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Argent et couples de même sexe, enjeu identitaire

Lundi 30.09.2024
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Sans modèles établis d’organisation financière, les couples homos cherchent à réinventer leurs pratiques économiques, loin des schéma hétéronormés. Une étude analyse comment leurs choix reflètent des valeurs d’égalité et d'indépendance.

Par Caroline Henchoz, professeure HES ordinaire, et Stéphanie Monay, collaboratrice scientifique, HETSL (HES-SO)

« Je savais que l'argent était un sujet clé pour comprendre bien des choses dans le monde, mais je n'avais pas totalement pris conscience que c'était aussi le cas dans la construction de mon identité de gay, et a fortiori de papa queer. » Ben, 39 ans, marié, un enfant

Le champ de la recherche francophone sur l’homosexualité s’est surtout intéressé à l’émergence du désir d’être parent, aux relations familiales, aux normes de genre et de parenté (Gross & Courduriès, 2015). Les études sur l’organisation financière des couples de même sexe sont peu nombreuses et proviennent essentiellement des Etats-Unis et des pays d’Europe du Nord (Brahma et al., 2023). Elles relèvent que comparativement aux couples hétérosexuels, les partenaires de même sexe connaissent moins de différences de salaires et d’inégalités dans la répartition du travail rémunéré et non rémunéré. Iels feraient également preuve de plus d’inventivité, d’égalité et d’indépendance dans leur organisation financière. Mais qu’en est-il des couples suisses ?

Cet article présente les premiers résultats d’une recherche menée à la HETSL [1] en 2024. Celle-ci repose sur 29 entretiens recueillis auprès de quinze femmes, treize hommes et une personne non-binaire s’identifiant comme vivant avec une personne de même sexe, âgé·es de 25 à 50 ans. La moitié des personnes rencontrée sont en couple depuis plus de neuf ans. Leur état civil et composition familiale varient. La plupart des participant·es a suivi une formation de degré tertiaire et exerce une profession intermédiaire, intellectuelle ou d’encadrement. Les premiers résultats de cette recherche ont été soumis à un panel d’expert×es (professionnel·les, associatif·ves, académiques et d’expérience) afin d’aider à l’interprétation et identifier des pistes de recherche et des recommandations.

Inventer son organisation financière ?

Contrairement aux couples hétérosexuels, les couples de même sexe ne disposent pas de modèles d’organisation financière facilement accessibles. En outre, la plupart d’entre eux refusent de s’inspirer des exemples financiers hétéronormés principalement fondés sur la figure de « Monsieur gagne-pain ». À leurs yeux, ils comportent des dimensions de pouvoir et d’inégalités à éviter.

« C'est un peu le risque, on n'a pas tellement de modèles, en fait. Ça tourne souvent vers un truc, soit très… comment dire ça… aléatoire et expérimental : on met un peu de sous, on fait au prorata, ou alors on fait comme-ci comme-ça. Ou alors ce sont vraiment des structures hyper hétéronormées, où il y a quand même quelqu'un qui prend la place du dominant, puis quelqu'un qui prend la place dominée. » Lana, 36 ans, célibataire, sans enfant

L’organisation financière souhaitée vise à concrétiser les valeurs rattachées à la conjugalité contemporaine présentes dans la plupart des récits : l’égalité, l’indépendance et la solidarité. Si ces valeurs ne sont pas différentes de celles qui sont privilégiées par les couples hétérosexuels (Henchoz, 2008), elles prennent une dimension politique qu’on ne retrouve pas chez ces derniers.

« Quand même, on fait des combats pour l'égalité des droits, on serait un peu incohérentes de ne pas démontrer ça dans le cadre de la famille, où on peut démontrer l'égalité. » Livia, 36 ans, célibataire, sans enfant

Si l’égalité parait d’autant plus facile à mettre en place que les couples de même sexe n’ont a priori pas à négocier avec les différences de genre (Clarke et al., 2005), elle peut aussi être vécue comme une forme d’injonction à l’exemplarité. Les couples de même sexe se veulent irréprochables afin d’éviter tout risque de stigmatisation. Ils vont donc tout mettre en place pour « dégager [une] image positive et égalitaire », comme le relève Alie (27 ans, célibataire sans enfant). Leur organisation financière doit également la refléter. Cette gestion n’est toutefois pas simple à inventer et nécessite beaucoup de discussions et d’échanges, mais aussi plus d’essais :

« J'ai l'impression que dans les couples gays… […] c'est moins " simple ", et en même temps, c'est plus transparent. […] Il y a une manière plus saine et plus compliquée malheureusement de gérer l'argent, mais qui évite ces non-dits, ces habitudes sociales, cette socialisation genrée où de toute façon c'est l'homme qui gagne le plus, donc on met tout ensemble sur le même compte et tout le monde prend là-dessus. » Lissandro, 34 ans, célibataire, sans enfant

Une organisation financière pas si différente

Malgré une volonté de s’organiser différemment, les modes de gestion des couples de même sexe sont proches de ce que l’on peut observer chez les couples hétérosexuels cohabitants sans enfant : la plupart des personnes interrogées a adopté une gestion indépendante ou une mise en commun partielle de l’argent (Burgoyne et al., 2011; Gross & Courduriès, 2015). Dans le premier cas, les avoirs sont gérés individuellement et aucun·e partenaire n’a accès à l’ensemble des finances du ménage. Dans le second, une partie des revenus est regroupée et sert à payer les dépenses communes.

Comme pour les couples hétérosexuels, la mise en commun est liée à la durée du couple, au fait de vivre ensemble, à la présence d’enfant(s) ou à une union civile (voir aussi Burgoyne et al., 2011). En ce sens, au sein des couples hétéro- ou homosexuels, la gestion de l’argent n’est pas seulement une question financière, c’est aussi un symbole visible de confiance, de solidarité et d’engagement conjugal (Henchoz, 2008; Marcus, 1998).

« Ça a été [l’ouverture d’un compte commun], je me souviens, un pas dans notre couple, aussi symboliquement. […] « On passait un niveau », si on peut dire ça comme ça. […] Ça officialise encore plus quelque chose, alors qu'on était déjà officiellement en couple. Enfin, je ne sais pas comment expliquer. C'est marrant, le rapport à l'argent, comme ça peut des fois sceller quelque chose, officialiser un truc. » Ludovic, 31 ans, célibataire, sans enfant

Dans un contexte où les couples homosexuels sont légalement reconnus depuis peu [2], la mise en commun des revenus, qui se traduit souvent par l’ouverture d’un compte commun, n’a rien d’anodin. Elle implique une forme de coming out, a minima auprès des institutions bancaires, et une dimension identitaire : c’est une forme de validation de la relation conjugale (Bailey & Jackson, 2005) et de positionnement social (Costechareire, 2008).

« Du coup, on a ouvert un compte commun plus pour « le regard des autres ». […] Et puis du coup, on se marie, on ouvre un compte commun. Ça allait un peu dans le move, dans l'ensemble. On fait une famille, on a un compte commun. » Christiane, 40 ans, mariée, deux enfants

Ainsi, malgré une volonté de s’en distancer, se rapprocher des modèles financiers conjugaux hétérosexuels dominants peut constituer une forme de normalisation de la relation conjugale, dans le double sens de « standardisation » et de « régulation » (Broqua & De Busscher, 2003 : 26).

Des rapports de pouvoir difficiles à éviter

Malgré leur volonté de ne pas reproduire les rapports de pouvoir perçus au sein des couples hétérosexuels, les couples de même sexe se heurtent aux mêmes difficultés face aux disparités de revenus. Dans nos sociétés capitalistes où l’argent reste la ressource la plus valorisée socialement, on observe ici aussi des droits et privilèges réservés à la personne la mieux dotée financièrement (Henchoz, 2014).

« Elle avait un petit peu plus d'argent, elle avait plus de dépenses donc moi je ne pouvais rien dire par rapport à ses dépenses, même si maintenant je ne dis toujours rien, mais je ne pouvais pas en fait, à l'époque. […] J'aurais un petit peu plus de légitimité maintenant à lui dire : "Oh tu n'as peut-être pas besoin d'acheter ça", alors qu'à l'époque, jamais je ne me serais permise ça, parce que déjà moi je n'avais pas grand-chose. » Anita, 28 ans, mariée, sans enfant

Comme le relève Anita, les individus plus dotés financièrement au sein du couple ont souvent droit à davantage de dépenses et d’argent personnels, mais aussi à une meilleure visibilité, et par conséquent reconnaissance, de leur contribution. En effet, iels financent généralement les dépenses visibles comme les factures et les gros achats (meubles, véhicules) alors que les moins doté×es économiquement consacrent leur argent aux dépenses moins tangibles et mesurables, comme les frais quotidiens liés à l’alimentation et aux soins. Ces droits n’ont pas besoin d’être revendiqués, ils sont souvent accordés implicitement par les moins doté×es qui se sentent peu légitimes à utiliser un argent qu’iels n’ont pas gagné, ou encore qui estiment qu’il faut compenser leur apport monétaire inférieur par un investissement supérieur en travail domestique :

« Il faut dire que pendant cette période, je faisais tout le ménage parce que je travaillais moins d'heures. Je faisais tout le ménage, toutes les courses et tout ça. Comme ça, le week-end, on était dispo pour faire des choses ensemble. C'était aussi un moyen de compenser pour le fait que je ne payais pas vraiment ma part. » Ethan, 38 ans, marié, sans enfant

Les rapports de pouvoir au sein des couples hétérosexuels sont bien conscientisés par les personnes rencontrées, ce qu’on peut lier à leur capital culturel important. Néanmoins, ils sont plus compliqués à reconnaitre au sein des couples de même sexe car la peur de la stigmatisation reste présente.

« Il faut se dire les choses parce que, des fois, on a aussi un peu peur dans le milieu gay de dire les choses qui pourraient ne pas marcher chez nous […]. Parce que sinon les gens, ils vont dire : "Ah voilà, bien sûr ! On avait raison de dire qu'ils étaient malades". Alors du coup on va masquer, on va faire semblant d'être mieux que les autres, on va masquer ce qui ne va pas. » Luc, 37 ans, célibataire, sans enfant

Couples de même sexe : le genre persiste

Les couples de même sexe sont aussi concernés par les rapports de genre. Par exemple, les couples lesbiens connaissent des revenus plus faibles et plus de précarité que les couples gays (Alonso-Villar & del Río, 2023). On observe également que les moins doté×es financièrement ont tendance à adopter les rôles plutôt assignés aux femmes dans les couples hétérosexuels, comme la gestion des dépenses courantes et les tâches domestiques.

Par ailleurs, il semble que les couples gays valorisent en priorité l’indépendance financière. Cela se traduit par un accent important mis sur la capacité des deux partenaires à être autonomes financièrement, ce qui peut être interprété comme le fruit d’une socialisation financière masculine marquée par la figure du pourvoyeur masculin de revenus. Chez les couples de femmes, le souci d’équité et de solidarité semble dominer tous les aspects de la vie quotidienne. Cela se concrétise par la mise en place de dispositifs financiers visant à éviter au maximum l’inconfort de la moins aisée financièrement, par exemple en cherchant à favoriser un accès et un contrôle identiques sur l’argent entrant dans le ménage ou en partageant le pouvoir de décision (Burns et al., 2008).

Une invisibilité aux conséquences multiples

L’organisation financière des couples de même sexe s’inscrit dans un agencement en constante recherche d’équilibre entre volonté d’exemplarité en termes d’égalité, d’indépendance financière et de solidarité, et minimisation du risque de stigmatisation. Cela conduit à une absence de visibilité des organisations et enjeux financiers spécifiques aux couples de même sexe qui n’ont été qu’effleurés ici.

Cette invisibilité a des conséquences multiples. Les couples de même sexe ne disposent pas de modèles financiers et doivent les créer dans un contexte où l’ensemble des représentations et outils (notamment bancaires) à disposition sont fondés sur le modèle hétérosexuel. Outre les infrastructures financières, les dispositifs d’accompagnement sociaux ne sont pas toujours adaptés à leurs besoins. Par exemple, cette recherche met en évidence le cumul de certains risques financiers durant le parcours de vie rattachés notamment au coming out (perte du soutien financier des parents, discriminations aux études ou au travail [3]) ou aux coûts élevés de l’accès à la parent(alit)é encore mal identifiés [4].

Bibliographie citée

[1] HES-SO, fonds Gendered Innovation. Pour en savoir plus. Rapport de recherche à venir

[2] Le mariage civil et l’adoption conjointe sont ouvertes aux couples de même sexe depuis 2022, le partenariat enregistré fédéral depuis 2007.

[3] Voir Parini and Lloren (2017).

[4] Créé par l’un des participants à la recherche, le podcast Papa GPA mentionne, dans son quatrième épisode intitulé « Argent, pouvoir, famille », l’étude discutée dans cet article. Lien vers l’épisode


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Comment citer cet article ?

Caroline Henchoz et Stéphanie Monay, «Argent et couples de même sexe, enjeu identitaire», REISO, Revue d'information sociale, publié le 30 septembre 2024, https://www.reiso.org/document/13151