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«Le Festival Visages invite à humer les saveurs du quotidien»

Vendredi 14.10.2022

Du 11 au 18 novembre à Martigny, le Festival Visages vit sa dixième édition. Sept lieux accueilleront la projection de plus de quarante films et la participation de quinze réalisateurs et réalisatrices.

olivier taramarcaz 170Olivier Taramarcaz © LDD

Initiateur et compositeur du Festival Visages, Olivier Taramarcaz revient sur les particularités d’un festival qui se veut proche des gens et voué à susciter la curiosité des spectatrices et spectateurs. Interview.

(REISO) Le festival Visages fête sa dixième édition. Sa vision est-elle la même qu’au début ?

(Olivier Taramarcaz) Depuis sa 1re édition en 2006, le Festival Visages a projeté 365 films sur les temps de la vie, les relations entre générations, l’art de vieillir : soit une invitation par jour, à s’émerveiller, à se lever pour offrir des fleurs, à s’élancer dans un pas de danse. Les films sont projetés au cœur de la cité : chez une fleuriste, chez une vigneronne, dans une galerie d’art, dans une cave de concerts… Un parcours dans la ville comme un parcours dans la vie. Le festival garde le même fil rouge depuis le début : faire découvrir des histoires de vie humbles ; porter un regard sur les manières de composer la vie.

Quelle est la saveur particulière de la programmation 2022 ?

Visages invite à humer les saveurs du quotidien, à considérer la vie comme un art floral. Cet art se décline dans le regard d’hommes et de femmes de la terre, d’artistes, d’aventuriers du présent, évoquant leur parcours, ce qu’ils ont appris au travers de leur vie, les notes inventées, les tonalités de leur histoire. Trois thématiques sont à l’affiche : la valeur première des biens relationnels, de la convivialité, de la générosité, par le fait de vivre sa vie comme un morceau de pain à partager ; la solidarité dans le corps à cœur avec le réel, par le récit de vie de personnes en situation de perte, de vulnérabilité, transformant les épreuves en chemins d’espérance ; l’imaginaire à l’œuvre dans la vie d’artistes, musiciens, comédiens, photographes, ouvrant des fenêtres, jouant sur le do du piano, dessinant la terre du ciel, regardant un arbre en distinguant les notes d’un violon.

Quels films sont pour vous incontournables ?

Participer à un festival est indissociable d’une démarche de curiosité, d’une attitude d’ouverture au fait de se laisser surprendre, par une programmation de films pour la plupart peu ou pas connus. Chaque film porte une empreinte singulière. En voici quelques-uns à ne pas manquer : Jacques Guhl, 100 ans, partage sa vie de poète, de comédien, de footballeur, dans un dialogue avec sa fille Geneviève, réalisatrice du film Merci Venise ; La symphonie des arbres emporte, par le projet d’un luthier de réaliser un violon. Pascal Auberson se raconte en toute intimité dans le Plan-Fixe qui lui est consacré. Le peintre Jan Jedlicka dévoile sa manière de créer des encres naturelles, dans Traces of a Landscape. Quatre cinéastes revenant sur leur terre, parcourent les routes du Soudan, projetant des films sous les arbres, dans Talking about Trees. My Kid/Here we are nous fait voyager dans la relation attachante, complice entre un père qui a consacré sa vie à son fils, autiste. L’art du silence invite à une forme de langage portée par Marcel Marceau. Pan Nalin a réalisé une œuvre magistrale avec Last film show, en partie autobiographique : un enfant de 9 ans découvre comment la lumière devient image, en fréquentant un cinéma.

(Propos recueillis par Céline Rochat)

Le Festival Visages par Olivier Taramarcaz

Les générations s’inscrivent dans un lien de proximité, de réciprocité, de bienveillance, de solidarité sociale et affective. Elles se forment par le côtoiement, dans la durée. Au croisement des saisons de la vie, l'attachement à l'identité par les racines, produit une espérance créatrice.

Quand j’étais enfant, j’occupais une part de mon temps dans le grenier de mes grands-parents. Cet espace de jeu m’a ouvert à des mondes nouveaux, me reliant à la mémoire, à l’histoire, via des objets, des lettres, des albums de photos dénichés dans des malles oubliées. J’ai ainsi découvert un temps enraciné dans une histoire. C’est en quelque sorte le projet du festival visages : partager un film comme l’on partage un morceau de pain à la table de l’amitié.

Reconnaître le visage de l’autre

Edmond Marc Lipiansky parlant de l’identité relationnelle, écrit : « Autrui est, aux différentes étapes de la vie, un miroir dont chacun a besoin pour se reconnaître lui-même ». L’auteur des proverbes a exprimé la même pensée : « Comme dans l’eau, le visage répond au visage, ainsi le cœur de l’homme répond au cœur de l’homme. » (Proverbes 27.19) Le festival visages s’inscrit dans cette ligne : apprendre de l’autre, donner la primauté au relationnel. Cela signifie accepter de se raconter, de transmettre, dans le dialogue, dans la réciprocité, dans la bienveillance.

Marcel Proust a écrit dans « Le temps retrouvé » : « Une heure n’est pas qu’une heure, c’est un vase rempli de souvenirs, de parfums, de sons et de climats. » Ainsi lorsque nous nous posons la question : quel monde laissons-nous à nos enfants ? La réponse dépend de ce que nous leur avons légué. Dès lors, une autre question émerge : quels enfants vont construire le monde de demain ? Avec quelle histoire ? Avec quelles racines ? A partir de quelles traces ? De quels souvenirs ?

talking about trees 400© « Talking about Trees », Documentaire de Suhaib Gasmelbari ; Lundi 14 novembre, 18h, Cinéma Casino Martigny

Donner la parole à la vie

Le Festival Visages invite à nous rapprocher de ce qui nous est proche. Les thèmes des films rejoignent les grandes questions : l’art de vieillir ; la transmission entre générations et entre cultures ; les enjeux de la migration ; l’impact des pertes dans nos vies. Les films du festival ouvrent vers un voyage intérieur. Ils donnent la parole à la vie.

Chaque vie est habitée par tous les instants vécus. Dès lors, chaque instant est toute une vie. Evoquer un instant, c’est non seulement parler de cet instant, mais de ce que je suis, de ce que cet événement fait que je suis qui je suis. La relation intergénérationnelle convie non seulement à se rapprocher de l’autre, mais à se rapprocher de soi, pour explorer des manières de se dire, de se lire, en présence de l’autre.

Apprendre à regarder

Le Festival Visages reflète le visage de personnes humbles, acceptant de se révéler. Une belle manière d’accorder de la valeur aux choses simples. Les choses simples se manifestent dans le quotidien des relations, dans les projets que nous menons avec les autres, dans la manière de vivre une épreuve, dans le fait de considérer la vie comme une aventure. Comment orienter nos actions en vue de rendre possible un monde ouvert ? L’imaginaire au cœur de la vie, le chemin choisi par le festival visages, ouvre la fenêtre d’un cœur à cœur avec la vie.

Dans un récit, il y a tout à la fois dans une même phrase. Comme dans un concert, la note portée dans le présent est reliée aux précédentes et reliée aux suivantes, pour former une phrase musicale. Toute relation à la fois découvre un passé, écrit un futur, parle un présent. Avant la parole, la première langue c’est la présence. La parole s’appuie sur la qualité de la présence, sur le qualia, pour devenir à son tour qualia, parfum.

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