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Livre / "Brain on Fire : My Month of Madness", recension par Jean Martin

Jeudi 16.04.2015

Lecture suggérée :

Brain on Fire - My Month of Madness

Susannah Cahalan, New York : Simon and Schuster, 2013, 273 pages.

Recension par Jean Martin

Aux prises avec une maladie auto-immune méconnue

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Cet ouvrage est le récit autobiographique de Susannah Cahalan, une journaliste du New York Post qui, au début 2009, alors âgée de 24 ans, est atteinte de troubles d’allure neuro-psychiatrique qui ont représenté une énigme pour le New York University Langone Medical Center et sa division d’épileptologie. Après de multiples examens infructueux (« tout est normal »), c’est une biopsie de cerveau qui a permis aux médecins (notamment les neuropathologistes S. Najjar et J. Dalmau) de conclure à une maladie auto-immune, la Anti-NMDA receptor encephalitis, pouvant être traitée par une thérapeutique comprenant des stéroïdes, une plasmaphérèse et des immunoglobulines par voie intraveineuse. Si Susannah Cahalan dit avoir été le 217e patient pris en charge, des milliers de nouveaux patients ont depuis lors également été diagnostiqués et plusieurs fondations consacrées à ce type de maladies ont vu le jour* ; le « First International Symposium on Autoimmune Encephalitis s’est tenu en mars 2014 à Durham, North Carolina – avec pour but de développer un consensus sur une définition et des critères diagnostiques. La parution de ce livre et les interviews très médiatisés à son sujet ont occasionné d’importants retentissements qui ont permis de mieux faire connaître les encéphalites auto-immunes. Des centaines de personnes/familles se sont adressées à l’auteure en racontant leurs parcours, marqués eux aussi par les incertitudes médicales, les transferts d’un service à l’autre (neurologie, psychiatrie), le manque de connaissances sur ces maladies et leur traitement.

Après quelques semaines de comportement surprenants et un « mois de folie », et une fois le traitement instauré, Susannah Cahalan s’est progressivement rétablie et a repris son métier, quelques huit mois plus tard. Elle décide alors d’écrire son histoire en s’adonnant à un travail conséquent de recherches pour tenter de reconstituer les faits : elle recueille des informations auprès de ses proches, grâce à leurs témoignages et aux notes qu’ils avaient alors rédigées (elle-même n’a pas de souvenir de la période critique), en interrogeant les médecins, en étudiant son dossier médical ou encore en s’intéressant à la littérature scientifique. Dans cette autobiographie, l’auteure consacre une large partie à la description, parfois anecdotique, de sa vie depuis les premières manifestations surprenantes, succédées ensuite par les crises épileptiformes ou de type psychotique. L’aggravation de son état demandera l’hospitalisation. Au final, c’est une biopsie de cerveau qui donnera la réponse et un traitement d’immuno-modulation sera mis en œuvre.

La dernière partie de l’ouvrage aborde des problématiques plus générales dans plusieurs chapitres dont l’un est intitulé « Survivor’s Guilt ». A juste titre sans doute - mais des évaluations quantitatives seraient bien difficiles, Susannah Cahalan se demande combien de (milliers de) patients dans le passé ont été étiquetés comme atteints de schizophrénie ou de maladies dégénératives diverses alors qu’ils souffraient en réalité d’une telle encéphalite. Elle discute les situations lourdes, frustrantes, de personnes présentant une maladie manifestement grave mais sur laquelle on ne parvient pas à poser de diagnostic (le livre est d’ailleurs dédicacé aux patients sans diagnostic). Suite aux échos médiatiques de son histoire, elle relève le soulagement exprimé par les personnes et milieux concernés : celui de savoir que ce type de maladie bénéficie enfin d’un peu d’attention et que l’information à son égard devient disponible en plus grande qualité et quantité.

Nous retiendrons de cet ouvrage notamment deux citations : « Je vis avec ce refrain constant : pourquoi mon corps a-t-il décidé de se retourner contre lui-même ? Pourquoi chez ceux qui sont touchés et pas les autres ? » Et, à propos du premier médecin consulté - qui a jugé qu’elle était sous l’effet d’un sevrage aigu d’alcool : « Ce neurologue connu n’avait jamais entendu parler de cette maladie. En quelque sorte, il est l’exemple de ce qui ne va pas en médecine. Il est le produit d’un système qui oblige les médecins à ne passer que quelques minutes avec chaque patient. Je peux me considérer heureuse, alors que mon cas était exceptionnel et demandait patience et attention individualisée, de n’avoir pas été victime de cette situation. Je réalise à présent que ma survie, ma guérison – ma capacité à écrire ce livre – est la partie étonnante. » (« is the shocking part »). Il ne s’agit pas de jeter indûment le blâme, mais le fait est que les porteurs d’affections méconnues ont probablement besoin, plus souvent que d’autres, d’une dose de chance pour que le diagnostic soit posé et que la bonne thérapeutique soit entreprise en temps utile.

Jean Martin , ancien médecin cantonal vaudois et membre de la Commission nationale d’éthique

*Autoimmune Encephalitis Alliance, site internet ; the Anti-NMDA Receptor Encephalitis Foundation, site internet ; The Encephalitis Society, site internet

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