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«Les propos LGBphobes sont réprimés en tant que tels»

Mercredi 06.12.2023

La deuxième édition de la brochure sur les droits des personnes LGBT fait état de changements importants. Le point en trois questions à Camille Montavon, docteure en droit et co-responsable de la Law Clinic.

(REISO) La nouvelle version de la brochure « Les droits des personnes LGBT » [1] rappelle que, depuis 2020, le code pénal punit enfin les propos LGBphobes tenus en public. Rien n'était puni auparavant ?

camille montavon unige reiso 170Camille Montavo © UNIGE(Camille Montavon) Avant le 1er juillet 2020, les propos homophobes et biphobes formulés en termes généraux échappaient en effet à la répression pénale. Il était donc possible d’affirmer publiquement que les personnes homosexuelles sont déviantes, par exemple. S’ils visaient une personne déterminée, ces propos pouvaient être sanctionnés en tant qu’atteintes à l’honneur, mais pas spécifiquement comme propos discriminatoires en raison de l’orientation sexuelle. Avec la révision de l’article 261bis du code pénal, ils sont désormais réprimés en tant que tels, c’est-à-dire en tenant compte de cette composante discriminatoire. Avec cette modification de la loi, l’État envoie aussi un message à la société, en déclarant qu’il n’est pas légitime de discriminer des personnes en raison de leur orientation sexuelle.

Ce nouvel article ne protège cependant pas les personnes trans, pourquoi ?

Effectivement, le Parlement a renoncé à inclure l’identité de genre dans la norme, au motif que la notion était trop floue et incompatible avec les exigences de précision de la loi pénale. Ceci est discutable, car l’identité de genre a une assise en droit international et car l’application de l’art. 261bis ne dépend pas d’une définition universelle de cela. L’argument semble donc traduire davantage un manque de volonté politique qu’une difficulté juridique. D’autres pays ont d’ailleurs ajouté ce critère dans leur droit.

Y a-t-il d’autres améliorations juridiques à envisager dans les années à venir pour mieux protéger les membres de la communauté LGBT ?

Au-delà de l’extension de l’art. 261bis CP à l’incitation à la haine et la discrimination fondées sur l’identité de genre, il y a certaines évolutions qui peuvent être envisagées en matière de filiation. Le mariage pour toutes et tous a permis l’accès à procréation médicalement assistée pour les couples de femmes. Si l’enfant a été conçu selon une méthode autorisée en Suisse (une insémination avec don de sperme de tiers), le lien de filiation est automatiquement établi avec les deux mères. Mais si les épouses se rendent à l’étranger pour réaliser leur projet de parentalité, par exemple pour recourir à un don d’ovocyte de l’une à l’autre, seule celle qui donne naissance à l’enfant en Suisse est reconnue juridiquement comme sa mère. L’autre devra l’adopter, après un délai d’une année. Ce délai crée une insécurité juridique et est difficilement justifiable. Sa suppression fera certainement l’objet de débats au Parlement. Par ailleurs, les hommes mariés peuvent adopter, mais ne peuvent recourir à la gestation pour autrui, puisque cette méthode est interdite dans notre pays, comme le don d’ovules.

Les personnes de la communauté LGBT restent particulièrement exposées à différentes formes de discriminations et de violences.

On peut aussi imaginer que se pose la question de la reconnaissance d’un troisième genre à l’État civil. Enfin, l’opportunité d’interdire les thérapies de conversion au niveau fédéral sera vraisemblablement discutée prochainement au Parlement. Ce sont quelques exemples de ce qui peut encore être fait pour améliorer la situation juridique des personnes LGBT, encore particulièrement exposées à différentes formes de discriminations et violences.

(Propos recueillis par Yseult Théraulaz)

Consulter la brochure D. Carron et al. (dir.), « Les droits des personnes LGBT » (2e édition), Université de Genève, 2023, 175 pages

[1] La brochure est publiée par la Law Clinic sur les droits des personnes vulnérables de l’Université de Genève.