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Recension de Jean Martin / « Réparer les vivants », roman de Maylis de Kerangal

Mardi 19.08.2014

Réparer les vivants

De Maylis de Kerangal, Editions verticales/Gallimard, 2014, 281 p.

Recension par Jean Martin, médecin de santé publique et bio-éthicien

Don d’organes, consentement et déchirements des proches

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Le dernier roman de Maylis de Kerangal (1967) est l’histoire de Simon Limbres, surfeur passionné de 19 ans de la région du Havre (qui est celle de l’auteure). Il arrive en coma dépassé à l’hôpital de cette ville suite à un accident de la circulation. Kerangal fait vivre ce drame de manière très vraisemblable et prenante : le vécu de l’entourage et celui des médecins et autres soignants qui l’accueillent et cherchent sans succès à le sauver.

Du côté des soignants, on trouve surtout le patron du service de réanimation, une infirmière, et particulièrement l’infirmier coordinateur des prélèvements d’organes et de tissus (un des 300 de France), dont la formation et la fonction incluent « relations aux proches, psychologie, droit, dimension collective de la démarche (…) et, autre chose de plus complexe, ce tâtonnement singulier au seuil du vivant, le questionnement sur le corps humain et ses usages, l’approche de la mort et ses représentations ». Les deux parents sont remarquablement dépeints dans le drame qu’ils vivent et durant les quelques heures du parcours qui les fait accepter de faire de leur fils un donneur d’organes. De l’accident à la transplantation cardiaque dans une autre partie de la France, le roman se déroule en l’espace de vingt-quatre heures.

Réparer les vivants est très bien écrit, jamais long. Surtout, Kerangal a à l’évidence effectué un travail majeur de recherche sur le monde des urgences, de la réanimation et de la médecine de transplantation (y compris les procédures et gestes de prélèvement puis transplantation des organes - ce qui est décrit, souvent en détail, est solide). Les préoccupations des professionnels de santé sont bien exposées, leur souci du patient donneur potentiel comme de son entourage, avec la volonté de respecter pleinement leurs droits et intérêts - tout en ayant à l’esprit le problème du manque d’organes et l’intérêt général, ou pour le moins celui de centaines/milliers de personnes en attente d’organe.

C’est un de ces livres qui, tout en étant une fiction, illustrent remarquablement les diverses dimensions de questions médicales et de santé publique actuelles. Ceux qui s’intéressent à ces enjeux pratiques, psychologiques, éthiques et sociétaux seraient bien avisés de mettre ce livre à leur programme de lecture.

Dr Jean Martin,  médecin