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Euthanasie et suicide assisté: les questions qui dérangent

lundi 10.07.17
  • Euthanasie et suicide assisté. No 150 de Etudes sur la mort, Revue de la Société française de thanatologie, Bègles : Editions L’Esprit du Temps, 2016, 191 pages.

Recension par Jean Martin, médecin de santé publique et bio-éthicien


Etude sur la mort 150Ce volume compte 14 contributions dans des registres historique, philosophique, psychanalytique et sociologique. Celle du Dr Wacker, ancien médecin adjoint de l’Hôpital de La Chaux-de-Fonds offre un bon survol actuel de ce qu’il faut savoir de la situation suisse. Un article traite du Japon et un du Togo.

Dans son éditorial, Marie-Frédérique Bacqué, présidente de la Société française de thanatologie, écrit : « Nous soutenons l’idée d’une propédeutique de la mort, indispensable afin de considérer vraiment la pénible issue de notre vie suffisamment longtemps avant. Penser sa mort consiste justement à redonner de l’incertitude car, étrangement, l’incertitude fait vivre. »

Sont abordées des questions qui font trop souvent l’objet de déclarations dogmatiques. Ce que relève Anne-Lyse Chabert : « Les nuances actuelles entre le ‘laisser mourir’ - en débranchant des appareils - et le ‘faire mourir’ semblent ne relever que du ‘politiquement correct’. […] La seule différence réelle entre ces deux actions, c’est la qualité de mon propre investissement auprès de celui qui demande à mourir. […] Mais est-on contraint d’adhérer à la seconde posture proposée lorsqu’on réfute la première ? Doit-on nécessairement se jeter à corps perdu dans l’une des deux positions, dont nous venons de démontrer les confusions respectives ? »

Autre concept à examiner de manière critique, celui de l’intentionnalité. Dire que, pour être acceptable, l’aide ne doit jamais inclure une intention de mettre un terme à la vie, c’est pour une bonne part se payer de mots. Chacun est en effet conscient de la problématique du double effet, le soulagement efficace peut induire la fin, notamment avec la sédation terminale admise en France depuis 2016.

Il convient encore de mettre en lumière le rôle des progrès des techniques et moyens médicaux, qui font qu’une existence a minima peut être maintenue longtemps pour des patients « qui n’en finissent pas de mourir ». C’est là un aspect très pratique sans doute, guère « sophistiqué », mais c’est une dimension de la fin de vie de beaucoup de nos concitoyens et elle doit être incluse dans la réflexion.

Dernier texte de l’ouvrage, une interview substantielle du Dr Alexis Burnod, de l’équipe mobile de soins palliatifs de l’Institut Curie à Paris. Extraits :

  • Question : Mon épouse n’a pas voulu aller en soins palliatifs parce qu’elle pensait que ce serait entrer dans le cercueil avant l’heure.
  • Réponse : Les patients font l’expérience qu’en fait [les soins palliatifs] c’est pour mieux vivre ! Nous leur apportons le soulagement d’une prise en charge globale.
  • Question : Mais il peut toujours y avoir un progrès [à l’horizon].
  • Réponse : Ce qui nous anime, c’est de pouvoir éventuellement proposer un nouveau traitement dès lors que cela a du sens pour le malade.
  • Question : Oui, mais ce n’est pas une ambition de médecin, formé pour guérir !
  • Réponse : Mais il n’y pas que cette ambition, face à un patient en situation irréversible. L’ambition c’est d’élaborer avec lui un projet pour qu’il soit soulagé au quotidien et puisse vivre ce qu’il a à vivre. »

On voit que certains peinent encore à admettre que les soins palliatifs sont une vraie activité médicale, dans la ligne des mêmes valeurs que le soin à visée curative, et qu’ils ne sauraient en être séparés. On doit être dans une logique de continuum, complémentarité et possible collaboration, pas d’opposition.

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