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Véréna Keller: «Gouverner les pauvres»

Vendredi 31.07.2020

La sociologue Véréna Keller explique dans la page Contrechamp du quotidien Le Courrier pourquoi l’aide sociale est restée en retrait en Suisse pendant la crise du coronavirus. Et pourquoi la compassion ne remplace pas la justice sociale.

c christian bonzon caravane solidarite geneve plat© Christian Bonzon

L’aide sociale reste «une démarche compliquée, longue et éprouvante». Même en période de crise, il faut attendre des semaines et fournir la liste des documents exigés. Et Véréna Keller de souligner le contraste avec l’aide aux PME. Le 4 avril déjà, 76’000 demandes de crédits transitoires avaient été traitées, soit un cautionnement toutes les quatre secondes !

Si l’aide sociale est restée en retrait, la sociologue rappelle l’aide individuelle mise en place et analyse son impact sur le système politique.

«Ces pratiques révèlent et renforcent une tendance à l’aide d’urgence au détriment du droit. Le sociologue et médecin Didier Fassin [1] constate, en France dès les années 1990, des nouvelles politiques sociales désormais «fondées sur l’humanitaire et la compassion et non plus sur la justice sociale et l’égalité». Elles permettent «d’afficher une préoccupation publique qui relève toutefois de la sollicitude plutôt que de la solidarité». […] Tant mieux pour les personnes concernées? Pas sûr. Ces choix politiques ne sont pas innocents. L’aide d’urgence et la charité sont peu onéreuses et déploient un effet de domination et de distance sociale prononcé.»


L’article du Courrier

[1] Didier Fassin, Des maux indicibles: sociologie des lieux d’écoute, Paris : La Découverte, 2004, 198 pages.