisés dans les publications aisément utilisables ; son travail m’est devenu indispensable.

Le souffle des interviewé·e·s dans les oreilles

Il est des terrains ardus pour le ou la chercheur·se : les personnes âgées dépendantes et démentes révélées dans les propos des femmes des familles en charge des corps rétifs et souillés, les traitements oncologiques palliatifs avec les espoirs et les accablements, les soignantes les moins bien formées et leurs conditions de travail les reléguant dans la catégorie des travailleuses précaires… (Foley et al. Anchisi, 2018, 2016 ; Foley & al. 2019).

Pour la sociologue, ces interviews représentent autant de souvenirs de tous ordres et font surgir des émotions diverses ou des sentiments mitigés, notamment sur l’impuissance ressentie, témoin d’injustices, de souffrances. Des rires aussi, des complicités, des entretiens se terminant par la visite de la maison ou du jardin parce que la confiance s’est tissée, un café offert ou un départ les mains chargées de confitures, de champignons, de photos... Qu’en est-il alors pour celle qui retranscrit ces moments de vie à distance, ces paroles désincarnées et sans spatialité, avec pour seul repère les voix et leurs intonations marquant des échanges auxquels elle n’a pas participé ?

C’est en reparlant de tout cela avec elle que j’ai compris que ces vies avaient aussi une existence au moment de la transcription. Cet exercice pourrait passer pour un travail facile, technique, sans intérêt. De fait, ce n’est pas tout à fait le cas.

D’abord, c’est Isabelle qui le souligne, « il faut se faire à divers accents », notamment dans le cas d’aides-soignantes allophones. Il s’avère donc nécessaire de faire des allers-retours, reprendre le sens de la phrase, reconstruire le discours, parfois laisser les blancs. Puis, les histoires des interviewé·e·s se font jour, « dans le cas de l’oncogériatrie par exemple [patient·e·s de plus de 70 ans atteints de cancer et suivant un traitement palliatif] par recoupements, je les ai retrouvés dans le journal à la rubrique décès » ; les indices l’aident à tisser l’hypothèse que c’était eux ou elles. Fugace peut-être, l’histoire des interviewé·e·s marque la transcriptrice de leur passage.

Dans certains cas, Isabelle entre dans leurs récits, « je me réjouis d’y retourner, de les retrouver, pour avoir la fin de l’histoire, comme si je suivais une sorte de miniséries » ; là encore, je n’avais pas imaginé que certaines histoires créaient pour elle un ensemble, une sorte de fil rouge, une famille d’entretiens. Enfin, elle m’a confié qu’à l’écoute des propos, toutes les émotions y passent : « il m’est arrivé de rire, de pleurer ». À ce sujet, elle se souvient notamment « de la voix d’un homme qui tremblait, je savais qu’il allait craquer. En fin d’entretien, il a pleuré ». Sans les connaitre, elle s’attache à telle ou telle figure. Isabelle dit aussi que, via les entretiens, elle a découvert de nouveaux mondes. Toutefois, des échanges ont été difficiles à retranscrire, débouchant sur un sentiment de solitude, sans débriefings possibles.

Un travail de l’ombre

Comme chercheur·se·s, on s’obstine à répéter que le travail de transcription représente le premier pas vers la catégorisation et l’analyse alors que le plus souvent, ce sont d’autres qui effectuent le travail, diversement identifié·e·s, voir totalement inconnu·e·s. Pourtant ces tâches de scribe, laborieuses, précieuses, de transcription du souffle matérialisé sont bel et bien essentielles à la recherche. Elles sont peu ou pas reconnues, classées au nombre des travaux de l’ombre, réalisées fréquemment par des femmes.

En réabordant toutes ces années, ces constats et questionnements, avec Isabelle — notre contrat se termine pour cause de retraite pour moi, bientôt pour elle — j’ai pris conscience que tous ces entretiens, rendus anonymes par l’exigence de la recherche, ont conservé, à des degrés divers, des traces dans l’existence de l’une et de l’autre, selon nos sensibilités et nos histoires respectives. Je m’en suis rendu compte tard, trop peut-être. Ce texte tâche de faire amende honorable, il souhaite rendre, autant que faire se peut, justice à son travail.  

Bibliographie

  • Anchisi A., Les souillures du grand âge, entre délégation et dénégation, in. Le social à l’épreuve du dégoût, sous la direction de Dominique Memmi, Gilles Raveneau et Emmanuel Taïeb, Presses Universitaires de Rennes, 2016, pp. 127-137.
  • Anchisi A., Les mains, le cœur, la tête ou le difficile exercice du métier d’auxiliaire polyvalente, in. Aides-soignantes et autres funambules du soin, entre nécessités et arts de faire, sous la direction de Annick Anchisi et Eric Gagnon, Presses Universitaires de Laval et les éditions de l’eesp, 2018.
  • Beaud S., Weber F., Guide de l’enquête de terrain, Paris, La Découverte, 2003.
  • Bourdieu P. (dir.)., La misère du monde, Paris, Seuil, 1993.
  • Foley R-A., Lechevalier Hurard L., Anchisi A., Anchisi S., Rising to the medication’s requirements: The experience of elderly cancer patients receiving palliative chemotherapy in the elective oncogeriatrics field, Social Science and Medicine, vol 242, 2019, 112593. 
  • Kaufmann J-C., L’entretien compréhensif, Paris, Nathan, 1996.
  • Masson E., Haas V., Dire et taire : l’intersubjectivité dans l’entretien de recherche, in Bulletin de psychologie, 2010, pp. 5-13.
  • Riondel A., l’alpha et l’oméga » : la place des clients dans l’activité professionnelle des traducteurs indépendants à Genève, in. Parallèles, 2020, pp. 32-46.
  • Schirrer M., Schmitt D., Les émotions dans l’activité de recherche. Le cas de la conduite d’entretiens, in Corps, 2016, 14, pp. 249-258.

Cet article appartient au dossier Intimité(S)

Comment citer cet article ?

Annick Anchisi et Isabelle Reichenbach, «Écrire l’oral, étape essentielle à la recherche», REISO, Revue d'information sociale, publié le 5 septembre 2022, https://www.reiso.org/document/9515

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