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Commentaire / Les normes sociales, par le service d’information Haelfte/Moitié

Samedi 04.10.2008

Commentaire sur les normes sociales

Par Paul Ignaz Vogel, Association pour la justice sociale. Service d’information Haelfte/Moitié

Les normes sociales ont besoin de transparence mais également d’une part d’ombre. Ainsi, lorsqu’il s’agit d’éclaircir un délit, le perfectionnisme peut parfois affaiblir la validité des normes légales.

Une personne qui touche l’aide sociale de manière indue commet une fraude. La norme légale du Code pénal suisse (paragraphe 146) est appliquée dans ce type de cas. La fraude est un délit poursuivi d’office ; la Conférence suisse des institutions d’action sociale (CSIAS) en fait mention dans ses mesures visant à garantir la qualité et à empêcher l’abus de l’aide sociale. A côté de l’appareil policier des autorités officielles en matière de poursuite pénale, quelques communes suisses ont recours depuis peu à des détectives sociaux chargés de constater et dénoncer les fraudes.

La manière de gérer sa vie en Suisse, de façon générale, a un effet très normatif sur la société : les gens pourvoient eux-mêmes à leurs besoins grâce à leur revenu. Ce revenu provient soit du salaire d’un travail fixe, soit d’un gain en capital – ou des deux. Une personne sans revenu propre bénéficie d’une couverture du minimum vital grâce au revenu de l’Etat, aux impôts. C’est pourquoi, les couches les plus basses de la société sont souvent suspectées de fraude. Il y a peu de tolérance pour les chiffres obscurs en cas d’abus de l’aide sociale. Tout doit être mis en lumière et éclairci. A cet égard, le comportement social normatif, qui comprend l’acquisition d’un revenu, fait référence.

Société en verre

Dans son article intitulé "Über die Präventivwirkung des Nichtwissens / Dunkelziffer, Norm und Strafe (Sur l’effet préventif de l’ignorance / chiffres obscurs, norme et sanction)", le sociologue Heinrich Popitz (1925-2002) part de la représentation utopique, très désagréable, d’une société dans laquelle les hommes et les femmes découvrent tout les uns des autres. Des canaux hiérarchisés comprenant un système d’espionnage conjugué à une méthode permettant d’obtenir des aveux forcés sont censés satisfaire le besoin d’information des hautes sphères politiques.

Popitz constate cependant : "La tentative de parvenir à la transparence du comportement dans une unité sociale définie finira immanquablement par se heurter à des limites ; subjectives – malaise psychique des personnes concernées, indocilité, contre-réactions - et objectives, les limites du possible sur le plan organisationnel et technique ainsi que les coûts sociaux."Une société en verre, semblable à une prison, une horrible société reste impossible, il s’agit d’une utopie négative. Pourquoi est-ce ainsi ?

Chiffres obscurs

La sanction des délits, tout comme l’ignorance des délits, participent à la cohésion de la société. Popitz commente ces tendances opposées à l’aide des chiffres obscurs – très désagréables lorsque l’on veut être perfectionniste. Selon Popitz, la vie sociale a besoin de flou, "qui sert finalement aussi à la bonne opinion que nous nous formons les uns au sujet des autres tout comme au sujet de notre système de normes." En effet, les normes ont besoin d’un peu d’ombre. Popitz constate que les sanctions n’ont que peu d’impact sur la validité de la norme. Le nier peut occulter le débat relatif à un changement de norme. La discussion sur les abus en matière d’aide sociale pourrait ainsi donner lieu à un discours sur une utopie positive, sur un revenu de base inconditionnel pour tous, par exemple. Car la liberté sociale est également conditionnée par le revenu.