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Le projet jurassien win3 renvoie les seniors à l’école

Vendredi 25.11.2022

Dans l’Arc jurassien, Pro Senectute a développé un projet voué à faire se rencontrer, sur une base volontaire, les générations dans les classes. La responsable de win3, Nicole Debrot, en évoque les défis et les perspectives.

nicole debrot win3 170Nicole Debrot © N.D.

(REISO) Les projets intergénérationnels sont de plus en plus fréquents. Comment est née cette idée de proposer une présence de seniors dans les classes ?

(Nicole Debrot, Pro Senectute Arc Jurassien) Pro Senectute a pour mission générale de défendre les droits des aîné·e·s, de les soutenir et de mettre en œuvre le plus de projets possibles pour maintenir leur bien-être. L’aspect intergénérationnel entre dans cette mission : il favorise les liens sociaux des seniors en général, et entre générations en particulier.

Quel est le principe de win3 ?

Le projet win3 permet à trois générations de collaborer. Il intègre des seniors dans des classes d’école de l’Arc jurassien du premier et deuxième cycles, à raison de deux à quatre périodes [1] par semaine, apportant un soutien aux enseignant·e·s. Les élèves bénéficient ainsi d’une deuxième présence adulte dans la classe. Les seniors, de leur côté, se sentent valorisé·e·s et peuvent apporter leur précieuse expérience de vie. Ainsi, petit·e·s et grand·e·s sortent gagnant·e·s de l’expérience.

Quel a été l’accueil des directions d’école et des enseignant·e·s à votre proposition ?

La collaboration se fait sur une base volontaire des deux côtés et c’est essentiel. Les directions d’école et les enseignant·e·s qui participent sont convaincu·e·s de la valeur de ce projet. Du côté du corps enseignant, cela demande une ouverture d’esprit et une envie de partage, et peut-être aussi un léger surplus de préparation, lors de la mise en place en tout cas.

Être en contact avec des personnes et des milieux que l’on ne côtoie pas habituellement permet de vraiment faire bouger les lignes, de se familiariser avec l’inconnu, et bien sûr, in fine, d’augmenter la tolérance.

Une fois que la collaboration est installée, les retours que nous avons sont très positifs, ces profs apprécient les apports des bénévoles ; certain·e·s racontent que cette expérience entraîne les enfants à la tolérance et au respect, d’autres mettent en avant l’aspect pratique d’une personne pour les seconder, d’autres encore profitent de sortir plus souvent avec leur classe.

Concrètement, comment se passe la collaboration ?

L’enjeu est que les « tandems » soient bien assortis. Les goûts et les attentes des enseignant·e·s comme des bénévoles doivent s’ajuster, qu’il s’agisse de sorties en extérieur ou de travail plus scolaire. Les profs, en fonction de la vie de la classe, organisent les activités. Il peut arriver aussi que les bénévoles proposent une animation de leur choix, selon leurs goûts et leurs compétences.

A vos yeux, quels sont les points forts d’introduire des projets intergénérationnels dans le cadre scolaire ? Et les difficultés ?

Actuellement, les personnes en âge de retraite sont souvent en forme, très actives, et ont envie de rester « dans le coup ». Le bénévolat en général, et win3 en particulier, leur offre une occasion de mobiliser leurs compétences, leur savoir et leur énergie. Certain·e·s parlent aussi d’une manière de redonner à d’autres tout ce qu’ils ont reçu dans leur vie. En plus de cette expérience des années vécues, les seniors apportent souvent une forme de sérénité. Plusieurs enseignant·e·s ont par exemple rapporté que les enfants sont plus calmes lorsque le ou la bénévole est présent·e.

Et puis, ce projet a aussi tout son sens pour tisser des ponts entre les représentations : celles qu’on se fait de l’école, de la vieillesse, de l’éducation, la migration. Être en contact avec des personnes et des milieux que l’on ne côtoie pas habituellement permet de vraiment faire bouger les lignes, de se familiariser avec l’inconnu, et bien sûr, in fine, d’augmenter la tolérance.

Quel est le retour des seniors au sujet de cette activité bénévole ?

Ils et elles apprécient énormément ces moments en classe, les trouvent valorisants. Ces personnes ont choisi ce type de bénévolat parce qu’elles aiment les enfants et ont envie de rester en contact avec la jeunesse. C’est une opportunité de découvrir la difficulté et les joies de l’enseignement, ainsi qu’en a témoigné un bénévole : « Je n’aurais jamais cru que c’était si difficile d’enseigner, je suis content de ne pas avoir cette responsabilité, mais j’aime me sentir utile ».

Des difficultés ont-elles été rencontrées par des seniors lors de leur présence à l’école ?

Dans certaines classes, différent·e·s professionnel·le·s interviennent régulièrement : soutien, appui langagier, logopédie ou autres. Dans ces cas, il peut arriver que le bénévole peine à trouver vraiment sa place, ce que les enseignant·e·s remarquent également. Dans ces cas-là, il est préférable de se tourner vers une classe mieux adaptée.

Quels sont les enjeux d’un tel projet ?

Toutes les initiatives qui mettent en contact les générations sont essentielles pour créer et maintenir du lien dans notre monde actuel. L’espérance de vie s’allonge, avec des seniors de plus en plus en forme, qui ont envie de rester dans la vie active, comme évoqué précédemment.

De plus, pour des raisons familiales et/ou de migration, de nombreux enfants ne côtoient plus leurs grands-parents. Il est donc important qu’ils puissent côtoyer cette génération et les récits qui me reviennent vont dans ce sens : les un·e·s aiment « le grand-papa qui vient le mardi », d’autres trouvent que « Colette raconte super bien les histoires, elle est marrante ».

Ce projet est-il destiné à s’étendre ailleurs en Suisse romande ?

Dans l’Arc jurassien, il va continuer à se développer, car nous sommes convaincus de sa pertinence dans notre monde actuel. Pour le reste, chaque entité de Pro Senectute a une grande marge de manœuvre dans le développement de ses projets. Plusieurs régions et/ou cantons ont déjà pris contact avec nous pour en savoir plus et en évaluer la faisabilité. La décision leur appartient.

(Propos recueillis par Céline Rochat)

[1] Une période dure 45 minutes.

Consulter la page internet du projet

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