Go Top

Diversité des formes familiales : quelles conséquences ?

Jeudi 09.11.2017

Quarante ans après Louise Brown, premier « bébé-éprouvette », le Congrès de la Société suisse de psychologie, en septembre 2017 à Lausanne, a invité la Prof. Susan Golombok, du Centre for Family Research de l’Université de Cambridge, à parler du thème « Modern families : parents and children in new family forms ».

Eclairage de Jean Martin, médecin de santé publique et bio-éthicien


louise brown 1978Louise Brown née en 1978C’est en 1978 que Edwards and Steptoe permettaient la naissance du premier « bébé-éprouvette », en Angleterre. A la naissance de Louise Brown, le magazine Time avait titré « The most awaited birth in perhaps 2000 years », la naissance peut-être la plus attendue depuis 2000 ans… Cette réussite médico-technologique avait frappé les esprits, mais on n’imaginait guère les développements extraordinaires qui s’ensuivraient. De nombreuses questions étaient posées. Qu’allait être le devenir psycho-social, sociologique et juridique des enfants nés de procréation médicalement assistée (PMA) et de leurs parents. En Suisse, la Commission nationale d’éthique a publié en 2013 un rapport étoffé sur la PMA et les perspectives y relatives [1].

La qualité des relations est déterminante

Partout aujourd’hui, ces questions sont débattues. A ce stade, 6.5 millions d’enfants sont nés par fécondation in vitro. Les travaux scientifiques de S. Golombok et coll. [2] ont mis au défi certaines idées/craintes fréquentes à propos de ces nouvelles familles et du développement des enfants. Elles démontrent que les paramètres structurels familiaux (nombre de personnes concernées, genre, orientation sexuelle, liens génétiques - ou pas - des parents aux enfants) sont moins importants pour le bien-être des enfants que la qualité des relations intra-familiales [3]. « IVF families are doing well », c’est-à-dire que les enfants peuvent prospérer – ou non – aussi bien dans ces familles différentes que dans les traditionnelles. Points particuliers : dans les familles à deux mères, les « co-mothers » sont plus impliquées avec les enfants que ne le sont les pères. Plus de 90% des enfants vivant dans des familles à parents gays développent une orientation hétérosexuelle.

Une question majeure, dans ce domaine et ailleurs, est celui du secret. Les études confirment que les enfants qui ont été informés (surtout si c’est tôt, vers 4-6 ans) le vivent mieux que ceux maintenus dans l’ignorance. Est confirmé aussi que, très généralement, les enfants sentent qu’on leur cache quelque chose. « Les secrets créent des frontières, il faut promouvoir une communication ouverte », dit Golombok. Au reste, il ne s’agit pas de nier la difficulté pour des parents FIV d’en parler à leur progéniture ; mais, souvent, les parents qui n’ont rien dit à leur enfant en avaient parlé à d’autres autour d’eux !

La quête des demi-frères et sœurs

Développement aux USA : le Donor Sibling Registry, un site où les enfants nés par PMA avec don de gamète peuvent rechercher leurs demi-frères et sœurs (le maximum ainsi trouvé est de 55, mais des articles de la presse grand-public ont parfois évoqué des chiffres plus élevés!). Ce registre a plus de 55'000 membres et a permis des contacts entre 15’000 personnes concernées. Intéressant de savoir que ces enfants, devenus ados ou adultes, ont plus envie de prendre contact avec leurs « half-siblings » qu’avec le donneur de gamète. L’oratrice a aussi parlé des sentiments et relations, fréquentes, des enfants avec la mère de substitution.

Une dernière dimension, sociétale : il arrive bien sûr que des enfants de familles différentes soient l’objet de questions désagréables et moqueries, à l’école par exemple. Alors que des mots racistes seraient immédiatement sanctionnés par les maîtres, ces derniers sont moins fermes, voire mous, s’il s’agit de remarques sur les circonstances familiales. Partout, on peut encore progresser.

 

[1] Commission nationale d’éthique pour la médecine humaine (CNE-NEK). La procréation médicalement assistée - Considérations éthiques et propositions pour l’avenir. Berne : Prise de position no. 22/2013.

[2] Notamment dans le cadre de la « European Study of Assisted Reproduction Families » (ARF), puis de la « UK Longitudinal Study on ARF ».

[3] Golombok, S. (2015) Modern Families: Parents and Children in New Family Forms. Cambridge: Cambridge University Press.

L'affiche de la semaine

Dernier article

Offrir un soutien individualisé aux aidant·es
Jeudi 28.03.2024
Par Shyhrete Rexhaj, Debora Martinez, et Jérôme Favrod
Par leur action bénévole et très engagée, les proches aidant·es représentent un soutien essentiel au système de santé. Des mesures de soutien peuvent-elles être mises en place pour soutenir ces personnes assumant cette fonction épuisante?