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Partager pour développer l’accueil de l’enfance

Jeudi 22.12.2022

Pour favoriser les échanges en matière d’accueil des 0-12 ans et renforcer les démarches locales en faveur de son développement, des rencontres en lignes réunissent professionnel·le·s et collectivités publiques de Suisse romande.

accueil enfance depositphotos 400© DepositphotosPar Régis Niederoest, chargé de prestations locales, Pro Enfance, Lausanne

Le 9 novembre 2022, ce sont 25 personnes issues de plusieurs cantons romands qui se sont intéressées à la thématique de l’encouragement précoce du langage, actuellement débattue sur le plan politique en Suisse. Une motion parlementaire (Motion Eymann 18.3834), déposée en 2018, demandait de mener une étude scientifique pour mieux comprendre comment favoriser l’intégration des enfants allophones et assurer une meilleure égalité des chances en matière d’éducation. Les conclusions de ce travail [1], présenté par sa co-autrice Marianne Zogmal, ont permis d’ouvrir l’échange.

L’étude effectue une revue de la recherche internationale, intègre des analyses statistiques sur la situation en Suisse et recense des pratiques cantonales en matière d’encouragement précoce du langage. Elle révèle que les pratiques diffèrent passablement d’un canton à l’autre : tandis que des cantons et communes ont mis en place un ensemble de programmes d’encouragement du langage, d’autres discutent des approches à adopter et des projets-pilotes à initier.

La recherche a mis en évidence quatre facteurs de réussite des mesures d’encouragement du langage :

L’accessibilité des offres aux enfants qui en ont besoin est une condition primordiale ;

La mixité socioculturelle : pour que l’encouragement linguistique soit vraiment efficace, la majorité des enfants présents devraient parler la langue du pays d’accueil (le français) ; des offres accessibles à tous les enfants valorisent la diversité linguistique (langues familiales et d’accueil) et favorisent l’acquisition de plusieurs langues en même temps ;

La pratique du langage intégrée au quotidien : l’encouragement du langage intégré au quotidien, autour des actions, gestes et relations du quotidien qui font sens, est le gage d’interactions plus longues ; il donne de meilleurs résultats que les programmes ponctuels sous forme de leçons avec un contenu prédéfini où il s’agit de répéter les syllabes d’un mot apparaissant sur une carte ;

L’accès régulier à une structure d’accueil extrafamiliale avec mixité socioculturelle, avant l’entrée à l’école, enregistre le plus d’impact positif en matière d’encouragement au langage.

Partant de ces différents constats, l’étude considère que l’encouragement précoce du langage fait partie intégrante de l’éducation de la petite enfance. Ce changement de paradigme nécessite d’instaurer le droit à l’éducation dès le plus jeune âge et d’assurer à tous les enfants, à proximité de leur domicile, un accès gratuit ou peu coûteux à une offre d’éducation de la petite enfance. Pour atteindre les objectifs visés, il est primordial que ces offres répondent à des critères de qualité élevés. L’encouragement précoce du langage ne peut donner de bons résultats que si les professionnel·le·s sont correctement qualifiés et formés.

Cas d’études de Vernier et Zürich

Le rapport recense des exemples de démarches réalisées en Suisse à travers douze études de cas. Les démarches de Zürich et Vernier illustrent la diversité des pratiques mises en œuvre, avec chacune des atouts et des limites.

Le programme de préparation à l’école enfantine de la Ville de Zurich (« Gut vorbereitet in den Kindergarten ») se base sur une évaluation des compétences linguistiques de tous les enfants de 3 ans résidant à Zurich. Un questionnaire est adressé aux parents pour identifier si leurs enfants disposent de connaissances linguistiques jugées comme suffisantes ou non. Si les résultats sont considérés comme insuffisants, les parents reçoivent une recommandation pour un placement de trois demi-journées dans une structure d’accueil. Il s’agit d’une démarche incitative. Dans les structures, des activités d’encouragement précoce du langage sont proposées aux petit·e·s concerné·e·s, de façon individualisée et en groupe. Le personnel éducatif participe à un coaching individuel et à des séances de formation continue.

Un deuxième exemple porte sur « Parle avec moi PAM ». Ce programme ne s’adresse pas à un public spécifique de jeunes allophones, mais propose des activités éducatives pour tous les enfants accueillis dans les structures de la Ville de Vernier. Il combine des démarches intégrées dans le quotidien et des ateliers de langage pour des groupes de un à quatre petit·e·s. De façon complémentaire, un travail auprès des parents vise à valoriser le plurilinguisme et l‘accès à la littérature enfantine. L’ensemble du personnel éducatif suit des formations concernant l‘encouragement précoce du langage. Au niveau institutionnel, le programme PAM est soutenu par un groupe de pilotage et des « référentes PAM », lesquelles disposent d’une formation spécifique et de temps supplémentaire pour accompagner les équipes éducatives.

A la suite de la présentation de l’étude, les participant·e·s ont échangé sur le travail des équipes éducatives (les nombreux exemples d’activité ainsi que la posture professionnelle pour faciliter l’expression des enfants), sur l’accessibilité et la mixité sociale dans les structures d’accueil de l’enfance ou encore sur les formations de base ou continue. Elles et ils ont également évoqué des aspects de gouvernance (politiques cantonales et communales, fragmentation des financements pour créer de offres d’encouragement du/au langage ou les rendre accessibles). Il ressort de la discussion un besoin de recenser les initiatives et pratiques existantes, mais aussi de renforcer la formation en la matière.

Deuxième échange : zoom sur les partenariats

La deuxième rencontre en ligne, organisée le 16 novembre 2022, s’est intéressée à la thématique des partenariats publics-privés pour développer l’accueil de l’enfance. Devant 25 participant·e·s romand·e·s, Jean-Claude Seiler, chef de service de l’accueil de l’enfance (préscolaire et parascolaire) à la Ville de Lausanne pendant plus de vingt ans, a partagé son expérience. Il a présenté trois types de partenariats publics-privés mis en œuvre par la Ville pour créer de nouvelles structures et places d’accueil pour la petite enfance : les partenariats entre la commune et les associations ou fondations responsables de structures d’accueil, les partenariats avec les entreprises privées et les partenariats avec les sociétés immobilières.

Le réseau d’accueil lausannois pour nouer les partenariats

La Ville de Lausanne a créé en 2008 le Réseau-L [2] qui réunit les structures d’accueil de l’enfance municipales et celles subventionnées par la commune. C’est dans ce cadre que sont noués des partenariats avec des partenaires privés pour créer des nouveaux lieux et places d’accueil. Pour la petite enfance, le Réseau–L comprend des centres de vie enfantine municipaux, des centres de vie enfantine de droit privé subventionnés (associations/fondations), l’accueil familial de jour, les haltes-jeux et les espaces-bébés. Il propose plus de 3’500 places pour les 0-6 ans dans cinquante structures municipales ou privées subventionnées. Ce réseau est donc l’outil de base essentiel du développement du domaine à Lausanne. La Ville dispose d’ailleurs d’un avantage important, car elle gère elle-même un large réseau sur son propre territoire. En effet, les réseaux intercommunaux peuvent être plus difficiles à développer, compte tenu de la diversité des politiques communales à concilier.

Au cœur du Réseau-L se trouve une charte fondamentale. Celle-ci précise les principes, règles de fonctionnement et standards du réseau, les relations entre les partenaires et les obligations réciproques. Au-delà de la charte, les conventions de subventionnement viennent ensuite préciser les relations spécifiques entre la Ville de Lausanne et chaque partenaire. Ainsi, les structures d’accueil privées, membres du réseau, peuvent prétendre à des subventions publiques si elles respectent les conditions suivantes : s’organiser juridiquement en association ou fondation sans but lucratif et être reconnue par les instances cantonales ; respecter le processus d’attribution des places du Réseau-L et la centralisation des demandes en places d’accueil ; respecter la politique salariale et la politique tarifaire du Réseau-L ; présenter comptes et budgets à la gouvernance du Réseau-L ; accepter un plan comptable et des normes financières identiques pour toutes les structures du Réseau–L ; atteindre une valeur-cible de 90% de taux de remplissage.

Travailler avec les entreprises privées

Les entreprises ont avantage à développer la conciliation entre vie professionnelle et familiale en faveur de leur personnel. Pour ce faire, elles peuvent établir à Lausanne un partenariat avec la commune pour cofinancer la création de places d’accueil. C’est ce qu’a fait le Comité international olympique, qui souhaitait offrir à son personnel des places d’accueil aux enfants, sans vouloir toutefois construire ou gérer une garderie privée. Le CIO s’est donc tourné vers le Service de la petite enfance, qui lui a proposé un projet avec la commune et une structure d’accueil. Une convention tripartite a alors été signée. Dès lors, l’entreprise se contente de cofinancer un projet : elle paie ce qu’elle consomme et couvre, de manière mutualisée avec la Ville, les éventuels déficits de fonctionnement.

S’approcher des sociétés immobilières

L’accès à des locaux adéquats représente un des problèmes épineux pour le développement de l’accueil de l’enfance dans une commune. En la matière, il s’agit pour la collectivité publique de chercher activement des opportunités dans le parc immobilier existant, mais aussi dans les nouveaux projets de construction/rénovation où il faut intervenir le plus en amont possible.

Une des solutions est de réaliser des partenariats avec les sociétés immobilières qui cherchent des locataires sûrs pour leurs surfaces d’activité en rez-de-chaussée. Les structures d’accueil représentent en effet des locataires intéressants pour les promoteurs, car elles augurent d’un revenu stable et à long terme. De plus, leur présence en pied d’immeuble augmente l’attractivité de logements familiaux. Ces éléments permettent à la commune de négocier un loyer intéressant pour la collectivité publique, entre 250 et 300m2/annuel dans les grandes villes. De plus, la commune peut demander des locaux clés-en-main, sur la base de standards architecturaux du domaine. Ainsi, pour se créer des opportunités, les services publics de l’accueil de l’enfance doivent entretenir des liens réguliers avec les sociétés immobilières et coopératives, les architectes et les autres services communaux en charge de l’architecture et de l’urbanisme.

Pro Enfance et les Rencontres en ligne

Créée en 2014, Pro Enfance réunit une large diversité d’acteurs et actrices romandes de l’accueil de l’enfance : organisations faîtières, collectivités publiques, institutions de formation et structures d’accueil. A son origine, l’association met en lumière les défis de l’accueil de l’enfance en élaborant des états des lieux du domaine de manière participative ; elle rend visible les métiers et contribue à l’identité commune du secteur ; elle porte la voix de la Suisse romande sur le plan national.

Forte de l’expertise acquise par son réseau, Pro Enfance s’engage désormais, et de façon complémentaire, à offrir des appuis aux acteurs et actrices locales, sous forme de conseil, d’accompagnement de projets, de mise en lien d’acteurs et d’échanges d’expériences. Dans cette perspective, les Rencontres en ligne de Pro Enfance proposent des échanges d’expériences pratiques et des éclairages concrets pour développer l’accueil pré-scolaire et parascolaire à l’échelle locale. Elles sont destinées principalement aux communes, villes et organismes régionaux, et sont également ouvertes aux structures d'accueil intéressées.

Voir le site de Pro Enfance

[1] Vogt, F., Stern, S., & Filliettaz, L. (Eds.) (2022) Encouragement précoce du langage : résultats de la recherche internationale et état des lieux de la situation en Suisse. Étude réalisée sur mandat du Secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l’innovation. St.Gallen, Zürich, Genève: Pädagogische Hochschule St.Gallen, Infras, Université de Genève.

[2] https://www.lausanne.ch/vie-pratique/enfance-jeunesse-famille/accueil-de-jour-et-enfance/reseau-l.html

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