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La psychomotricienne Anne Dupuis-de Charrière explore les bienfaits d’une approche corporelle du soin, aussi précieuse pour les enfants que pour les adultes, dans un monde où le lien au corps se fragilise.
Anne Dupuis-de Charrière © Anne Dupuis(REISO) Votre ouvrage, par le biais de cas concrets rencontrés tout au long de votre carrière, montre la multitude de situations que la psychomotricité peut améliorer. Avez-vous le sentiment que les besoins des enfants d’aujourd’hui ont beaucoup changé depuis vos débuts ?
(Anne Dupuis-de Charrière) Les besoins principaux restent identiques : recevoir de l’amour, être respecté·e, éveiller l’admiration même en présence de difficultés qui se traduisent par de l’agitation, des maladresses, des conflits, ou des troubles scolaires et relationnels. Ce qui a changé, se sont surtout les attentes des parents, qui deviennent toujours plus exigeants à l’égard de leurs enfants. En parallèle, les écrans, les outils numériques, et la surabondance de conseils dispensés de toutes parts les détournent d’un certain bon sens. Plutôt que d’installer un bambin devant un écran pour le calmer, il serait préférable de l’emmener jouer dans la nature avec ses copains. L’absence de mouvement et d’activités corporelles nuit à la croissance globale et peut engendrer des retards intellectuels, affectifs ou psychomoteurs.
La psychomotricité est souvent associée à l’enfance ou à l’adolescence comme thérapie pour aider à mieux percevoir son corps dans l’espace, à avoir une bonne coordination, entre autres. Les adultes peuvent-ils·elles aussi profiter de ses bienfaits ?
Oui, absolument. Les adultes ont souvent du mal à se relier à leur corps, prisonnier·ères d’une activité mentale omniprésente. Pourtant, prendre soin de son corps contribue activement à l’équilibre psychique. J’accompagne des hommes et des femmes confronté·es à des blocages physiques, des troubles sexuels, des problèmes de santé, entre autres. Au même titre qu’elles ou ils peuvent consulter un·e psychologue ou un·e ostéopathe, ils·elles peuvent avoir besoin d’un·e psychomotricien·ne. D’ailleurs, bon nombre d’adultes se tournent vers cette approche après avoir observé ses effets positifs chez leurs enfants.
Cette capacité à mobiliser son corps comme outil thérapeutique est unique dans les professions de la santé
Il existe de plus en plus de thérapies ou de méthodes pour améliorer son état physique ou psychique. Quelle est la force de la psychomotricité ?
Ce qui fait la singularité de l’approche en psychomotricité, c’est l’implication du corps du ou de la professionnel·le dans la relation thérapeutique. Nous utilisons non seulement nos connaissances scientifiques, mais aussi notre propre sensibilité corporelle, ce que nous ressentons dans l’interaction avec l’autre. Cette capacité à mobiliser son corps comme outil thérapeutique est unique dans les professions de la santé. Il n’existe pas une réponse standardisée à un problème donné, mais une diversité de propositions, construites à partir de la relation avec le·la patient·e, en s’appuyant sur les connaissances du développement et des apprentissages.
(Propos recueillis par Yseult Théraulaz)
Anne Dupuis-de Charrière, « Voyage en psychomotricité », Éditions ies, décembre 2024, 216 pages
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