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Quand les bénéficiaires collaborent…

Lundi 26.10.2020
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Les structures «bas-seuil» cumulent tous les critères de risque en temps de pandémie. Elles sont en général sous-dotées en personnel et en moyens financiers. Avec la distance sociale imposée par le Covid-19, l’action basée sur la proximité et le lien social a été totalement réinventée.

Par Sylvie Goumaz, responsable pédagogique, et Eric Mullener, directeur, La Tuile, Fribourg

Les structures « bas-seuil » d’accueil d’urgence sont caractérisées par la «volatilité» du public, sa précarité sociale et économique, son absence de sécurité sociale et assurancielle et son état de santé parfois défaillant. La diminution drastique de la capacité d’accueil (de 30 à 15 places) pour respecter les normes de distanciation a été la mesure la plus contraignante pour La Tuile. Dès lors, plus de marge de manœuvre ! Pourtant, c’est dans ce contexte que les éducateurs et éducatrices ont constaté et témoignent d’une dynamique impressionnante de collaboration, particulièrement constructive, avec les usagers !

En effet, dans une structure fragilisée, une participation citoyenne des accueillis à l’« effort de guerre » a représenté un élément facilitateur pour toute l’équipe. L’institution cravachait pour rester ouverte, le travail a été reconnu par ses bénéficiaires, ouvrant la voie à une perception finalement positive de cette situation sanitaire.

Les limites du suivi à distance

Pour les locataires des logements accompagnés, les entretiens téléphoniques ont remplacé en partie la présence des éducateurs et éducatrices. Ce lien a été maintenu régulièrement sans trop de difficultés, les locataires étant plutôt content·e·s et rassuré·e·s par ce contact régulier, d’autant plus que leur réseau habituel était difficilement accessible. Toutefois, l’intervention socio-éducative à distance a clairement montré ses limites, car si elle a assuré le maintien du lien et le suivi des « affaires courantes », elle n’a, à l’évidence, pas permis de faire évoluer les situations personnelles des locataires.

L’urgence de notre intervention a été l’information et la sensibilisation. Difficile pour nos bénéficiaires de se distancer de leur propre situation et d’adopter des mesures de protection s’adressant aux colocataires ou au reste de la société.

Les habitudes dans le confinement

Au fort de la crise, outre la difficulté du travail à distance, nous n’avons pas repéré de changements notables des situations des bénéficiaires qui semblent s’être adapté·e·s tant bien que mal à ce nouveau contexte. Certains locataires ont même affirmé que le confinement n’avait que très peu modifié leurs habitudes.

C’est en mai et juin, lors de la reprise de l’accompagnement « ordinaire » que nous avons constaté certains effets négatifs. Ils ont pris différentes formes.

  • Une reprise de la consommation d’alcool et/ou de drogues
  • Un « laisser-aller » en matière d’entretien du logement
  • Un repli sur soi, des difficultés à communiquer
  • Une perte de motivation, une incapacité à se projeter

L’objectif du logement pérenne

La situation sanitaire exceptionnelle a mis en lumière la flexibilité d’une équipe déjà rompue au quotidien à l’exercice de l’urgence : adaptabilité, imagination, travail dans l’inconfort, etc. Autant de caractéristiques qui représentent les éléments constitutifs du capital humain de ces équipes. Ces compétences sont activées chaque nuit d’accueil, chaque jour dans les structures résidentielles. Maintenant, elles sont de plus certifiées transposables en cas d’épidémie !

La situation a confirmé la justesse des concepts généraux : garantir l’urgence à tout prix, tendre à la domiciliation et, donc, passer du travail communautaire à l’aide individuelle en garantissant un logement pérenne. En tout temps, ne pas considérer l’urgence comme finalité de l’intervention.

Dans notre association, l’offre résidentielle a dépassé l’accueil d’urgence en 2017 déjà. Sans tout ce travail qui a été fait en amont, sans la mise à disposition de logements aux usagers et usagères du « sleep-in », la situation aurait été ingérable.

Cet article appartient au dossier spécial «Travail social et Covid-19» coordonné par la Haute école de travail social Fribourg et REISO.

Comment citer cet article ?

Sylvie Goumaz et Eric Mullener, «Quand les bénéficiaires collaborent…», REISO, Revue d'information sociale, mis en ligne le 26 octobre 2020, https://www.reiso.org/document/6545